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Le Front Farabundo Marti de Libération Nationale au Salvador: 1980- 2009

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par Kacou Elom Jean-Michel ADOBOE
Université de Lomé Togo - Maà®trise en histoire contemporaine 2010
  

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2.2. La Commission de vérité (CV)

Au Salvador, les négociations surtout celles qui aboutirent aux Accords de paix furent des négociations directes où gouvernement de droite, l'armée et le FMLN y participèrent. Ceci dans le but de rendre celles-ci efficaces et fructueuses. Mais un problème se posait faudrait-il traduire les négociateurs en justice dans la mesure où ceux-ci ont été entre autres des protagonistes de la guerre et que chacun d'eux d'une certaine manière ont commis des exactions et violer les droits de l'homme à des degrés différents ? Si oui, le processus de négociations risquerait d'être bloqué. C'est pour pallier à cette difficulté qu'il a été proposé la création d'une commission chargée de faire la lumière sur la guerre civile salvadorienne. C'est dans ce sillage que finalement les deux parties s'entendirent pour déléguer le Secrétaire général des Nations unies la mission de former une Commission de vérité composée de trois membres étrangers au Salvador87(*). Ce furent Belisario Betancur, ancien président de la Colombie, Reinaldo Figueredo, ancien ministre des affaires étrangères du Venezuela, et le juriste américain Thomas Buergental (Villalobos 1999 : 148). Ces personnalités internationales de hauts rangs furent choisies sans doute parce qu'ils sont un exemple dans la vie politique et sociale de leur pays, parce qu'ils jouissent d'un certain prestige dans la défense des droits de l'homme sur le plan national qu'international et surtout pour qu'ils soient impartiaux dans leurs tâches. Mais cela ne nous empêche pas de jeter un regard critique sur la composition des membres de cette Commission. Même si en évitant le parti pris dans les affaires salvadoriennes, on ne pouvait pas empêcher le fait qu'étant étrangers au Salvador, ils ne connaîtront pas bien les réalités salvadoriennes et certaines de leurs recommandations risquent de ne pas cadrer avec ces réalités. C'est le cas par exemple où une de leurs recommandations interdisait pour dix ans aux dirigeants du FMLN et aux responsables de l'armée toute charge publique et de les écarter à vie de toute fonction dans la sécurité ou la défense. Cette recommandation fut invalidée au motif qu'elle violait la Constitution en privant de leurs droits des individus qui n'avaient pas faits l'objet de poursuites judiciaires (Villalobos 1999 : 148).

Il faut ajouter aussi que si l'un des objectifs des Accords de paix c'était que, ceux qui utilisaient la violence comme moyen de lutte politique, l'abandonnent au profit de méthodes démocratiques c'est-à-dire passent par des élections transparentes et libres pour accéder au pouvoir. Il n'était donc pas question d'exclure du jeu politique les ex-militaires et les ex-guérilleros ; mais cela plutôt impliquait une mutation de la guérilla en parti politique et la soumission de l'armée au pouvoir civil. Quelle a été donc le rôle dévolu à cette dite Commission ?

La Commission de vérité (CV) était une instance d'enquête et de vérification et non de condamnation dont l'objectif était de promouvoir la réconciliation nationale au Salvador. Néanmoins nous pensons que c'est compte tenu du fait que la Commission pensait que ses travaux ne seraient pas relayés par la justice salvadorienne - une justice qui n'a pas su faire ses preuves par le passé de par son inaction à mettre fin à l'impunité- que les membres de la Commission décidèrent de rendre publics les noms des personnes reconnues comme responsables et faire recommander les interdictions de ceux-ci aux charges publiques comme nous l'avions souligné tantôt.

La Commission devait enquêter surtout sur les faits survenus depuis 1980 et agir avec discrétion pendant une période limitée à six mois, mais qui peut être prolongée à trois mois de plus. Parmi ces prérogatives, on peut dire que la Commission avait dans le cadre du recueillement d'informations, la possibilité et le droit de s'entretenir librement et en privé avec les personnes de son choix, de demander des informations et des documents aux parties et de visiter tous lieux sans préavis. C'est dans ce sillage qu'elle interrogea les représentants du gouvernement, les autorités religieuses, les membres d'organisations civiles, associatives et syndicales, des représentants des médias, la direction du FMLN et les responsables locaux etc. Cette collecte de renseignements permet donc d'avoir une idée globale des événements qui se sont produits au cours des douze années de guerre civile. Par ailleurs la Commission pouvait exprimer des recommandations et devait remettre un rapport au Secrétaire général des Nations unies après sa mission afin qu'on le publie88(*).

Par rapport à la mission qui lui incombait, ladite Commission avait besoin de beaucoup de moyens. Les moyens ne manquèrent pas ou du moins ce qui pourrait permettre à la CV de mieux fonctionner. Il lui a fallu du personnel et des moyens financiers. Mis à part les trois commissaires nommés par le Secrétaire général de l'Onu, il a été décidé que le reste du personnel pour cause d'impartialité qu'aucun ressortissant du pays n'y sera recruté pour travailler : « Le personnel se compose donc de juristes, de sociologues, d'anthropologues légistes et de travailleurs sociaux originaires d'autres pays d'Amérique latine, des Etats-Unis et d'Europe. Comparée aux Commissions vérité chiliennes, la Commission a beaucoup de moyens. Elle dispose d'un budget de fonctionnement de 2,5 millions $. Le personnel de la Commission vérité établit plusieurs bureaux dans le pays et met en place une politique de «portes ouvertes. » Elle demande instamment aux témoins et aux victimes de communiquer leurs renseignements. »89(*).

Cependant il faut souligner que les tâches de la CV ne furent pas chose aisées. Il n'était pas facile de recueillir des informations dans un contexte d'après guerre caractérisé par une certaine méfiance et un manque de confiance envers les membres de la Commission. Et de plus cette Commission intervient juste après la cessation des violences et du conflit. Ainsi donc les gens doutent, hésitent à donner des informations et ne savent pas encore si la paix sera précaire ou bien durable.

Néanmoins malgré ces quelques difficultés la CV a essayé de faire son travail et a présenté son rapport final. Rapport final dans lequel une série recommandations furent prises à savoir : une réforme des forces armées et le licenciement des officiers de l'armée et des officiers civils coupables de violence, une réforme judiciaire (réforme de la Cour Suprême de Justice et du Conseil national du Judiciaire, épuration du personnel judiciaire, réforme sur l'administration de la Justice), une réforme du secteur de la sécurité publique, une enquête sur les anciens groupes illégaux ainsi que diverses mesures sur la protection des droits humains (le renforcement du Bureau du Conseil national pour la défense des droits humains, le renforcement de certaines procédures, le respect de certains principes, la ratification de divers instruments internationaux, la reconnaissance de la compétence de la Cour interaméricaine des Droits de l'Homme). Les victimes et leur famille doivent avoir droit à une compensation matérielle et morale. Pour ce qui est de la compensation matérielle, la Commission recommande la création d'un fonds spécial (en prévoyant son organisation et son financement). Quant à la compensation morale, la Commission conseille la reconnaissance des victimes et des crimes commis, la construction d'un monument national portant les noms des victimes, et l'instauration d'un jour férié national en mémoire des victimes du conflit90(*). Par rapport à sa mission, quel bilan pouvions-nous tirer de l'action de la CV ?

Le bilan reste mitigé car les travaux de la CV eurent des aspects positifs tout comme négatifs. A court terme, le bilan est plutôt positif même si quelques faiblesses et lacunes sont à constater, telles que la courte durée de son activité qui l'a obligée à concentrer ses activités sur les cas les plus importants. La Commission de vérité a exécuté une tâche certes difficile mais qui à l'issue a fait sortir un rapport dans lequel, des recommandations furent émises.

Cependant, les recommandations de la Commission n'ont été que partiellement appliquées et souvent avec du retard et ce probablement en raison de la nature même des recommandations basées sur des principes internationaux parfois éloignés de la réalité au Salvador. De plus même si le rapport a mis en évidence le nom des principaux coupables des exactions les plus importantes, cinq jours plus tard, conformément à l'accord signé entre le FMLN et le Président de la république, la Ley de Amnistía General para la Consolidación de la Paz 91(*)(Loi d'amnistie générale pour la consolidation de la paix) est promulguée. Ce qui donc est une loi relevant d'un acte politique et qui permet de ne pas poursuivre judiciairement les auteurs des violences et violations des droits humains au cours de guerre civile. En plus de ces lacunes précitées, d'autres encore sont des aspects de faiblesses selon l'ex-commandante de l'ERP, Joaquin Villalobos. Celui-ci note donc dans l'un de ses articles ces points négatifs : « La Commission fut au-dessous de sa tâche sur quatre points :

- son rapport ne fut pas équilibré. D'un côté elle fit porter la responsabilité sur la seule armée et, de l'autre, sur un seul des cinq groupes de la guérilla, l'ERP. Elle ne mentionna ni la responsabilité concrète des Etats-Unis ni celle du patronat92(*) dans la répression ;

- elle recommanda des mesures allant à l'encontre de la nature de l'accord et de la légalité en demandant d'interdire toute action politique à certains des assignés (dont l'auteur de cet article ou en reclamant la démission du président de la Cour suprême ;

- elle n'encouragea pas l'aveu comme mécanisme de réconciliation. Bien au contraire, elle le punit. Et, en évitant dans bien des cas d'aller au fonds des choses, elle se montra disposée à éluder des responsabilités différentes ;

- elle ne recommanda pas que les parties demandent pardon à la société. » (Villalobos 1999 : 150).

Néanmoins au-delà des ces faiblesses et lacunes, il faut quand même reconnaître que la CV eut des effets positifs. Elle eut un rôle positif car elle rendit publique les enquêtes sur l'assassinat de Mgr Romero en 1980, sur celui des pères jésuites, sur le massacre d'El Mozote et sur d'autres événements de violations des droits humains d'une grande portée historique.

Par ailleurs, il faut noter que ces Accords de paix qui étaient censés contribuer à promouvoir la réconciliation et l'union de tous les salvadoriens, a aussi été source de division notamment entre les ex-guérilleros du FMLN. Nous y reviendrons beaucoup plus en détails dans le chapitre suivant.

En définitive les travaux de la CV qui ont été rendus publics dans un rapport, ont aussi abouti à des conclusions et résultats. Les travaux de la Commission rendent responsables les Forces armées, la police ou les groupes paramilitaires pour 95 % des actes de violations des droits de l'homme commis pendant la guerre civile. Seuls les 5 % restants sont attribués au FMLN, essentiellement dans le cas d'enlèvements et exécutions de maires dans les zones de présence de la guérilla (Garibay 2003 :455).

L'apport de la CV au processus de réconciliation nationale au Salvador a été d'une grande importance jusqu'au point où certains pays qui ont traversé ces genres de crises ou situations, ou bien qui sont en train de faire les expériences de réconciliation nationale, pourraient s'en inspirer. On peut citer actuellement le cas du Togo avec la Commission vérité justice et réconciliation qui s'attèle à réconcilier tous les Togolais. Il est bien vrai que le Togo n'a pas connu une guerre civile similaire au Salvador, mais ladite Commission peut s'inspirer à quelques près des travaux de la CV salvadorienne, mis à part celle de l'Afrique du Sud afin d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés.

En somme, le processus de négociation qui a conduit aux Accords de paix a été ardu. Malgré les nombreux échecs, la solution d'un conflit négocié fut trouvée : c'est la signature des Accords de paix de Chapultepec au Mexique 1992, lui-même résultant d'un long processus de discussions entre forces gouvernementales et dirigeants du FMLN. Ces Accords de paix portaient sur le cessez le feu, la réduction de l'armée salvadorienne, la démobilisation des guérilleros et leur réinsertion, l'évacuation des zones de contrôle etc.

Par ailleurs pour mieux assurer le suivi des clauses des Accords, la mission de paix des Nations Unies et la Commission de vérité mise en place se chargeaient respectivement du suivi du processus de paix et de faire la lumière sur les actes posés par les forces impliquées dans la guerre civile.

Les Accords de paix vont entraîner des changements en ce qui concerne la guérilla du FMLN. En effet le FMLN se transforme en parti politique et s'insère de nouveau dans le paysage politique sous une autre bannière : celui d'un nouveau parti politique de gauche issu de l'ex-guérilla du même nom, en quête du pouvoir.

* 87 Les membres de la Commission Vérité ont été nommés en décembre 1991 par le Secrétaire général des Nations Unies, Javier Pérez de Cuellar, après consultation des parties. Pour éviter tout risque de partialité, aucun salvadorien n'a été engagé. Information tirée du rapport de la Commission de vérité « De la folie à l'espoir : la guerre de 12 ans au Salvador », disponible sur www.irenees.net, consulté le 30 août 2010 à 12h 58 min.

* 88 La Commission a rendu son rapport « De la folie à l'espoir, douze ans de guerre au Salvador » dans lequel figurent les noms des principaux coupables des massacres les plus importants le 15 mars 1993. Information tirée « De la folie à l'espoir : la guerre de 12 ans au Salvador », disponible sur www.irenees.net, consulté le 30 août 2010 à 12h 58 min.

* 89 Information tirée de « Salvador : Commission de vérité des Nations unies pour le Salvador » in www.thruthcommission.org, consulté le 12 août 2010 à 20h 27 min.

* 90 Information tirée « De la folie à l'espoir : la guerre de 12 ans au Salvador », disponible sur www.irenees.net, consulté le 30 août 2010 à 12h 58 min.

* 91 Texte disponible à l'adresse suivante : www. asamblea.gob.sv/leyes/19830210.htm.

* 92 L'armée salvadorienne fut un instrument de la politique des Etats-Unis et des détenteurs salvadoriens du pouvoir économique. Le bataillon d'Atlacatl fut entraîné par les Etats-Unis et c'est lui qui commit la majorité des meurtres y compris, celui des pères jésuites. Il ne s'agit pas seulement là d'actes de fanatisme individuel, mais des effets de l'instruction et la doctrine militaires qu'ils avaient reçues (Villalobos 1999 : 151).

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984