WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le Front Farabundo Marti de Libération Nationale au Salvador: 1980- 2009

( Télécharger le fichier original )
par Kacou Elom Jean-Michel ADOBOE
Université de Lomé Togo - Maà®trise en histoire contemporaine 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2.2. Un ultime basculement du pouvoir au profit du FMLN

Les efforts et la progression électorale du FMLN au Salvador depuis sa transformation en parti politique, lui ont permis de pouvoir rivaliser le parti au pouvoir. Certains spécialistes et observateurs qui ont suivi de près la vie politique et électorale dans ce petit pays de l'Amérique centrale, prévoient pour les futures échéances électorales de 2009 un changement de pouvoir qui risque de faire basculer le Salvador à gauche. Cet ultime revirement de tendance est à analyser eu égard le contexte politique et socio-économique qui prévaut au Salvador du moins depuis la fin de la guerre civile.

En effet les Salvadoriens ne sont pas satisfaits de la situation qui prévaut dans leur pays et de surcroît de la gestion du pouvoir faite par l'ARENA. Ainsi plusieurs motifs évoqués par l'opinion publique salvadorienne risquent d'être de nature à provoquer un ultime basculement du pouvoir. Ces motifs sont nombreux mais on peut relever quelques uns.

Au premier plan des raisons pouvant pousser des Salvadoriens à ne plus attribuer leur confiance à un représentant de l'ARENA, se range sans doute dans la détérioration du niveau de vie qui s'ajoute au constat récurrent des retards qui n'a pas enregistré d'améliorations à la hauteur de la croissance économique (Huste 2008 : 2). Si el Frente gagne la présidence en mars 2009, il est héritera d'un pays désespéré (Wheeler 2009). Durant les 20 ans où l'ARENA a gouverné, le Salvador a pâti de réformes économiques néolibérales qui ont conduit à la privatisation de services sociaux et détruit des emplois, essentiellement dans le secteur de l'agriculture. Paul D. Almeida, un professeur de l'université de Georgetown, a écrit dans son livre publié en 2006, Les vagues de la protestation : la lutte populaire au Salvador, 1925-2005, que la génération des opposants d'après-guerre s'est battue non pas pour des terres ou pour renverser le gouvernement, mais pour s'opposer à la privatisation des besoins humains vitaux tels que la médecine, l'éducation et l'accès à l'eau. En retour des centaines de millions de dollars que les Etats-Unis ont envoyés au gouvernement pendant la guerre, Washington a insisté pour semer les graines de la libéralisation de l'économie d'après guerre (Wheeler 2009). Pour Julia Evelyn Martinez, une économiste progressiste de l'Université d'Amérique centrale, la privatisation des services sociaux, l'adoption par le Salvador du dollar en 2001 et les accords de libre-échange - comme l'Accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l'Amérique centrale (CAFTA) - ont placé le pays à la merci de multinationales étrangères et l'ont rendu trop dépendant des importations (Wheeler 2009).

Malgré plusieurs tentatives de réformes sur le plan agraire, les inégalités restent toujours criantes entre les grands propriétaires terriens, dont les latifundia travaillent surtout pour l'exportation, et les familles d'ouvriers agricoles ou de petits propriétaires, qui pratiquent une agriculture de subsistance. Ceci entraîne de nombreuses inégalités et bon nombre de Salvadoriens sont livrés à eux-mêmes face à un gouvernement qui est incapable de trouver des solutions idoines. Conséquence, nombreux sont ceux-là qui préfèrent émigrer sous d'autres cieux à la recherche du mieux-être. Ainsi comme nous l'avons souligné dans les tous premiers chapitres, des situations (injustices sociales, guerre civile, régime de répression) ont amené les populations salvadoriennes à émigrer. A ces situations, s'ajoutera la baisse accrue du niveau de vie même durant la période post-guerre civile, amenant de nombreux exodes massifs vers les Etats-Unis où ces immigrants bénéficient d'un statut particulier leur permettant de travailler et d'envoyer de l'argent à leurs familles respectives restées au pays111(*).

Ces envois de devises des Salvadoriens vivant aux Etats-Unis (les remesas) contribuent d'une certaine manière à maintenir l'économie hors de l'eau. Ces remesas ou transferts familiaux vers le Salvador sont devenus une des principales ressources financières du pays. Ils représentent 2,1 milliards de dollars en 2003, soit un chiffre équivalent à 14 % du PIB, 67 % des exportations ou 80 % des investissements directs étrangers (Garibay 2004b : 11). Ainsi donc l'on comprend alors le poids des remesas dans l'économie du pays et ce que cela représentent pour les couches défavorisées, au point qu'ils furent utilisés comme élément d'intimidation même dans les campagnes électorales. Par exemple à travers les élections présidentielles de 2004, on pourrait observer comment le candidat de l'ARENA, Tony Saca a axé sa campagne sur les dangers représentés par une victoire du FMLN, en particulier sur la question spécifique des transferts familiaux depuis les Etats-Unis. Des spots télévisés, amplement diffusés, mettent en scène une conversation téléphonique entre un couple et leur fils, installé aux Etats-Unis, dans lequel ce dernier annonce qu'en cas de victoire du FMLN, il sera expulsé et ne pourra plus envoyer l'argent qu'il épargne pour sa famille (Garibay 2004b : 11). Le gouvernement de George Bush ira aussi dans le même sens en avertissant le peuple salvadorien qu'il supprimera l'envoi des remesas au cas où le peuple fera le choix d'être dirigé par le FMLN lors de la campagne électorale de 2004 (Lemoine 2009). La dégradation du niveau de vie, la cherté de la vie, la flambée des prix des produits de premières nécessités, un fort taux de chômage sont autant d'éléments parmi tant d'autres qui ont mécontenté les Salvadoriens et les ont amené à s'en prendre au gouvernement ARENA, qui leur a fait de nombreuses promesses112(*).

Cette situation n'est pas sans incidence sur la couche juvénile qui en pâtit sérieusement. En effet, les jeunes au Salvador sont désoeuvrés, subissent les effets d'une guerre civile passée et des politiques libérales mises en place par le gouvernement ARENA. Cela accentue dans un premier temps le taux de chômage faute de trouver un emploi décent bien rémunérer113(*) et dans un deuxième temps le développement de fléaux sociaux tels que la délinquance juvénile, la prostitution, le vol à main armé, les homicides et le développement de gangs etc. Ce dernier aspect fut un des éléments principaux qui ont milité chez le peuple salvadorien au profit du basculement du pouvoir car touchant à la sécurité publique.

En effet l'Amérique latine se présente de nos jours comme l'une des régions les plus violentes au monde114(*). Cette violence s'explique d'une certaine manière par les situations délicates qu'ont traversé ces pays sur le plan politique (régime de terreur et de répression, climat de violence, guerre civile etc.) et par les diverses formes d'inégalités sociales, qui d'ailleurs subsistent encore. Nous pouvons aussi ajouter que l'environnement dans lequel baignent ces jeunes, familiarise vite ceux-ci à la violence. Par exemple, dès leur naissance, les enfants sont confrontés à toutes les formes de violence qui sont devenues leur lot quotidien : violence familiale, violence faite aux femmes, harcèlement et sévices sexuels, violence dans les médias, violence exercée par les Etats qui tendent à régler les conflits par la guerre et la répression, etc. Parallèlement à ces phénomènes, on observe dans presque tous les pays - fruit de l'application du capitalisme sauvage - un développement de la petite délinquance et des formes de délits quotidiens. Cette banalisation de la violence favoriserait chez les enfants et les jeunes un apprentissage de la violence comme façon « de trouver leur place dans la société et d'être reconnus ». Faute d'y parvenir par d'autres voies, ils cherchent à se faire reconnaître par la peur (Tamayo 2005).

Ainsi donc depuis un certain temps, ces pays font face à un climat d'insécurité publique caractérisé par une certaine violence urbaine et masculine. Dans la plupart de ces pays, des crimes sont commis dans les rues par des hommes jeunes, qui s'organisent en de véritables bandes armées appelées les « Maras »115(*).

Au Salvador et dans presque dans tous les pays latino-américains, on donne la responsabilité de la criminalité sans cesse galopante aux Maras. Ce sont de bandes de jeunes, des gangs en « rupture avec la société » issus des classes pauvres et se livrant à des activités illicites et criminelles désormais liées selon les autorités au crime organisé. Le manque de marchés soutenables à l'intérieur du Salvador laisse nombre de jeunes avec deux options : s'arranger pour trouver 9 000 dollars - tarif en vigueur d'un « coyote » pour faire passer quelqu'un aux Etats-Unis - ou rejoindre un gang (Wheeler 2009).

Face au développement des Maras qui font accroître la violence, les crimes et l'insécurité dans le pays ; les responsables politiques se sont investis pour trouver des solutions aux développements de ces fléaux sociaux. Sur ce point l'ARENA a beaucoup axé sa campagne et sa politique sur le règlement de ces problèmes sociaux116(*). Mais la manière dont le gouvernement ARENA a entrepris la lutte contre les gangs au Salvador, s'avère tout comme le note J.P. Huste dans son article insuffisant voire décevant pour les salvadoriens. Elément de plus qui fait baisser la côte de popularité du parti au pouvoir.

Par ailleurs, mis à part ces quelques raisons susmentionnées, d'autres raisons auraient eu aussi naturellement des effets sur un éventuel basculement de tendance notamment la présentation de Mauricio Funes, comme candidat du FMLN à la présidence du Salvador en mars 2009.

Nous reviendrons plus tard sur les effets de cette candidature. Ainsi donc pour de nombreux observateurs, ce furent principalement, ces raisons (climat d'insécurité publique, pauvreté, conflits sociaux etc.) qui auront milité en faveur de ce basculement ou à pousser de nombreux salvadoriens à ne pas faire confiance à un représentant de l'ARENA. Ces raisons, en plus de la figure ou de la personnalité du candidat du FMLN aux présidentielles de 2009, vont militer au profit du basculement de tendance.

Conséquence, aux élections présidentielles de mars 2009, des milliers de salvadoriens vont accorder leur confiance à Mauricio Funes, candidat du FMLN amenant donc l'ex-guérilla à la tête de l'Etat salvadorien.

* 111 Le Salvador, comme d'autres pays d'Amérique centrale, a bénéficié de conditions dérogatoires pour les conditions de séjours de ses nationaux aux Etats-Unis pendant toute la période de la guerre civile. Révisées à l'occasion de la fin du conflit, ces dispositions ont été prolongées jusqu'à la fin de 1994, sous l'appellation de « Temporary Protected Status (TPS) », mesure transitoire de 18 mois destinée généralement aux ressortissants des pays en guerre ou souffrant de situations exceptionnelles. Près 180 000 Salvadoriens ont alors obtenu des permis de séjours temporaires. Depuis mars 2001, une nouvelle période de TPS a été ouverte, officiellement pour aider les efforts de reconstruction du pays à l'issue du tremblement de terre de janvier 2001. La mesure a été reconduite en septembre 2003 et demeure valable jusqu'en mars 2005. 300 000 Salvadoriens en bénéficient actuellement. Le nombre d'immigrants salvadoriens entrant légalement aux Etats-Unis est 30 000 par an, soit en 2002 le 6ème contingent national, et le deuxième latino-américain après le Mexique (chiffres du service du recensement des Etats-Unis consultables, sur www.census.gov). Le nombre de salvadoriens vivant aux Etats-Unis est estimé à environ 2 millions, en y incluant les illégaux (Garibay 2004b : 11).

* 112 Environ 100 000 Salvadoriens - à peu près un sur soixante - sont passés sous le seuil de pauvreté entre septembre 2007 et juin 2008, selon le Programme alimentaire mondial (Wheeler 2009).

* 113 Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a rapporté récemment que 62,4 % de la jeunesse salvadorienne est sous-employée, manquant de travail suffisant pour mener une vie digne. (Wheeler 2009)

* 114 Avec un taux de 30 homicides pour 100 000 habitants, l'Amérique latine est une des régions les plus violentes du monde : elle devance largement l'Afrique et le Moyen-Orient, qui affichent des taux inférieurs à 10, selon des études de la Banque interaméricaine de développement (BID) et de la Banque mondiale. Avec la Colombie, le Salvador et le Honduras se partagent les premières places au titre du degré de violence observé dans la région (Tamayo 2005).

* 115 Le terme mara (bande de jeunes) vient de marabunda, nom d'une fourmi vorace originaire d'Afrique, bien connue pour agir en communautés de plusieurs milliers, qui détruisent sur leur passage toute vie animale et végétale. Pour en savoir plus sur les Maras, on peut consulter l'article de Eduardo Tamayo sur les Maras : « les « Maras » : une nouvelle menace internationale ? » sur le site de risal (risal.collectifs.net).

* 116 Le président Flores (1999-2004) avait opté pour la méthode répressive (Plan Mano Dura en 2003), et M. Saca a confirmé le choix avec le plan Super Mano Dura qui a rempli les prisons de Pandilleros (4500 sur 14 600 prisonniers) sans épuiser les ressources de cette criminalité, d'autant plus que les Etats-Unis ont augmenté les expulsions d'immigrés clandestins salvadoriens, dont 20 % avec antécédents pénaux (Huste 2008 : 3).

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire