WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le Front Farabundo Marti de Libération Nationale au Salvador: 1980- 2009

( Télécharger le fichier original )
par Kacou Elom Jean-Michel ADOBOE
Université de Lomé Togo - Maà®trise en histoire contemporaine 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3.2. La révolte de 1932 et l'affirmation du rôle politique des militaires

A partir des années 1920 à 1932, des mouvements populaires qui visaient l'amélioration des conditions de vie des ouvriers agricoles, commençaient à se développer au Salvador. Constitués d'abord en unions d'artisans ou de paysans, les syndicats locaux se regroupent en 1924 au sein de la Federación Regional de Trabajadores de El Salvador (Garibay 2003 : 231). Arturo Araujo, dirigeant du Partido Laborista20(*), est élu président du Salvador à l'issue de cette élection l'emportant sur le candidat de la dynastie des Melendez-Quiñonez. Ce fort riche ingénieur qui avait fait ses études en Grande Bretagne, où il s'est également marié, avait une vive admiration pour le Parti travailliste britannique, admiration et influence qu'il transposa à travers son nouveau parti crée au Salvador.

Cependant celui-ci n'a pas pu combler les attentes du peuple en matière de reformes surtout celle agraire mais aussi il devait faire face à l'hostilité de l'oligarchie terrienne à cause de la dépression économique occasionné par la crise de 1929. C'est le même avis que partage David Garibay dans sa thèse : « un programme de gouvernement aux accents volontaristes ne débouche sur aucune reforme véritable, en partie à cause des effets de la crise économique mondiale (...) L'oligarchie caféière s'inquiète à son tour, d'autant qu'elle est touchée par la baisse des prix mondiaux du café. » (Garibay 2003 : 232).

La dépression frappe le pays de plein fouet (Rouquié 1991 : 62). Les conséquences ne se firent pas attendre : réactions par des manifestations et grèves ouvrières et paysannes malgré la répression dont elles font l'objet ; le chômage et le gel des salaires des fonctionnaires et en particulier des militaires.

C'est une erreur grave que va commettre Arturo Araujo en gelant le salaire des militaires car cela va lui fait perdre son poste de président. Ainsi donc ce gel des salaires des militaires va servir tout comme le remarque Garibay (2003 : 232) de « prétexte à un coup d'Etat militaire le 2 décembre 1931, au cours duquel les jeunes officiers putschistes confient le pouvoir au vice-président le général Maxiliano Hernandez Martinez. ».

Afin d'obtenir la reconnaissance internationale que les Etats-Unis refusent aux régimes de fait, ils portaient au pouvoir le général Hernandez Martinez, vice-président et successeur légal du président déchu. L'immixtion de l'armée salvadorienne dans la vie politique inaugurait une longue période de dictature militaire que connaîtra le Salvador. Cependant très tôt, le nouvel homme fort du pays se voit lui aussi confronter à des difficultés notamment à d'intenses mobilisations sociales dues aux effets de la crise, aux velléités des partisans d'Arturo Araujo désireux qu'ils reviennent au pouvoir, et à la nécessité d'obtenir des Etats- Unis les super-grands de la région une certaine reconnaissance diplomatique de son pouvoir et de son gouvernement de fait21(*).

Pour régler les différents problèmes qui se posent à lui et pour plaire aux Etats-Unis en faisant un semblant de régime démocratique, le général Martinez annonce des élections locales qui sont en effet convoquées en janvier 1932. Le Parti communiste salvadorien (PCS) récemment crée en 1930, y participe en présentant de nombreux candidats, en particulier des dirigeants indiens dans l'ouest du pays, et obtient des résultats significatifs.

L'annulation de l'élection constitue pour le PCS l'occasion d'appeler à une insurrection générale pour le 22 janvier22(*) (Garibay 2003 : 233). Le général Maximilien Hernandez Martinez instaura une dictature militaire de 1931 à 1944, dirigea le pays avec une main de fer, refusant toute reforme visant l'amélioration des conditions de vie des populations. Ce refus d'accepter toute possibilité de revendications, le conduira à réprimer durement souvent les manifestations surtout dans le sang.

Nous renseignant sur la manière dont s'est déroulée cette insurrection réprimée dans le sang, dont la mémoire collective se souvient sous le nom de Matanza « la boucherie ou la tuerie » ; voilà ce que nous dit Garibay (2003 : 233) :

« Celle-ci se développe néanmoins, principalement dans l'ouest du pays ; les insurgés, les paysans indigènes armés de machetes, révoltés contre leurs conditions de travail et la baisse de leurs salaires, qui ont été divisés par quatre en deux ans, réussissent à s'emparer de quelques villes. La répression massive et sauvage de l'armée, et d'une « garde civique » constituée pour l'occasion par des propriétaires terriens, vient y mettre tragiquement fin, en faisant en quelques semaines entre 10 et 20 000 victimes parmi la population indigène. »

Evidemment objet de polémique le nombre précis de victimes de la répression de l'insurrection, ce nombre est en fait inconnu. Plusieurs versions existent. Les autorités reconnaissent 2 000 exécutions. Chiffres qui nous semblent faible en vertu de la nature de cette répression et de la zone concernée. Le Parti communiste parlant de 30 à 40 000 morts. Ces estimations nous semblent assez élevées étant donné que l'insurrection ne s'est que principalement concentrée dans la zone centre-occidentale consacrée à la culture du café et n'a touchée qu'une partie de la population indigène révoltée. Le nombre probable devrait se situer entre 10 et 20 000 victimes comme le note plusieurs spécialistes à l'instar de Sara Gordon23(*). La population du Salvador était alors de 1,5 millions d'habitants, parmi lesquels entre 25 et 30 % d'indigènes. C'est donc entre 5 et 10 % de la population indigène qui est brutalement éliminée (Garibay 2003 : 233).

La mémoire historique de cet événement, et la peur de sa reproduction, marque le Salvador un demi-siècle plus tard, aussi bien dans la région affectée24(*), que dans le comportement de l'oligarchie terrienne (Garibay 2003 : 233-234). Outre la répression dans le sang de cette insurrection qui fait de nombreuses victimes puis de nombreux déplacés vers des pays voisins, il faut noter également l'arrestation puis l'exécution le 1er février 1932 de celui qui avait appelé à l'insurrection générale : il s'agit d'Augustin Farabundo Martí, secrétaire général du PCS.

Les Etats-Unis quant à eux ne se plaignirent pas de cette situation en Amérique centrale et plus précisément au Salvador en vertu de leurs positions anticommunistes. Vaut mieux un régime dictatorial qui sert les intérêts nord-américains qu'un régime qualifié de communiste qui vient porter un coup dur au développement de l'économie libérale dans la région. C'est cet avis que partage M. Barth quand il affirme que :

« Les Etats-Unis approuvèrent cette politique de répression sauvage, sous prétexte d'arrêter le danger communiste, argument qui se répétera à chaque fois que des soulèvements populaires - ou simplement la mise en place de régimes démocratiques - provoqueront la répression ou des coups d'Etat militaire, soutenus par les Etats-Unis, et ceci jusqu'à nos jours dans toute l'Amérique latine. » (Erdozain et Barth 1982 : 18).

En ce qui concerne l'idéologie du général Martinez, elle était simple, claire et surtout basée sur la répression. A l'Archevêque de San Salvador qui lui demandait, au nom de Dieu d'arrêter les exécutions (Avril 1944), il répondit : « Je suis Dieu au Salvador » (Erdozain et Barth 1982 : 18). Ceci témoigne encore une fois de plus le caractère de l'autoritarisme militaire qui commençait à s'enraciner.

A partir de 1932, les militaires ne quittent plus le pouvoir. La répression, quasi institutionnalisée se poursuit même après le départ du général Hernandez lâché par les Etats-Unis suite à une grève générale, sous les présidences successives du général Castaneda Castro, des colonels Osorio et Lemus qui tous accèdent à la charge suprême à la suite d'élections frauduleuses. Le climat politique du pays était défavorable et pire encore la situation s'aggrave avec un conflit qui éclate entre le Honduras et le Salvador.

* 20 Il fut soutenu par les secteurs ouvriers de la capitale du moins jusqu'à l'élection présidentielle de 1931 (Garibay 2003 : 232).

* 21 Afin d'assurer la stabilité de l'Amérique centrale, les Etats-Unis refusent à partir de 1923 de reconnaître tout gouvernement sans légitimité constitutionnelle (Garibay 2003 : 232).

* 22 Il existe plusieurs versions sur la date de l'insurrection. Par exemple contrairement à celle de Garibay (2003); Lemoine (1988), Erdozain et Barth (1982) puis Rafael Menjivar Larin dans son article « El Salvador, le plus petit maillon » paru dans l'édition espagnole du Monde Diplomatique (septembre 1979) et cité dans l'ouvrage de Erdozain et Barth (1982) s'accordent sur la date du 21 janvier. Notre propre opinion à partir de la confrontation de ces diverses sources, se penche en vertu de nos considérations historiques sur la date du 21 janvier. Mais pour éviter toute polémique sur la date de cette insurrection, il faut noter que ce qui est certain, est que celle-ci a eu lieu en janvier 1932.

* 23 Cf. Gordon (Sara), Crisis política y guerra en El Salvador, Mexico : Siglo XXI, 1989, p. 65 cité par Garibay (2003 : 233).

* 24 Timothy Wickham- Crowley considère que la mémoire de la répression de 1932 est un des facteurs qui permettent d'expliquer pourquoi les habitants, en particulier les ruraux, des zones occidentales du pays (départements d'Ahuachapán et Sonsonate) se sont tenus pratiquement à l'écart du conflit du gouvernement entre le gouvernement et le FMLN de 1979 à 1992 cf. Wickham-Crowley T., Guerrillas and Revolution in latin America, op.cit par Garibay (2003 : 233-234).

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote