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L'usufruit des droits incorporels

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par Wyao POUWAKA
Université de Lomé Togo - Diplôme d'études approfondies 2011
  

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Paragraphe ll - Les problèmes jurisprudentiels de l'usufruit des droits incorporels

L'usufruit des droits incorporels a fait l'objet de multiples décisions surtout en ce qui concerne les diverses variétés des droits de créance et les décisions récentes en ce qui concernent les droits sociaux. Les droits de propriété intellectuelle ne font pas l'objet de décisions soutenues aussi bien en droit français que dans nos systèmes juridiques. La plupart des décisions sont rendues ex aequo et bono (A). En présence des textes, il arrive même que les décisions rendues soient inconstantes (B).

A- Les décisions rendues ex aequo et bono

Le Code civil n'indique pas comment se réalise la constitution d'usufruit sur une créance. Or, le problème qui se pose est de savoir si, le droit de créance, objet particulier de constitution d'usufruit, doit obéir aux règles édictées pour l'usufruit des choses corporelles. La carence de la législation en ce qui concerne les droits incorporels, notamment les droits personnels a poussé les juges à rendre des décisions en équité. Un arrêt relativement récent nous en donne l'illustration. Il s'agit en l'espèce de l'usufruit d'une sous-location. L'arrêt a été rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 25 avril 1974176(*). Les faits de l'espèce sont les suivants. En 1931, les Hospices civils de la ville de Nice consentent au sieur Bensa un bail sur un ensemble immobilier, à charge pour le locataire d'y édifier des constructions devant revenir sans indemnité au bailleur à l'expiration du contrat. Le bail est conclu pour une durée de 50ans. En 1943, Bensa loue ces constructions au sieur Couverchel, lequel consent à son tour diverses sous-locations. Couverchel décède en 1964 laissant sa veuve donataire en usufruit de la totalité de ses biens, la nue-propriété revenant à Gilbert, héritier par sang. C'est donc le calcul des droits de succession qui donne lieu à un litige. Pour l'usufruitière, dès lors que l'usufruit porte aussi bien sur les droits réels que sur les droits personnels, son évaluation ne saurait être différente, autrement dit, c'est l'article 762 alinéa 2177(*) du Code général des impôts qui prévoit une méthode d'évaluation des usufruits temporaires qui doit être appliqué. Aussi bien le tribunal de grande instance de Nice que la chambre commerciale de la Cour de cassation française donnent acte à l'argument de l'usufruitière selon lequel il n'y a pas de différence de nature entre l'usufruit d'un droit réel et l'usufruit d'un droit personnel. Mais les différentes juridictions déboutent cette dernière en tenant compte de la particularité de la jouissance de l'usufruit d'une sous-location. L'usufruit d'une sous-location étant toute autre chose qu'un simple usufruit, les règles concernant l'évaluation des droits de succession étaient tout autant particulier. Ici, l'usufruit porte sur un droit temporaire et de surcroît épuise la substance du bien au fur et à mesure qu'il avance. Ayant donc tous les droits et tous les avantages, l'usufruitière devra supporter la totalité des droits de succession, comme si elle avait reçu la succession en pleine propriété. Cette décision rendue ex aequo et bono fait sans doute de l'usufruit d'une sous-location, une application particulière, sinon autonome des règles qui régissent l'institution puisque les juges ne se fondent ni sur les règles de l'usufruit du Code civil ni sur les règles prévues par le Code général des impôts.

C'est également à la faveur d'une jurisprudence rendue sans véritable fondement textuel, sinon rendue seulement en considération de l'équité que le régime de l'usufruit d'obligation à primes et lots a été dégagé. C'est un vieil arrêt qui remonte au 14 mars 1877178(*). Dans le silence des textes, la question se posait en l'espèce de savoir quels étaient les droits respectifs de l'usufruitier et du nu-propriétaire sur le lot ou la prime attribués à une obligation grevée d'usufruit. La prime et le lot représentent une portion d'intérêts, qui, au lieu d'être distribués périodiquement, sont mis en réserve, capitalisés, pour être payés en une fois, soit à chaque porteur d'obligation lors de l'amortissement du titre (il s'agit alors de la prime), soit à quelques-uns désignés par tirage au sort (il s'agit du lot). Dès lors, la prime et le lot, ne sont-ils pas un complément d'intérêts, par suite, un fruit ? Non, décide la chambre des Requêtes en ces termes : « La prime forme un surcroît de capital qui appartient au nu-propriétaire de l'obligation, et dont la jouissance seule peut être réclamée par l'usufruitier ». Pour la Cour de cassation française, les fruits capitalisés cessent d'être des fruits et deviennent un capital. La capitalisation résulte donc d'un aménagement donné aux titres par la société, accepté par le souscripteur et qui, par conséquent, s'impose à l'usufruitier. La prime ou le lot participe à la nature du capital et fait corps avec lui car, étant une modalité de remboursement du capital. En vertu de son droit, l'usufruitier exercera son emprise sur la somme ; un droit de quasi-usufruit.

Le problème des décisions ex aequo et bono va se reporter dans le cas de constitution d'usufruits sur les droits de brevet en droit français puisqu'aucune disposition ne prévoit jusqu'alors ce type d'usufruit. En ce qui concerne le droit africain, l'Accord de Bangui révisé étant muet sur l'usufruit des droits de propriété intellectuelle, il est clair que ce sera en considération de l'équité que le juge rendra sa décision si l'occasion lui était donnée d'être saisi. Quoi qu'opportunes, ces décisions peuvent entraîner une certaine inconstance de la jurisprudence. Les juges peuvent rendre deux décisions différentes à un cas similaire, ce qui n'est guère un gage de sécurité juridique. Dans une large mesure toutefois, l'inconstance de la jurisprudence est plutôt le fait de la nature même des droits incorporels.

* 176 Cass. Com., 25 avril 1974, D. 1974, p. 644-646, note M. Cozian.

* 177 Cet art. qui fut d'ailleurs modifié par la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 dispose : « l'usufruit constitué pour une durée fixe est estimé aux deux dixièmes de la valeur de la propriété entière pour chaque période de dix ans de la durée de l'usufruit, sans fraction et sans égard à l'âge de l'usufruit ».

* 178 Req. 14 mars 1877, DP. 1877, l, p. 353.

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