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Contribution à  l'étude sociologique de la pratique démocratique dans le contexte malgache

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par Alain Ranindrianoro
Université d'Antananarivo - Maitrise sociologie 2012
  

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CHAPITRE I : AUTOUR DE LA DEMOCRATIE

Dans le présent chapitre du travail que nous réservons à l'approche sociologique de la démocratie, nous tâcherons à exposer les différentes histoires qui ont marquées l'avènement de la démocratie. La réflexion sera suivie de l'apport des sociologues concernant le débat sur la démocratie.

I.1. Les profondeurs historiques de la démocratie

I.1.1. La démocratie athénienne

La démocratie comme mot, concept, pratique a été inventée à Athènes. Elle dérive de la racine grecque « démos » qui signifie peuple et « cratos » qui indique le pouvoir. Périclès a été l'initiateur de la pratique démocratique de cette époque. Ce qui caractérise ce gouvernement c'est avant tout l'égalité politique. Ainsi, est démocratique un Etat où la loi est la même pour tous (isonomia), égale aussi à la participation aux affaires (isogria), au pouvoir (isocratia). Pour les athéniens du Ve siècle, la liberté politique est avant tout conçue par le respect de lois. C'est ainsi que se fonde la démocratie. A ce sujet Touchard (J), a souligné que pour la Grèce antique « la liberté est un statut à double aspect : d'une part indépendance à l'égard de toute contrainte personnelle ; d'autre part obéissance aux dispositions générales »6.

L'idée de la citoyenneté a puisé sa source dans l'organisation politique grecque. En effet la citoyenneté est une fonction. L'idéal de l'époque Périclès est celui d'un homme avant tout engagé dans les affaires de la cité soit pour commander soit pour obéir « seuls nous regardons celui qui se désintéresse des affaires de l'Etat, non pas comme un citoyen de tout repos mais comme un être inutile »7.

Le mécanisme de fonctionnement de l'organisation politique est la démocratie directe qui se réalise par l'ecclésia, assemblée du peuple d'Athènes à laquelle tous les citoyens pouvaient participer et prendre des initiatives législatives et politiques. Les membres de l'ecclésia se réunissent pour prendre part aux décisions importantes dans l'agora. Les travaux de l'ecclésia sont préparés par la boulé, un conseil qui fixe l'ordre du jour de l'assemblée du peuple. Cette pratique de la démocratie se repose sur la décision prise sous l'effet de consensus collectif et public. Les débats se portent sur les actions à prendre. On peut dire que la vie démocratique suppose toujours la construction de l'espace commun.

6 Touchard (J), Histoire des idées politiques, PUF, 1963, p. 20.

7 Ibid. p 18.

I.1.2. L'apport des siècles lumières

A partir de XVIIe siècle, plusieurs facteurs ont changé la différente manière de voir la pratique de la démocratie. La remise en cause de l'absolutisme royal et les présupposés des droits naturels ont changé l'idée du contrat social, la conception de la démocratie est devenue la figure de l'Etat de droit. Cette modernité de l'organisation sociale a posé la question sociale d'une manière contractuelle dans l'exercice du pouvoir.

Deux pays peuvent être signalés ayant développés l'idée du contrat social de l'époque moderne. Hobbes (1588-1679) et John Locke (1632-1704), en Angleterre sont considérés comme le représentant majeur de la pensée politique moderne. En France jean jacques rousseau et Montesquieu ont contribué leur part à l'étude sur la démocratie.

Thomas Hobbes a posé son analyse sur le postulat de l'état de nature. En effet pour Hobbes l'état de nature est un état de guerre et d'anarchie. Les hommes sont égaux par nature ; de l'égalité procède la défiance, et de la défiance procède la guerre de chacun contre chacun. Pour éradiquer cette anarchie Hobbes avait proposé un contrat social où il s'agit de transférer le droit de chacun au souverain et que ce dernier soit le garant de ces droits. Il convient de noter que le souci de Hobbes est l'instauration de la paix et de la sécurité. Contrairement à Aristote qui considère que l'homme est de nature politique, Hobbes estime que la société politique est le fruit d'un pacte volontaire, d'un calcul intéressé.

Selon Hobbes les hommes naissent égaux en droit. La première figure de l'égalité est pour Hobbes l'égalité civile mais non pas l'égalité politique. À l'origine du contrat donc se trouve le souci de la paix « finalement le motif et le but de celui qui renonce à son droit ou le transfère ne sont que la sécurité de sa propre personne dans sa vie et dans les moyens de la préserver »8. Par ailleurs nous tenons à remarquer que l'idée de contrat social de Hobbes n'est plus discutable lorsque l'omnipotence des gouvernants est établie peu importe la forme de régime, monarchique ou démocratique. Le pouvoir politique devient absolutisme et l'homme renonce sa liberté au profit de sa paix. C'est l'assujettissement de l'homme à la loi.

Locke a marqué aussi l'histoire de la pensée politique moderne en matière de la réflexion sur la démocratie. Il est considéré comme l'un des fondateurs du libéralisme moderne. Il se démarque de Hobbes par la conception libérale de l'Etat. Selon Locke, l'individu confie seulement à l'Etat la protection de ses droits. Cet Etat est limité par la séparation du pouvoir. L'Etat libéral a été édifié pour garantir la liberté individuelle.

8 Touchard (J), ibid. 330.

I.1.3. La révolution de 1789

C'est sans doute la révolution française en raison de son caractère radical a exercé une influence profonde sur la réflexion de l'idée démocratique moderne. Le mouvement de revendication au cours de cette révolution a débouché sur le nouvel mécanisme du fonctionnement du rapport de l'homme au pouvoir. La remise en cause du fondement de la vie politique a débouché sur la création de nouveaux principes sont institués dans la constitution surtout la loi, créant l'égalité devant la loi, la sécularisation de la vie politique qui se manifeste par le détachement de l'église de l'Etat, l'universalisme du droit de l'homme comme objectif et horizon du politique.

A partir de ces visualisations des repères historiques ayant marqués la conception de la démocratie, nous pouvons en tirer que la notion de démocratie renferme plusieurs acceptions selon l'époque et les rapports sociaux qui se tissent entre les individus. Les droits civiques du XVIIe siècle s'élargissent en droit politique le XIXe siècle et s'étendent jusqu'aux droits sociaux. Les idées que les hommes conçoivent la démocratie est déterminée par leur condition de vie matérielle, les rapports sociaux constitutifs de leur réalité. Mais quelque soit l'époque, la démocratie présente des invariants formels qui sont l'égalité et la liberté. Les problèmes de l'égalité et de liberté se renouvellent à chaque groupe social et dont la pratique politique consiste à leur trouver des solutions. La démocratie ne suppose pas des hommes libres elle définit l'espace de liberté de chaque individu en tant que cette liberté soit conforme à une certaine idée de démocratie.

I.2. Démocratie et sociologie

Le contexte de l'avènement de la démocratie moderne en tant que conquête sociale a coïncidé avec la naissance de la sociologie. La situation qui prévalait en Europe à savoir la révolution industrielle, la remise en cause du fondement du pouvoir politique a contribué à attirer l'attention des sociologues sur le vivre ensemble de la modernité. La situation de la crise d'ordre sociopolitique en Europe au cours de la révolution française qui fait une rupture avec l'ancien régime en instaurant un régime basant sur la rationalité humaine. Le changement des rapports sociaux a provoqué la réaction des sociologues à l'égard de la société en construction d'alors. La modernité démocratique a opéré un changement sur les liens sociaux, la tendance massive à l'individualisation des rapports sociaux, la sécularisation du monde politique, l'atomisation de la vie sociale. Devant la conséquence délétère de la socialité démocratique, les sociologues ont réagi en proposant des nouvelles formes d'organisation pour résoudre les effets pervers du lien social démocratique. Après cette brève présentation de la caractéristique

de la modernité, allons-nous voir l'apport des différents sociologues concernant l'étude sur la démocratie.

I.2.1. Alexis de Tocqueville

L'apport de Tocqueville à une approche proprement sociologique de la démocratie est le plus important parmi les auteurs qui ont participé à la naissance de la sociologie. Selon de Tocqueville, la démocratie consiste en une égalisation de condition. La démocratie est définie d'abord par l'égalité politique. Tout le monde est soumis à la même loi garantie par une institution formelle.

Ensuite, la démocratie ne se limite pas à un système politique, elle se traduit aussi par un état social. La figure de la démocratie est l'égalisation de condition qui prend la forme d'une mobilité sociale, chaque couche sociale peut accéder à un statut supérieur que celle du précédent. Aux yeux de Tocqueville, la démocratie représente une imaginaire qui prend la forme de l'égalité de respect. Tous les individus se perçoivent comme égaux.

Tocqueville a aussi réservé une place sur l'association comme forme de socialité dans une société démocratique. Soucieux de l'individualisation des rapports sociaux il prône l'institutionnalisation des sociétés civiles permettant à l'individu de donner une vie au corps social. L'association est une condition d'action dans une société libre mais aussi le lieu de création des codes moraux. A ce propos il a dit « donner une vie politique à chaque portion du territoire, afin de multiplier à l'infini, pour les citoyens, les occasions d'agir ensemble, et de leur faire sentir tous les jours qu'ils dépendent les uns des autres »9

Enfin il convient de noter que de Tocqueville a insisté sur le fait que le bon fonctionnement de la démocratie repose sur l'ascendance du pouvoir c'est-à-dire de bas en haut mais non l'inverse. Une décentralisation de la prise de décision apparaît chez la pensée de Tocqueville.

Toutefois, Tocqueville a tracé les risques du système démocratique, il y voit dans ce système l'annonce d'un despotisme nouveau issu du culte de l'égalité. La démocratie crée l'individualisme qui présente un effet délétère sur le lien social. L'individualisme de Tocqueville est la tendance de l'individu à s'isoler de la masse, à s'écarter de la communauté de base telle la famille, le refus de la norme du bien vivre social.

L'individualisme créé par l'égalisation de condition favorise la désaffection de l'individu à l'égard de la chose politique laissant ainsi le champ libre au gouvernement de

9 Cité par Thériault (Y), « La société civile est-elle démocratique », in www.bibliothèque.uqac.ca. 1992. p. 12- 13.

dicter les règles du jeu collectif d'où le despotisme. En outre, il avertit que la démocratie fonctionnant sur la loi de la majorité risque de nier les intérêts des minorités.

I.2.2. Raymond Aron

Aux principes de l'égalisation de conditions de Tocqueville, Raymond Aron a insisté sur le sens proprement politique du terme lorsqu'il dit que « effectivement, le principe premier de la démocratie, c'est bien le respect des règles ou des lois puisque, l'essence de la démocratie occidentale, c'est la légalité dans la concurrence du pouvoir, dans l'exercice du pouvoir. Une démocratie saine est celle où les citoyens ont le respect non seulement de constitution qui fixe les modalités de la lutte politique, mais de toutes les lois qui marquent le cadre dans le quel l'activité des individus se déploie. »10 Pour Raymond Aron, le principe de règle et de loi ne suffit pas. Il faut qu'il existe quelque chose qui n'est pas écrit et qui n'est pas strictement lié à la légalité. Il nomme le terme « le sens du compromis » il dit ainsi « après tout accepter le compromis, c'est reconnaître la légitimité partielle des arguments des autres, c'est trouver une solution qui soit acceptable pour tous ».11 Cependant, Raymond Aron a tracé dans l'analyse du pouvoir politique qu'on ne peut pas concevoir un régime qui ne soit pas oligarchique à ce titre la démocratie en tant que pouvoir du peuple est une illusion, dans son étude réservée au régime constitutionnel pluraliste dans la démocratie et totalitarisme il a posé la question suivante : « Est-il vrai que la pratique parlementaire donne la réalité du pouvoir aux citoyens comme le veut la doctrine ? » et un peu plus loin, il est radical de dire que « on ne peut pas concevoir de régime qui en un sens ne soit oligarchique »12.

I.2.3. La sociologie politique de Max Weber

Weber a été l'initiateur de la réflexion de la politique moderne. Son oeuvre constitue encore aujourd'hui des cadres de référence sur l'analyse de la vie politique. Il nous semble important d'exposer les théories wébériennes concernant sa réflexion son étude de la sociologie politique.

En effet, la sociologie politique wébérienne met l'accent sur l'activité politique. L'activité politique consiste à organiser des rapports sociaux sur un territoire donné, et il ajoute qu'une organisation politique n'existe pas sans la présence d une autorité légitime, cette autorité dispose les moyens contraignants pour faire régner la domination de l'autorité légitime. De cette conception découle la définition de l'Etat comme un groupement politique

10 Aron (R), Démocratie et totalitarisme, éd. Gallimard. 1965.

11 Ibid.

12 Ibid. p. 135.

qui dispose la violence légitime. La sociologie politique wébérienne est une sociologie de domination. Toutefois, il a souligné que la légitimité du groupement politique ne se repose pas tout simplement sur l'exercice d'une contrainte physique, l'obéissance des administrés doit se reposer sur leur soumission consentie à un ordre qu'ils reconnaissent comme légitime. Weber a distingué trois types idéaux de légitimité à savoir le type de domination traditionnelle ou celui qui exerce le pouvoir est fonction d'une coutume, ou de la tradition. Ensuite, le type de domination charismatique qui se repose sur la légitimité consentie par séduction ou providentiel. Enfin, la domination légale-rationnelle fondée sur la valeur des règlements, sur un ordre juridique. La pensée de weber sur la démocratie se situe dans cette dernière forme de légitimité. Il est sociologiquement inconcevable que le peuple puisse exercer vraiment le pouvoir. L'Etat dans un monde moderne ne peut être dominé que par des minorités et qu'elles le feraient au nom du peuple. La démocratie moderne est dominée par la bureaucratie et les professionnelles de la vie politique. La démocratie a signifié dans les faits la fin de l'existence de l'individu à agir sur le réel au profit des structures formelles issues de la rationalité politique.

I.2.4. Marx et la démocratie bourgeoise

Marx est le plus agressif à la critique de la démocratie moderne. Pour appréhender l'illusion de la démocratie moderne, il part sur l'analyse du pouvoir politique. Selon Marx le pouvoir politique de la classe dominante vient du contrôle des moyens de productions. Face à ce constat, il stipule que l'idéologie qui sous tend le pouvoir de la classe dominante n'est que la fausse interprétation de la réalité sociale. De ce fait, la démocratie n'est que la voile masquant l'intérêt de la classe dominante. La démocratie crée un espace autonome, le milieu politique et le milieu social. La démarche adoptée par Marx a abouti sur la définition de l'Etat comme une arme répressive au service des intérêts bourgeois. La vie démocratique est pour Marx une illusion parce qu'elle réduit le social à l'économie. L'oeuvre de Marx doit être lue comme critique du capitalisme moderne qui aboutit à un régime de la propriété privée et la forme ultime de l'aliénation individuelle et collective13.

Par ailleurs, il faut rappeler que la réflexion marxiste s'insère dans le cadre d'une lutte pour l'avènement d'un type de société sans classe dans laquelle il n'y a plus d'autonomie entre le monde social et politique, en d'autre terme la mise en place d'une société communiste. Toute fois il convient de reconnaitre que la pensée marxiste permet une lecture importante de l'analyse du pouvoir actuel. Marx a laissé des théories qui permettent d'appréhender le

13 Rocher (G), Introduction à la sociologie générale. Le changement social, tome 3, éd. HMH, 1968.

fonctionnement de la société moderne surtout dans un rapport social dominé par la logique marchande.

Au terme de ce premier chapitre dans lequel nous attacherons notre étude sur l'histoire de la démocratie et la contribution de la sociologie sur l'analyse de la socialité démocratique, nous pouvons en tirer que la sociologie en tant que réflexion sur le devenir de la société a réservé une critique à la naissance du pouvoir démocratique moderne face aux effets qu'il opère. En effet, chez Tocqueville, la démocratie présente un effet pervers sur le lien social en créant l'individualisme et le désintéressement de la population vis-à-vis de la chose publique, chez Marx, la démocratie n'est que la forme tronquée de la réalité sociale dans les rapports sociaux de production, elle n'est qu'une fausse idéologie inaugurée par le pouvoir politique dominant, chez Weber, le pouvoir démocratique moderne est aveuglé par la domination légale rationnelle empêchant aux hommes d'agir significativement sur le réel. Raymond Aron est plus radical en dénonçant l'illusion d'un pouvoir du peuple dans un système de représentation.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus