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Le regard porté sur les femmes par le franciscain Jean Benedicti à  travers son manuel de confession "la somme des pechez et le remede d'icevx" (1595, réédition )

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par Lucie HUMEAU
Lyon  - Master 1 2013
  

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La femme adultère et son partenaire.

Dans La somme des pechez, et le remede d'iceux, Benedicti aborde les questions de l'adultère et de ses conséquences, notamment pour les enfants qui pourraient naître de cette union illégitime. Le fait que la femme adultère soit particulièrement visée par le discours de Benedicti sur ce péché est lié aux représentations que les hommes de l'époque se font des désirs sexuels féminins. Le chapitre « De Adultere », d'une quinzaine de pages, explicite les différents degrés de péché inhérents à ce vice.

Jean Benedicti commence par rappeler la différence qui existe entre l'adultère simple et l'adultère double : « Le simple, c'est quand vn des deux qui commette[n]t le peché est marié, l'autre ne l'est pas : L'adultere double, c'est quand ils sont tous deux liez par mariage : ce qui est encores plus grief que l'autre »450. Les premiers coupables évoqués sont les maris « qui tiennent une concubi[n]e auec leur femme, ou qui abusent de leurs seruantes, & doiuent pour ce peché estre par l'Euesque Diocesain excommuniez »451. Benedicti commence donc par accuser la partie qui, d'un point de vue juridique, n'a aucun tort à commettre l'adultère. En effet, comme le rappelle Pierre Darmon, la législation du XVIe siècle ne connaît « qu'une seule victime, le mari ; qu'une seule plainte, la sienne ; qu'un seul coupable, la femme infidèle »452. Si cette vision s'affirme pleinement dans le domaine juridique, le monde religieux défend une certaine égalité dans le couple. L'adultère est ensuite assimilé à un parjure puisqu'en effet, le conjoint coupable agit en contradiction avec le serment fait lors de la cérémonie du mariage de garder fidélité à son époux. Ce parjure, rappelle Benedicti, entraînait la peine du bûcher ou la lapidation dans des temps plus anciens453. Le rôle de l'eau d'amertume

449Ibid., p.56.

450Ibid., p.116.

451Ibid., p.116.

452Pierre DARMON, Femme, repaire de tous les vices : misogynes et féministes en France (XVIe-XIXe siècles), Bruxelles, André

Versaille éditeur, 2012, p.156.

453Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.117.

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est souligné comme « vn grand miracle pour descouurir l'adultere de la femme »454. En effet, cette cérémonie ancienne est explicitée dans la Bible. La femme qui est amenée au prêtre sur un soupçon d'adultère doit boire de l'eau contenue dans un vase tandis que le prêtre énonce cette formule : « S'il n'est pas vrai qu'un homme ait couché avec toi, que tu te sois dévoyée et déshonorée, alors que ton mari a pouvoir sur toi, que ces eaux d'amertume et de malédiction te soient inoffensives ! Mais s'il est vrai que tu te sois dévoyée, alors que ton mari a pouvoir sur toi, que tu te sois déshonorée en partageant la couche d'un homme autre que ton mari... [...] Que Yahvé te fasse servir, dans ton peuple, aux imprécations et aux serments, en faisant flétrir ton sexe et enfler ton ventre ! »455. Benedicti rappelle l'existence de cette pratique bien qu'elle ne soit plus en cours au XVIe siècle. La Bible ne fait pas mention d'un rite similaire pour les hommes adultères. En effet, dans l'Ancien Testament, la polygamie est acceptée : les hommes n'ont pas à se justifier d'avoir des rapports sexuels avec plusieurs femmes, du moins lorsqu'il s'agit d'un adultère simple. Le confesseur interprète pourtant le déluge comme une punition, entre autres, des adultères commis et présente aux lecteurs les passages de la Bible, mais aussi de son histoire contemporaine, où des milliers d'hommes meurent en punition d'un adultère. Il fait ensuite le parallèle entre l'histoire de Bethsabée et David et celle d'hommes de son temps, qui « n'ont point d'e[n]fans auiourd'huy, ou s'ils en ont ils se meurent & leurs races & maisons viennent de rabais à decadance »456. Bethsabée, mariée à Urie le Hittite, couche avec David et tombe enceinte de ce dernier. L'enfant né du péché meurt cependant d'une grave maladie. Le couple peut alors concevoir dans la légitimité car le péché a été lavé457.

Benedicti emploie ensuite une métaphore qui peut laisser penser qu'il n'approuve pas la différence de traitement entre la punition de l'adultère féminin et masculin. Il explique en effet qu'en certains lieux, « on punit la femme trouuée en adultere, la faisant fouetter & puis enclorre en vn monastere à faire penitence : mais de la punition des hommes il ne s'en parle point, afin que le dire de ce Philosophe soit verifié, qui comparoit les loix des hommes à la toile des araignees, laquelle attrappe bien les petits moucherons, mais les grosses mouches la rompent & passent tout outre »458. Maurice Dumas souligne en effet que l'accusation de l'adultère féminin est un mythe qui « saute aux yeux, tant ce tableau n'a guère de rapports avec les comportements réels. Toutes les études sur la criminalité le confirment : ce sont les hommes qui commettent

454Ibid., p.117.

455Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Nombres, 5, 19-22.

456Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.117.

457Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], II Samuel, 11-12.

458Ibid., p.117.

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

massivement l'adultère. Les femmes auxquelles le mariage donne des ailes ou qui se vengent de l'injustice d'une union forcée sont bien moins nombreuses que celles qui cèdent à la pression physique ou morale d'un homme. On répute la femme d'un appétit sexuel insatiable, mais c'est la "concupiscence" de l'homme que révèlent les archives, autrement dit un comportement sexuel abusif, rendu possible par sa position dominante »459. Ainsi, même si les hommes semblent être les plus largement coupables de ce crime qu'ils dénoncent chez leur femme, ce sont ces dernières qui subissent les peines prévues par la loi. Ces peines sont extrêmement lourdes au XVIe siècle et Benedicti est au fait des coutumes et lois en ce domaine. Les femmes peuvent être fouettées avant de subir la peine de l'« authentique » c'est-à-dire d'être enfermées dans un monastère pendant deux ans. Les textes précisent que si « au bout de deux ans, le mari ne l'en a pas retirée ou vient à décéder, elle est rasée, voilée, vêtue comme les autres religieuses et cloîtrée à vie »460. L'accusation d'adultère semble avoir été un des moyens utilisés par un mari en difficulté financière pour sauver sa fortune. En effet, si le tribunal reconnaît l'adultère et tranche pour la réclusion monacale, la femme perd en faveur du mari « son douaire, sa dot, son préciput461 et tous les autres avantages stipulés par le contrat de mariage. Seul inconvénient, il doit payer la pension de la recluse »462. Les tribunaux sont donc assez prudents dans le jugement de ces cas.

Benedicti rappelle que c'est « vne folie aux hommes de se promettre impunité, veu que deuant Dieu ils sont autant ou plus coulpables que les femmes. C'est aussi folie [...] à l'homme de requerir chasteté en sa femme, luy estant plongé au bourbier de paillardise »463. Il pense en effet que c'est pousser les femmes à vouloir se venger que de les tromper. Ici surgit le débat sur les différences de culpabilité entre la femme et l'homme. En effet, pour certains « [m]oralistes et théologiens de la période post tridentine [...] le mari commet un péché d'autant plus grave qu'il est chef de famille et doté de raison. La femme, faible et fragile a l'excuse de l'infantilisme »464. Mais le franciscain précise : « En matiere d'adultere les femmes offensent plus griefuement & plus perilleusement que les hommes, à raison premierement pour le regard du dehonneur & infamie : secondeme[n]t à raison de l'incertitude des enfans qui en sont procreez, & qui succedent aux biens du mary. Voire mais l'homme qui est creé à l'image de Dieu, & qui est le chef de la femme, n'offense-il pas plus griefueme[n]t ? ouy bien intensiuement,

459Maurice DUMAS, op. cit. [note n°337], p.24.

460Pierre DARMON, Femme, repaire de tous les vices..., op. cit. [note n°452], p.163.

461Le préciput est le droit pour l'époux survivant de prélever un bien ou une somme d'argent sur l'héritage laissé par le conjoint

décédé, avant tout autre partage.

462Pierre DARMON, Femme, repaire de tous les vices..., op. cit. [note n°452], p.164.

463Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.117.

464Pierre DARMON, Femme, repaire de tous les vices..., op. cit. [note n°452], p.159.

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mais non pas extensiuement, (ce sont termes de Theologie) c'est à dire, que l'adultere de l'homme n'est pas de si grande estendue, & ne traine pas tant d'inconueniens apres soy, que celui de la femme »465. C'est donc parce que son péché a plus de conséquences dans le temps que la femme est la plus coupable. Jean Benedicti énonce alors les diverses conséquences de l'adultère de la femme et les moyens qu'a cette dernière de faire réparation de son péché.

La première conséquence dénoncée par Benedicti est « l'infamie d'vne maison »466. Si Pierre Darmon rappelle que le « discrédit jeté sur la famille peut entraîner sa ruine matérielle »467, les auteurs de l'Histoire des femmes en Occident soulignent que « l'on considérait la femme comme un bien dont la valeur diminuait lorsqu'il était utilisé par un autre que son propriétaire légitime. L'honneur masculin dépendait alors de la chasteté de la femme »468. Les autres conséquences sont toutes liées à la possibilité d'introduire dans la maison des enfants illégitimes. Ces enfants illégitimes peuvent en effet « succéder aux biens, qu'ils [sic] ne leur appartienne[n]t point »469. Maurice Capul décrit les incapacités juridiques qui frappaient les bâtards connus comme tels : « inhabileté à obtenir des bénéfices ecclésiastiques, impossibilité de succéder ab intestat à leur père, ni même généralement à leur mère, annulation fréquente par les cours des legs faits en leur faveur, etc. Longtemps, les bâtards furent exclus de nombreux métiers pour lesquels on exigeait la naissance de "loyal mariage" »470. Ceci est dans le cas où l'illégitimité de l'enfant était connue mais qu'en est-il si la mère tait ce fait et élève ce dernier avec ses enfants légitimes ? Benedicti rappelle à plusieurs reprises la nécessité pour les bâtards de restituer le bien qu'ils ont soustrait aux enfants légitimes du couple. De même, si la femme adultère a reçu quelque chose de ses oeuvres ou si elle a donné un bien à son amant, elle est tenue à restitution471. Benedicti fait aussi peser sur le péché féminin la possibilité d'une « commixtion de sang »472 entre des personnes qui ne savent pas qu'elles sont de la même famille. L'inceste devient alors possible. Enfin, le franciscain ajoute que « bien souuent l'enfant illegitime sera promeu aux ordres, & obtiendra benefice, esta[n]t estimé legitime, & contre les saincts canons & decrets de

465Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.118.

466Ibid., p.118.

467Pierre DARMON, Femme, repaire de tous les vices..., op. cit. [note n°452], p.156.

468Natalie ZEMON DAVIS (dir.), Arlette FARGE (dir.), op. cit. [note n°79], p.107.

469Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.118.

470Maurice CAPUL, Abandon et marginalité : les enfants placés sous l'Ancien Régime, Toulouse, Privat, 1989 (coll. Racines),

p.114.

471Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.265.

472Ibid., p.118.

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Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

l'Eglise »473. La « femme adultere participe à tous ces pechez là, ou pour mieux dire, en est la cause & le motif »474.

Benedicti développe ensuite au cours de quatre longues pages les solutions que peuvent apporter les mères adultères aux inconvénients découlant de leur péché. Dix solutions sont offertes à la femmes adultère. La première est, « si elle ose bien sans le danger de sa vie, le reueler à son mary, elle le doit faire, afin ou qu'il empesche de succeder à ses biens, ou bien qu'il adopte & le face son heritier »475. Benedicti précise cependant bien qu'elle ne doit pas se diffamer elle-même en faisant cela et qu'il vaut mieux cacher son adultère que de risquer mourir476. En effet, au XVIe siècle, la législation autorise le meurtre de la femme et de l'amant trouvés en flagrant délit d'adultère. Pierre Darmon précise que « lorsque meurtre il y a, ce sont plutôt les amants qui sont tués, ou émasculés, que les épouses infidèles »477. Dans ce cas, il n'y aurait pas de flagrant délit mais il est admis que l'homme, au récit de sa femme, pourrait être pris d'une telle colère, qu'il en tue sa femme. De plus, le secret est admis car « [i]l vaut [...] mieux que les biens soient occupez par cest enfant que la bonne renommee se perde »478. La deuxième solution pour la femme adultère est de révéler sa naissance à son enfant illégitime. Ce dernier n'est pas obligé de la croire mais s'il le fait, il doit refuser de succéder à son prétendu père. La troisième solution est de « persuader à son adultere (sans toutesfois continuer le peché auec luy) de satisfaire à son mary par quelque bo[n] moyen, ou payer les frais à l'Hopital, si l'enfans y a esté exposé479 : car il ne doit pas viure aux despens des membres de Iesus Christ, qui sont les pauures »480. Ici ressort la place particulière du bâtard, même au sein d'établissements de charité tels que les hôpitaux. Ces derniers craignent en effet ces « pauvres abandonnés qu'une sinistre légende chargeait de tous les dangers du péché et notamment de la vérole, la vraie, la syphilis »481. L'amant peut cependant arguer de bien des choses afin de se décharger de cette tâche. La quatrième solution est de « persuader au mary de preferer les autres enfans, qui sont legitimes & leur ordonner ses bie[n]s par son testament ou autrement »482. Si elle pense trop attirer l'attention par ce moyen, elle peut choisir de

473Ibid., p.119.

474Ibid., p.119.

475Ibid., p.121.

476Ibid., p.119.

477Pierre DARMON, Femme, repaire de tous les vices..., op. cit. [note n°452], p.161.

478Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.119.

479L'exposition des enfants consistait à placer le nouveau-né non désiré dans un lieu visible afin qu'il soit pris en charge par une

institution de charité.

480Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.121.

481Jean-Pierre BARDET (dir.), L'enfant abandonné, Paris, CDU/SEDES, Histoire économie et société, 3ème trimestre 1987,

p.295.

482Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.122.

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donner libéralement tout son bien à son mari et à ses enfants légitimes. Le bâtard ne reçoit rien mais son origine n'est pas dévoilée : il peut donc rester auprès de sa « famille ». Si la femme ne possède aucun bien, elle « doit le plus qu'elle pourra augme[n]ter les bie[n]s de la maison, plus trauailler qu'elle n'est pas obligee, ieusner, & ma[n]ger moins, pour espargner le bien, laiser [sic] les bo[n]bans483, dorures, ornemens, atours & autres superfluitez d'habillement, afin que par telle parcimonie elle puisse récompenser le do[m]mage qu'elle fait auec son bastard à la maison »484. Une autre solution est de placer l'enfant « en quelque monastere & religio[n], ou il n'y ait moye[n] de iouyr d'aucuns benefice »485. Elle peut aussi léguer tout son bien à son mari et à ses enfants légitimes ou encore charger au moment de sa mort un religieux d'avertir son mari. Cela est plus prudent selon Benedicti que de l'annoncer elle-même à son mari car « elle peut retourner à conualescence, & par consequent encourir son indignation, & s'exposer aux mesmes dangers que dessus »486 à savoir la mort. Enfin, le dernier conseil de Benedicti est de s'en remettre à Dieu si aucune des solutions développées précédemment n'était possible.

Le franciscain emploie dans ce passage le vocabulaire de la pitié en interpellant « la pauure miserable » ou « la pauuvre infortunee »487 : « O pauuvres femmes que abandonnez ainsi vostre honneur, regardez en quel labirinthe vo[us] estes enuelopees. Voyez en quels precipices vous fait tomber ce peché »488 leur lance-t-il puis, plus loin, « O vous autres femmes Chrestie[n]nes qui prete[n]dez vostre part au ciel, vous vous deuez bien tenir sur vos gardes, à fin de ne croire au siffle du serpe[n]t tortueux, qui a trompé jadis vostre premiere mere Eue, & ne vous donnez en proye à ses pipeurs mondains, lesquels apres qu'ils ont iouy de la despouille de vostre ho[n]neur s'en gaussent, & en dressent leur risee »489. Benedicti tente de sensibiliser les femmes à leurs devoirs en leur rappelant la manière dont Ève a chuté mais aussi en leur proposant des modèles féminins de vertu : « Proposez vous vne Sara, vne Rachel, vne Judith, vne Suzanne, & si vous aimiez mieux les Paye[n]nes, mirez vous à une Penelope, à vne Arthemise, à vne Lucresse, qui ont preferé leur ho[n]neur à tous plaisirs mo[n]dains »490. Toutes ces femmes ont mené une vie d'épouse parfaite. Suzanne est évoquée en plusieurs autres passages de La somme des pechez, et le remede d'icevx. En effet, cette magnifique

483Les « bobans » signifient des festivités, avec une idée d'ostentation.

484Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.122. 485Ibid., p.122. 486Ibid., p.120. 487Ibid., p.120. 488Ibid., p.121. 489Ibid., p.123. 490Ibid., p.123.

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

jeune femme, mariée à Ioakim, est accusée injustement d'adultère par deux vieillards avec qui elle a justement refusé de pécher. Elle est finalement innocentée grâce au prophète Daniel qui est alors un tout jeune garçon491. Cette histoire montre la force de la foi en Dieu. Suzanne, prête à être mise à mort pour un crime qu'elle n'a pas commis s'en était en effet remise à sa toute-puissance.

Benedicti affirme enfin qu'il revient au mari de faire cesser l'adultère de sa femme. Ce dernier, s'il ne veut se séparer de « sa femme perseuerante en adultere public, & habite auec elle en luy rendant le deuoir de mariage, consent au peché de sa femme, laquelle il doit chasser plustost de sa maison, & se separer d'auec elle, pour euiter le souspeçon de luy fauorizer, & le scandale du peuple »492. Agnès Walch rappelle que « [p]uisque c'est à l'époux de maintenir l'autorité dans sa famille contre toute incursion étrangère, puisqu'il est censé surveiller et maîtriser le comportement de son épouse, il est le premier responsable de ses débordements »493. Néanmoins, certains maris gardent leurs femmes adultères, ne seraient-ce que pour assurer la subsistance du ménage. De plus, le remariage étant interdit au cocu, il est admis que « si le mary veut ou qu'il ne se puisse contenir, il la peut rappeller, au moye[n] qu'elle se soit corrigee de so[n] peché, & par ainsi se reconciliant auec elle, luy demander & rendre le deuoir de mariage sans offense »494. La femme adultère rappelée n'a aucune objection à apporter ici. Cependant, Benedicti accorde à la femme en retour le droit de quitter son mari adultère si cela se sait, ainsi que le droit de lui refuser le devoir de mariage. Le franciscain donne aussi les raisons qui peuvent pousser le mari à garder auprès de lui sa femme adultère : si la chose est secrète, si son épouse s'est corrigée d'elle-même et s'en est excusée, s'il était possible qu'elle agisse d'une pire manière en étant loin de lui et enfin, par charité, afin de la « reduire en la voye de salut »495. Nous pouvons donc conclure que ce chapitre sur l'adultère nous présente une femme dont le crime est plus grave que celui de l'homme. Selon Pierre Darmon, cette « sévère répression qui frappe les épouses infidèles cache la hantise d'une domination de la femme dans le cadre du mariage. [...] On retrouve cette crainte d'un univers où la hiérarchie est bafouée jusque sous la plume des juristes les plus éminents »496, affirme-t-il. Ainsi, même si les rituels festifs du XVIe siècle

491Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Daniel, 13.

492Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.127.

493Agnès WALCH, Histoire de l'adultère : XVIe-XIXe siècle, Paris, Perrin, 2009 (coll. Pour l'histoire), p.37.

494Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.127.

495Ibid., p.129.

496Pierre DARMON, Femme, repaire de tous les vices..., op. cit. [note n°452], p.166-167.

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continuent à se moquer des maris cornus, la sévérité est de mise lors des procès de femmes adultères.

Si Benedicti admet que l'adultère a la même gravité qu'il soit commis par l'épouse ou par son conjoint, son discours reflète la pensée de son époque : l'adultère de la femme est plus dangereux car ses conséquences s'étalent dans un temps long. En affirmant néanmoins que l'homme sera reconnu plus coupable que sa femme dans l'autre monde, le franciscain contrebalance leur impunité aux yeux de la loi du XVIe siècle. Nous allons à présent nous pencher sur la question de la place de la concubine dans la société d'après les mentions qu'en fait Benedicti.

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