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La fratrie en droit

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par Thibaut GOSSET
Université Paris Sud - Master II Droit 2013
  

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§2. La fonction de solidarité de la fratrie

77. La solidarité caractérise, semble-t-il, l'ensemble des rapports familiaux, à travers, notamment, l'existence d'obligations alimentaires (C.civ., art. 205 et s.). En revanche, la fratrie semble ignorer tout devoir de secours et d'assistance, alors que, paradoxalement, y est attaché un idéal de fraternité. Cette fraternité n'est en effet pas à rechercher en termes d'obligation mais de faculté (A), ce qui la distingue d'autant des autres formes de solidarité familiale (B).

A/ Les moyens étendus de la fraternité

78. Si le Code de 1804 ne traite de la fratrie qu'incidemment au titre des empêchements à mariage, il l'ignore absolument s'agissant de l'obligation alimentaire. Cette indifférence a été vivement critiquée par les auteurs classiques, indignés que « le Code laissât par son silence un individu terrassé par la destinée mourir de faim sur le seuil du foyer de son frère aussi indifférent que favorisé par la vie »128(*). En réalité, le droit organise une réelle solidarité entre frères et soeurs, en leur permettant d'agir, de s'abstenir, ou de consentir des sacrifices au profit de celui dans le besoin129(*).

79. Facultés d'abstention - En premier lieu, le droit pénal prévoit un ensemble d'immunités au profit de certains membres de la famille afin de leur permettre de secourir leurs proches sans engager leur responsabilité130(*). Notamment, les frères et soeurs sont dispensés de dénoncer celui qui a commis une infraction (CP, art. 434-1)131(*). Mieux, le frère ne peut être poursuivi pour recel de malfaiteur (CP, art. 434-6)132(*) ni pour aide au séjour d'un étranger en situation irrégulière (CESEDA, art. L.622-4)133(*). Ainsi, ce pouvoir d'abstention du frère, pouvant aller jusqu'à héberger un délinquant ou un étranger en situation irrégulière en toute impunité, traduit une forme de fraternité reconnue et encouragée par le droit ; « la solidarité familiale [l'emporte] sur les nécessités de l'ordre public en ce domaine »134(*).

80. Facultés d'action - En deuxième lieu, la solidarité fraternelle se manifeste par un rôle actif de soutien des frères et soeurs. Une partie peut, par exemple, être assistée par son frère devant le Tribunal d'instance (CPC, art. 828). Mieux, les collatéraux ont la possibilité de participer aux mesures de protection de leur frère (C.civ., art. 449 al. 2, 456 al.2)135(*), d'exécuter certaines mesures d'assistance éducative (C.civ., art. 375), de s'opposer à une déclaration d'abandon (C.civ., art. 350) et même d'adopter leur frère mineur en cas de décès des parents. L'adoption fraternelle est alors favorisée par la jurisprudence qui admet une dérogation à l'écart d'âge de 15 ans exigé entre l'adoptant et l'adopté136(*).

Le principe de non séparation de la fratrie repose également sur cette fonction de solidarité : le maintien d'une communauté de toit est présumée bénéfique à l'enfant puisqu'il ne connaît d'exception que si l'intérêt de ce dernier commande une séparation (cf. supra n° 57).

L'aîné majeur pourrait même se voir accorder l'hébergement de ses cadets, sur le fondement de l'article 373-3 du Code civil, en cas d'inaptitude des parents à les recueillir137(*).

81. Ces prérogatives d'ordre extrapatrimonial sont complétées par des facultés d'aide et d'assistance pécuniaire. Certes, il n'existe en ligne collatérale aucune obligation alimentaire138(*), mais la jurisprudence a reconnu de longue date l'existence d'une obligation naturelle entre frères et soeurs, traduisant une forme de solidarité spontanée139(*). Par ailleurs, si la famille collatérale semble délaissée par le droit des successions, elle est fortement encouragée par le droit fiscal à s'entraider au moyen de libéralités. L'article 796 O ter du Code général des impôts exonère de droit de mutation à cause de mort la part de succession du frère âgé de plus de 50 ans ou en situation de handicap et vivant depuis au moins cinq ans avec le de cujus. Le droit fiscal favorise ainsi les transmissions de biens aux frères et soeurs dans le besoin, les libéralités revêtant là un caractère alimentaire prédominant140(*). L'obligation de secours purement naturelle se traduit alors par la facilitation des transmissions du patrimoine à cause de mort. Le frère pourrait alors, si les circonstances le justifient, revêtir la qualité de « personne à charge », au sens de l'article L. 361-4 du Code de la sécurité sociale141(*).

82. Faculté de renoncement - En dernier lieu, le droit permet aux collatéraux, et à eux seuls, de consentir certains sacrifices au profit de leurs frères et soeurs dans le besoin. Ainsi, le droit prévoit des dérogations très strictes à l'interdiction pour tout mineur ou majeur protégé - vivant - de consentir à des dons d'organes (CSP, art. L. 1231-1 s.), concernant au premier chef les frères et soeurs142(*). Par ailleurs, les collatéraux peuvent renoncer à toute action en réduction des libéralités consenties à un de leur cohéritier au cas où celles-ci excèderaient la quotité disponible (C.civ., art. 929)143(*). Le mécanisme de la renonciation anticipée à l'action en réduction permet donc à la fratrie de consentir un sacrifice au profit de l'un des siens, sur l'initiative des ascendants concernés.

86. En dépit de l'absence de toute obligation alimentaire entre frères et soeurs, la solidarité fraternelle, reconnue et encouragée par le droit, ne peut être négligée et constitue une composante majeure des relations collatérales.

* 128 Julien BONNECASE, La philosophie du Code Napoléon appliquée au droit de la famille, op. cit., p.109

* 129 Valérie BOUCHARD, « De la solidarité en ligne collatérale », LPA, 30 août 2001, n° 173, p. 4

* 130 Pierre MOUSSERON, « Les immunités familiales », RSC, 1998, p. 291 ; Théo HASSLER, « La solidarité familiale confrontée aux obligations de collaborer à la justice pénale », RSC, 1983, p. 437

* 131 Solution étendue au délit de non obstacle (CP, art. 223-6) ; Crim., 7 nov. 1990, RSC, 1991, p. 569, obs. G. LEVASSEUR

* 132 Jean-Pierre DELMAS SAINT-HILAIRE, « "Vrai" et "faux" recel de malfaiteur », RSC, 2004, p. 645

* 133 Michel REYDELLET, « Les délits d'aide à l'étranger en situation irrégulière », D, 1998, p. 148

* 134 Jean-Pierre DELMAS SAINT-HILAIRE, « "Vrai" et "faux" recel de malfaiteur », art. cit.

* 135 Nathalie PETERKA, « La famille dans la réforme de la protection juridique des majeurs », JCP G, 2010, p.33

* 136 CA Paris, 10 févr. 1998, JCP G., 1998, II. 10130, note C. PHILIPPE, Dr. Fam., 1998, n°83, note P. MURAT

* 137 CA Papeete, ch. civ., 25 sept. 1997, JurisData : 1997-055551

* 138 Laurence MAUGER-VIELPEAU, « Les sujets et l'objet de la dette alimentaire », LPA, 24 juin 2010, n° 125, p. 21

* 139 Req., 5 mars 1902, D. 1902, I. 220, S. 1902, I. 312 ; Req., 7 mars 1911, D. 1913. I, 404 ; CA Paris, ch. 11, 25 avr. 1932, JCP, 1932, 607, note H. Mazeaud ; et arrêts cités dans George Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 4e éd., 1949, p. 375 ; Caroline SIFFREIN-BLANC, La parenté en droit civil français, PUAM, 2009, 679 p. 532

* 140 Elie ALFANDARI, « Droit alimentaires et droits successoraux », Mélanges René Savatier, Dalloz, 1965, p.1

* 141 Ass.plén., 30 janv. 1970, D. 1970, somm. p. 221, concl. R. LINDON, note J-J. DUPEYROUX

* 142 Frédérique DREIFUSS-NETTER, « Les donneurs vivants ou la protection des personnes en situation de vulnérabilité », D. 2005, p. 1808

* 143 Nathalie LEVILLAIN, « La renonciation anticipée à l'action en réduction », JCP N., 2006, p. 1349 ; François SAUVAGE, « La renonciation anticipée à l'action en réduction », AJ Fam., 2006, p. 35

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