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La volonté du débiteur et les procédures collectives d'apurement du passif

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par Raà¯ssa MAGOH FOUDJO
Université de Ngaoundéré Cameroun - Master II recherche en droit privé  2012
  

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Les entreprises sont des espèces commerciales, des individus du monde des affaires qui, à l'instar de ce qu'on a coutume d'appeler le destin de l'homme, naissent, vivent et meurent1(*). Toutes les personnes physiques ou morales sont débitrices d'obligations pécuniaires à l'égard des tiers, et dont le non respect entraine une certaine défaillance avec des répercussions en chaine2(*). Tout ceci était historiquement qualifié de déconfiture ou de faillite3(*). La finalité essentielle de cette procédure était le paiement des créanciers. Du droit de la faillite, le législateur français est progressivement arrivé à consacrer celui des entreprises en difficulté en procédant par refonte entière de la matière et en changeant d'orientation quant à la finalité de la procédure4(*). Désormais, avec l'avènement du droit des entreprises en difficultés et spécialement de celui des procédures collectives, il s'agit d'assurer la sauvegarde des entreprises qui peuvent être redressables. Tel est l'un des objectifs que poursuivent les procédures collectives, telles que règlementées par l'acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif adopté à Libreville le 10 avril 1998, et entré en vigueur le 1er janvier 1999.

En effet, les procédures collectives constituent l'ensemble des mécanismes juridiques permettant de régler les difficultés financières et économiques des entreprises. Ces procédures sont dites collectives en ce qu'elles conduisent à réunir les créanciers en une masse d'une part, et en ce qu'elles visent à satisfaire collectivement les intérêts mis en péril par les difficultés de l'entreprise débitrice d'autre part. Ce sont des procédures faisant intervenir la justice lorsque le commerçant n'est plus en mesure de payer ses dettes5(*). Le lexique juridique pour l'entreprise les entend comme les procédures ouvertes à l'encontre de tout commerçant, artisan ou personne morale de droit privé, en état de cessation des paiements, en vue de sauvegarder l'entreprise, de maintenir l'activité et l'emploi, et de procéder à l'apurement du passif. Cette définition envisage la procédure collective stricto sensu, c'est-à-dire une procédure ouverte en cas de cessation de paiements, et on cite à cet effet le redressement judiciaire et la liquidation des biens. L'Acte uniforme sus cité a par ailleurs prévu dans ses dispositions une procédure intervenant sans cessation des paiements, et qui vient tenter de remplacer le règlement amiable de la loi française du 1er mars 1984 : il s'agit du règlement préventif, dont l'objectif est d'éviter la cessation des paiements ou la cessation d'activité de l'entreprise.

Il découle de cette importante définition des procédures collectives, que celles-ci visent trois objectifs : il s'agit de protéger les créanciers impayés et d'assurer leur désintéressement dans les meilleures conditions possibles ; de punir et d'éliminer le commerçant qui n'honore pas ses engagements, auquel sont assimilés les dirigeants fautifs de personnes morales; de permettre la sauvegarde des entreprises redressables6(*). Ces différents objectifs ont marqué au fil des temps une évolution profonde des procédures collectives.

En effet, le droit des procédures collectives a fait l'objet d'une évolution en France et dans les Etats africains membres de l'OHADA. L'évolution en France fait apparaître quelques grandes étapes. D'abord, avant le Code de commerce, la procédure de faillite, qui était la procédure unique à cette période, trouve son origine la plus ancienne au Moyen-âge, précisément dans les statuts des villes italiennes à la fin du 15e siècle7(*). Les premiers textes sur les procédures collectives sont constitués des ordonnances royales de 1536, de 1560 et de 1673. Ensuite, partant du Code de commerce de 1807, plusieurs textes se sont succédés. Le Code de commerce était marqué par une « grande sévérité à l'égard du débiteur »8(*). Il mettait en avant le paiement des créanciers et la punition du débiteur. Mais le Code de commerce fut rapidement réformé dans le sens de l'adoucissement par la loi du 28 mai 1838, puis par la loi du 4 mars 1889 instituant la liquidation judiciaire, en prévoyant des exceptions à l'incarcération9(*). Par la suite, l'on dut revenir à la sévérité avec les décrets-lois de 1935, celui du 8 août qui étend les déchéances de la faillite et les sanctions de la banqueroute aux dirigeants sociaux ; et celui du 30 octobre qui accélère et simplifie la procédure en modifiant certaines dispositions du Code de commerce. En 1955, il y eut un décret en date du 20 mai qui reposait sur l'idée selon laquelle le choix entre la faillite et le règlement judiciaire se faisait en fonction de la moralité du débiteur ou des dirigeants sociaux. Enfin, on a assisté à de grandes réformes qui se situent en 1967 avec la loi du 13 juillet qui mettait en oeuvre un critère économique pour l'entreprise, et un critère moral pour les dirigeants, consacrant ainsi la dissociation de l'homme et de l'entreprise. Quant à l'ordonnance du 23 septembre, elle a institué une nouvelle procédure dite de suspension des poursuites, destinée à favoriser le redressement de certaines entreprises dont la situation financière, tout en étant difficile, n'est pas irrémédiablement compromise10(*). D'autres réformes intervenues en 1984 et 1985, consistaient pour la loi du 1er mars 1984, à améliorer la détection et la prévention des difficultés des entreprises, et pour les lois du 25 janvier 1985, tantôt à organiser le redressement de l'entreprise et la sauvegarde de l'emploi, tantôt à procéder à un éclatement des professions d'auxiliaires de justice dans les procédures collectives pour tenir compte des compétences nécessaires dans le cadre de la vision nouvelle qui privilégie le sauvetage de l'entreprise11(*). Une dernière réforme est intervenue en 1994 avec une loi du 10 juin, qui vient modifier sur de nombreux points les lois du 1er mars 1984 et du 25 janvier 1985.

En Afrique, seuls quelques Etats avaient réformé leur droit des procédures collectives12(*). Le Cameroun quant à lui, intègre dans un avant-projet de 213 articles, les solutions françaises telles que la prévention des difficultés des sociétés, le règlement amiable, le règlement judiciaire, la liquidation des biens et la faillite personnelle. C'est dire que plusieurs Etats se sont inspirés des modifications législatives françaises pour mettre sur pied une législation propre13(*).

Par ailleurs, l'on constate que les procédures collectives accordent une grande importance au débiteur, en ceci qu'elles lui permettent de rétablir sa situation et de sauver son entreprise. Pour cela, il apparaît indéniable qu'il occupe une place de choix dans les procédures collectives d'apurement du passif. En effet, le débiteur est la personne tenue envers une autre d'exécuter une prestation. En droit commun, c'est toute personne sur qui pèsent une ou plusieurs obligations qu'elle se doit d'exécuter au profit d'autres personnes appelées créanciers. Le terme « obligation » ainsi entendu est donc un lien de droit entre deux personnes, en vertu duquel l'une doit quelque chose à l'autre14(*).

En transposant ce concept de « débiteur » au droit OHADA, et précisément au droit des entreprises en difficulté, on dira que le débiteur est toute personne physique ayant une activité professionnelle à titre de commerçant, ou par extension certains non commerçants tels les artisans et les agriculteurs, mais également des personnes morales de droit privé commerçantes ou non, qui justifie d'importantes difficultés économiques et financières susceptibles d'entraîner la cessation des paiements de l'entreprise. Cette notion de débiteur, liée au phénomène économique de l'entreprise, s'applique à l'entrepreneur individuel, également nommé chef d'entreprise, pour s'étendre non seulement aux associés de personnes morales tenues indéfiniment et solidairement du passif social, mais encore aux personnes morales, lato sensu, dès lors que des dettes naissent à l'occasion de la mise en oeuvre de l'objet social15(*). Ainsi, loin d'être dépourvu de tout droit, le débiteur s'inscrit comme l'homme clé de son redressement, et ses prérogatives transcendent le cercle de son entreprise16(*). Cela suppose que l'on lui reconnaît des droits aussi bien dans sa vie professionnelle, que dans sa vie extra-professionnelle c'est-à-dire privée, mais ce dernier point ne nous intéressera pas dans le cadre de ce thème.

En réalité, pour pouvoir atteindre l'objectif de sauvegarde de l'entreprise en difficulté, le débiteur doit être de bonne foi, et manifester sa volonté de régler sa situation. Le terme « volonté » renvoie ici à la faculté de déterminer librement ses actes en fonction de motifs rationnels. Juridiquement, on le définit comme la manifestation extérieure du consentement d'une personne. La compréhension de ce concept nécessite que l'on parte d'un principe phare du droit des obligations, en l'occurrence la théorie de l'« autonomie de la volonté ». Selon celle-ci, chacun est libre de faire ce qu'il veut comme il l'entend. Toutefois, cette théorie entraîne un certain nombre de conséquences, parmi lesquelles on retrouve la liberté contractuelle, l'effet relatif des conventions, et la force obligatoire17(*). Cette dernière traduit l'idée selon laquelle, le seul fait qu'on ait voulu un contrat justifie suffisamment qu'on soit tenu de l'exécuter18(*). Parler donc de la volonté du débiteur dans les procédures collectives pourrait renvoyer à sa détermination dans le redressement de son entreprise, c'est-à-dire son engouement à vouloir rétablir sa situation.

Tout ceci gravite autour d'une préoccupation centrale, celle de la place de la volonté du débiteur dans les procédures collectives d'apurement du passif. Ceci nous amènera à répondre à une série de questions : la mise en oeuvre d'une procédure collective est-elle tributaire de la volonté du débiteur ? Comment se manifeste cette volonté dans le déroulement de la procédure collective ? La volonté du débiteur est-elle absolue dans les procédures collectives ? Ces différentes questions ne sont pas sans intérêt.

D'abord, sur un plan purement théorique, ce sujet nous permet d'asseoir le concept de « volonté » du débiteur, afin de déterminer jusqu'où il s'étend dans les procédures collectives.

Ensuite et sur le plan pratique, il s'agira de savoir comment cette volonté est prise en compte, voire comment elle se manifeste au sein de la société, et précisément dans le cadre des entreprises qui connaissent d'importantes difficultés.

Ainsi, pour une meilleure étude de ce thème, il semble judicieux de traiter d'une part, de la forte présence de la volonté du débiteur dans les procédures collectives (Première partie), et d'autre part de la limitation de cette volonté dans les procédures collectives (Deuxième partie).

* 1 DJOGBENOU (J.), Procédures collectives d'apurement du passif, programme DESS Droit des affaires et fiscalité, Université catholique d'Afrique de l'Ouest, Abidjan, 1er-6 décembre 2008, p. 2.

* 2 JACQUEMONT (A.), Droit des entreprises en difficulté, 4e éd, Litec, Paris, 2006, n°1, p. 1; parmi ces répercussions, on cite l'impossibilité de payer ses salariés par l'entreprise débitrice, de rembourser ses emprunts, de payer ses impôts; caisses vides ; les banques arrêtent de soutenir l'entreprise ; licenciements massifs.

* 3 Ibid.

* 4 DJOGBENOU (J.), op. cit., p. 5.

* 5 SAWADOGO (F.M.), OHADA, Droit des entreprises en difficulté, coll. droit uniforme africain, Bruxelles, 2002, p. 2.

* 6 SAWADOGO (F.M.), op. cit., n°5, pp. 3-4.

* 7 Ibid. n°10, p. 6, La procédure était réservée aux commerçants, lesquels faisaient l'objet d'emprisonnement ; le banc du commerçant sur lequel il s'asseyait pour faire son commerce, était solennellement brisé à l'assemblée des marchands, d'où le nom de banqueroute ; enfin, les biens du débiteur étaient liquidés dans le respect de l'égalité des créanciers, et on procédait au vote du concordat.

* 8 LABRUSSE (C.), « l'évolution du droit français de la faillite depuis le code de commerce », in faillites, ouvrage collectif sous la direction de R. RODIERE, D. 1970, p. 5 et s.

* 9 SAWADOGO (F.M.), op.cit., n°13, p. 7.

* 10 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), par DELEBECQUE (Ph.) et GERMAIN (M.), Traité de droit commercial, procédures collectives, T. 2, 17e éd., LGDJ 2004, n°2804, p. 812.

* 11 SAWADOGO (F.M.), op. cit., p. 10.

* 12 Il s'agit du Sénégal et du Mali qui ont reproduit purement et simplement la loi française du 13 juillet 1967 ; du Gabon qui a repris l'esprit des réformes françaises de 1984 et de 1985 ; de la république centrafricaine qui a institué une procédure de suspension des poursuites et d'apurement collectif du passif sur le modèle de l'ordonnance française du 23 septembre 1967 ; le Burkina-Faso quant à lui a institué une nouvelle procédure, le redressement judiciaire, par l'ordonnance du 17 juillet 1991, qui vient se superposer aux procédures existantes et qui ne s'ouvre que si le débiteur est en cessation de paiements.

* 13POUGOUE (P.G.) et KALIEU (Y.), L'organisation des procédures collectives d'apurement du passif OHADA, P.U.A., Yaoundé, 1999, p. 5.

* 14 BENABENT (A.), Droit civil, Les obligations, 11e éd., Montchrestien, 2007, n°2, p. 2.

* 15 HARDY (C.), Les droits du débiteur en redressement judiciaire, Thèse pour le doctorat en droit privé (arrêté du 30 mars 1992), Université de Reims Champagne-Ardenne, p. 8.

* 16 Ibid., p. 62.

* 17 TERRE (F.), SIMLER (P.) et LEQUETTE (Y.), Droit civil, Les obligations, 10e éd., D., 2009, n°23-26, pp. 31-32.

* 18 V. en ce sens BENABENT (A.), op. cit., n°25, p. 20.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams