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Platon, l'Egypte et la question de l'à¢me

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par Frédéric Mathieu
Université Montpellier III - Paul Valéry - Master I de philosophie 2013
  

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c. Diodore de Sicile

Les témoignages de Diodore de Sicile et de Strabon, s'ils semblent moins probants que ceux de Cicéron et d'Hermodore, n'en sont pas moins incontournables. Diodore nous lègue une importante Bibliothèque historique qu'il aurait composée entre 60 et 50 avant notre ère. Il y confirme dès le premier livre la réalité d'un voyage d'étude de Platon, comme de nombreuses autres figures du panthéon philosophique grec, en terre des pharaons :

Après nous être étendu sur ces divers sujets, nous dirons un mot des Grecs qui, célébrés pour leur sagesse et leurs lumières, ont autrefois voyagé en Égypte afin de s 'instruire dans les lois et la science de cette nation. Les prêtres égyptiens affirment, sur la foi des livres sacrés, qu'on a vu chez eux Orphée, Musée, Mélampe, Dédale ; ensuite le poète Homère, Lycurgue le Spartiate, Solon d'Athènes, Platon le philosophe ; enfin Pythagore de Samos, Eudoxe le mathématicien, Démocrite d'Abdère et Oenopide de Chio. Pour prouver que ces hommes ont voyagé en Égypte, ils montrent soit des portraits, soit des lieux et des édifices portant leurs noms ; chacun est jaloux de montrer que tous ces sages, qui font l'admiration des Grecs, ont emprunté leurs connaissances aux Égyptiens.19°

Toujours à propos des prêtres égyptiens, Diodore poursuit en affirmant que « comme témoignage de toutes ces visites, ils montrent des uns les statues, des autres les endroits ou édifices qui portent leur nom »191. Si ce passage, dont nous ne restituons ici qu'une bribe, revêt pour nous une importance particulière, c'est que les dires de l'historien sont indépendamment corroborés de trois manières, à l'aune de documentations spécifiques. Nous connaissons ainsi un texte de Strabon dans lequel ce dernier soutient qu'on lui aurait fait visiter dans la cité d'Héliopolis le lieu ou auraient séjourné Platon et Eudoxe de Cnide. Ce genre de pèlerinage organisé n'était pas rare, et les guides, il est vrai, manifestaient peu de scrupules à tromper les touristes en leur faisant passer des vessies pour des lanternes. H se pourrait que les locaux aient fortement contribué à renforcer le mythe du voyage de Platon afin d'attirer le chaland. Cela ne retire rien au fait que pour qu'une telle stratégie -- s'il s'agit là d'une stratégie -- s'avère payante, il incombait a minima que la légende fût suffisamment connue des

190 Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, L. I, 96, 2 (trad. F. Hoefer, 1851). Nous soulignons.

191 Diodore de Sicile, ibid.

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Grecs. Assez, du moins, pour qu'on ait eu l'idée d'en désigner des simulacres de preuves et que Strabon, un auteur averti, ait pu les prendre pour argent comptant.

Pour ce qui concerne les statues évoquées par Diodore, nous héritons du règne de Ptolémée Ier Sôter, daté de la fm du We s. avant notre ère, un exemple archéologique probant avec l'hémicycle du Sérapéum de Saggâra. Fait significatif : cet hémicycle est constitué de diverses statues juxtaposées à l'effigie de différentes figures d'autorité de la Grèce antique. Les photographies prises par J.-Ph. Lauer et Ch. Picard192 nous laissent apercevoir un défilé d'illustres personnages dont la plupart, précédemment cités par Diodore de Sicile, sont susceptibles d'avoir effectué un voyage en Égypte. Aux hommes de loi répondent les dramaturges, aux orateurs les philosophes ; et qui mieux que Platon pour incarner les philosophes ? Pour ce qui nous concerne, cette découverte archéologique signifie que moins d'un siècle après le possible voyage Platon en Égypte, les Égyptiens et les touristes étrangers pouvaient déjà admirer son buste dans la grande nécropole memphite. Et probablement même dans d'autres lieux où il se serait rendu. Cette découverte du buste de Platon au sein de l'hémicycle du Sérapéum étonna plus d'un helléniste, et c'est à A. Burton que nous devons d'avoir risqué le premier ce rapprochement avec le texte de Diodore193.

La troisième pièce en mesure d'illustrer la citation de Diodore consiste en un corpus de vies de Platon rédigées en langue arabe. L'usage que nous pourrions faire à ces biographies dans l'économie de notre argumentaire reste toutefois tout relatif, dans la mesure où ces dernières n'apportent pas d'élément nouveau par rapport à celles que nous tenons des Grecs. Le fait est néanmoins que l'on n'a pu jusqu'à présent déceler aucun lien direct d'inspiration ou de reprise entre les Vies de Platon rédigées par les Grecs et celles de facture arabe ; ce qui tendrait à témoigner de l'indépendance de ces deux sources. En d'autres termes, les Arabes d'Égypte auraient frayé leur propre tradition biographique sur le fondement de connaissances qu'ils n'auraient pas pu recueillir d'informateurs ou de documents grecs. Vies grecques et arabes se recoupent néanmoins sur une majorité de points -- dont le séjour de Platon en Égypte. Un recensement critique des nombreuses biographies arabes de Platon peut être consulté dans l'ouvrage d'A.S. Riginos, Platonica : Anecdotes Concerning the Life and Writings of Plato 194, document fort utile à qui voudrait tenter de reconstituer le paysage les échanges transculturels du point de vue arabe.

192 J. Ph. Lauer, Ch. Picard, « Les statues ptolémaïques du Sérapéion de Memphis », dans Publications de l'institut d'art et archéologie de l'université de Paris, Paris, 1955, p. 143 sq.

193A. Burton, « Diodorus Siculus, L. I. A commentary », article en ligne dans EPRO 29, Leyde, 1972, p. 275 sq.

194 A. S. Riginos, Platonica : Anecdotes Concerning the Life and Writings of Plato, Londres, Brill, 1976, p. 216 sq.

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Sans aller jusqu'à offrir des preuves formelles et hors de cause de l'existence d'une tradition égyptienne concernant un séjour de Platon en Égypte, d'une version des événements qui se serait transmise localement par-delà les générations, le texte de Diodore mentionne toutefois suffisamment d'indices laissant penser que les Égyptiens hellénisés ou les Grecs égyptianisés de cette époque avaient conscience de l'importance que l'Égypte revêtait aux yeux de Platon. Assez, à l'évidence, pour attirer la curiosité des visiteurs grecs en lui élevant des statues dans les lieux significatifs où ce dernier aurait été. Semblable « culte », même entretenu pour des raisons plus financières qu'honorifiques, serait difficilement pensable si Platon, dans l'esprit des Grecs, ne s'était rendu en Égypte et n'y avait longuement séjourné.

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