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Platon, l'Egypte et la question de l'à¢me

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par Frédéric Mathieu
Université Montpellier III - Paul Valéry - Master I de philosophie 2013
  

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D) Itinéraire du voyage de Platon

La condamnation à mort de Socrate, en 399 av. J.-C., fut pour Platon un événement politique capital pour la compréhension de son oeuvre. Elle contraignit nombre de ses disciples à prendre momentanément le large -- le terme est de mise -- pour ne pas s'exposer. C'est bien ce que relate Diogène Laërce, se fondant sur le témoignage direct d'un proche disciple de Platon dont nous avons déjà parlé : «... Ayant atteint l'âge de 28 ans, selon ce que dit Hermodore, il se réfugia à Mégare auprès d'Euclide, avec aussi quelques autres socratiques218. Platon avait effectivement 28 ans en 399 ; plus frappant est l'emploi du verbe « réfugier ». Pline l'Ancien, dans son Histoire Naturelle 219, parlerait pour sa part plus vertement d' « exil » : « Exiliis velus quam peregrinationibus susceptis ». Le même départ est relaté sans variantes significatives chez Cicéron220, Apulée221 et Olympiodore222. Tout porte à croire qu'il y a donc bien eu une période à partir de l'année 399 durant laquelle Platon, les circonstances ayant déterminé son départ d'Athènes, a voyagé ; et c'est au cours de ce voyage qu'aurait eu lieu son séjour en Égypte.

L'itinéraire des pérégrinations

Mort de Socrate. Éteint par la démocratie. Si l'événement devait décevoir bon nombre d'aspirations du jeune Platon en matière politique elle allait plus encore donner à ses écrits une nouvelle impulsion. Si l'on en croit Gomperz223, Platon a relativement peu écrit avant son départ d'Athènes. De fait, même à souscrire à l'hypothèse de Willamovitz et Robin224, reprise par Taylor225, selon laquelle l'anecdote évoquée par Diogène Laërce au sujet du Lysis est authentique, force est de reconnaître que la plupart des grands dialogues datent d'après la mort de Socrate226. Il n'est pas impossible, et Gomperz le soutient, qu'il ait pu même rédiger un certain nombre de ses oeuvres au cours de ses voyages plutôt qu'à son retour. Aussi admettons communément que le Gorgias date de

218 Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, L. III, 6 et L. II, 106.

219 Pline l'Ancien, Naturalis Historia. Histoire naturelle, L. XXX, 9. 22° Cicéron, De Republica. De la République, L. I, X, 16.

221 Apulée, De dogmate Platonis. De la doctrine de Platon, L. III, 186.

222 Olympiodore le Jeune, In Platonis Gorgiam commentaria. Commentaire sur le Gorgias de Platon, 41, 7.

223 T. Gomperz, Les penseurs de la Grèce : histoire de la philosophie antique, t. I : Les commencements, trad. A. Reymond, Paris, Payot, 1908-1910, p 265-266 et 309.

224 Respectivement U. von Wilamowitz-Moellendorff, Platon, Berlin, Weidmann, 1920 et L. Robin, Platon, Paris, Presses universitaires de France, Les grands penseurs, 1968, p. 40.

223 A. E. Taylor, Plato, Londres, Constable, 1902, p. 21.

226 W. Jaeger adopte cependant une position légèrement différente. Cf. à ce sujet W. Jaeger, Paideia, la formation de l'homme grec, 2 vol., trad. André et S. Devyver, Paris, Gallimard, 1964. Jaeger, Paideia, trad. Anglaise, Oxford, p. 88 et notes.

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son retour de Grande Grèce, ce qui pourrait expliquer les nombreux éléments et allusions référant à l'orphisme et au pythagorisme227. Fr. Daumas situe précisément sa rédaction entre 395 et 390, conformément aux indications de Croiset228 ; en tout état de cause après 394, si l'on souscrit aux datations de Dodds229. Il constate à compter de ce dialogue une sorte de « d'élargissement dans l'information de Platon ». Il en infère qu'en sus des influences de doctrine ésotérique grecque, l'auteur y aurait pu transposer certains aspects de la morale égyptienne.

a. Aspects pratiques

Pour avoir été précipités, les voyages d'étude de Platon ne se seraient pas projetés sans préparatifs. Platon, pour être philosophe, n'en est pas moins astreint aux mêmes nécessités matérielles que n'importe quel Grec. Sans doute avait-il des points de chute, des amis pour l'héberger, des connaissances comme Théodore, à Cyrène où il est dit qu'il fut considéré comme un hôte. Reste qu'il est difficile d'envisager que Platon n'ait pas pris quelques précautions pour garantir le bon déroulement de son voyage d'études. Plutarque, dans la Vie de Solon 230 et Grégoire de Naziance dans le Carmen Liber 231 se font l'écho d'une tradition ancienne affirmant que Platon aurait pris soin d'emporter avec lui une pleine cargaison d'huile afin de s'acquitter des frais de son long séjour, et de faire face à d'éventuels impondérables. Détail relayé plus récemment par L. Robin dans son ouvrage consacré à Platon : « un tel voyage pour un Athénien n'avait rien d'une aventure, et Platon, dit-on, l'aurait fait en négociant, emportant avec lui une cargaison de huile, le produit de ses olivaies ; vendue sur le marché de Naucratis, elle devait lui procurer le moyen de continuer son voyage »232. Détail d'autant plus vraisemblable qu'en dernière analyse Platon, issu de l'aristocratie athénienne, était sans doute aussi propriétaire foncier et devait posséder des exploitations. Surtout, l'huile d'olive faisait partie du lot de marchandises et de denrées typiques qu'Athènes exportait couramment vers d'autres ports méditerranéens. D'autres ports, inclus celui de Naucratis d'Égypte. Ainsi, dans une étude intitulée « L'Olivier et l'huile d'olive dans l'ancienne Égypte », Ch. Dubois mentionne la découverte de nombreux tessons de jarre de facture grecque dans cette ville même233. L'article fait par ailleurs

22' Cf. T. Gomperz, op. cit., t. II, p. 353 ; Robin, op. cit., p. 172 ; surtout, E. R. Dodds, Les Grecs et l'irrationnel, Berkeley, Champs-Flammarion, 1997, p. 209.

228 Platon, Gorgias, A. Croiset (éd.), Paris, Budé, Belles Lettres, 1923, p. 102.

229 Platon, Gorgias, E.R. Dodds (éd.), Oxford, Oxford University Press, 1959, p. 28. 238 Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres, t. I : Vie de Solon, 2, 8.

231 Grégoire de Naziance, Carmen Liber, I, II, 311.

232 L. Robin, op. cit., p. 5.

233 Ch. Dubois, « L'olive et l'huile d'olive dans l'ancienne Égypte », dans Revue de philologie, n°49, 1925, p. 73 et notes 5-6.

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précisément référence au « commerce de Platon ». Un commerce alors très développé si l'on en croit

D. Mallet234, et qui n'ajoute que plus de crédit à l'hypothèse d'un séjour prolongé de Platon en Égypte.

Deux autres indices nous sont donnés dans les dialogues de Platon de la véracité de ces préparatifs et précautions pécuniaires. Le premier, pittoresque, peut être relevé en République 436-a, ainsi que dans les Lois en 747-c, où il est par deux fois évoqué la « cupidité des Égyptiens » dont Platon fait un trait de civilisation. On peut sans doute imaginer qu'il écrivait sous le coup du souvenir de certaines tractations ardues qu'il avait dû mener avec les négociants d'Égypte. Connaissant la réputation des marchands grecs, on ne saurait douter que ceux-là devaient être particulièrement durs en négoce. D. Mallet fait sienne la suggestion235 que Froidefond, pour sa part, reprend non sans quelque réserve236. Le second indice de ces préparatifs pour le voyage d'Égypte figure dans le Gorgias, en 511 d-e, lorsqu'au détour d'une conversation Platon mentionne le prix de la traversée entre Athènes et l'Égypte. Précisément, Platon évoque la traversée dans le sens Égypte-Athènes, c'est-à-dire du voyage de retour. L'on peut légitimement inférer de ces deux éléments (le prix et le sens de la traversée) qu'il s'agissait d'un souvenir récent ; d'un souvenir vécu, et non d'un simple « on dit ». Ce qui, en outre, renforcerait la thèse selon laquelle le Gorgias aurait été rédigé au retour d'Égypte.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon