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Platon, l'Egypte et la question de l'à¢me

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par Frédéric Mathieu
Université Montpellier III - Paul Valéry - Master I de philosophie 2013
  

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d. Déclinaisons

Platon met ainsi en valeur une constitution « tripartite » de l'âme qu'il développe en particulier dans le Phèdre et dans La République.

Dans la République ; en conférant à cette tripartition une valeur politique ou psychopolitique. La justice en l'individu sera ainsi conçue comme l'harmonie réglée, hiérarchisée des trois parties de l'âme respectueuses de leur fonction. De même qu'en l'âme le nous, ou la raison, en tant qu'il a seul rapport à l'intelligible, est la plus noble des parties, est la plus digne de gouverner, ce sont, en la cité, les gardiens initiés en rapport avec des formes intelligibles qui doivent régir les deux autres classes : celle des auxiliaires et celle des producteurs. Nous sommes au coeur de l'idéologie trifonctionnelle telle que thématisé par Dumézil.

Dans le Phèdre ; moyennant l'allégorie d'un attelage composé d'un cocher qui représente l'élément rationnel (logistikon), d'un cheval blanc docile qui figure la partie irascible (thumoeidès) et d'un dernier coursier, récalcitrant, incarnant les élans irrationnels du désir qui peut entraîner l'âme au vice. Déjà dans le Gorgias s'esquissait derrière l'image du tonneau percé une ébauche de ce qui

376 Ibid, 254b.

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deviendrait avec les dialogues de la maturité cette partie responsable du désir passionnel, l'epithumétikon. Platon entend que le thumos se mette au service de l'élément rationnel afin de maîtriser les pulsions de l'épithumia et d'ainsi redresser le char.

Toute la difficulté consiste en ce que la conception platonicienne de l'âme est loin d'être figée. Nombre d'évolutions, d'envergure substantielle, s'observent entre les différents dialogues. Ces évolutions, revirements et mutations ont d'ailleurs fait l'objet de nombreuses controverses parmi les commentateurs de Platon. Au point que Frutiger consacre à la question de leur conciliabilité et de leurs incohérences un ouvrage détaillé, dont le chapitre intitulé « les parties de l'âme » est des plus éloquents37. Si, d'après le Phédon, rédigé vers 385 avant J.-C. Platon semble admettre une seule âme378, il admet dans la République, écrite vers 370 avant J.-C., soit environ une quinzaine d'années plus tard, la partition de cette âme en trois principes dont l'un seulement est éterne1379. Tripartition, nous l'avons vu, reprise à l'occasion du Phèdre 380. Comment s'explique un tel bouleversement ? Ne pourrait-on pas envisager qu'il soit comptable d'une nouvelle conception de l'âme que Platon, dans l'intervalle, aurait pu connaître au cours de son voyage en Égypte ?

Légitimer cette hypothèse présupposerait d'une part, que cette tripartition de l'âme n'existe pas déjà en Grèce, et d'autre part qu'elle se retrouve à cette époque dans des doctrines ou des textes égyptiens. Tels sont les deux points qu'il nous reste à examiner.

Tripartition selon les pythagoriciens

On a soutenu que la tripartition de l'âme telle que la recompose Platon, loin d'être originale, aurait été un réinvestissement de thèses déjà présentes chez Pythagore. Platon aurait hérité de ce trope sous sa forme explicite, théorisée, de ses contacts avec les sectes pythagoriciennes. De tels emprunts sont par ailleurs fréquents dans l'oeuvre de Platon381. Bien qu'il ait soin, pour des raisons que nous n'abordons pas ici, de taire le nom de ses inspirateurs. Une telle problématique peut être divisée en deux moments : d'abord, y a-t-il effectivement des traces de la tripartition chez Pythagore ou chez les pythagoriciens ; ensuite, y a-t-il application de la tripartition à l'âme ?

37 P. Frutiger, Les mythes de Platon : étude philosophique et littéraire, Paris, Alcan, 1930, p. 76-96.

378 Platon, Phédon, 65a, 77a, 80a, 105c, passim.

379 Platon, République, L. N, 436-441.

38° Platon, Phèdre, 246a, 253c.

381 Cf. J.-L. Périllié (dir.), Platon et les pythagoriciens, Cahiers de philosophie ancienne n°20, Bruxelles, Editions Ousia, 2008.

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A la première question, nous devons répondre par l'affirmative. On retrouve bien chez les pythagoriciens des occurrences de la tripartition, avec ses trois fonctions hiérarchisées. Le cas de la médecine est exemplaire qui se répartit selon ce qu'en décrit Jamblique entre (a) médecine par incantations relevant des roi-prêtres ou philosophes, (b) médecine par les herbes relevant des producteurs, et (c) médecine par incisions et cautérisations, apanage des guerriers (Jamblique, Vie de Pythagore, écrit vers 310 après J.-C., trad., Les Belles Lettres, 1996). Et plus encore celui de la politique. Pythagore subdivise la société en trois fonctions sociales - comme tous les Indo-Européens : producteurs, guerriers, rois-prêtres. Mais les pythagoriciens vont-ils jusqu'à transposer cette tripartition à l'âme ? Rien n'est certain ; et nous ne prétendrons pas répondre de manière tranchée à cette question. Aussi nous importera-t-il d'explorer les deux possibilités.

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