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Platon, l'Egypte et la question de l'à¢me

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par Frédéric Mathieu
Université Montpellier III - Paul Valéry - Master I de philosophie 2013
  

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c. Eschyle

On a souvent relevé l'atmosphère religieuse qui entourait les tragédies d'Eschyle et d'Euripide533. Ces deux illustres poètes auraient été profondément sensibles aux questions morales et théologiques de

527 Fr. Daumas, « L'origine égyptienne du jugement de l'âme dans le Gorgias de Platon », dans De l'humanisme à l'humain, Mélanges R. Godel, Paris, 1963, p. 187-191.

528 E. Rohde, op. cit., p. 368.

529 Pindare, Olympiques II: A Théron, v. 104-109, trad. A. Puech, op. cit.

538 O. P. Lagrange, « L'Orphisme », article en ligne dans Échos d'Orient, vol. 37, n°189, p. 207-208.

531 Pindare, Olympiques II: A Théron, v. 84, trad. A. Puech, op. cit.

532 W. K. Guthrie, Orphée et la religion grecque. Etude sur la pensée orphique, Paris, Bibliothèque historique, Payot, 1956, p. 262

533 Pour ce qui concerne cette « solennité » rappelant par de nombreux aspects la lourdeur hiératique de certains cultes et mystères grecs, nous renvoyons notre lecteur aux analyses qu'en propose P. Decharme, dans La critique des traditions religieuses chez les Grecs des origines au temps de Plutarque, Paris, Alphonse Picard et Fils, 1904, p. 99-107.

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leur époque. Ils témoignent en particulier d'un souci permanent de sauvegarder la justice quel qu'en soit le prix, signe d'une conscience morale plus aiguisée sans doute que la majorité de leurs contemporains. Eschyle, pour ne citer que lui, était à cet égard lucide sur cet isolement spirituel : « à l'écart des autres, je demeure dans la solitude de ma pensée »534. H déplorait, à l'instar de Socrate s'entretenant avec Calliclès, de voir l'injuste récompensé et le juste châtié. La loi terrestre est loin d'être infaillible. A quoi bon lors être moral si la morale dessert ? Ne vaut-il pas mieux paraître juste, porter le masque et servir en sous-main ses propres intérêts ? Rien n'est moins sûr. D'une part, parce que servir ses intérêts exige d'abord de savoir quels ils sont ; or ils ne sont jamais contraires à la justice. Ensuite et plus encore, parce que ceux qui se glissent entre les mailles de la justice des hommes ne sauraient échapper, en dernier ressort, à la justice rendue dans le royaume des morts. Le jugement des enfers apparaît alors comme un moyen ultime de rendre la justice : tout homme paie le prix de ses fautes ; aucun n'échappe à la justice divine. L'action humaine, si elle n'est sanctionnée sur terre, le sera fatalement au-delà de la mort. Aussi Platon aurait-il pu trouver dans les conceptions respectives d'Eschyle et d'Euripide de la psychostasie une précieuse source d'inspiration. Une vision extensive de la rétribution irriguant les Dialogues, oeuvres fictives, mais s'affichant aussi et plus encore dans ses écrits autobiographiques (ou considérés comme tels), telle que la Lettre VII :

L'aveugle ne voit point que toutes ses violences sont autant d'impiétés, que le malheur est inséparable de toute injustice, et qu'une loi fatale condamne l'âme injuste à traîner avec elle cette impiété partout où elle séjournera dans ce monde et pendant ses courses errantes sous cette terre, fournissant partout la carrière la plus honteuse et la plus misérable.535

Probablement composées dans les années 466 à 463 avant J.-C., les Suppliantes, pièce du poète Eschyle ont significativement pour décor l'Égypte. Né en Égypte de la nymphe Io, Danaos s'apprête à marier ses filles, les Danaïdes, avec les fils de son frère Ægyptos. Rétives à ce mariage, les Danaïdes s'enfuient jusqu'au pays d'Argos, poursuivies par les Ægyptiades humiliés. Craignant pour la chair de sa chair, Danaos s'indigne du crime qu'ils s'apprêtent à commettre, tout en sachant qu'il s'était engagé et ne peut rien contre eux. La justice des hommes s'avère donc impuissante. Les criminels seraient donc relaxés ? Cela, sans doute Eschyle ne pouvait-il l'admettre. Raison pourquoi il introduit le motif du jugement eschatologique : « là-bas aussi les fautes, selon un récit (logos), un autre Zeus les juge chez les morts [avec] des sentences définitives »536. Si d'aventure les Ægyptiades parvenaient à leur fm et n'étaient pas traduits devant le tribunal des hommes, au moins devront-ils répondre de leur crime

534 Eschyle, Agamemnon, v. 757, trad. P. J. de la Combe, Paris, Bayard Centurion, Nouvelles traduction, 2005.

535 Platon, Lettre VIL 335b-c.

536 Eschyle, Suppliantes, v. 230-231, trad. P. Mazon, Paris, Belles Lettres, 2003.

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dans l'Hadès. La justice est donc sauve ; et la morale rendue d'autant plus nécessaire. Cette préoccupation réapparaît clairement dans une autre pièce d'Eschyle, les Euménides, quelque 35 années plus tard : « immense, Hadès, sous terre, exige des humains de terribles comptes et son âme, qui voit tout, de tout garde fidèle empreinte »537. Rien n'interdit de penser que le terme « récit » (logos) employé dans les Suppliantes fasse référence à quelque mythe de tradition orphique ou pythagoricienne dont Eschyle aurait eu connaissance. Toujours est-il que ni Pindare ni Eschyle n'identifie clairement ce juge des enfers538. L'un utilise le pronom indéfini « on » ; l'autre tantôt « Hadès », tantôt « un autre Zeus ». Si tous deux se réfèrent à une hypothétique tradition orphico-pythagoricienne, il semble que cette tradition n'ait pas déterminé de manière dogmatique un juge attitré pour les âmes.

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