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Le phénomène d'acquisition des anciennes demeures par les étrangers, un processus de mise en tourisme de la médina de Fès?

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par Widad Jodie BAKHELLA
Université Mohammed V  - Master recherche en aménagement, développement local et gestion des territoires 2008
  

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2- Les communautés étrangères : réseaux et cohabitation

Les quartiers d'installation des étrangers dans la médina constituent des espaces urbains en mutation par un processus de mise en tourisme mais aussi et surtout, pour ces nouveaux venus, des espaces sociaux de vie et de cohabitation avec les marocains. Ses liens sociaux vont des simples rapports de voisinage noués avec les autochtones, aux réseaux relationnels créés avec les autres étrangers habitant la médina.

Les relations entre les étrangers se tissent principalement entre les résidents de la même nationalité, ou du moins parlant la même langue. La solidité des rapports tient à différentes affinités, parmi lesquelles, la fréquence de la présence de l'étranger en médina. En effet, certains étrangers y viennent passagèrement, par contre d'autres y vivent de façon permanente. Certains en font leur lieu de travail pendant que d'autres l'envisagent comme un espace de résidence ou de villégiature. Les premiers étant le plus souvent sur les lieux, ont le plus de chance d'établir des liens plus étroits avec le reste de la communauté étrangère.

A Fès, et d'après nos observations, le réseau le plus solidaire est celui de la population anglophone. Ceux-ci semblent s'organiser autour d'un américain dans les cinquantaines, directeur du centre d'enseignement d'anglais et de l'arabe, qui a acquis une grande réputation auprès des différents étrangers, mais aussi auprès des habitant de la ville en générale, pour avoir été le premier étranger à acheter une demeure traditionnelle en médina, pour en acquérir par la suite quatre autres. Cet esthète américain, comme le qualifie Justin MCGUINESS (J.MCGUINNESS, 2006, p.191), est devenu spécialiste de l'acquisition et de la restauration des riads et demeures traditionnelles. Il a créé à cet effet, un site Internet très riche en informations utiles à tout nouveau étranger (anglophone, puisque le site est en anglais), souhaitant s'installer dans la médina de Fès58. En effet, à travers son site Internet, il explique aux étrangers comment acheter et restaurer une maison ou un riad à Fès dans le but de les encourager mais aussi pour leur faire part de ses expériences afin de leur faire éviter les erreurs que lui ou d'autres étrangers ont pu commettre. Comme il cite différents contacts utiles d'ingénieurs, d'architectes, d'agents immobiliers et différents autres administrateurs, qui peuvent aider à une étape ou à une autre de l'achat de la maison.

58 http://www.houseinfez.com.

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Nos enquêtes de terrain nous ont, en effet permis de vérifier la position centrale de cet américain dans les choix à prendre par les nouveaux "touristes-résidents" d'origine anglophone, en matière de consultation et de demande de conseils. Des habitants anglais nous ont affirmé le rôle de celui-ci et l'utilité de son site Internet comme source d'information.

D'autre part, et en sa qualité de "pionnier" en médina, cet américain s'amusait à enregistrer, jusqu'en 2002, et avec précision, tous les autres étrangers venant s'établir en médina et ce depuis son installation en 1997. Il est même un interlocuteur privilégié auprès des autorités locales et du Wali comme interface entre les autorités et cette communauté étrangère. Il est intéressant de souligner également, qu'en sa qualité de directeur du centre linguistique, cet habitant américain loue une de ces maisons en médina aux enseignants et aux étudiants étrangers ou leur propose de vivre au sein d'une famille marocaine, pendant une à deux années, avant que ceux-ci ne se décident généralement à s'acheter eux-mêmes une maison traditionnelle.

Le réseau de contact entre les étrangers se développe généralement dans le sens d'une communauté d'intérêts. Ces étrangers "néo-Fassis" comme les qualifient Justin MCGUINNESS (Idem, 2006), se partagent les informations relatives aux processus d'acquisition d'une demeure, sa restauration, le coût des travaux,...etc. comme ils peuvent tisser des relations d'amitié avec des samsars marocains qui les aident et les accompagnent aussi pour la traduction ou toute autre démarche.

Le motif d'installation et la situation sociale du nouvel habitant aident au rapprochement entre les différents groupes. Nous avons noté ici, l'exemple des patrons de maisons d'hôtes qui se réunissent et se rendent souvent visite et s'organisent en association. D'autre part, les étrangers ayant noués des liens d'amitiés peuvent s'inviter mutuellement. Dans ce sens, les anglophones ont créé leur point de rencontre à eux en médina, le café culturel dont le patron est un anglais. C'est pour eux un lieu de rencontre idéal pour manger ensemble, prendre un pot, discuter ou travailler au calme.

D'autres étrangers, par contre, semblent être moins ouverts à la rencontre ou à la connaissance des autres membres de la communauté étrangère, et n'entretiennent ainsi aucune relation avec

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eux. Ils sont généralement des habitants dont le lieu de travail est en ville nouvelle et qui ne passent, ainsi, que peu de temps en médina.

Habiter dans l'ancienne médina, c'est aussi côtoyer de plus près les aspects de la vie quotidienne de l'autochtone. Les nouveaux étrangers s'intéressent à tous ce qui concerne leur ville adoptive. Une jeune anglaise mariée à un marocain est constamment vêtue en habits traditionnels marocains et ne parle aux marocains qu'en arabe. Un autre couple d'une française mariée à un allemand, est devenu un couple vivant à la marocaine dans la façon de s'habiller à la marocaine et de vivre à la marocaine. C'est des manières parmi d'autres de se faire accepter et de s'adapter à leur nouveau milieu de vie. La cohabitation entre les étrangers et les marocains commence par les liens de voisinage, ainsi les contacts entre le fassi et son nouveau voisin étranger peuvent prendre forme à travers les incidents de tous les jours. Ces relations sont souvent modestes, mais courtoises. Un voisin demandera son avis à l'étranger sur les travaux qu'il est en train de faire exécuter et lui montrera sa maison. Le représentant des résidents lui proposera de devenir membre de leur association du quartier...etc. (J.MCGUINESS, 2006, p.196). En plus, ces étrangers font souvent travailler des marocains chez eux, surtout quand il s'agit d'un lieu de commerce (Maison d'hôtes, café,...). Comme le souligne M.BERRIANE, "de façon générale, les premiers acquéreurs ont été accueillis à bras ouverts par les habitants de ces quartiers anciens: ils apportent des devises, du travail (gardiennage, travail ménager) et des consommateurs de biens et de services, et contribuent à la relance des activités artisanales" (BERRIANE, 2003).

Les relations de proximité et de voisinage entre ces nouveaux habitants étrangers et la population locale n'ont pas encore fait l'objet d'une recherche ou d'enquêtes approfondies. Elles ont, néanmoins, été introduites dans les écrits de J. MCGUINNESS qui explique, sur la base de plusieurs séries d'entretiens réalisés auprès des nouveaux habitants étrangers, quelques aspects liés à la nécessité pour ces derniers, de se faire accepter dans leur nouvel environnement. Une enquête plus fine sur « Le voisinage des Ryads-maisons d'hôtes (RMH) dans la médina de Marrakech », a été néanmoins encadrée par le chercheur R. SAIGH BOUSTA, afin de cerner les transformations de la vie du quartier historique face à la prolifération rapide des riads reconvertis en maisons d'hôtes à Marrakech. Le chercheur A.-C. KURZAC SOUALI, s'est également arrêtée sur les rumeurs et cohabitation en médina de Marrakech face à l'installation d'étrangers, sous le thème de « l'Autre où on ne l'attendait pas ». Ces recherches

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sont révélatrices d'une superficialité relative concernant les contacts de la population marocaine avec les étrangers en médina.

La mise en tourisme de la médina par ses acteurs étrangers de plus en plus nombreux est perçue, d'une part, comme valorisante, étant donné que les nouveaux venus participent à l'amélioration de l'environnement local et offrent des opportunités d'emplois pour les habitants du quartier. D'autre part, l'arrivée d'étrangers est susceptible de générer des craintes par les anciens habitants, surtout dans les quartiers les plus investis, notamment par les maisons d'hôtes. La réaction des habitants est, en effet, généralement basée sur un sentiment de danger et de perte des repères identitaires et traditionnels.

Il serait intéressant de consacrer un travail de recherche ultérieur aux aspects liés à cette problématique de pratique de la médina par les étrangers et les questions de la cohabitation et des rapports entretenus entre les marocains et ses nouveaux touristes-résidents en le renforçant par des enquêtes et des entretiens.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault