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Redevance incitative et gestion des déchets en habitat social

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par Victor Bailly
Université de Franche-Comté - Master 2 Analyse et gestion des politiques sociales 2012
  

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2. Dimension processuelle dans la mise en place des politiques de tri et émergence de la problématique de l'habitat collectif.

Comme tout projet de développement durable urbain, l'instauration du tri en France s'est d'abord inscrit « dans des pratiques expérimentales, à petite échelle et marquées par la dimension processuelle de leur concrétisation. »62. Dans un premier temps, les techniciens municipaux en charge de la mise en place des collectes sélectives se sont attachés à mener des expertises préalables afin de « chiffrer le comportement du trieur à l'occasion de phases expérimentales sur des quartiers-tests »63. Dans cette perspective, des indicateurs techniques (composition des poubelles, taux de présentation) tendent à se stabiliser et la réalisation d'enquêtes par questionnaires traduit un intérêt croissant des techniciens pour les modes de gestion domestique des déchets. Dans un second temps, la mise en place opérationnelle des premières collectes sélectives fait rapidement apparaître les difficultés liées à la gestion des déchets ménagers en habitat vertical. En effet, la plupart des villes françaises ont progressivement instauré le tri selon une hiérarchisation des zones urbaines : la mise en place « débute dans un "secteur pilote" choisi dans une zone pavillonnaire, elle s'étend ensuite aux "petits collectifs" ; les grandes cités sont abordées en dernier lieu. [...] Cette implantation évolutive permet d'aller du plus simple au plus complexe. [...] Les enquêtes (Tec Habitat, Eco-Emballages, 1996) montrent que le taux de participation des immeubles (65 %) est inférieur à celui enregistré dans les maisons individuelles (78 %). »64. Ces écarts s'expliquent alors par deux facteurs : d'une part le manque d'espace de stockage lié à la typologie d'habitat65 et, d'autre part, le manque de sensibilité environnementale qui semble davantage marqué chez les catégories socioprofessionnelles (ouvriers et employés) occupant majoritairement l'habitat collectif, et notamment l'habitat social.

3. Comment atteindre l'usager ? Accompagnement, communication de proximité et communication de masse.

Toutefois, il ne suffit pas d'équiper les ménages pour qu'ils coopèrent à la collecte sélective, ce qui oblige les acteurs institutionnels à élaborer des stratégies de communications visant à obtenir l'adhésion de l'usager au geste de tri. Les deux mots d'ordre qui vont orienter

62 HAMMAN Philippe, BLANC Christine, Sociologie du développement durable urbain. Projets et stratégies métropolitaines françaises, Bruxelles : Peter Lang, 2009, p. 139.

63 BARBIER Rémi, « La fabrique de l'usager. Le cas de la collecte sélective des déchets. », in Flux, 2/2002 : n°48-49, p. 41.

64 TAPIE-GRIME Muriel, op. cit., p. 68-69.

65 L'objet déchu, pour ne pas passer directement dans la catégorie du rebut, doit pouvoir suivre un système de destitution progressive en étant stocké dans les annexes de l'habitation : cave, grenier, garage, jardin...

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l'action des pouvoirs publics à ce niveau, sous les conseils de l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) et d'Eco-Emballages, sont proximité et répétitivité66, c'est-à-dire que l'offre d'information sur le recyclage des déchets ménagers doit s'effectuer par des contacts directs et doit être renouvelée dans le temps. Les ambassadeurs du tri67, émissaires de la collectivité territoriale, sont « chargés de la distribution du matériel mais aussi d'expliquer les consignes, de rassurer, de justifier, provoquant ainsi l'attention minimale nécessaire au changement d'attitude. »68. Cependant, ils ne constituent pas les seuls agents de proximité sur lesquels s'appuient les collectivités et, afin de conférer une plus grande légitimité à leur action, ces dernières cherchent à diversifier les relais de terrain. Cette logique correspond à une « dissémination de la relation de service, au sens d'une multiplication des interfaces par lesquelles pourront transiter consignes, réclamations, interrogations, conseils... »69. Dès 1994, l'ADEME et Eco-Emballages préconisaient, à travers un guide méthodologique, un plan « type » de communication qui insistait également sur l'importance des relais « externes »70, tels que les associations, les commerçants, les enseignants, les enfants, etc., ainsi que sur le rôle prépondérant des relais « internes » que peuvent être les gardiens d'immeuble ou les ripeurs. En habitat collectif, comme le souligne à juste titre Muriel Tapie-Grime, l'adhésion et l'investissement des gardiens est un pré-requis essentiel à la réussite des opérations de collecte sélective. Or, leur place dans la chaîne du tri n'a pas fait l'objet d'une reconnaissance institutionnelle et, généralement, aucune attente ni mission supplémentaire en matière de gestion des déchets ne leur ont été adressées explicitement par leur employeur. Dans le même sens, malgré l'identification des gardiens comme « acteurs clés » dans la réussite du tri en habitat vertical, il semble que, dans les faits, les collectivités n'ont pas ou prou mis en place des dispositifs de coopération stables avec les bailleurs permettant d'impliquer plus finement leurs agents de terrain. Enfin, à terme, le relai d'information idéal, fantasmé par les pouvoirs publics, est l'« usager modèle »71 qui, par son investissement et sa conviction dans le tri, tente de convaincre ses proches et ses voisins.

66 BARBIER Rémi, op. cit., p. 42-43.

67 A Besançon, la direction gestion des déchets a très vite préféré la dénomination de « conseillers du tri », insistant par là sur leur rôle de « conseil à l'usager ».

68 Ibid., p. 43.

69 Ibid.

70 Dans le sens où ils ne font pas directement partie de la chaîne du tri.

71 Rémi Barbier rapporte qu'aux débuts de la collecte sélective dans le Jura, la collectivité avait recruté des « partenaires du tri » qui s'engageaient « à promouvoir dans leur entourage l'idée du tri comme une solution d'avenir ». Dans le même esprit, le SYBERT, s'inspirant des expérimentations jurassiennes, avait lancé en 2010 une « expérience-réalité » intitulée « Le ménage presque parfait de Besançon et sa région », opération consistant à suivre une dizaine de foyers dans l'adoption de pratiques quotidiennes destinées à réduire la production de

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Cette communication de proximité s'est également accompagnée d'une communication de masse mise en oeuvre « par différentes catégories d'acteurs : les médias, les industriels, les pouvoirs publics, les associations... »72. L'utilisation de cette forme de communication s'est traduite par une inflation des discours sur la question de la gestion des déchets ménagers. Les communicants s'appuient sur deux procédés pour solliciter la coopération des ménages en fonction de leur définition de la figure de l'usager : l'information si l'usager est considéré comme un acteur rationnel, la persuasion si ce dernier est jugé comme un être pulsionnel ; bien que, dans les faits, les plans de communication mêlent souvent ces deux registres. En outre, comme l'expriment Dominique Lhuilier et Yann Cochin, « la diffusion des messages est le plus souvent unilatérale au sens où l'émetteur s'adresse à des cibles considérées comme de purs récepteurs, sur le mode des communications de masse impersonnelles du type publicité ou propagande. »73. Or, dans le cas de l'habitat social et collectif, nos observations empiriques ont démontré que la forme de communication la plus apte à toucher l'usager est l'interaction en face-à-face avec des relais d'informations tels que les conseillers en habitat collectif ou les gardiens. En prime d'une meilleure réception de l'information par l'usager, Muriel Tapie-Grime remarque à juste titre que la communication de proximité est également « productrice d'organisation » dans le sens où, d'une part, les usagers identifient un interlocuteur auquel s'adresser et ne se sentent plus isolés face aux obstacles qu'ils rencontrent dans l'adoption du geste de tri ; d'autre part, les informateurs-relais peuvent faire remonter au sein de leur hiérarchie des informations sur les difficultés pratiques des usagers.

Aujourd'hui, le passage à la redevance incitative de certaines collectivités pose à nouveau des problématiques similaires à celles rencontrées lors de l'instauration de la collecte sélective : définition de l'usager comme acteur rationnel74, expertises préalables, mise en place processuelle de la redevance incitative75, accompagnement et communication de proximité par des agents de terrain. Cette logique processuelle qui fonctionne par expérimentation est caractéristique des politiques locales de développement durable. Ainsi, en détaillant la façon dont s'est instaurée la redevance incitative à Besançon nous pourrons

déchets ménagers. Cette démarche se retrouve également dans l'opération de la ville de Besançon « Les familles actives pour le climat » initiée en 2009 et encore en cours aujourd'hui.

72 LHUILIER Dominique, COCHIN Yann, op. cit., p. 129.

73 Ibid., p. 130.

74 La redevance incitative vise la responsabilisation et l'augmentation de l'effort de prévention et de tri de l'usager en s'appuyant sur sa rationalité économique (principe pollueur-payeur).

75 Avant de mettre en place une redevance incitative La Roche-sur-Yon Agglomération a lancé, en 2010, une expérimentation sur une dizaine d'immeuble représentant un échantillon mixte de bailleurs sociaux et privés.

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mieux appréhender comment ces politiques se construisent in situ et rentrent parfois en tension avec d'autres principes de production de la ville.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore