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Redevance incitative et gestion des déchets en habitat social

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par Victor Bailly
Université de Franche-Comté - Master 2 Analyse et gestion des politiques sociales 2012
  

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IV. La construction sociale de la figure de l'usager

Ces politiques publiques successives concernant la gestion des déchets ménagers dessinent peu à peu un système sociotechnique mobilisant une chaîne d'acteurs au sein de laquelle on assiste à une construction sociale de l'usager.

1. Renversement de la figure de l'usager

Les travaux de Lionel Panafit55 sur cette question montrent clairement que la loi de 1975 appréhende l'acteur « ménage » comme un être profondément irrationnel : ce dernier sollicite le recours à l'action publique pour le débarrasser de ses ordures tout en refusant de contribuer au financement d'une taxe qui servirait à cet effet. Ainsi, les usagers sont caractérisés par une irresponsabilité puérile et doivent ainsi rester cantonnés à une simple place de destinataires d'une politique publique « "globale" et "cohérente" »56. Cette conception a également servi à légitimer une réappropriation publique de la gestion des déchets ménagers en vue du développement de grands groupes industriels de l'environnement : en obligeant les collectivités territoriales à mettre en place un système public d'élimination des déchets, le législateur ouvre de nouveaux marchés publics à ces entreprises. La question des ordures ménagères n'est donc abordée que sous un angle technique relevant des sciences de l'ingénieur et « toute connaissance issue du rapport pratique aux déchets est ainsi purement et simplement ignorée ou délégitimée. »57.

Avec le développement des collectes sélectives suite à la loi de 1992, nous assistons à une redéfinition de la figure de l'usager sur fond de montée en puissance de la question écologique. Parallèlement à l'invention de la notion d'écocitoyenneté émerge la figure de l'usager trieur. D'abord évincé des politiques publiques de gestion des déchets ménagers, l'usager devient le premier acteur à mobiliser dans la chaîne du recyclage alors que, paradoxalement, il est le plus déconnecté des enjeux inhérents à la politique de recyclage qui touchent d'abord les industriels et les collectivités territoriales compétentes. Situé au début de cette chaîne, il doit désormais adapter ses gestes quotidiens aux consignes de tri imposées en bout de chaîne selon les capacités techniques des industriels du recyclage58. Les années 1990

55 PANAFIT Lionel, « Les déchets, un bien public, un mal privé. » in PIERRE Magali [dir.], Les déchets ménagers, entre privé et public. Approches sociologiques., Paris : L'Harmattan, 2002, p. 19-45.

56 Ibid., p. 21.

57 Ibid.

58 TAPIE-GRIME Muriel, « Coopération et régulation dans les collectes sélectives des ordures ménagères », in Sociologie du travail, 1998 : vol. 40, n°1, p. 67.

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marquent un mouvement de responsabilisation du citoyen à travers toute une production discursive institutionnelle promouvant l'adoption d'éco-gestes au quotidien. Derrière ce nouveau vocable et ces orientations politiques se cache l'idée selon laquelle la transition écologique59 ne peut s'opérer qu'en modifiant la demande du consommateur qui, conséquemment, obligera les industriels à adapter leur offre à des critères de production plus écologiques. En effet, face à un système de production globalisé revêtant une organisation complexe et défendant ses intérêts propres à travers une intense action de lobbying, il semble qu'agir sur la consommation soit plus aisé.

Le Grenelle de l'Environnement a achevé la consécration de cette nouvelle figure de l'usager en adoptant des objectifs ambitieux en matière de développement durable, comme la réduction à la source des déchets (principe de décroissance)60, qui peuvent, à certains égards, paraître antithétiques aux logiques économiques à l'oeuvre dans nos sociétés de croissance. Ce paradoxe se résume dans ce que Yannick Rumpala nomme « le dilemme de la consommation durable », c'est-à-dire qu'il faut « arriver à discipliner le consommateur sans toucher à la dynamique de consommation qui est censée nourrir la croissance économique. »61. De fait, à la figure du consomm'acteur responsable (promue par la vision du développement durable) qui effectue des choix de consommation rationnels basés sur une information pure et parfaite accordant autant de considération aux critères économiques, sociaux, environnementaux, s'oppose celle du « consommateur pulsionnel » (promue par le marketing) qui consomme sans discernement pour répondre au despotisme de ses affects alimentant ainsi la croissance économique.

De façon concomitante à cette construction sociale de la figure de l'usager, qui reste largement chimérique, se pose la question de la mise en place matérielle des collectes sélectives et de la façon de s'attacher l'adhésion de l'usager à ce nouveau système.

59 JUAN Salvador, La transition écologique, Toulouse : Érès, 2011, 286 p.

60 Rappelons que la création d'Eco-Emballages en 1992 avait pour objectif de redonner une légitimité à un système de production et un type de consommation de plus en plus critiqués pour le gaspillage qu'il alimente. De fait, le développement des collectes sélectives a permis de prolonger la croyance selon laquelle nos sociétés peuvent connaître une croissance continue du gisement d'ordures ménagères dans la mesure où elle dispose des capacités techniques pour les recycler. Or, le recyclage n'est pas la panacée : la plupart des matières ne sont pas recyclables à l'infini et l'impact énergétique lié à ce mode de traitement est loin d'être moindre. Ainsi, l'objectif de décroissance du flux d'ordures ménagères posé par la Grenelle de l'Environnement peut donc apparaître comme le prélude d'une remise en cause de notre système de production et de nos modes de consommations.

61 RUMPALA Yannick, « La « consommation durable » comme nouvelle phase d'une gouvernementalisation de la consommation », in Revue française de science politique, 5/2009 : Vol. 59, p. 969-970.

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