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Redevance incitative et gestion des déchets en habitat social

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par Victor Bailly
Université de Franche-Comté - Master 2 Analyse et gestion des politiques sociales 2012
  

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Familiarisation avec le milieu enquêté

Toute démarche ethnographique nécessite une phase préparatoire, préliminaire à un investissement plus important sur le terrain, qui consiste à se familiariser avec le milieu enquêté, ses codes, ses spécificités. Avant de s'intéresser aux usagers, il nous a d'abord été indispensable de prendre connaissance des acteurs qui sont régulièrement au contact des usagers afin de mieux appréhender le type de relations qu'ils entretiennent avec ces derniers, leur rôle dans la gestion des déchets et aussi bénéficier de leurs retours d'expérience. De ce fait, les premières semaines de notre stage ont été consacrées à des visites de terrain et de

9 DESJEUX Dominique, « Post-face. Les espaces sociaux du déchet : une microsociologie du quotidien encastrée dans le macro-social. », in PIERRE Magali [dir.], Les déchets ménagers, entre privé et public. Approches sociologiques., Paris : L'Harmattan, 2002, p. 176.

10 BERTOLINI Gérard, « Les services urbains : un problème un peu technique, beaucoup économique, et passionnément socioculturel », Rapport pour la communauté urbaine du Grand Lyon, Novembre 2009, p. 13.

11 BEAUD Stéphane, WEBER Florence, op. cit., p. 249.

16

nombreux échanges avec les conseillers en habitat collectif12 et les techniciens de la CAGB, à la participation à des réunions concernant le dispositif d'accompagnement à la mise en place de la RI en habitat collectif, à la rencontre de gardiens et personnels administratifs des bailleurs sociaux. Globalement, les contacts avec tous ces acteurs ont été très riches et instructifs, l'identité de stagiaire étant un atout sur lequel nous nous sommes appuyés. En effet, l'assimilation à ce statut d'étudiant néophyte, à laquelle nous avons volontiers souscrit, a permis de dissiper la domination symbolique que peut exercer le chercheur sur la population enquêtée. L'envie manifeste d'aider le « jeune stagiaire » a rapidement autorisé l'établissement de relations de confiance et de collaborations fructueuses avec les acteurs rencontrés. Mieux, certains techniciens de la CAGB qui disposent d'une formation d'ingénieur se sont littéralement pris au jeu de la recherche sociologique, intrigués et stimulés par une approche scientifique et un matériau avec lesquels ils ont peu l'habitude de composer.

Définition et présentation du terrain d'enquête

Cette phase préparatoire a également été l'occasion de réaliser une première ébauche de notre méthodologie d'enquête en nous appuyant sur nos premières observations et nos lectures. Nous avons décidé, d'un commun accord avec notre maître de stage, que l'investigation porterait sur quatre immeubles répondant à des critères de sélection variés, notamment :

- la densité (nombre de logements par immeuble),

- la logique de peuplement (taux de rotation, taux de vacance),

- les résultats au niveau de la collecte sélective (taux de tri),

- l'aménagement des locaux poubelles (externalisés ou internalisés, dépôt direct ou dépôt par trappe, accès sécurisé ou accès libre, gaine vide-ordures),

- le bailleur social propriétaire du bâtiment (Grand Besançon Habitat, Habitat 25, Néolia, SAIEM B),

- la localisation (zones CUCS, différents quartiers).

Ces critères définis, nous nous sommes appuyés sur les conseillers en habitat collectif et des agents administratifs des bailleurs sociaux pour repérer des immeubles sur lesquels nous

12 Dans le cadre de son programme d'accompagnement à la mise en place de le redevance incitative en habitat collectif, la CAGB a recruté quatre « conseillers en habitat collectif » chargés de mettre en oeuvre cette opération.

17

nous sommes ensuite rendus pour visiter les lieux en compagnie du gardien et échanger avec lui. De cette façon nous avons retenu les quatre sites présentés dans le tableau ci-après13.

Sites

Critères

Immeuble n°1

Immeuble n°2

Immeuble n°3

Immeuble n°4

Localisation

Cité Brulard (ZUS)

Planoise (ZUS)

Palente (ZUS)

Battant (zone

CUCS)

Densité

Forte (237

logements)

Forte (environ 130 logements)

Moyenne (30

logements)

Faible (13

logements)

Logique de
peuplement

Taux de
rotation

Elevé

Elevé

Faible

Faible

Taux de
vacance

Elevé, progresse

chaque année

Moyen, tend à

diminuer

Nul

Nul

Taux de tri

Entre 4 et 8 %

Entre 3 et 7 %

Entre 20 et 35 %

Aucune donnée

Aménagement
des locaux
poubelles

Abris extérieurs

avec accès libre par trappes.

Local intérieur

avec accès libre par

trappes via
l'extérieur

(incorporées à la
façade du bâtiment)

Local intérieur

avec accès sécurisé par badge et gaine

vide-ordures pour
les OMR.

Bacs pour OMR dans cour intérieur.

Point d'apport

volontaire (PAV)

pour les déchets
recyclables.

Bailleur social

Grand Besançon

Habitat

Habitat 25

Néolia

SAIEM B

Pour compléter et surtout approfondir cette présentation synthétique des quatre sites retenus, il est primordial d'affiner la description en s'intéressant à ce que Jean-Yves Authier nomme des « effets de quartier »14. Autrement dit, il s'agit de montrer en quoi la logique de peuplement et les spécificités socio-économiques d'un espace urbain influent sur les pratiques et représentations des populations qui y résident.

La cité Brulard a vu le jour au début des années 1960 et a principalement accueilli des rapatriés de la guerre d'Algérie ainsi que des populations rurales de la région. Quartier confiné, renfermé sur lui-même, coincé entre deux collines (le Fort de Chaudanne et le Fort de Rosemont) et un axe de circulation (rue du Général Brulard), il subit depuis les années 1980

13 Pour des photos des sites et de l'aménagement des locaux poubelles, cf. Annexe 1.

14 AUTHIER Jean-Yves, « La question des « effets de quartier » en France. Variations contextuelles et processus de socialisation », in AUTHIER Jean-Yves, BACQUE Marie-Hélène, GUERIN-PACE France [dir.], Le quartier. Enjeux scientifiques, action politique et pratiques sociales, Paris : La Découverte, 2006, p. 206-216.

18

un processus de relégation15 qui n'a fait que s'accentuer jusqu'à aujourd'hui. Malgré une opération de rénovation du bâti au milieu des années 1990, le taux de vacances est en constante augmentation depuis plusieurs années, atteignant 37 % de logements inoccupés16 sur une des trois barres d'immeuble, ceci alimentant commérages et rumeurs des locataires sur une possible opération de démolition et poussant les élus à se questionner sur l'avenir du quartier. Les habitants de la cité Brulard sont soit ceux qui ne disposent pas d`autres choix résidentiels, soit ceux qui entretiennent un profond attachement à ce quartier17, soit ceux qui craignent de ne pas retrouver un logement aussi spacieux s'ils font une demande à Grand Besançon Habitat18, ces différentes raisons pouvant se cumuler. Comme nous l'avons entendu à maintes reprises de la bouche des locataires et des travailleurs sociaux, « les gens préfèrent Planoise ». L'enclavement et l'espace restreint du quartier créent une atmosphère pesante dans ce « village » de 1100 habitants qui compte une population fortement précarisée19 composée en grande partie de primo-arrivants, de jeunes et de familles monoparentales.

Planoise, excroissance de la ville de Besançon située à l'Ouest, a été bâti au milieu des années 1970 et constitue aujourd'hui le quartier le plus peuplé avec ses 20 000 habitants. Il s'agit d'une « ville dans la ville » et, bien qu'étant excentré du centre et clairement délimité par de grands axes routiers (la rue de Dole au Nord et la voie des Montboucons à l'Est) et une colline au Sud (Fort de Planoise), le quartier de Planoise conserve une certaine attractivité avec la zone commerciale de Chateaufarine à l'Ouest, l'hôpital Jean Minjoz et une zone industrielle au Nord, Micropolis à l'Est. Au sein de cet espace aménagé selon les codes de l'architecture fonctionnaliste, les Planoisiens ont développé une identité singulière et, malgré la mauvaise réputation du quartier, ces derniers s'accordent, dans l'ensemble, à dire qu'« on vit plutôt bien à Planoise ». Grâce au relatif dynamisme du quartier, le processus de relégation y est moins accentué qu'à la cité Brulard et se concentre principalement sur certains secteurs

15 DONZELOT Jacques, « La ville à trois vitesses : relégation, péri-urbanisation, gentrification », in Esprit, mars-avril 2004 : n° 303, p. 14-39.

16 Chiffres fournis par Grand Besançon Habitat lors de la plateforme Grette-Butte du 15/03/13.

17 Bien que cet attachement soit fortement empreint d'ambivalence, les populations qui ont été déracinées de leur milieu d'origine (rural ou pays étranger) lorsqu'elles sont arrivées à la Cité Brulard dans les années 1960, 1970 ou 1980, ont peu à peu recréé de nouveaux repères au sein de cet espace. Pour eux, quitter la cité serait donc synonyme d'un nouveau déracinement, d'un nouvel exode, avec tous les chamboulements identitaires que cela implique.

18 Le taux de vacance permet paradoxalement aux locataires de bénéficier d'une offre de logement plus variée avec des surfaces habitables plus conséquentes qu'ailleurs.

19 En 2009, le revenu médian par unité de consommation était de 6 260 euros par an, soit un montant presque trois fois inférieur au revenu médian par unité de consommation enregistré sur la ville de Besançon (17 805 euros). Il convient également de noter que ce revenu médian a chuté de 8,9 % entre 2007 et 2009, alors que dans le même temps le revenu médian communal augmentait de 3,1 %. Pis, le premier quartile du revenu par unité de consommation s'élevait seulement à 2 209 euros en 2009 et a connu une baisse de 30,6 % entre 2007 et 2009, ce qui traduit une forte paupérisation de la frange inférieure des habitants de la cité Brulard. Source : Secrétariat général du Comité Interministériel des Villes, système d'information géographique, http://sig.ville.gouv.fr/.

19

et certains bâtiments dont fait partie l'immeuble enquêté. La population de Planoise se caractérise par la représentation d'une grande diversité d'origines culturelles, une proportion élevée de primo-arrivants, de jeunes et de familles monoparentales. Elle connait également, pour une grande part, des difficultés économiques liées au fort taux de chômage ainsi qu'à une certaine paupérisation20. La morphologie du quartier est en train de changer profondément avec le programme de rénovation urbain (PRU) et le futur passage du tramway.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la ville de Besançon ne s'étend que timidement en dehors de ses fortifications21. A l'image de la situation nationale - parc immobilier détruit à 20 % durant la guerre, logements vétustes, poussée démographique, exode rural - les besoins en logements sont criants et les projets immobiliers vont peu à peu absorber les campagnes aux alentours. Pour répondre à cette crise aigue du logement, la municipalité bisontine entreprend la construction d'une pléthore de logements HLM sur une zone champêtre au Nord-Est de la ville : c'est ainsi qu'est créé le quartier de Palente. Les immeubles qui sont alors construits forment de longues barres ne dépassant pas quatre étages22. Palente dispose d'une identité forte qui fait la fierté de ses habitants23. Au niveau démographique, la population du quartier se caractérise par une surreprésentation de personnes âgées et n'est pas vraiment sujette à un processus de paupérisation. Le quartier est donc bien intégré à la ville et ne connait pas de phénomène de relégation.

Enfin, en ce qui concerne Battant, nous ne détaillerons pas les caractéristiques socio-économiques de ce quartier puisque, pour des raisons que nous évoquerons plus loin, nous avons été amenés à exclure l'immeuble n°4 de nos recherches.

20 Le revenu médian par unité de consommation (8 084 euros) y était plus de deux fois inférieur au revenu médian par unité de consommation enregistré sur la ville de Besançon en 2009 et a connu une baisse de 4,6 % entre 2007 et 2009. Bien qu'elle soit moins marquée qu'à la cité Brulard, on remarque aussi une paupérisation importante de la frange inférieure des Planoisiens.

21 Jusqu'alors, les zones de construction se limitent aux abords du centre historique (Boucle et Battant) avec notamment les quartiers de la Butte, de Viotte et des Chaprais.

22 Dans les années 1950, soit au début de la construction des grands ensembles, l'ascenseur n'est pas encore très répandu dans les opérations immobilières, ce qui explique que les constructions ne dépassent guère les trois ou quatre étages à Palente.

23 C'est notamment à travers le conflit LIP en 1973 que Palente a entériné cette image de quartier populaire disposant d'une force collective et s'est fait connaître dans toute la France. Aujourd'hui cet épisode fait encore la gloire du quartier et est volontiers accaparé par la municipalité ou la région pour promouvoir leur image de « territoire d'innovation sociale ». Cf. JEANNEAU Laurent, « La Franche-Comté, laboratoire d'innovation sociale », in Alternatives économiques Poche, 2010 : n° 44.

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