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Redevance incitative et gestion des déchets en habitat social

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par Victor Bailly
Université de Franche-Comté - Master 2 Analyse et gestion des politiques sociales 2012
  

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Limites de la méthodologie d'enquête et dimension heuristique des blocages de terrain

Concomitamment à la sélection des sites, nous avons été amenés à définir a priori une méthodologie d'enquête sans pour autant figer notre démarche et nos outils d'investigation. Celle-ci s'articulait autour de deux phases d'enquête :

- Dans un premier temps, des visites répétées sur les immeubles sélectionnés et des échanges réguliers avec les gardiens qui en ont la charge nous ont permis d'acquérir une connaissance plus fine du terrain. Ce travail préalable auprès des gardiens s'est clôturé par la passation d'un entretien semi-directif avec chacun d'eux ;

- Dans un second temps, nous comptions sur les gardiens pour nous introduire auprès des locataires et ainsi nous donner accès aux logiques des usagers.

Toute méthodologie ou problématisation initiale, définie a priori, est généralement naïve car elle s'appuie bien souvent sur des représentations erronées (voire fantasmées) du chercheur. Néanmoins, comme nous allons tenter de le démontrer, les blocages de terrain possèdent une dimension heuristique dans le sens où c'est la confrontation et l'écart entre nos présupposés et la réalité du terrain qui nous a permis d'interroger nos cadres de perception, de tirer des enseignements et de faire avancer notre recherche24.

Lors de la première phase de notre enquête, qui a consisté à comprendre dans quelle mesure et sous quelle forme les gardiens s'investissent dans le bon fonctionnement de la gestion des déchets ménagers sur leurs sites (collectes sélectives, gestion des encombrants, dépôts sauvages), le terrain s'est présenté ouvert, accueillant et même chaleureux. Les gardiens ont su dégager du temps pour nous décrire finement leurs pratiques et nous livrer sans réserve leurs réflexions sur le sujet. S'intéresser au travail des gardiens c'est valoriser leurs compétences, leurs savoir-faire et leurs savoir-être. C'est aussi reconnaitre leur identité de « débrouillard », leur réflexivité face à l'autonomie qui leur est conférée dans leurs missions, leurs perpétuels ajustements pour répondre aux relations et situations variées auxquelles ils sont confrontés quotidiennement25. Les gardiens se situant vers le bas de la hiérarchie dans l'organigramme des bailleurs sociaux, l'oreille attentive du sociologue a aussi été un moyen détourné de faire remonter leurs observations de terrain avec un surcroît de légitimité afin qu'elles soient davantage prises en compte par les personnels administratifs de leur bailleur social et par les agents de la CAGB. Assurément, pour que la collaboration

24 Comme le relèvent d'ailleurs très justement Stéphane Beaud et Florence Weber à travers les conseils qu'ils prodiguent : « C'est cet écart qui fait sens sociologiquement, c'est cela qu'il vous faudra travailler dans l'analyse. ». BEAUD Stéphane, WEBER Florence, op. cit, p. 233

25 MARCHAL Hervé, Le petit monde des gardiens concierges. Un métier au coeur de la vie HLM, Paris : L'Harmattan, Logiques sociales, 2006, 228 p.

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enquêteur-enquêtés fonctionne, il faut toujours qu'il y ait un minimum d'intérêts réciproques. L'utilisation de l'outil d'investigation sociologique qu'est l'entretien semi-directif est venue parachever notre travail auprès des gardiens et nous a permis de consolider les données déjà recueillies à travers nos observations et nos échanges. De fait, les entretiens nous ont autorisé à approfondir notre compréhension du sens que les gardiens confèrent à leurs tâches quotidiennes et aux pratiques, conformes ou déviantes, des locataires26. En outre, les discours recueillis possèdent, dans une certaine mesure, une valeur de « preuve »27 permettant d'illustrer le propos sociologique et d'éviter toute surinterprétation de la part du chercheur.

Néanmoins, nous avons directement rencontré des blocages de terrain dès qu'il nous a fallu entrer en contact avec des usagers. Tout d'abord, il n'était pas aisé pour les gardiens de nous introduire auprès des locataires et, lorsque cela s'avérait possible, nous n'avions accès qu'à un échantillon d'alignés28, c'est-à-dire des locataires se conformant aux attentes et prescriptions du bailleur. En effet, pour conserver une certaine emprise sur ses locataires, le gardien adopte une position relativement neutre par le réglage de la distance à l'usager29. Dès lors, introduire des locataires non-alignés auprès du sociologue comporte un risque de compromission de sa stratégie d'acteur car cela reviendrait à stigmatiser des individus déviants qui, d'une part, refuseraient surement de se confier au sociologue et, d'autre part, risqueraient d'interpréter cette entreprise comme un affront auquel il faut riposter sous peine de perdre la face. La médiation du gardien ne s'avérait donc pas judicieuse pour avoir accès à la population des non-trieurs car, même si l'un d'entre eux accepte d'ouvrir sa porte à l'enquêteur, il refusera surement d'affirmer devant un émissaire du gardien qu'il ne trie pas ses déchets. En réalité, le gardien est le garant de l'ordre, du respect des règles collectives sur l'immeuble et, en même temps, il est le mieux placé pour apporter une réponse aux petits problèmes du quotidien que rencontrent les locataires et fait ainsi le lien entre les locataires et le « monde des bureaux ». Par conséquent, il est préférable pour l'habitant d'adopter la figure du « bon locataire » en déclarant trier ses déchets pour ne pas être jugé négativement par le gardien et conserver son soutien en cas d'ennuis avec les agents administratifs ou en cas de besoin de menus travaux dans l'appartement. Prenant acte de ces difficultés, nous avons alors tenté d'aller directement à la rencontre des locataires par le biais du porte-à-porte mais, dès

26 BLANCHET Alain, GOTMAN Anne, L'enquête et ses méthodes : l'entretien, Paris : Armand Colin, 2012, p. 25.

27 Ibid., p. 111.

28 MARCHAL Hervé, op. cit., p. 104.

29 Reprenant les travaux d'Erving Goffman dans Asiles, le réglage de la distance à l'usager peut se définir, dans le cas des gardiens, comme un jeu entre proximité (sans tomber dans le piège de la compassion) et distance (sans perdre l'emprise sur les usagers) vis-à-vis des locataires pour se préserver dans leur « fonction de « tampon », « toujours en première ligne » ». Ibid., p. 111-112.

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les premières tentatives, nous n'avons connu que des déconvenues. La technique du porte-à-porte n'est adaptée que dans le cas d'une offre d'information à l'usager (comme le conseiller en habitat collectif qui vient sensibiliser les locataires) alors qu'une demande d'information (« Comment gérez-vous vos déchets ? ») renforce la suspicion du locataire face à son interlocuteur et paralyse davantage l'établissement d'une relation de confiance propice à la collecte de données.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams