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Les déterminants socio-politiques de la corruption dans l'administration publique burkinabè

( Télécharger le fichier original )
par SIDI BARRY
Ecole nationale d'administration et de magistrature (ENAM) - Conseiller en gestion des ressources humaines (GRH) 2010
  

Disponible en mode multipage

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ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION ET DE BURKINA FASO MAGISTRATURE Unité - Progrès - Justice

DEPARTEMENT

ADMINISTRATION Bien former pour mieux servir

GENERALE

THEME :

LES DETERMINANTS SOCIO-POLITIQUES DE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE

Mémoire pour l'obtention du diplôme de 

Conseiller en Gestion des Ressources Humaines

Présenté et soutenu publiquement par :

BARRY Sidi

Sous la Direction de : Monsieur Abdoul Karim SANGO, Professeur Permanent à l'ENAM

juin 2010

ENAM 03 BP 7024 Ouagadougou 03 - E-mail: enam@cenatrin.bf

Téléphone : (226) 50.31.42.64/65 Télécopie: (226) 50.30.66.11

SOMMAIRE

AVERTISSEMENT......................................................................................i

DEDICACE............................................................................................... ii

REMERCIEMENTS....................................................................................iii

SIGLES ET ABREVIATIONS........................................................................iv

SOMMAIRE 1

Introduction 5

CHAPITRE I : ETAT DE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE 12

Section I : Les formes répandues de la corruption dans l'administration publique 12

Paragraphe I : Les pots de vins ou dessous de table 13

Paragraphe II : La concussion (le racket) 14

Paragraphe III : Le détournement de deniers publics 16

Section II : Les autres formes de corruption observées dans l'administration 17

Paragraphe I : L'enrichissement illicite 17

Paragraphe II : La corruption électorale 17

Paragraphe III : Le népotisme, le favoritisme et le clientélisme 18

CHAPITRE II : LES FACTEURS SOCIO-POLITIQUES QUI FAVORISENT L'EMERGENCE DE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE 19

Section I : Les déterminants sociaux de la corruption dans l'administration 19

Paragraphe I : Le délitement des valeurs morales 19

Paragraphe II : Les faibles revenus des agents publics 21

Paragraphe III : L'enchâssement des logiques socioculturelles dans le fonctionnement de l'administration 24

Section II : Les déterminants politiques de la corruption dans l'administration 27

Paragraphe I : Les dysfonctionnements de l'administration 27

Paragraphe II : L'impunité 30

Paragraphe III : La politisation de l'administration 34

CHAPITRE I : ANALYSE DU DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE 37

Section I : Le dispositif sous régional, régional et international 37

Paragraphe I : Le dispositif sous régional 37

Paragraphe II : Le dispositif régional 38

Paragraphe III : Le dispositif international 39

Section II : Les politiques nationales et stratégies de lutte contre la corruption dans l'administration publique 40

Paragraphe I : Le cadre normatif 40

Paragraphe III : Les institutions étatiques et les organisations de la société civile 43

CHAPITRE II : ANALYSE DES INSUFFISANCES DES POLITIQUES ET DES STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION 46

Section I : Analyse des insuffisances du dispositif et des stratégies de lutte contre la corruption 46

Paragraphe I : Les insuffisances du dispositif sous régional, régional et international 46

Paragraphe II : Les insuffisances du dispositif national 47

Paragraphe III : Analyse de la volonté politique 49

Section II : Recommandations 50

CONCLUSION 53

BIBLIOGRAPHIE 55

Table des matièreS 57

ANNEXES............................................................................................... v

INTRODUCTION

Considérée par les uns comme la plaie des sociétés modernes, par d'autres comme le monstre de l'hydre de Lerne dont les têtes se multiplient au fur et à mesure qu'on les coupe, la corruption est un phénomène mondial qui frappe particulièrement les pays en voie de développement. Elle a fait l'objet de plusieurs définitions.

En effet, dans sa première acception, le terme corruption provient du latin Corruptio qui se définit comme une altération du jugement, du goût, du langage. Elle est perçue comme une sorte de dépravation, un avilissement, une déformation.

La convention des Nations Unies1(*) définit la corruption comme : «le fait de commettre ou d'inciter à commettre des actes qui constituent un exercice abusif d'une fonction (ou un abus d'autorité), y compris par omission, dans l'attente d'un avantage, directement ou indirectement promis, offert ou sollicité, ou à la suite de l'acceptation d'un avantage directement accordé, à titre personnel ou pour un tiers.»

Et selon l'article 156 du code pénal burkinabè, «la corruption est le fait d'agréer des offres ou promesses, de recevoir des dons ou présents, pour faire ou s'abstenir de faire un acte de ses fonctions ou de son emploi, même juste mais non sujet à salaire».

La corruption est aussi considérée comme l'utilisation d'une charge publique ou privée pour un profit personnel dans l'inobservation des règles d'éthique ou de la morale.

Ainsi, l'on pourrait dire que l'acte de corruption dans un sens plus large concerne tout moyen de pression financier, moral, matériel, physique consistant à obtenir d'une autorité chargée de la gestion de la chose publique, l'accomplissement d'un acte de son emploi, ou une abstention.

Selon un rapport de la Banque Mondiale (1998), «la corruption a des effets délétères et souvent ravageurs sur le fonctionnement de l'administration ainsi que sur le développement économique et politique». Cette conclusion des experts de la Banque Mondiale lève un coin de voile sur la crise de la gouvernance et du développement qui sévit en Afrique.

En effet, au lendemain des indépendances, les pays Africains n'ont pas réussi à promouvoir une administration publique dépersonnalisée, capable de conduire efficacement le développement. Cette crise du développement ayant conduit à la désarticulation de l'action publique a entraîné une faiblesse structurelle des institutions nationales et une incapacité des pouvoirs publics à exercer un contrôle rigoureux sur les actes des agents de la fonction publique et des acteurs de la société. Ces dysfonctionnements favorisés par des facteurs internes et externes vont entraîner l'apparition de nids de corruption dans tous les secteurs de nos administrations publiques, alimentés par des dirigeants qui s'adonnent à coeur joie à la prédation des ressources publiques.

Pour Marc Ela2(*)« Les interférences entre les relations et les structures de lignages, les modes d'organisation sociale correspondant aux sociétés ancestrales et le nouvel espace social creé par l'avènement de l'Etat, caractérisent la complexité de l'univers bureaucratique où il n'est pas évident que le concept de la chose publique et du service public ait été intériorisé par la plupart des agents de l'Etat dont l'imaginaire reste sous le contrôle des manières de penser, d'agir et de sentir imposés par les processus de socialisation qui enracinent les fonctionnaires dans l'espace du village ou de l'ethnique ».

Selon Ela, pour comprendre la faillite de l'administration et l'ancrage de la corruption, il est nécessaire de restituer la gestion des services publics dans son environnement socio-culturel. En effet, nos administrations en Afrique, calquées sur le modèle colonial, est le produit d'une histoire et entretient d'étroits liens avec notre environnement politique, social et économique. Il faudra donc identifier au sein de ces administrations les blocages, les incohérences et les désajustements qui servent de terreau aux pratiques de corruption.

Ainsi, au Burkina Faso, depuis plusieurs années, de nombreuses études ont relevé la progression et l'ancrage du phénomène de la corruption dans la société et particulièrement dans l'administration publique. Selon l'étude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso3(*), «De nombreux Burkinabè estiment qu'aujourd'hui tout se monnaie, tout se négocie. De manière générale, les pratiques les plus courantes sont les pots de vin, les rackets, les détournements de biens ou de fonds publics ainsi que d'autres types d'abus qui sont notamment les fraudes et les malversations à des fins d'enrichissement personnel. Ce qui est inquiétant, c'est la banalisation du phénomène de la corruption qui tend à devenir une pratique normale. C'est du moins le sentiment qui se dégage, du fait que la corruption persiste et se développe, malgré les multiples dénonciations dont la presse nationale et la société civile notamment ne cessent de se faire l'écho».

En effet, citoyens, parlementaires, gouvernants, opérateurs économiques, société civile et presse ne ratent aucune tribune pour dénoncer le danger que la corruption fait planer sur nos institutions et l'avenir de notre pays.

Notons qu'au Burkina, la volonté politique de lutter contre la corruption reste sans doute étroitement associée à la période révolutionnaire (1983-1987). Le changement d'appellation du nom du pays en Burkina Faso qui signifie «pays des hommes intègres» en disait long sur la volonté des dirigeants de lutter contre ce fléau. Elle s'exprimera à travers la mise en place des Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR) et la création d'une Commission du Peuple chargée de la prévention de la corruption avec comme particularité la déclaration des biens des hauts responsables du pays dont le chef de l'Etat. Il faut reconnaître que plus que l'application du droit, l'efficacité de ces TPR reposait parfois sur la crainte inspirée et sur la délation.

Après la période d'exception et le passage progressif à l'Etat de droit, on assiste à l'émergence de plusieurs structures de lutte contre la corruption à l'image du Réseau National de Lutte contre la Corruption (RENLAC) et la mise en place de plusieurs institutions de lutte contre la corruption par l'Etat ( l'Autorité Supérieure de Contrôle de l'Etat (ASCE), la Cour des Comptes etc. ) sont autant d'éléments qui révèlent l'ampleur et la persistance de ce phénomène.

Cependant, nous aborderons dans la présente étude les faits de corruption dans notre administration sous le rapport d'un complexe de corruption. En effet, selon Olivier de SARDAN, le complexe de corruption se définit comme : «un ensemble de pratiques illicites, techniquement distinctes de la corruption mais qui ont toutes en commun d'être associées à des fonctions étatiques, paraétatiques ou bureaucratiques, d'être en contradiction avec l'éthique du « bien public » ou « du service public », de permettre des formes illégales d'enrichissement, et d'user et d'abuser à cet effet de pouvoir». (De SARDAN, 1998)

Et toujours selon l'auteur4(*), «la corruption (c'est-à-dire le `'complexe de corruption'') est devenue, dans la quasi-totalité des pays africains, un élément routinier du fonctionnement des appareils administratifs ou para-administratifs, du sommet à la base. A ce titre, la corruption n'est ni marginale, ni sectorisalisée, ni réprimée, elle est généralisée et banalisée».

L'avantage de cette définition permet l'identification de toutes les pratiques illégitimes qui permettent à un agent ou un usager de bénéficier d'avantages indus au détriment de la collectivité. En outre, elle permet d'appréhender la corruption sous les différentes formes qu'elle revêt, qu'il s'agisse du rançonnement des usagers, de pots de vin, de détournements de deniers publics etc.

Aussi, cette approche stratégique nous permettra de combiner l'approche durkheimienne des faits sociaux afin de relever les facteurs sociaux, c'est-à-dire les stratégies de contournement et les logiques des acteurs.

Par ailleurs, cette approche nous permet de décrire et d'analyser les atouts et les ressources des acteurs qui leur permet de rompre avec l'éthique administrative et de `'détourner'' le fonctionnement de l'administration de sa mission (mobiliser les ressources à des fins de développement) à des fins privatives.

Ainsi, pour Olivier De SARDAN : «Dans tous les cas, les acteurs sociaux concernés ont, face aux ressources, opportunités et contraintes que constituent un dispositif et ses interactions avec son environnement, des comportements variés contrastés, parfois contradictoires qui renvoient non seulement à des options individuelles mais aussi à des intérêts différents, à des normes d'évaluation différentes à des positions « objectives » différentes ». (De SARDAN 1995).

Enfin, cette perspective mérite d'être mise en rapport avec celle de CROZIER5(*) qui estime que les acteurs ne sont pas totalement démunis face à un système, une règle ou une norme. Selon lui, ces derniers disposent toujours d'atouts, d'une marge de manoeuvre aussi petite soit-elle leur permettant de développer des stratégies de contournement des règles de fonctionnement de l'organisation.

Pour CROZIER, les acteurs disposent de ressources de pouvoirs inégales et déséquilibrés mais jamais ou presque jamais totalement démunis et même les moins favorisés ont au moins «la capacité, non pas théorique mais réelle, de ne pas faire ce qu'on attend d'eux ou de le faire différemment». (CROZIER, 1977)

Donc, le concept de stratégie occupe une place de choix dans cette étude en ce sens qu'il permet d'analyser la capacité stratégique des acteurs de la corruption et leur rapport avec les règles et normes officielles en matière de fonctionnement de l'administration.

La corruption est un fléau qui sape les fondements de la société et porte atteinte à la morale, à la démocratie, à la bonne conduite des affaires publiques et à l'Etat de droit. Alors, comment peut-on combattre efficacement ce serpent de mer qu'est la corruption sans en comprendre les manifestations dans notre société et dans notre administration publique ?

Pour éclairer le phénomène de la corruption dans l'administration publique au Burkina, il apparaît difficile d'ignorer les enjeux connexes, c'est-à-dire ceux sociaux, politiques, économiques, religieux et culturels qui déterminent les motivations et les pratiques des acteurs de la corruption.

Notons que la corruption n'est ni un fait social, ni un fait culturel, mais qu'elle est simplement un fait de société qui s'est inséré dans des codes sociaux. Autrement dit, il existe des logiques sociales et politiques qui servent de terreau à la corruption. C'est pourquoi, l'étude de la corruption dans l'administration publique au Burkina Faso est indissociable des mécanismes sociaux et politiques qui sous-tendent, influencent les actions des acteurs et favorisent ce phénomène.

Ainsi, à travers le thème intitulé : «Les déterminants socio-politiques de la corruption dans l'administration publique burkinabè», nous proposons d'analyser les mécanismes, les logiques sociales et politiques qui sont au coeur du phénomène de la corruption dans l'administration publique burkinabè.

Pour y parvenir, notre réflexion s'articulera autour des questions suivantes : Quels sont les déterminants socio-politiques de la corruption dans l'administration publique burkinabè ? Mieux, quels sont les logiques sociales et politiques qui favorisent la corruption dans l'administration publique burkinabè ?

L'objectif de cette étude est de comprendre et de maîtriser les logiques sociales et politiques qui déterminent la corruption dans l'administration publique burkinabè.

Par ailleurs, une analyse sur ce thème aura pour intérêt d'apporter un éclairage sur les jeux des acteurs et les enjeux des pratiques corruptrices dans l'administration. Les résultats de nos investigations pourraient servir d'outil de référence aux décideurs, aux responsables de l'administration pour mieux cerner la corruption et mieux la combattre.

Aussi, le choix de ce thème a été motivé par le fait que la corruption est un phénomène qui est d'actualité et qui prend de l'ampleur. Ce fléau qualifié de «Sida» des sociétés modernes, gangrène tous les secteurs de la société burkinabè notamment celui de l'administration publique. Et ce phénomène dont tout le monde s'accorde à dire qu'il s'installe durablement dans notre administration comme une hydre qui développe ses tentacules, si on n'y prend garde menace le développement et la paix sociale du pays.

Du reste, même si la corruption est connue de tous, elle a été peu étudiée dans ses contours socio-anthropologiques dans l'administration publique burkinabè. Il s'agira pour nous de porter un regard sociologique sur les manifestations et la dynamique de la corruption dans l'administration publique.

Donc, la lutte contre la corruption devrait porter sur les aspects ignorés ou non encore élucidés, en l'occurrence les comportements et les logiques des «agents de la corruption» qui s'appuient sur le contexte socio-politique et développent des stratégies pour que cette pratique perdure. Tous ces faits ont suscité notre intérêt pour ce phénomène social assez complexe et controversé.

Quelques hypothèses permettront de mener et d'exploiter la perspective ainsi envisagée.

Hypothèse principale : Le contexte socio-politique est un facteur déterminant de la corruption dans l'administration publique burkinabè.

- Hypothèse secondaire 1 : Le délitement des valeurs morales, les faibles revenus des agents, et l'enchâssement des pratiques socio-culturelles dans le fonctionnement de l'administration favorisent l'émergence de la corruption dans l'administration.

- Hypothèse secondaire 2 : L'impunité, la politisation de l'administration, les dysfonctionnements de l'administration, et l'inefficacité du dispositif de lutte contre la corruption sont autant de raisons qui sous-tendent et favorisent la corruption dans l'administration publique burkinabè.

Après quelques précisions sur le cadre théorique et conceptuel, il nous appartient de définir une approche méthodologique susceptible d'aider à aborder objectivement ce thème.

Ainsi, notre démarche méthodologique dans le cadre de cette étude qui se veut qualitative repose essentiellement sur une recherche documentaire (ouvrages généraux et spécifiques sur la corruption, mémoires de fin d'étude, rapports, articles de presse et textes régissant les institutions de lutte contre la corruption.

Ensuite, des guides d'entretien constitués de questions ouvertes portant sur la corruption et ses manifestations dans l'administration ont été adressés aux agents des services publics, aux usagers et à plusieurs personnes ressources.

La collecte des données s'est déroulée dans la ville de Ouagadougou qui regroupe le gros des services publics et tous les Ministères de l'administration publique.

Les difficultés rencontrées dans le cadre de la présente étude résident dans l'absence d'écrits sociologiques sur la corruption, de l'indisponibilité des enquêtés, des cas de refus et des réticences de quelques personnes à aborder un sujet jugé ''sensible''. A toutes ces difficultés s'ajoutent celle relative au caractère trop vaste de notre champ d'étude (l'administration publique) qui pose le problème de sa circonscription dans le temps et dans l'espace.

Enfin, les données qualitatives collectées sur le terrain ont été dépouillées manuellement. Et l'analyse de ces données a consisté à décrire, à catégoriser les données et à les analyser en rapport avec les objectifs et les hypothèses de l'étude.

CHAPITRE I : ETAT DE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE

Section I : Les formes répandues de la corruption dans l'administration publique

Selon un agent6(*) rencontré au niveau du ministère de l'Economie et des Finances: «La corruption dans l'administration tend à devenir une pratique banale. Dans le temps, ceux qui se faisaient corrompre se cachaient pour le faire. Ils se cachaient non seulement de leurs collègues mais aussi de leurs supérieurs. Mais actuellement, ils ne se cachent plus de leurs collègues. Vous pouvez être assis dans un bureau et tout le monde sait qu'un tel dans le bureau fait ces choses là et cela ne dérange personne. C'est banalisé».

Ainsi, il parait utile de s'appesantir sur les formes de corruption rencontrées dans le fonctionnement routinier des services publics au Burkina. On peut retenir alors l'existence de deux types de corruption dans notre administration, à savoir :

· La petite corruption qualifiée de corruption bureaucratique renvoie aux pratiques utilisées par les agents publics pour soutirer de petites sommes d'argent ou d'autre avantages indus auprès des usagers ou vice-versa. Dans le langage populaire burkinabè, il existe plusieurs termes pour désigner la petite corruption. Parmi les principales expressions figurent : «graisser la patte», «parler bon français», «les gombos», «mettre du beurre dans le haricot», «il faut pimenter ma sauce», «l'argent de la bière», «les affaires», «mettre la main dans la poche», «pourboire», «déposer un cailloux», «il faut pisser».

· La grande corruption désigne les pratiques conçues dans les services administratifs consistant à abuser de l'autorité publique à des fins privées ou individuelles. Ces pratiques mobilisent généralement de grosses sommes d'argent ou d'importants moyens en nature.

Les principales formes élémentaires de la corruption dans l'administration publique sont les suivantes : Les pots de vins ou dessous de table (Paragraphe I), la concussion ou le racket (Paragraphe II) et le détournement de deniers publics (Paragraphe III).

Paragraphe I : Les pots de vins ou dessous de table

Les pots de vins ou dessous de table consistent au paiement secret d'une somme à une personne ayant un pouvoir de décision afin d'obtenir l'accomplissement ou le non accomplissement d'un acte entrant dans le cadre de ses fonctions.

Il est courant que des agents ou des responsables qui occupent certaines fonctions (directeurs de société, magistrats, agents de l'administration fiscale) reçoivent de la part des usagers de l'argent ou des biens à titre de cadeau. Il s'agit des gratifications à des agents ou des responsables officiels afin qu'ils agissent plus vite, de façon plus souple et plus favorable.

Et selon l'étude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso7(*), «En effet, des usagers satisfaits versent souvent aux agents des gratifications à titre de récompense. Ces gratifications ne sont pas toujours perçues par de nombreux agents comme de la corruption : `'je n'ai rien demandé, on m'a donné''. Cependant, dans la pratique, elles sont fortement appréciées, attendues ou même sollicitées. En effet, certains agents indélicats font des faveurs indues aux usagers dans le seul but de recevoir une telle gratification. Si l'usager est un habitué du service, ils seront plus ou moins zélés selon qu'il s'est montré «reconnaissant» la première fois. Or, les Burkinabé interrogés, dans leur grande majorité (près de 90%) considèrent que le cadeau est une pratique de corruption».

Par ailleurs, cette forme de corruption qui est prévue et punie par l'article 156 du code pénal ne renvoie pas seulement au versement de sommes d'argent mais peut aussi se traduire par des prestations en nature à travers les voyages à l'étranger, la construction de villas et certaines prises en charges (cérémonies de baptêmes, mariage, fêtes de fin d'année).

Notons que les pots de vins ou dessous de table sont répandus dans le secteur des marchés publics ou sévit la grande corruption et sont considérés comme la première des pratiques de corruption qui sont très courantes dans l'administration publique.

En effet, selon nos investigations sur le terrain, de nombreux enquêtés estiment que pour obtenir un marché juteux, il faut verser des pots de vin ou des dessous de table aux personnes chargées de l'attribution des marchés sous peine d'être hors jeu.

Selon le rapport 2004 du REN-LAC8(*) : «Le secteur garde la deuxième place dans le classement selon l'importance de la grande corruption. Dans ses rapports précédents, le REN-LAC dénonçait le fait que ce secteur passe pour être le plus « juteux» en matière de pratiques licencieuses. Ce que les témoignages ont encore révélé lors du sondage 2004. On est mémoratif du dossier portant sur la vérification des importations qui a fait courir bien d'hommes politiques. Chacun y allant selon son réseau. Les tripatouillages se ficèlent au niveau des dossiers d'appels d'offres, des commissions de dépouillements des offres, etc.».

Selon un membre de la Cour des comptes9(*)«il y a en plus des pots de vin, certaines pratiques que les gens ignorent. Par exemple, si l'on prend le cas de la justice, en plus de l'existence des pots de vin, si vous êtes une femme, vous êtes obligé, de vous livrer (c'est-à-dire avoir des rapports sexuels). Voici un aspect pernicieux de la corruption que les gens ne perçoivent pas».

Paragraphe II : La concussion (le racket)

La concussion est le fait pour un agent de l'administration publique ou privée d'exiger ou de recevoir des sommes d'argent pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir des actes de sa fonction qu'il savait pourtant ne pas être sujet à paiement.

Dans cette situation, le fonctionnaire vend son service à l'usager car celui-ci paie le service qu'il devrait lui rendre «gratuitement».

Qualifiée de petite corruption, cette pratique est très répandue dans la plupart des secteurs de l'administration et est punie par l'article 155 du code pénal.

Selon le rapport 2004 du RENLAC10(*), « les services les plus incriminés (solde, gestion des carrières, des avancements, trésor public) reviennent dans les témoignages collectés. Ça et là, on continue de dénoncer le racket au prétexte de lenteur ou de manque de personnel. Le traitement des actes administratifs au bénéfice de l'usager au service public est aujourd'hui un circuit sûr d'enrichissement illicite qui semble survivre à toute les intentions de répression ou de reforme ».

En effet, pour de nombreux usagers de ce service, pour constater un avancement, certains agents n'hésitent pas à demander implicitement ou explicitement de l'argent pour le traitement du dossier.

Ainsi, certains agents dans les services créent des dysfonctionnements ou des lenteurs dans le but de susciter des investissements corruptifs de la part des usagers. Le plus souvent l'argent n'est pas ouvertement demandé mais de façon voilée car l'agent se contente de garder ou de retarder volontairement le traitement du dossier et se comporte de façon à inciter l'usager à lui donner de l'argent.

Par ailleurs, le racket est aussi présent dans de nombreux secteurs de l'administration notamment dans :

- la justice, dans l'établissement des pièces telles que les casiers judiciaires et les certificats de nationalité ;

- la santé pour les examens médicaux, les consultations et les soins ;

- les mairies pour l'établissement des actes d'état civil et les légalisations de documents divers.

Et selon l'étude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso11(*), «le racket est surtout fréquent dans la petite corruption. C'est donc le fait de petits fonctionnaires qui réclament de petites sommes d'argent aux usagers en vue de leur fournir le service pour lequel il est payé. Le racket peut se perpétrer au moyen d'un vol contre l'administration publique. Dans ce cas, l'agent réclame une somme d'argent inférieure au montant requis. Il ne reversera donc rien à l'administration, mais il rend le service. Cet exemple est fréquent dans le contrôle routier où l'usager, pour échapper à une contravention, paie une somme d'argent inférieure que l'agent garde par devers lui. Des enquêtes antérieures ont montré que cette pratique est courante, ce qui contribue très souvent à placer les services de police et de gendarmerie en tête des secteurs les plus corrompus ».

Paragraphe III : Le détournement de deniers publics

Cette pratique qui est très répandue dans l'administration publique est définie par l'article 154 du code pénal comme le fait pour un agent public de détourner ou dissiper à des fins personnelles un bien ou des deniers appartenant, destinés ou confiés à l'Etat, aux collectivités ou établissements publics, aux organismes ou sociétés bénéficiant d'une participation de l'Etat et qu'il détenait en raison de ses fonctions.

Le détournement de deniers publics peut prendre plusieurs formes dont les principales sont : puiser dans les caisses de l'Etat, le déménagement à domicile des mobiliers et biens de l'Etat, garder par devers soi les biens divers de l'Etat en raison des fonctions occupées.

L'étude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso12(*) révèle que, «contrairement aux pots de vin et aux rackets, les Burkinabé sont indécis sur l'ampleur de cette pratique. Ils sont 11,8% à affirmer qu'elle n'existe pas et 20,9% à dire qu'elle est limitée. La proportion d'enquêtés qui pensent qu'elle est assez répandue ou courante est sensiblement la même, respectivement 21,2% et 21,3% de la population, contre 24,9% qui considère qu'elle est très développée».

Notons que le grand public a du mal à percevoir ce phénomène parce qu'il se pratique généralement au sommet de l'Etat avec des moyens de dissimulation très sophistiqués.

A ce sujet, la presse a révélé de nombreux scandales de détournements de deniers publics de la part des agents et de hautes autorités de l'Etat. L'affaire des sept cent (700) millions qui auraient été détournés au PDDEB, les détournements des vivres par quatre préfets et un Haut Commissaire en 2004 et le démantèlement d'un vaste réseau de malversations dans le secteur des douanes en 2005 sont une parfaite illustration de l'existence de ce phénomène au Burkina.

Section II : Les autres formes de corruption observées dans l'administration

La corruption est un phénomène assez complexe qui se manifeste aussi sous d'autres formes dans notre administration. Parmi les autres facettes de la corruption dans notre administration, on peut citer : L'enrichissement illicite (Paragraphe I), la corruption électorale (Paragraphe II), le népotisme, le favoritisme et le clientélisme (Paragraphe III).

Paragraphe I : L'enrichissement illicite

Selon l'article 160 du code pénal, l'enrichissement illicite consiste pour toute personne de s'enrichir en se servant de deniers, matériel, titre, acte, objet, effet ou tout autre moyen appartenant à l'Etat.

Cette définition du législateur burkinabè de l'enrichissement illicite est insuffisante pour prendre en compte les multiples facettes de cette pratique. La définition de la Convention des Nations Unies est beaucoup plus large et considère l'enrichissement illicite comme étant une augmentation substantielle du patrimoine d'un agent public que celui-ci ne peut raisonnablement justifier par rapport à ses revenus légitimes.

L'enrichissement illicite est fréquent dans le secteur public et privé où circule généralement beaucoup d'argent. C'est par exemple, le cas de la douane ou des grands projets financés à coup de milliard.

Selon les personnes interrogées, dans la douane le terme «Johannesburg» signifie un poste juteux où l'on s'enrichit très rapidement. Aussi, dans certains ministères, le terme «filon» désigne la gestion d'un projet juteux à la manière d'une mine d'or. Ainsi, l'importance où l'intensité du phénomène de l'enrichissement illicite varie d'un secteur à un autre.

Paragraphe II : La corruption électorale

La corruption électorale qui est une réalité au Burkina apparaît comme un phénomène complexe et difficilement saisissable. Elle renvoie à la corruption politique et consiste en une manipulation illégitime du processus électoral. Cette pratique met en relation plusieurs acteurs notamment l'administration, les partis, les hommes politiques et les électeurs.

La corruption électorale se manifeste en période électorale et consiste en une manipulation des électeurs, des procédures administratives et des institutions chargées du contrôle des élections. Elle consiste aussi en l'utilisation insatisfaisante et non justifiée des fonds alloués aux partis politiques, au bourrage des urnes, à l'achat des consciences, à la violence physique et morale sur les électeurs et à l'utilisation des biens de l'Etat à des fins électoralistes.

L'affaire des 30 millions que le président de la République aurait versés de façon occulte aux deux responsables de l'Opposition Burkinabè Unie (OBU), Laurent BADO et Emile PARE, pour leur permettre de créer, selon eux, une «opposition crédible», apparaît comme un cas de corruption politique qui a pendant longtemps fait la une des journaux.

Selon le rapport 2005 du REN-LAC13(*), «La presse a aussi dénoncé largement les pratiques corruptives qui ont eu cours lors de l'élection présidentielle de novembre 2005 : monnayage du vote de citoyens, recrutement de citoyens pour qu'ils votent plusieurs fois avec des cartes d'électeurs ne leur appartenant pas et des documents d'identification douteux».

Paragraphe III : Le népotisme, le favoritisme et le clientélisme

Le favoritisme ou népotisme est le fait pour un agent public de faire usage de son crédit en vue de procurer des avantages indus aux membres de sa famille, de son ethnie ou à ses amis. Le favoritisme est une pratique courante dans le secteur des marchés publics et en matière d'accès aux emplois où les liens d'amitié, de parenté sont souvent mis en avant pendant les recrutements.

Le clientélisme est le fait de chercher à élargir sa sphère d'influence par l'octroi d'avantages indus. C'est une pratique qui se rencontre dans les milieux politiques surtout à l'approche des consultations électorales.

CHAPITRE II : LES FACTEURS SOCIO-POLITIQUES QUI FAVORISENT L'EMERGENCE DE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE

Section I : Les déterminants sociaux de la corruption dans l'administration

Plusieurs facteurs sociaux contribuent à l'ancrage des pratiques corruptrices dans l'administration publique au Burkina. Ces principaux facteurs sociaux sont : Le délitement des valeurs morales, les faibles revenus des agents publics et l'enchâssement des logiques socio-culturelles dans le fonctionnement de l'administration.

Paragraphe I : Le délitement des valeurs morales

«Aucune nation ne se construit dans l'incivisme, la corruption et l'abus de biens publics. Etre Burkinabè, c'est être intègre». Ce slogan qui passe régulièrement à la télévision nationale avant le journal télévisé et qui suscite des interrogations, en dit long sur la perte de nos valeurs morales.

Autrefois considéré comme un homme honnête, intègre et travailleur, le burkinabè adopte de nos jours des comportements jugés déviants et pernicieux. A ce propos, le Comité National d'Ethique (CNE) dans son rapport 2002 révèle que «Toutes les couches sociales semblent être frappées par le dérèglement moral».

La montée en puissance des valeurs individuelles (individualisme, la cupidité, la mégalomanie, la recherche du gain facile) et l'effritement des valeurs de références collectives (civisme, patriotisme, valeurs morales et religieuses) constituent un socle favorable à l'enracinement de la corruption dans l'administration publique Burkinabé.

En effet, plusieurs voix s'élèvent régulièrement dans les media pour tirer la sonnette d'alarme sur l'agonie de la morale dans notre pays qui se traduit par le manque de formation à l'instruction civique, les dérives en matière d'éducation, la perte de nos valeurs culturelles et traditionnelles. Notons que ces dérives sont plus perceptibles dans les centres urbains où les relations sociales sont de plus en plus monétarisées.

Ainsi, la morale et l'éthique qui gouvernent l'administration ont cédé la place à la «politique du ventre» qui rime avec le slogan «gouverner c'est manger».

Selon un responsable du REN-LAC14(*), «La perte des valeurs morales est un facteur déterminant dans le développement de la corruption dans l'administration. Prenons un exemple simple, lorsque nous étions élèves. C'est vrai qu'il n'est pas dit l'élève ne triche pas mais à notre époque, les quelques élèves qui trichaient se cachaient pour le faire non seulement par peur du maitre d'école mais aussi des autres élèves. Ces tricheurs avaient peur car si on les prenait, ils auraient honte. Cela veut dire qu'avant, il y avait des valeurs morales auxquelles la majorité adhérait et même ceux qui voulaient violer ces règles morales ne le faisaient pas publiquement. Mais aujourd'hui, c'est presqu'une fierté que de montrer qu'on a réussi par la tricherie. Vous avez à l'université ce que les étudiants appellent `'défense en ligne''. Cela veut dire que tout le monde est d'accord sur le fait qu'on peut tricher».

Il est indéniable que l'absence de modèle de référence est source de corruption dans l'administration publique. Et cette déstructuration de l'ordre moral au niveau national a des effets dévastateurs dans l'ensemble des secteurs de l'administration publique où les valeurs d'éthique devraient être la règle d'or. La perte des valeurs a atteint un niveau tel que l'ostentation, la cupidité, l'incivisme, le gain facile, la folie des grandeurs, le paraître, le prestige et la recherche des honneurs sont devenus des critères importants de réussite sociale.

L'étude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina15(*) indique que «constituent les causes d'ordre moral, l'appât du gain facile, la perte des valeurs morales et les raisons culturelles. Parmi ces trois causes, les raisons culturelles sont les moins importantes. L'appât du gain facile avancé par 92% des enquêtés occupe la quatrième (4è) place parmi les onze causes retenues. Il est suivi par la perte des valeurs morales de l'avis de 79,5% des personnes».

Selon le rapport 2005 du REN-LAC16(*), «Cette culture le l'argent-roi qui décide de tout est un facteur propice à l'émergence d'une société où les valeurs morales, l'éthique et le respect du bien public sont foulés du pied».

Notre administration qui est à l'image de la société est traversée par les mêmes contradictions et remous sociopolitiques. Ainsi, de nombreux agents publics et usagers constatent au quotidien des signes évidents de l'absence des valeurs de référence collective à travers le mauvais exemple des responsables et le manque de transparence dans la gestion des affaires publiques.

Dans cette situation, un agent public où un usager peut céder à la tentation et s'adonner à la corruption parce qu'il est déchiré entre la montée en puissance des valeurs individuelles et le déclin des valeurs collectives qui assurent sa socialisation.

A ce sujet, un agent17(*) au Ministère de la Fonction Publique dira en substance : «Aujourd'hui, il vaut mieux paraitre que être. L'avoir a pris le pas sur l'être. La perte des valeurs morales est la principale cause de la corruption dans les services publics aujourd'hui. Dans notre société actuelle, les gens sont appréciés en fonction de ce qu'ils ont et non en fonction de ce qu'ils sont. C'est ce que tu as qui compte et non ce que tu fais. Même au sein de la famille, on voit que quand le petit frère a plus de moyens que le grand frère, au niveau du conseil de famille, c'est sa voix qui compte. Donc, cela fait que les jeunes travailleurs, c'est-à-dire les jeunes fonctionnaires sont tentés de réussir rapidement ».

Paragraphe II : Les faibles revenus des agents publics

Les causes économiques, à savoir la pauvreté et les faibles revenus des agents publics ont un lien de cause à effet avec la corruption. En effet, en cette période de conjoncture, la dégradation vertigineuse des conditions de vie des agents de l'administration publique augmentent leur propension à s'adonner à la corruption afin «d'arrondir leur fin du mois».

En effet, pour ce responsable du REN-LAC18(*), «Le fait d'avoir des bas salaires même si cela ne constitue pas une cause principale de la corruption dans l'administration, cela favorise ce phénomène. Par exemple, lorsque vous avez affaire à un agent de la police qui a un salaire de 30 000F tout au plus 50 000F, à la limite du SMIG. S'il tire le diable par la queue et traverse des difficultés financières et s'il se rend compte qu'avec la tenue, il fait peur aux gens et en faisant peur, s'il rackettait ne serait-ce que 10 personnes à raison de 1000F par personne, il a 10 000F par jour. Donc, en six jours de sortie, il gagne plus que son salaire. Donc, c'est à force de tourner et de retourner ses problèmes qu'il finit par opter pour le racket».

Notons que depuis plusieurs décennies les salaires et les avantages liés ou non à la rémunération ont plus ou moins stagné pendant que l'inflation et la crise économique mondiale produisaient des effets pervers réduisant considérablement le pouvoir d'achat des travailleurs.

Ainsi, les faibles revenus des travailleurs, les difficiles conditions de travail, l'incertitude d'une vie meilleure à la fin de la carrière sont sources de démotivation et ouvrent les portes à toutes sortes de pratiques corruptrices. Donc, certains agents, faute de moyens financiers, deviennent fébriles et fragiles et utilisent les failles de l'administration pour s'adonner à la corruption au mépris des principes sacro-saints qui gouvernent le fonctionnement de l'administration.

Dans cette situation, les usagers sont souvent victimes des dysfonctionnements sciemment crées par des agents cupides. Ces usagers deviennent malheureusement des victimes de la misère des agents des services publics qui n'hésitent plus dans ces circonstances à se faire corrompre pour assurer leur survie. Ils n'ont plus d'autres stratégies de survie que la corruption et l'escroquerie.

Par ailleurs, l'Etat, compte tenu de ses ressources limitées, n'arrive pas à aider les agents à satisfaire tous les besoins concourant à leur épanouissement et leur motivation au travail. Or, la non satisfaction des besoins constitue un facteur important de démotivation des agents qui crée les risques de corruption dans l'administration.

En effet, selon Abraham MASLOW19(*), il existe cinq (5) catégories de besoin, à savoir : les besoins physiologiques élémentaires (nourriture, air, eau, par exemple), les besoins de sécurité (sécurité de l'emploi, contre la douleur, la maladie, la vieillesse), les besoins d'appartenance (besoin d'affiliation), les besoins d'estime (reconnaissance sociale, épanouissement), et les besoins de réalisation (accomplissement personnel).

Ces besoins qui participent à la motivation de l'individu sont hiérarchisés avec au bas de la pyramide les besoins physiologiques et au sommet les besoins de réalisation. Mais selon MASLOW, les besoins de niveau supérieur ne constitueront une source de motivation que si les besoins de niveau inférieur ont été raisonnablement satisfaits. Malheureusement, les conditions de travail et les salaires sont loin d'offrir aux agents publics des conditions pour satisfaire ces besoins qui participent à leur motivation.

Par ailleurs, à la différence de MASLOW, Clay ALDERFER20(*) défend la théorie SRP (Subsistance, Relation, Progression). En effet, cette théorie soutient que l'individu a trois (03) besoins de base, à savoir :

- Les besoins de subsistance ou besoins matériels (nourriture, air, eau, condition de travail) ;

- Les besoins de relation qui est le désir d'établir et d'entretenir des relations interpersonnelles avec des collègues, supérieurs, subordonnés, amis et familles ;

- Les besoins de progression qui renvoient au fait que l'agent doit savoir qu'il a la possibilité de progresser à sa façon en apportant sa contribution créatrice et productrice au travail.

Donc, il est clair que la dégradation continue des conditions de vie et de travail des travailleurs ainsi que du système managérial ont affecté considérablement le degré de motivation des agents publics.

Depuis les vieux sages, tout le monde sait qu'un minimum de bien-être est nécessaire à la pratique de la vertu. Cependant, les agents publics se plaignent régulièrement des bas salaires et des mauvaises conditions de travail qui constitueraient des obstacles à la satisfaction de leurs besoins essentiels d'où la démotivation de ces derniers.

Enfin, il y a aussi un facteur qui favorise la corruption, il s'agit de l'inégalité de traitement des agents au niveau du régime indemnitaire dans l'administration. En effet, s'il y a une certaine égalité au niveau de la grille salariale des agents de la fonction publique, il faut reconnaître que le régime indemnitaire n'est pas égalitaire car il y a des emplois qui présentent plus d'indemnités que d'autres. Cette situation créée une frustration au niveau de certains agents créant ainsi les conditions objectives de l'émergence de pratiques corruptrices dans l'administration.

Un agent21(*) public confirme l'existence de cette réalité en ces termes : «Par exemple le Monsieur n'a aucune indemnité et c'est lui qui fait ton avancement pour que tu ailles prendre ton salaire là-bas. Et bien, s'il est fragile économiquement, il va monnayer cet avancement là puisqu'il n'a rien. Les agents qui sont dans les administrations ne peuvent pas permanemment se considérer comme des escaliers pour d'autres pour gravir des échelons supérieurs. Ils regardent ce que font les autres, surtout leurs supérieurs. Et si l'exemplarité et l'honnêteté n'existent pas au sommet, n'attendez pas que cela existe à la base car c'est le sommet qui donne l'exemple à la base ». Cet agent fait référence à l'indélicatesse de certains chefs hiérarchiques qui ne donnent pas le bon exemple et dans cette situation, le groupe qu'il dirige est sans repère.

Il est évident que la faiblesse des revenus des agents publics ne saurait constituer une excuse pour s'adonner à la corruption. En effet, de nombreux sondages et études révèlent que contrairement aux petits agents, les personnes occupant les grands postes de responsabilité sont généralement impliquées dans des affaires de corruption.

A ce sujet, un agent22(*) de la DPSSA au Ministère de la Fonction Publique affirme ceci : «On peut être pauvre et être intègre et honnête. A mon avis, il n'y a pas de lien entre la pauvreté et la corruption. Maintenant, si vous êtes dans une société où il faut paraître où celui qui a la plus belle voiture ou le plus joli téléphone portable est bien vu et apprécié, vous pouvez perdre ces valeurs d'intégrité et vous adonner à la corruption. On peut dire que les ministres et directeurs généraux sont à l'abri du besoin mais est-ce pour autant qu'on peut affirmer avec certitude qu'ils ne sont pas corrompus ?»

Paragraphe III : L'enchâssement des logiques socioculturelles dans le fonctionnement de l'administration

Le modèle idéal de type Wébérien de l'appareil administratif est caractérisé par les éléments suivants : l'objectivité des normes, la prévalence absolue des rôles sociaux sur les personnes, la rationalité des décisions et l'absence d'entraves à l'exercice par l'administration de sa fonction d'exécution des politiques gouvernementales.

Malheureusement, notre administration qui, dans son fonctionnement quotidien, est enchâssée dans les logiques socioculturelles est loin de satisfaire à cette conception wébérienne de la bureaucratie. Cette situation constitue un terrain favorable à l'émergence et à l'enracinement de la corruption dans l'administration publique.

En effet, notre administration publique apparaît comme un lieu où, par toutes sortes de stratégies et de détours, s'opèrent des déviations soumises à l'intensité des relations interpersonnelles (familles, clans, amis, clients, autorités politiques et autres). L'agent du service public est porté à accorder aux relations et aux devoirs sociaux (parenté, amitié, solidarité, gratitude) une valeur morale absolue. En un mot, l'impact du social dans la gestion au quotidien des services publics est grand.

Ainsi, ils sont rares ceux qui peuvent se dégager totalement des sollicitations insistantes et des exigences de leurs familles et amis.

L'opacité des règles administratives crée chez l'usager un sentiment de précarité et d'impuissance et celui-ci développe un système de défense qui consiste à approcher ses protecteurs et intermédiaires qui se chargeront d'intercéder en sa faveur. Parfois encore, il profitera de ses parents, amis, connaissances où achètera la protection en payant le `'prix de la kola'' où en `'graissant la bouche'' de l'agent. De plus, la perception culturelle de la corruption diffère souvent selon que l'on se trouve dans une société traditionnelle où dans une société moderne. En effet, le fait pour un usager de donner un poulet à un agent public pour service rendu est perçu en milieu traditionnel comme un cadeau, forme sociale par excellence du savoir-vivre alors que ce même cadeau est considéré comme un acte de corruption en milieu étatique car le bénéficiaire de cette offre est payé pour rendre ce service aux usagers.

Donc, cette personnalisation des relations administratives est source de corruption car le besoin de protection contre les prévarications et les blocages entraînent les usagers dans une quête incessante de relations car dans l'imaginaire populaire, l'anonymat est souvent facteur d'humiliation et d'exclusion dans les services publics.

A ce sujet, un agent23(*) au Ministère de la Fonction Publique affirme : «Je suis assis ici, tout le monde vient me dire : `'on dit de venir voir Mr K....''. Donc, partout en ce qui concerne les histoires de retraite, je suis considéré comme une sorte de référence parce qu'il ya des usagers qui pensent que sans moi, leurs problèmes de retraite ne peuvent pas être résolus. Même quand je leur dis que `'si vous venez et que je suis absent, voyez mes collègues'', ils me répondent : `'on va attendre que vous soyez au service''. Mais en ce moment, si je veux bouffer dedans, je bouffe dedans. Quand c'est comme cela, le bonhomme qui est à ce poste là, s'il veut être malhonnête, il le sera car tous ceux qui viennent pensent que sans lui, leur problème ne sera pas réglé. On dit toujours à l'usager : `'si tu ne vois pas un tel, ton problème ne sera pas réglé'', or une administration ne doit pas fonctionner de la sorte».

On s'accorde avec Giorgio BLUNDO et Jean-Pierre Olivier de SARDAN24(*) qu' «on ne s'adresse pas directement au fonctionnaire derrière le guichet, on ne cherche pas à connaître les procédures `'normales'', mais on s'informe d'abord des liens, réels où fictifs, qu'on sera à mesure d'évoquer en guise de préalable à toute démarche». 

Par ailleurs, malgré la réappropriation du modèle administratif hérité des sociétés occidentales qui donnent à l'administration les apparences de modernité à travers le formalisme des textes, les agents de l'administration sont loin d'avoir rompu avec les logiques sociales (par exemple de parenté et d'amitié) qui ne relèvent pas nécessairement des logiques de l'administration. Ces derniers, enchâssés dans un système de relations et de parenté, subissent l'influence du milieu socio-culturel qui marque profondément leurs mentalités, leurs comportements et leurs attitudes. Donc, il y a comme une réciprocité d'échanges entre le travailleur de l'administration publique, sa fonction, son poste et les pratiques sociales en vigueur dans son milieu.

Ainsi, les pratiques et contraintes sociales auxquelles de nombreux agents des services publics ne peuvent se soustraire rendent inefficaces les règles et les procédures administratives visant à instaurer une gestion saine et à lutter contre la corruption dans l'administration.

Aussi, l'administration publique qui est au centre des rapports entre l'Etat et la société est devenue au fil des ans un véritable enjeu de puissance et de domination. Donc, tout semble se jouer autour des modes d'insertion des groupes sociaux dominants dans l'économie nationale à partir des alliances ethniques, politiques et économiques pour assurer le contrôle des ressources.

Et selon Jean François Bayart, «Les fonctionnaires se trouvent gratifiés d'un ascendant considérable sur leur entourage, et même ceux d'entre eux qui ne le souhaitent pas sont soumis à une forte pression les invitant à utiliser cette emprise pour constituer une clientèle et affirmer leur prééminence personnelle sur leur famille, leur village ou leur région... ».

Donc, pour comprendre l'ancrage du phénomène de la corruption dans l'administration, il faut analyser l'articulation étroite entre l'anthropologie des entreprises administratives et l'anthropologie de la corruption. C'est-à-dire comprendre la perception que l'on se fait du phénomène bureaucratique et analyser comment le burkinabè se situe par rapport au phénomène bureaucratique dans un contexte socio-culturel où le rapport au pouvoir est vécu en fonction du principe de la réciprocité sociale.

En conclusion, les pratiques administratives au Burkina Faso reposent davantage sur les relations personnalisées et les comportements particularistes qui accentuent les risques de corruption et créent une confusion entre le public et le privé.

Section II : Les déterminants politiques de la corruption dans l'administration

L'absentéisme, le laxisme, la démobilisation, la lenteur administrative, l'improductivité la malhonnêteté et la corruption sont autant de maux qui minent notre administration publique. Les manoeuvres obscures et les scandales répétés témoignent du désordre qui règne dans certains services publics. Et cette situation est visible à travers la grande liberté que se donnent les cadres et agents à l'égard des ressources publiques. En effet, notre administration ne fonctionne pas toujours selon des règles claires et précises à cause des dysfonctionnements (Paragraphe I), de l'impunité (Paragraphe II) et de la politisation de l'administration (Paragraphe III) qui ouvrent la voie à toute sorte d'abus.

Paragraphe I : Les dysfonctionnements de l'administration

Selon le rapport sur le développement humain25(*), «les administrations africaines portent l'empreinte des anciennes puissances colonisatrices. Dans le cas du Burkina Faso, elles sont soumises à un système juridique emprunté à la société française et marquée par la double influence de son régime politique et économique capitaliste».

Malheureusement, de nombreux citoyens et usagers s'accordent à déplorer la corruption, l'incurie, l'inertie, la lenteur des procédures, la mauvaise application des textes, en un mot, le fonctionnement médiocre de la machine administrative dans notre pays.

Cependant, ces dysfonctionnements créent le plus souvent un dédoublement de l'administration qui a pour corollaire l'informalisation qui est souvent source de transactions illégales, voire de corruption.

En effet, ce dédoublement crée un décalage énorme entre l'organigramme sur le papier du service et la division du travail et entraîne une situation où on ne sait pas qui fait quoi dans le service. Ce hiatus entre la norme et la réalité entraîne une sous-qualification (un agent effectue une tâche inférieure à sa qualification) où une sur-qualification (un agent effectue une tâche supérieure à sa qualification) qui entraîne plusieurs dysfonctionnements et favorise la corruption. Ce glissement des fonctions crée immanquablement un flou autour du cahier de charges propre à un poste où à un statut. De ce fait, l'improvisation qui en résulte est propice à des transactions illégales où à des pratiques corruptrices.

Par ailleurs, les dysfonctionnements sont amplifiés à cause de l'ignorance et l'analphabétisme des usagers qui ne savent pas leur droit et devoir et qui ne comprennent rien aux procédures administratives. Cette situation pousse certains agents à prendre en otage le temps des usagers en créant sciemment des lenteurs et des goulots d'étranglement et offrir ensuite une accélération personnalisée et payante du service.

Ainsi, profitant des dysfonctionnements de la machine administrative, certains agents des services publics cultivent une tradition de mépris et d'arrogance face aux usagers des services. Et, c'est toujours avec crainte et tremblement que les usagers où «gens sans importance» qui ne comprennent rien aux rouages de l'administration obéissent aveuglement aux injonctions des agents malhonnêtes et corrompus.

Jean Marc Ela26(*) confirme cette réalité en affirmant qu' «En Afrique, le bénéficiaire des services est loin d'être considéré comme un client digne de respect, alors que tout l'édifice public ne peut fonctionner que par le travail de ses mains et la sueur de son front».

Et pour Jean François BAYART27(*), le mépris affiché de certains agents à l'endroit des usagers est manifeste. Il reconnaît que: « l'humilité qu'affichent les usagers des administrations, bustes inclinés, voix différentes auxquelles répond le ton bourru, voire arrogant des fonctionnaires frappe l'observateur étranger dès ses premières démarches dans les services publics».

En outre, l'analphabétisme et surtout cette méconnaissance des procédures par les usagers les exposent aux risques de corruption car certains agents véreux parce qu'ils ont le monopole de l'information jouent sur les zones d'incertitudes que ces derniers ne maitrisent pas. Donc, les informations administratives font l'objet de monnayage de la part des agents corrompus qui manipulent à leur avantage les informations en leur disposition créant ainsi les conditions subjectives et objectives de la corruption.

A ce sujet, un agent de la DPSSA28(*) donne un exemple qui traduit de fort belle manière les stratégies mises en place par certains agents : «Aujourd'hui, avec le SIGASPE, dès qu'un usager arrive et que tu cliques sur son numéro matricule, tu sais où se trouve son dossier (signature, rédaction où au contrôle financier). Donc, tu viens me voir et je clique, je sais où se trouve ton dossier (par exemple à la signature) et je te dis `'ton dossier là mon ami, ce n'est pas facile mais je vais voir ce que je peux faire pour l'accélérer, donc revient me voir'' et je prends ton numéro de téléphone. Deux jours après, je t'appelle et je te le remets signé. Là tu es convaincu que j'ai fais un effort extraordinaire pour avoir ton dossier alors que je n'ai rien fais. Même si je ne te demande pas de l'argent, tu seras tenté de m'en donner. Le type dira `'je n'ai rien demandé''. Il prend et il n'a posé aucun acte illégal mais simplement il avait une information que l'usager n'avait pas. C'est comme cela que ça se passe dans les services».

Paragraphe II : L'impunité

L'avènement de la démocratie et le libéralisme économique sont souvent interprétés comme une ouverture au laxisme, à l'impunité et à l'enrichissement illicite. En effet, la lutte contre la corruption dans l'administration publique est rendue `'compliquée'' du fait de l'impunité dont jouissent les auteurs d'actes de corruption. Cette impunité se manifeste non seulement par l'absence de poursuites judiciaires contre les auteurs mais aussi à travers le laisser-aller de certains responsables administratifs face aux agissements des agents qui n'ont de compte à rendre à personne.

L'étude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso révèle que : «La corruption persiste et se développe parce qu'elle est tolérée par l'administration. Cette tolérance se manifeste du point de vue des usagers par l'absence de poursuites pour les cas révélés, ce qui crée un effet d'entrainement tant au sein des usagers que des agents du service public. Il faut noter que l'impunité est rattachée du point de vue des enquêtés à plusieurs acteurs : la méconnaissance du système de dénonciation qui rend ineffective la répression, le dysfonctionnement de la justice et la volonté politique plutôt bienveillante à l'égard de la corruption». 

En effet, s'agissant de la justice, le Commissaire du Gouvernement à la Cour des comptes, lui-même magistrat de formation, affirme : «J'ai vingt neuf (29) années de service en tant que magistrat. Vous savez que c'est un corps qui a connu des difficultés suite aux périodes d'exception que le pays a connu. Si vous avez suivi l'histoire récente du pays, il y avait ce qu'on appelait les Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR). Donc, ces TPR, malgré leurs insuffisances, ont contribué à moraliser l'administration. Mais j'ai constaté qu'avec le retour à l'Etat de droit, au lieu que le droit prime sur ces genres de situation là (Corruption), on a l'impression que c'est le laisser-aller. Mais cela peut s'expliquer parce que certains acteurs de la vie politique de l'époque sont les mêmes qui continuent à évoluer aujourd'hui à telle enseigne qu'ils ne veulent pas scier la branche sur laquelle ils sont assis».

C'est ainsi que la Cour des comptes et la presse ont rendu public plusieurs cas de malversation et de corruption restés impunis qui ont soulevé de grosses polémiques au sein de l'opinion publique et dans la presse. Malheureusement, la justice n'a jamais diligenté des enquêtes pour situer les responsabilités et les personnes impliquées dans ces affaires n'ont jamais été inquiétées. Parmi ces cas d'irrégularités et de malversations, on peut citer les affaires suivantes:

- Le rapport 2005 de la Cour des comptes a relevé d'énormes irrégularités dans la procédure de passation du marché de la réhabilitation de la mairie de Ouagadougou. Ce même rapport mettait aussi en cause les services du Trésor qui ont délivré des quittances de versement alors qu'aucun versement n'a eu lieu, tout comme les mêmes services ont sciemment omis de percevoir les droits de timbres. Au sujet de l'affaire de la mairie de Ouagadougou, un membre influent de la Cour des comptes nous donne l'explication suivante : «Il faut reconnaître que les hommes qui animent les structures de contrôle ne sont pas à leur place. Si vous prenez le cas de l'affaire de la mairie de Ouagadougou, lorsque le problème s'était posé, moi j'avais dit qu'il fallait aller sous l'angle de la faute de gestion. C'est-à-dire, on convoque l'intéressé (le maire de Ouagadougou), s'il n'a pas commis de fautes de gestion, on le relaxe, et s'il a commis une faute de gestion, on le condamne parce que c'est prévu par la loi. Bon ! Les gens ne m'ont pas écouté par exemple. Au contraire, quand le maire est passé à la télé, il s'est expliqué, à telle enseigne qu'au niveau de la Cour des comptes, certains ont eu peur et ils sont même allés se justifier auprès du maire comme quoi, le parquet voulait qu'on aille au-delà et eux ils n'ont pas voulu. Tout cela, c'était pour pouvoir se maintenir à leur poste».

- Les cas de malversations dans la gestion de la Caisse Autonome de Retraite des Fonctionnaires (CARFO)29(*) avec la dissipation de plusieurs centaines de millions de francs. D'ailleurs, l'Inspection Générale d'Etat (IGE) s'est saisie de cette affaire mais jusque-là aucun rapport n'a été rendu public.

- L'inculpation du Directeur Général de la douane30(*), Ousmane GUIRO, pour une affaire d'exonérations douanières. Malgré son inculpation et sa mise en liberté provisoire, l'intéressé n'a pas été relevé de ses fonctions. Le dossier est toujours en instruction mais son état d'avancement laisse présager qu'il ne connaitra d'autres issues que la prescription ou le non-lieu au regard des soutiens dont a bénéficié l'inculpé à savoir des personnalités `'hauts placés'' de l'Etat.

- Le dossier de la CNSS31(*) (Caisse Nationale de Sécurité Sociale) qui a été révélé par six (6) centrales syndicales et relayé par la presse et le REN-LAC. En effet, il est ressorti que le Directeur Général de l'époque, Idrissa ZAMPALIGRE aurait accordé des prêts à des opérateurs économiques dans l'opacité totale et le mépris des règles de gestion. Ce dernier a été simplement relevé de ses fonctions et la CNSS était transformée en un établissement public à caractère social. Par ailleurs, la Cour des comptes, dans un rapport rendu public, révélait que de nombreuses personnalités dont l'ancien Premier Ministre Ernest Paramanga YONLI et l'ancien Ministre de la Justice Boureima BADINI se sont portés acquéreurs de villas de ladite institution malgré la défense qui leur était faite de poser de tels actes par la constitution.

- Dans l'affaire de la Croix-Rouge burkinabè32(*), un rapport de l'Inspection Générale d'Etat (IGE) révélait en 2001 des cas de malversations portant sur la somme de six cent soixante quatorze (674) millions de francs dont se seraient rendus coupables certains dirigeants de l'institution dont sa présidente Bana OUANDAOGO. Le juge d'instruction chargé du dossier n'a pas pu conduire l'instruction à son terme à cause de l'immunité parlementaire dont bénéficiait la présidente de la Croix Rouge. L'affaire est restée sans suite et risque d'aboutir à un non-lieu.

- L'affaire Issaka KORGO33(*) : En rappel, Issaka KORGO, PDG de la société SOKOCOM avait introduit un faux procès-verbal de réception des travaux alors qu'il n'avait pas exécuté le marché y relatif. Ce dernier, traduit devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Ouagadougou pour faux en écriture, il sera relaxé pour infraction non constituée. Cette affaire a suscité plusieurs questionnements, à savoir comment Issaka KORGO a pu fournir un faux procès -verbal avec la signature du ministre des Finances ? Avait-il des complices ? Par la suite, la presse notamment le bimensuel L'Evènement révélait que Issaka KORGO était connu des ministères pour ses pratiques frauduleuses et corruptrices et bénéficiait de complicités dans les différentes chaines de contrôle des marchés publics.

- En 2004, le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Bobo-Dioulasso dans l'affaire de malversations portant sur près de neuf (9) milliards de francs dans la Direction Régionale de l'Environnement des Hauts-Bassins34(*) ouvrait une enquête qui a abouti à l'interpellation de quinze (15) personnes. Interpellées pour concussion, faux, usage de faux, détournement de deniers publics, enrichissement illicite et association de malfaiteurs, ces personnes seront libérées sous caution après un bref séjour à la Maison d'Arrêt et de Correction de Bobo. Pire, ils ne seront pas écartés de la gestion des deniers publics mais simplement mutés dans une autre province.

Ainsi, à travers ces affaires, de nombreux burkinabè estiment que la corruption prend de l'ampleur à cause de l'impunité dont bénéficient les personnes impliquées dans les actes de corruption. Donc, l'impunité apparaît comme un facteur important de l'ancrage de la corruption et constitue un obstacle quant à l'application des règlements et des sanctions en matière de lutte contre la corruption. A ce sujet, un article paru dans le bimensuel L'Evènement n°180 du 25 Janvier 2010 et intitulé «Kôrô Dri était un cleptomane» nous fait la révélation suivante : « ... En cinq ans, il a géré, comme il le voulait, plus d'un milliard de francs CFA, dont on ne trouve nulle part les pièces justificatives. Le plus grand scandale de la république qui apparemment ne fera l'objet d'aucune poursuite ».

Enfin, au Burkina Faso, au fil des ans, l'impunité est devenue de fait, la règle et la sanction, l'exception. Dans ces conditions, même si les sanctions contre les auteurs d'actes de corruption sont prises, elles sont loin des questions de justice ou du bon fonctionnement des services mais apparaissent plutôt comme des règlements de comptes et tentatives d'élimination d'adversaires politiques. Et abordant cette question d'impunité, le rapport sur le développement humain au Burkina Faso35(*) souligne que : «Toute sanction pose en effet problème, parce que le sanctionné est à peu près toujours inséré dans des réseaux clientélistes qui le protègent. Celui qui veut sanctionner se voit ainsi immédiatement l'objet de multiples `'interventions'', voire de menaces, venant de pairs ou de personnages plus hauts placés. La plupart du temps, il se voit désavoué par sa propre hiérarchie, qui ordonne la relaxe de l'auteur de l'infraction où la suspension de la peine».

Paragraphe III : La politisation de l'administration

Le rapport sur le développement humain au Burkina Faso36(*), «constate de plus en plus une politisation de l'administration que l'on soit en présence d'un système de la Fonction Publique de carrière où d'un système de la Fonction Publique de l'emploi. Cette politisation est favorisée par le pouvoir discrétionnaire de l'administration que l'on retrouve dans les nominations où il faut tenir compte des compétences techniques en faisant prévaloir le critère du mérite sur celui de l'allégeance politique au régime».

Par ailleurs, dans un éditorial publié dans le journal `'Le pays'' du 29 novembre 2001, on pouvait lire ceci : «Beaucoup de voix s'élèvent et font le même constat. Notre administration est excessivement politisée (...). Dans ce bric-à-brac où le clientélisme est roi, en avant la politique du `'ôte-toi que je m'y mette''. On propulse à des postes de responsabilité des agents à la compétence parfois discutable et imperfectible».

Et selon le Commissaire au Gouvernement à la Cour des comptes, magistrat de formation : «Nous sommes un corps où nous ne sommes pas nombreux mais la justice est tellement politisée à telle enseigne que pratiquement tous les postes de décisions étaient confiés à des juges `'acquis''. Imaginez certains directeurs généraux qui ont fait quinze (15) ans à leur poste. Cela pose problème. Espérons que le Premier Ministre va appliquer la mesure consistant à faire un appel à candidature pour occuper ces postes de directeurs généraux avec des objectifs à atteindre».

Ainsi, cette politisation à outrance de l'administration publique est source de dysfonctionnements dans les services publics. Dans cette situation, les agents des services publics se trouvent automatiquement gratifiés d'un ascendant considérable sur leur entourage. Ils sont alors soumis à une forte pression de leur «bienfaiteur» les invitant à utiliser leur position pour piller les biens publics.

En effet, déjà en 1991, un texte paru dans Sidwaya du 28 août 1991, tirait la sonnette d'alarme sur l'ancrage de cette «politique du ventre» au Burkina Faso en ces termes : «Dans bon nombre de pays africains, la politique ressemble à un râtelier où une mangeoire publique où la chose publique est servie. Naturellement, toutes les mains qu'elles soient propres ou sales, immaculées où tachées, innocentes ou coupables, douteuses ou honnêtes... peuvent y plonger même sans s'y être conviées. L'accès à la table n'est pas subordonné par un laissez-passer. Ou, si! La seule condition sine qua non demeure le saupoudrage politique. Bien souvent, ces auto convives sont guidés dans leurs élans par la seule voracité. Qu'importe à leur auguste appétit que le couvert soit suffisamment étoffé, la table assez garnie pour les invités ; pourvu que leurs susceptibilités gastronomiques soient satisfaites!... »

Donc, pour certaines personnes, travailler dans l'administration et faire de la politique, «c'est se créer une place au soleil» et surtout se servir prioritairement en gérant de manière patrimoniale les biens de l'Etat. Cette collision entre le politique et l'administration a atteint un seuil inquiétant car ce sont les mêmes acteurs politiques qui gèrent les affaires de l'Etat. Et l'impunité dont jouissent les auteurs d'actes de corruption s'explique par le fait que ces derniers sont aux affaires et sont nommés à des postes de responsabilité par des amis politiques et bénéficient du soutien de ces derniers. Le Comité National d'Ethique37(*) confirme cette réalité et indique que « la quasi-totalité des secteurs de l'administration sont fortement politisés...Beaucoup de sociétés sont dirigées par des cadres désignés non en fonction de leurs compétences mais de leur appartenance politique ».

Par exemple, à propos du soutien dont bénéficient certaines personnes incriminées par les différents rapports de la Cour des comptes, un responsable du REN-LAC38(*) qui a du mal à cacher sa colère affirme que : «Les rapports de la Cour des comptes en disent long sur les dossiers brûlants des cas de détournements et de malversations dans les services publics. Mais l'affaire qui continue de faire des gorges chaudes est sans conteste l'affaire des malversations au niveau de la CNSS. Malgré la protestation des organisations syndicales, du REN-LAC et de la presse écrite, on s'est contenté de dire qu'il y a une enquête administrative qui va être commanditée. On a enlevé le DG de la CNSS sans nous dire qu'est-ce qu'il a fait. Et si on devait sanctionner, l'ancien Premier Ministre Ernest Paramanga YONLI allait prendre pour son compte».

Notons que dans certains pays comme la France par exemple, vous pouvez obtenir un poste de responsabilité au sein de l'administration grâce à votre appartenance politique mais n'empêche qu'en cas de malversation et de non respect de certaines procédures en matière de gestion des fonds publics, vous pouvez être poursuivi. L'actualité en France a souvent fait allusion à plusieurs responsables politiques qui sont sous poursuite judicaire pour corruption et fautes graves de gestion (l'ancien Président Jacques Chirac, Charles Pasquois ancien Ministre de l'intérieur, etc) quand ils étaient aux affaires. Or, au Burkina Faso, le plus souvent, les affinités politiques constituent un `'parapluie'' sous lequel se cachent les responsables et les agents de l'administration pour commettre des actes de corruption et jouir de l'impunité que leur confère leur appartenance politique.

Enfin, les tentatives de punition et de lutte contre la corruption sont brisées par les réseaux clientélistes et politiques tissés par les acteurs impliqués dans la corruption. Dans cette situation, l'institution ou celui qui veut sanctionner est l'objet de multiples interventions, voire de menaces voilées de ses pairs et de personnalités haut placés dans l'appareil d'Etat.

CHAPITRE I : ANALYSE DU DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE

Section I : Le dispositif sous régional, régional et international

On assiste ces dernières années à la mise en place de nombreux dispositifs en matière de lutte contre la corruption au plan sous régional, régional et international. Ces reformes politiques, sociales et économiques s'étendent à plusieurs domaines et contribuent à la lutte contre la corruption et les dysfonctionnements de nos administrations. Donc, le dispositif sous régional (Paragraphe I), régional (Paragraphe II) et international (Paragraphe III) vise à s'assurer du respect des procédures en matière de gestion des fonds publics et à protéger les deniers publics des assauts de la corruption.

Paragraphe I : Le dispositif sous régional

L'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) depuis sa création en janvier 1994 va adopter plusieurs directives visant la gestion saine et transparente des finances publiques. Cette transparence des finances publiques est définie par le texte communautaire comme «l'information claire du public sur la structure et les fonctions des administrations publiques, les visées de la politique des finances publiques, les comptes du secteur public et les projections budgétaires».

Ainsi, parmi les directives adoptées par l'UEMOA on peut citer :

ü La directive n°04/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant nomenclature budgétaire de l'Etat ;

ü La directive n°05/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant plan comptable de l'Etat ;

ü La directive n°05/97/CM/UEMOA relative aux lois de finances modifiée par la directive n°2/99/CM/UEMOA du 21 décembre 1999 ;

ü La directive n°06/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant règlement général sur la comptabilité publique modifiée par la directive n°03/99/CM/UEMOA du 21 décembre 1999 ;

ü La directive n°06/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant tableau des opérations financières de l'Etat (TOFE) ;

ü La directive n°01/2002/CM/UEMOA relative à la transparence des relations financières d'une part, entre les différents Etats membres et les entreprises publiques et d'autre part, entre les Etats membres et les organisations internationales ou étrangères ;

ü Le règlement n°02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques anticoncurrentielles à l'intérieur de l'UEMOA ;

ü La directive n°07/2002/CM/UEMOA relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux dans les Etats membres de l'UEMOA et un règlement relatif à la lutte contre le financement du terrorisme adoptés le 19 septembre 2002 ;

ü La décision n°02/2000/CM/UEMOA portant adoption du document de conception du projet de reforme des marchés publics des Etats membres de l'UEMOA.

Paragraphe II : Le dispositif régional

Le Burkina Faso a signé au plan régional, de nombreuses conventions en matière de lutte contre la corruption. Parmi ces conventions, on peut citer :

- La convention de l'Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption adoptée le 12 juillet 2003 par les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union Africaine ;

- La Charte Africaine de la Fonction Publique adoptée par la troisième Conférence Biennale des Ministres de la Fonction Publique le 05 février 2001 à Windhoek en Namibie. Cette charte a pour objet le renforcement du professionnalisme et l'éthique dans la Fonction Publique en Afrique. L'article 25 de cette charte stipule que « l'agent public doit s'abstenir de toute activité contraire à l'éthique et à la morale, tels que les détournements de deniers publics, le favoritisme, le népotisme, la discrimination, le trafic d'influence ou l'indiscrétion administrative» ;

- Le Burkina s'est engagé aux c?tés du NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique) pour l'adoption de reformes institutionnelles visant une reforme de la Fonction Publique et de l'administration, le renforcement du contrôle parlementaire, une lutte efficace contre la corruption et les détournements de fonds et enfin la reforme du régime judiciaire ;

- Enfin, l'adoption des textes dans le cadre de l'Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA) signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis et qui a pour principal objectif de remédier à l'insécurité juridique et judiciaire.

Paragraphe III : Le dispositif international

Face à la montée de la corruption dans les administrations, l'Assemblée Générale des Nations Unies a adopté au cours de sa 51è session tenue le 12 Décembre 1996 la résolution N°51/59. Cette résolution39(*) institue un code de bonne conduite des agents de la Fonction Publique et lève un coin de voile sur l'ampleur de la corruption devenue « `'un phénomène transnational'' pouvant affecter toutes les sociétés et tous les pays et sur les liens qui existent entre la corruption et d'autres formes de criminalité, en particulier la criminalité organisée et la délinquance économique, y compris le blanchiment d'argent ».

Par ailleurs, l'ONU à travers l'adoption le 4 Décembre 2000 de la résolution 55/61 s'est résolument engagée dans la lutte contre la corruption. Notons que le 20 Décembre de la même année, une autre résolution a été adoptée, à savoir la 55/188 intitulée « prévention et lutte contre la corruption et le transfert illégal de fonds et rapatriement desdits fonds dans les pays d'origine ».

Ainsi, en matière de lutte contre la corruption, le Burkina Faso est engagé dans de multiples conventions au plan international. Parmi ces conventions, on peut citer :

- La convention des Nations Unies contre la corruption signée par 94 pays en décembre 2003 à Mérida au Mexique. Il s'agit d'un instrument juridique qui a pour vocation de couvrir toutes les formes de corruption et de mettre en place tous les moyens de prévention contre la corruption ;

- La convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales adoptées par les pays membres de l'OCDE ;

- Le 15 Mai 2002, notre pays a également ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Cette convention vise à lutter contre la corruption des agents publics et à promouvoir la coopération internationale afin de prévenir et de combattre efficacement la criminalité transnationale organisée.

Section II : Les politiques nationales et stratégies de lutte contre la corruption dans l'administration publique

En matière de prévention et de répression contre la corruption, le Burkina-Faso dispose d'un cadre normatif (Paragraphe), réglementaire (Paragraphe II) et de plusieurs institutions étatiques et d'organisations de la société civile (Paragraphe III) qui luttent contre la corruption. L'adoption de ces mesures vise la lutte contre la corruption à travers l'organisation de la bonne gouvernance économique et démocratique.

Paragraphe I : Le cadre normatif

ü La constitution

Notre loi fondamentale s'intéresse aux questions de corruption et c'est à ce titre qu'à son article 44 alinéa 2, elle fait obligation au Président du Faso de remettre à l'occasion de la cérémonie de son investiture, une déclaration écrite de ses biens au président du Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, l'article 77 alinéa 2 de la constitution relayé par la loi n°14-2002/AN astreint des membres du gouvernement et d'autres présidents d'institution à la déclaration de leurs biens. Et pour assurer l'effectivité de ce principe à valeur constitutionnelle, une commission de vérification des informations contenues dans les listes des biens déclarés a été instituée par la loi n°22/95/ADP du 18 mai 1995.

En outre, l'article 9 de cette loi stipule qu'«en cas de fausse déclaration, de déclaration inexacte ou incomplète ou de dissimulation dûment établies par la commission de vérification, il appartient au chef du gouvernement d'en tenir rapport au Président du Faso qui statue en dernier ressort sur l'aptitude d'un membre du gouvernement à poursuivre l'exercice de ses fonctions sous préjudices des poursuites judiciaires».

«Le poisson pourrit de la tête» dit l'adage et toutes ces dispositions visent à prémunir contre tout abus où détournement de biens par les hauts responsables de l'exécutif.

ü Les dispositions de portée législative

Les dispositions de portée législative concernent essentiellement : le Code pénal, le Code des impôts, le Code des douanes, la loi n°15/94/ADP du 9 mai 1994 organisant la concurrence, la loi n° 025-2001/AN du 25 octobre 2001 portant Code de la publicité, les textes applicables aux agents publics de l'Etat et la loi n°014-2001/AN du 3 juillet 2001 portant Code électoral.

- Le Code pénal : Il résulte de la loi n°043/96/ADP du 13 novembre 1996 et distingue la corruption passive et la corruption active, c'est-à-dire le corrompu et le corrupteur. Selon l'article 156 du code pénal, se rend coupable de corruption passive tout fonctionnaire de l'ordre administratif où judiciaire, tout militaire ou assimilé, tout agent ou préposé de l'administration, toute personne investie d'un mandat électif qui agrée des offres ou promesses, qui reçoit des dons ou présents, pour faire ou s'abstenir de faire un acte de ses fonctions ou de son emploi. Et l'article 158 précise que la corruption active est constituée quand une personne contraint ou tente de contraindre par voie de fait ou menace, corrompt ou tente de corrompre les personnes de la qualité exprimée à l'article 156, que cette tentative ait eu ou pas de l'effet.

Donc, on voit bien que si le code pénal donne une définition restrictive à la corruption, il comporte aussi des dispositions qui punissent certains faits qui s'apparentent à la corruption. Ces faits concernent la prise illégale d'intérêts, la concussion, le trafic d'influence, la soustraction ou le détournement de biens et l'enrichissement illicite.

- Le Code des impôts : Au nom de la garantie d'une bonne entrée des ressources financières au trésor public, ce code prévoit des sanctions visant à réprimer toutes les infractions empêchant les recouvrements. Ce Code en son article 454 dispose : «Quiconque s'est frauduleusement soustrait, ou a tenté de se soustraire frauduleusement au paiement total, ou partiel des impôts directs et taxes assimilées, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait organisé son insolvabilité, ou mis obstacle par d'autres manoeuvres au recouvrement de l'impôt, est passible des sanctions fiscales applicables d'une amende de soixante mille à trois cent mille francs ou/et d'un emprisonnement de deux mois à deux ans ».

- Le Code des douanes : Il prévoit et réprime la corruption en son article 37 alinéas 2 et accorde au coupable qui dénonce les faits, une excuse de repentir. Ce code distingue deux types d'infraction à la réglementation, à savoir les contraventions et les délits de douane. Par ailleurs, il prévoit et réprime les infractions (article 255) et tentatives d'infractions douanières (article 256).

- La loi n°15/94/ADP du 9 mai 1994 organisant la concurrence vise la restauration d'un environnement sain favorable à l'exercice des activités économiques dans un contexte de libre concurrence, avec un minimum de protection des consommateurs. Ainsi, les principales pratiques prohibées par cette loi sont les prix imposés et les reventes à perte (article 9 et 10), les ventes sauvages et le para commercialisme (article 16), les pratiques discriminatoires entre professionnels (article 15), et les ententes et les abus de positions dominantes (article 5 à 7).

- La loi n° 025-2001/AN du 25 octobre 2001 portant Code de la publicité dispose en son article 21 que : «tout message publicitaire doit être conforme aux exigences de véracité, de décence, et de respect de la personne humaine». Cette loi indexe deux infractions majeures, à savoir la publicité mensongère ou trompeuse et la concurrence déloyale.

- Les textes applicables aux agents publics de l'Etat : aux termes de l'article 19 de la loi n° 013/98/AN du 28 avril 1998, «les agents de la fonction publique ne doivent, en aucun cas, solliciter ou accepter des tiers, directement ou indirectement ou par personne interposée, des dons, gratifications ou d'autres avantages quelconques pour les services qu'ils sont tenus de rendre dans le cadre de leurs fonctions ou en relation avec celles-ci».

- La loi n°014-2001/AN du 3 juillet 2001 portant Code électoral malgré les multiples modifications qu'elle a subies, réprime lourdement la fraude électorale avec une panoplie de sanctions qui vont d'un emprisonnement d'un mois à cinq ans et d'une amende de dix mille (10 000) à cent mille francs ( 100 000) CFA.

Paragraphe II : Le cadre réglementaire

En matière de lutte contre la corruption et la fraude, plusieurs textes réglementaires portant essentiellement sur l'organisation des marchés publics et les examens et concours professionnels ont été adoptés. Il s'agit du :

- décret n°2008-173/PRES/PM/MEF du 16 Avril 2008 portant réglementation générale des marchés publics et des délegations de services publics qui prend en compte en son article 2 les principes suivants : la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats, la reconnaissance mutuelle et la transparence des procédures.

- décret n°99-103/PRES/PM/MFPDI/MEF du 29 avril 1999 qui prévoit des sanctions disciplinaires lourdes contre tout agent public ou candidat ayant commis ou tenté de commettre des fraudes pendant les examens professionnels et les concours.

Paragraphe III : Les institutions étatiques et les organisations de la société civile

Dans son message à la Nation à l'occasion de la fête nationale du 11 Décembre 2002, le Président du Faso déclarait : «La consolidation de nos acquis en matière de démocratie et de lutte contre la pauvreté passe nécessairement par l'observation des règles de bonne gouvernance. ....Les mécanismes de lutte contre la fraude et la corruption sont établis et le Gouvernement s'emploie à les rendre opérationnels. Pour les générations futures, aucun sacrifice n'est de trop afin de bâtir l'édifice d'une nation forte et prospère».

Déjà en Juin 2002, le premier Ministre Ernest Paramanga YONLI indiquait dans un discours la volonté ferme de son gouvernement à « mettre en place un dispositif de lutte anti-corruption très lisible, pour réprimer ceux qui commencent à faire de la corruption une activité professionnelle ».

Ensuite, on a assisté à la mise en place de nombreuses structures d'origine parlementaire et réglementaire par l'exécutif pour promouvoir la bonne gouvernance et lutter contre la corruption. Il s'agit essentiellement de l'Inspection Générale d'Etat (IGE), des Inspections Techniques des Services (ITS), de la Cour des comptes, de la Coordination Nationale de Lutte contre la Fraude (CNLF), du Comité National d'Ethique (CNE), de la Haute Autorité de Coordination de Lutte contre la Corruption (HACLC). Notons que ce dispositif institutionnel a évolué avec l'adoption de la loi portant création de l'Autorité Supérieure de Contrôle d'Etat (ASCE) qui prend en compte une grande partie des critiques formulées contre le dispositif institutionnel de lutte contre la corruption.

L'étude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso40(*)  précise le contexte qui a vu la naissance de l'ASCE en ces termes: «Face à cette situation et en vue de donner à la lutte contre la corruption une nouvelle dimension, l'Assemblée Nationale, sur proposition du Gouvernement, a adopté le 14 novembre 2007, une loi portant création de l'Autorité Supérieure de Contrôle de l'Etat. Cette structure répond au souci d'une coordination plus efficace des structures impliquées dans le contrôle de la gestion des deniers publics et la lutte contre la corruption. C'est ainsi qu'elle consacre la nécessaire synergie d'action en regroupant dans sa seule sphère, les compétences de l'IGE et de la HACLC, ainsi qu'une partie de celles de la CNL».

Par ailleurs, au niveau de la société civile, on note la présence de nombreuses organisations comme le REN-LAC, les associations, les mouvements des droits de l'homme, les syndicats et les médias qui dénoncent régulièrement les cas de corruption.

Enfin, le Premier Ministre Tertius ZONGO, dans son discours de politique générale le 5 octobre 2007 déclarait ceci : « Toutes nos actions resteraient de simples gesticulations si les agents économiques de ce pays n'avaient pas le sentiment que nous sommes décidés à éradiquer la gangrène de la corruption des pratiques de certains de nos concitoyens ».

Il proposait au titre de sa stratégie de lutte contre la corruption les actions suivantes :

- La rationalisation et la dynamisation des structures de contrôle existantes à travers la mise en place d'une structure autonome organisée en corps et dotée de moyens conséquents et disposant d'un pouvoir de saisine des juridictions ;

- Le renforcement des effectifs et des moyens de la Cour des comptes ;

- La création de pôles spécialisés au niveau des tribunaux de grandes instances et la révision des textes nationaux conformément aux engagements internationaux ;

- Les sanctions contre les agents reconnus coupables de malversations et la création d'une structure de suivi de l'exécution des conclusions des différents corps de contrôle ;

- L'adoption d'un plan de la politique nationale de lutte contre la corruption et le rendre opérationnel en veillant à une synergie d'action entre les structures de contrôle et les autres partenaires comme la société civile et le secteur privé.

Ainsi, certaines actions en matière de lutte contre la corruption semblent porter fruit comme le reconnaît cet usager41(*) : «Il y a eu des actions efficaces, comme par exemple au niveau de la douane avec la création de COTECNA pour vérifier les valeurs en douanes pour les transactions douanières. Cela a permis à l'Etat d'engranger d'importantes recettes qui s'évadaient à cause de la fraude fiscale. Nous avons particulièrement apprécié cette mesure. Par ailleurs, la mesure sur l'utilisation rationnelle des véhicules et des biens de l'Etat a été une mesure que nous avons apprécié à sa juste valeur».

CHAPITRE II : ANALYSE DES INSUFFISANCES DES POLITIQUES ET DES STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

Section I : Analyse des insuffisances du dispositif et des stratégies de lutte contre la corruption

La volonté de mener des politiques vigoureuses en matière de lutte contre la corruption est réellement établie au plus haut niveau. Cela s'est traduit par la mise en place de nombreuses structures étatiques au plan national et la ratification de plusieurs traités relatifs à la lutte contre la corruption au niveau régional et international. Cependant, ce dispositif de lutte contre la corruption au niveau international, régional et national comporte plusieurs insuffisances qui entravent sa mise en application. Notre analyse portera sur les limites du dispositif sous régional, régional et international (Paragraphe I), les insuffisances du dispositif national (Paragraphe II) et la volonté politique de lutte contre la corruption (Paragraphe III).

Paragraphe I : Les insuffisances du dispositif sous régional, régional et international

Malgré la volonté politique affichée dans les discours et l'adhésion du Burkina aux instruments internationaux et régionaux, la corruption continue de s'installer durablement dans l'administration. Cette situation est favorisée par l'inefficacité du dispositif et des stratégies de lutte au plan international et régional.

Ce dispositif, même s'il fournit un ensemble de normes et de mesures visant à favoriser la coopération internationale et régionale en matière de lutte anti-corruption, il invite seulement les Etats à prendre des mesures visant à combattre la corruption. Ce qui ressemble plutôt à des déclarations de politique générale qui n'ont rien à voir avec les actions concrètes de lutte sur le terrain.

Aussi, l'absence de coopération et d'entraide judiciaire entre Etats aux fins des enquêtes et procédures pénales relatives aux infractions relevant de certaines conventions signées par les Etats ne favorise pas cette lutte. C'est le cas par exemple des blanchiments des capitaux.

A cela s'ajoute la faiblesse du système judiciaire dans nombre de pays en développement dont le n?tre, ce qui empêche la mise en oeuvre des instruments internationaux et régionaux en matière de lutte contre la corruption.

Les difficultés dans l'application des directives internationales et régionales dans la lutte contre la corruption s'expliquent aussi par la faible qualité des ressources humaines, le manque de formation initiale et de recyclage des acteurs des services judiciaires, financiers et fiscaux chargés de l'application des textes.

Cependant, les clauses de conditionnalité dans les accords de financement peuvent contraindre certains Etats en particulier le n?tre à prendre des mesures vigoureuses dans la lutte contre la corruption.

Paragraphe II : Les insuffisances du dispositif national

Au plan national, la constitution, le code pénal, la réglementation générale des marchés publics, les lois sur la déclaration des biens, le statut général de la Fonction Publique, le code des douanes, la loi sur l'organisation de la concurrence, le code électoral, le statut général des agents des collectivités et le code des impôts sont autant de textes et de dispositions en matière de lutte contre la corruption.

Malheureusement, l'arsenal juridique national en matière de lutte contre la corruption n'est pas appliqué dans sa rigueur. Pour une certaine opinion, l'adoption de ces textes et lois ne résulte ni d'un besoin de rupture par rapport aux pratiques antérieures, ni d'une volonté réelle de lutter contre la corruption mais plutôt le souci de séduire les partenaires techniques et financiers. Ces nombreux textes et lois serviraient plutôt "d'objet de décoration" et d'alibi aux discours de nos responsables politiques. Quant au contrôle parlementaire, il se limite à de simples enquêtes parlementaires et des questions orales au gouvernement.

Selon un enquêté42(*) qui avait du mal à cacher son désarroi : «En matière de lutte contre la corruption, le gouvernement est spécialisé dans la création de structures. Création de structure de lutte de ceci, création de commission de cela, ainsi de suite et rien ne fonctionne et nous disons que cela est inefficace».

Par exemple, la déclaration des biens des personnalités reste confidentielle et par voie de conséquence n'apporte rien de plus quant à l'obligation de transparence. Aussi, cette loi sur la déclaration des biens ne s'applique pas au Président du Faso en cas de fausse déclaration car il jouit, en l'espèce d'une immunité selon la constitution qui a fait de lui un véritable «monarque républicain».

Par ailleurs, en dépit de la mise en place de nombreuses structures de lutte contre la corruption, force est de constater que ce dispositif dans son fonctionnement révèle une inadaptation des textes, une absence de cadre de concertation et une absence d'un mécanisme de mise en oeuvre des recommandations. Ces insuffisances sont à la base des dysfonctionnements au sein de ces structures, à savoir : les conflits de compétences, les interférences, le chevauchement dans les attributions et les missions, le manque de visibilité et d'harmonisation dans l'exécution des missions.

A titre d'exemple, soulignons que la Haute Autorité de Coordination et de Lutte contre la Corruption (HACLC) et le Comité National d'Ethique (CNE) sont tous deux chargés de proposer des mesures pour la moralisation de la vie publique. Aussi, la HACLC créée par un décret avait théoriquement le pouvoir de faire diligenter des enquêtes par l'Inspection Générale d'Etat (IGE), créée par une loi et d'exploiter les rapports de l'IGE et des inspections.

Par ailleurs, il est reproché à ces structures un manque d'autonomie et des insuffisances au plan humain, matériel et financier. Et excepté le CNLF, aucune des structures ne pouvait en cas de découverte d'infractions, saisir d'office les autorités judiciaires.

Selon le REN-LAC43(*), «A la question, les services étatiques remplissent-ils correctement leur mission en matière de lutte et de contrôle contre la corruption?, 57% des enquêtés ont déclarés être insatisfaits, 24% ont déclaré être partiellement satisfait contre seulement 11% de satisfait ; les 7% ont été sans avis».

Ces données sont symptomatiques de la déception et du scepticisme de nombreux citoyens quand à la volonté et la capacité des services étatiques de lutter efficacement contre la corruption surtout dans l'administration publique.

Pour pallier ces insuffisances au niveau des structures de lutte contre la corruption, le REN-LAC44(*) fait la proposition suivante : «Au regard de la dispersion et des disparités de l'arsenal juridique en matière de prévention, de détection et de répression des pratiques de corruption, le REN-LAC soutient qu'il est nécessaire de travailler de façon concertée à la rédaction et à l'adoption d'une loi globale sur la corruption. Cette loi devrait prendre en compte les missions et attributions de l'ensemble des institutions (administratives, juridictionnelles, législatives), des acteurs non gouvernementaux, tenir compte de l'environnement sous-régional et mondial en matière de lutte contre la corruption, regrouper et harmoniser tous les textes et règlements en matière de lutte anti-corruption».

Par ailleurs, l'application des textes et lois en matière de lutte contre la corruption est du ressort de la justice, mais malheureusement, cette dernière est paralysée par de nombreux dysfonctionnements qui favorisent une certaine impunité. La preuve, les nombreux rapports produits par ces structures sont classés sans suite. Cette inapplication des textes s'explique souvent par l'absence de dénonciation des corrompus et aux difficultés relatives à la preuve. C'est le cas de l'enrichissement illicite prévu par l'article 160 du code pénal qui s'avère difficile à prouver. Ainsi, de nombreuses affaires de crimes économiques, de délinquance financière sont en justice et ne sont pas traitées avec diligence faute de preuves.

Par exemple, les scandales révélés par la presse au cours de l'année 2005 notamment sur les millions déposés à domicile par des ministres et dilapidés par leur progéniture et l'affaire des millions détournés au PDDEB45(*), impliquant le premier responsable du MEBA, Mathieu OUEDRAOGO, ne semble pas avoir ému la justice et les plus hautes autorités du pays. Ainsi, l'impunité et le laxisme observés en matière de répression des cas avérés de détournements et d'enrichissement illicite semblent encourager les corrompus et les corrupteurs dans leur action.

Paragraphe III : Analyse de la volonté politique

De nombreux citoyens doutent de la volonté politique réelle en matière de lutte contre la corruption. En effet, l'étude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso46(*) révèle que : «à une large majorité (63,9%), les burkinabè pensent qu'il n'existe pas de volonté de lutter contre la corruption. Ils ne sont que 2,1% à penser que le gouvernement est très engagé dans la lutte contre la corruption, contre 31,1% qui disent qu'il n'est pas du tout engagé».

En effet, aux dires de nombreuses personnes rencontrées dans le cadre de notre étude, la raison de ce manque d'engagement s'explique d'une part par le fait que le gouvernement n'est pas lui-même à l'abri de tout soupçon et d'autre part qu'il ne peut pas lutter efficacement contre la corruption en raison des appuis dont les corrompus bénéficient en son sein. Pour la majorité des enquêtés, les structures de lutte contre la corruption qui sont sans pouvoir réel et dont le rôle se résume à la rédaction de rapports sans suite ont été créés juste pour plaire et s'attirer les faveurs de la communauté internationale qui se montre attentive et sensible au phénomène de la corruption.

A ce sujet, un usager47(*) affiche son scepticisme quant à la volonté politique de combattre véritablement la corruption et il déclare : «Le gouvernement a les moyens et s'il veut réduire la corruption à sa plus simple expression, il peut le faire. Mais malheureusement, la plupart des membres du gouvernement sont impliqués dans des affaires de corruption. Comme on le dit, on ne peut pas scier la branche sur laquelle on est assis».

En effet, l'étude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso48(*) confirme cette réalité et révèle que  «Si l'on considère les représentants des trois pouvoirs constitutionnels (exécutif, législatif et judiciaire), il ressort que l'exécutif est jugé le plus corrompu. En effet, 30,3% des enquêtés estiment que tous les ministres sont corrompus et 27,4% affirment qu'ils le sont presque tous. Au total, ce sont 57,7% des personnes interrogées qui pensent que la grande majorité des membres du gouvernement est corrompue».

Ce scepticisme affiché par les citoyens quant à la volonté politique à lutter contre la corruption rend difficile, voire impossible l'adhésion des populations à cette lutte contre la corruption dans l'administration publique.

Section II : Recommandations

Paragraphe I : La promotion de la bonne gouvernance et la lutte contre l'impunité

La promotion de la bonne gouvernance et la lutte contre l'impunité dans l'administration devraient se faire à travers les actions suivantes :

- L'organisation de séances d'Information, d'Education et de Communication (IEC) sur la corruption et la moralisation de l'administration dans les services et au sein de la population afin de faciliter le changement des comportements des agents publics et des usagers en impliquant les médias et les organisations de la société civile ;

- Le démantèlement des réseaux de corruption, le durcissement des sanctions afin de servir d'exemple aux éventuels candidats à la corruption et la mise en place d'une procédure de dénonciation garantie par l'anonymat ;

- Renforcer les capacités de la justice et voter une loi qui sanctionne le délit d'apparence où le délit d'enrichissement illicite. Cela pourrait contribuer à freiner les ardeurs des éventuels corrompus et corrupteurs. A propos du délit d'apparence, le Commissaire du Gouvernement à la Cour des comptes dira en substance : «Vous savez, l'administration burkinabè est une savane, on se connaît. Si par exemple, à un moment donné ou à un autre, vous n'avez pas hérité d'une fortune, si vous n'avez pas gagné à la loterie, au Jack Pot et que vous avez un train de vie qui ne correspond pas à votre salaire, vous devez rendre des comptes». 

Paragraphe II : La lutte contre la politisation de l'administration

La lutte contre la politisation de l'administration peut se résumer aux actions suivantes :

- Affirmer le principe de neutralité de l'administration en interdisant la création de cellules de partis politiques dans les services publics ;

- Réduire à l'extrême le pouvoir discrétionnaire accordé à certains responsables qui peuvent en abuser en cherchant à tirer profit où à favoriser des amis politiques et favoriser le fonctionnement régulier et sans complaisance des conseils de discipline dans les différents services de l'administration ;

- Promouvoir la culture du mérite à travers la récompense des agents intègres et mettre en application la mesure de l'appel à candidature pour le recrutement à certains hauts postes de responsabilité dans l'administration publique.

Paragraphe III : Favoriser le bon fonctionnement des services publics et la bonne gouvernance administrative

Le bon fonctionnement des services publics et la bonne gouvernance administrative doit se faire à travers les actions suivantes :

- Poursuivre la déconcentration des services administratifs afin de faciliter les procédures de délivrance des actes administratifs, instaurer des délais dans le traitement des dossiers et organiser des séances d'information et de formation à l'endroit des citoyens sur les procédures de l'administration ;

- Rédiger dans les services publics un code de déontologie reposant sur les valeurs suivantes : le désintéressement, la probité, l'intégrité, l'efficience, l'équité, l'impartialité, la transparence et la responsabilité ;

- Réduire significativement le contact entre agents et usagers à travers la mise en place d'un système de diffusion de l'information administrative, l'élaboration et une large diffusion des manuels de procédures afin d'éviter toute tentation de s'adonner à la corruption de part et d'autre.

CONCLUSION

La corruption est devenue au fil des ans le `'cancer'' des sociétés modernes et nuit considérablement au développement du Burkina Faso. Elle remet en cause notre système démocratique et instaure une rupture de confiance entre les gouvernés et les gouvernants. La corruption est source de nombreux dysfonctionnements et dérives dans le fonctionnement de notre administration. Par ailleurs, elle renchérit le coût de la vie, entraine une perte de recettes publiques en privant l'Etat de ressources financières et contribue à l'élargissement du fossé entre riches et pauvres accentuant ainsi les risques de conflits sociaux.

Ainsi, au terme de notre étude, un constat s'impose : la corruption est une réalité qui est en pleine expansion et qui gangrène tous les secteurs de l'administration publique au Burkina Faso. De nombreux facteurs d'ordre sociologique, économique, politique et institutionnel favorisent l'émergence et l'ancrage des pratiques corruptrices dans les services publics. En effet, les facteurs tels que la déstructuration des valeurs morales, les faibles revenus des agents publics, la politisation de l'administration, l'impunité, l'inadaptation du modèle administratif déterminent et expliquent en grande partie le développement de la corruption dans l'administration publique.

Le fait que chacun pense qu'il faut se protéger de l'opacité des règles administratives et des dysfonctionnements dans les services publics amènent tout un chacun à pratiquer la corruption au quotidien. Ainsi, sa banalisation et son ancrage dans les logiques sociales et politiques concourent à la légitimer et amène sans doute à une sorte de cercle vicieux.

Certes, notre pays dispose d'un dispositif institutionnel et législatif dense en matière de lutte contre la corruption, mais malheureusement le fonctionnement des structures de contrôle est entravé par le manque d'autonomie et une insuffisance de moyens humains, financiers et matériels.

Malgré la volonté affichée des autorités politiques, des organisations de la société civile et des media, de lutter résolument pour endiguer ce phénomène, le constat est amer sur le terrain car la corruption gagne du terrain. La question que de nombreux citoyens se posent est la suivante : Y aurait-il suffisamment de volonté et d'engagement de la part de tous les acteurs impliqués dans cette lutte où la corruption est une fatalité pour notre pays ?

Sans verser dans un pessimisme béat, l'espoir est permis en matière de lutte contre la corruption. Nous conviendrons avec ce représentant de la Banque Mondiale qui faisait le constat suivant en 2001 dans un entretien paru dans «Corruption dans la cité» du journal l'Observateur Paalga : «Le premier signe qui donne une lueur d'espoir est le sentiment général de réprobation et de condamnation de la corruption par une large majorité de l'opinion burkinabè. La tolérance de la société burkinabè vis-à-vis de la corruption est très faible (...) comparée à d'autres pays de la sous région où l'opinion a l'air de considérer que la corruption est un phénomène naturel, un peu comme les catastrophes (qu'on ne sait pas arrêter). Au Burkina Faso, on peut encore espérer que l'on arrivera à l'endiguer».

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages Généraux

Jean François BAYART, L 'Etat en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 1959, 427p.

Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG, L'acteur et le système, paris, Seuil, 1977, 500p.

Clay ALDERFER, Existence, Relation et Progression, New York, Presse libre, 1972

Jean Pierre Olivier De SARDAN, Anthropologie et développement ; essai en socio anthropologie du changement social et du développement, Paris, Karthala, 1995, 221p.

Ouvrages spécifiques

Jean Marc Ela, Innovations sociales et renaissance de l'Afrique Noire, Les défis du « monde d'en -bas », Paris, l'harmattan, 1998.

REN-LAC, Morale et corruption dans les sociétés anciennes du Burkina : Bobo, Moaga, San, Winyé, REN-LAC, 2001

Ouvrages Méthodologiques

Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 1993, 870p.

Raymond QUIVY, Campenhoudt Luc VAN, Manuel de recherche en science sociale, 2è édition, Paris, Dunod, 1995, 287p.

Mémoires

Sidi BARRY, Les déterminants socio-politiques de la contestation estudiantine à l'université de Ouagadougou de 1990 à 2004, Mémoire de Maitrise, Département de Sociologie, Université de Ouagadougou, juillet 2005.

Vinagbo Bernard AGBANGLA, La corruption dans la gestion des deniers publics à Cotonou : Analyse socio-anthropologique de la persistance du phénomène, Mémoire de maitrise en Sociologie-Anthropologie, Université d'Abomey-Calavi.

Paul ZONGO, Contribution de l'Inspection Générale d'Etat (IGE) à la bonne gouvernance administrative au Burkina Faso, Mémoire, ENAM, mars 2008.

Tahirou BARRY, Les défis de la motivation du personnel dans l'organisation : Cas de l'Université de Ouagadougou, Master II, Management des Ressources Humaines, IAPM, 2006

Rapport et Articles de Journaux

Etude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme d'Appui à la bonne Gouvernance, mars 2008.

Corruption et développement humain. Rapport sur le développement humain- Burkina Faso-2003 PNUD.

Jean-Pierre Olivier de SARDAN, L'économie morale de la corruption en Afrique, Politique Africaine, n° 63, Octobre 1996)

Giorgio BLUNDO et Jean-Pierre Olivier DE SARDAN, La corruption quotidienne en Afrique de l'Ouest, Politique africaine, n°83, octobre 2001,

REN-LAC, « Etat de la corruption au Burkina Faso : Rapport 2002 » Ouagadougou, REN-LAC, 2003

REN-LAC, « Etat de la corruption au Burkina Faso : Rapport 2003 » Ouagadougou, REN-LAC, 2004

REN-LAC, « Etat de la corruption au Burkina Faso : Rapport 2004 » Ouagadougou, REN-LAC, 2005

REN-LAC, « Etat de la corruption au Burkina Faso : Rapport 2005 » Ouagadougou, REN-LAC, 2006

L'Evènement n°180 du 25 Janvier 2010 

Textes Législatifs et Réglementaires

La loi n°013/98/AN du 28 avril 1998 portant régime juridique applicable aux emplois et agents de la Fonction Publique.

TABLE DES MATIÈRES

AVERTISSEMENT......................................................................................i

DEDICACE............................................................................................... ii

REMERCIEMENTS....................................................................................iii

SIGLES ET ABREVIATIONS.......................................................................iv

SOMMAIRE 1

INTRODUCTION 2

PREMIERE PARTIE :

TITRE : ETAT DES LIEUX ET CONDITIONS D'EMERGENCE DE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE

CHAPITRE I : ETAT DE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE 3

Section I : Les formes répandues de la corruption dans l'administration publique 10

Paragraphe I : Les pots de vins ou dessous de table 11

Paragraphe II : La concussion (le racket) 13

Paragraphe III : Le détournement de deniers publics 14

Section II : Les autres formes de corruption observées dans l'administration 15

Paragraphe I : L'enrichissement illicite 15

Paragraphe II : La corruption électorale 16

Paragraphe III : Le népotisme, le favoritisme et le clientélisme 17

CHAPITRE II : LES DETERMINANTS SOCIO POLITIQUES DE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE 18

Section I : Les déterminants sociaux de la corruption dans l'administration 18 _Toc259203593

Paragraphe I : Le délitement des valeurs morales 3

Paragraphe II : Les faibles revenus des agents publics 20

Paragraphe III : L'enchâssement des logiques socioculturelles dans le fonctionnement de l'administration 24

Section II : Les déterminants politiques de la corruption dans l'administration 27

Paragraphe I : Les dysfonctionnements de l'administration 27

Paragraphe II : L'impunité 30

Paragraphe III : La politisation de l'administration 34

DEUXIEME PARTIE

TITRE : ANALYSE DES POLITIQUES ET STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE

CHAPITRE I : LE DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LA CORUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE 3

Section I : Le dispositif sous régional, régional et international 38

Paragraphe I : Le dispositif sous régional 38

Paragraphe II : Le dispositif régional 3 9

Paragraphe III : Le dispositif international 40

Section II : Les politiques nationales et stratégies de lutte contre la corruption dans l'administration publique 41

Paragraphe I : Le cadre normatif 41

Paragraphe II: Le cadre réglementaire................................................44

Paragraphe III : Les institutions Etatiques et les organisations de la société civile 44

CHAPITRE II : ANALYSE DES INSUFFISANCES DES POLITIQUES ET DES STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION 48

Section I : Analyse des insuffisances du dispositif de lutte contre la corruption et absence d'une réelle volonté politique 48

Paragraphe I : Les insuffisances du dispositif sous régional, régional et international 48

Paragraphe II : Les insuffisances du dispositif national 49

Paragraphe III : Analyse de la volonté politique 52

Section II : Recommandations 53

Paragraphe I : Promouvoir la bonne gouvernance et lutter contre l'impunité 53

Paragraphe II : Lutter contre la politisation de l'administration 54

Paragraphe III : Favoriser le bon fonctionnement des services publics 55

CONCLUSION 56

BIBLIOGRAPHIE 58

TABLE DES MATIERES 60

ANNEXES............................................................................................... v

* 1 Corruption et développement humain. Rapport sur le développement humain- Burkina Faso-2003 PNUD, p2.

* 2 Jean Marc Ela, Innovations sociales et renaissance de l'Afrique Noire, Les défis du « monde d'en-bas », Paris, l'harmattan, 1998, p 290

* 3 Etude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme d'Appui à la bonne Gouvernance, mars 2008, p19

* 4 Jean Pierre Olivier De SARDAN : L'économie morale de la corruption en Afrique, Politique Africaine, n° 63, Octobre 1996

* 5 Michel CROZIER, Erhard FRIEDBERG, L'acteur et le système, Paris, Seuil, 1977, 498 p.

* 6 Entretien avec O.S agent à la DRH du Ministère de l'Economie de des Finances

* 7 Etude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme d'Appui à la bonne Gouvernance, mars 2008, p37 

* 8  Etat de la corruption au Burkina Faso : Rapport 2004, Ouagadougou, REN-LAC, p44

* 9 Entretien avec S.A, membre de la cour des comptes

* 10 Etat de la corruption au Burkina Faso : Rapport 2004, Ouagadougou, REN-LAC, p44

* 11 Etude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme d'appui à la bonne Gouvernance, mars 2008, p38 

* 12 Etude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme d'appui à la bonne Gouvernance, mars 2008, p39

* 13 Etat de la corruption au Burkina Faso : Rapport 2005, Ouagadougou, REN-LAC, P.100

* 14 Entretien avec N.A Gestionnaire du REN-LAC

* 15 Etude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme d'appui à la bonne Gouvernance, mars 2008, p.42

* 16 Etat de la corruption au Burkina Faso : Rapport 2005, Ouagadougou, REN-LAC, p.60

* 17 Entretien avec K.S.E agent à la DPESSA au Ministère de la Fonction Publique

* 18 Entretien avec N. gestionnaire du REN-LAC

* 19 Abraham MASLOW (1908-1970), est un psychologue célèbre qui est né à New York. Fils d'immigrants russes juifs, il est considéré comme l'un des principaux meneurs de l'approche humaniste surtout connu pour son explication de la motivation par la pyramide des besoins qui lui est attribué.

* 20 Clay ALDERFER : Existence, Relation et Progression, New York, Presse libre, 1972

* 21 Entretien avec AT fonctionnaire à l'Assemblée Nationale

* 22 Entretien avec K.S.E agent à la DPESSA au Ministère de la Fonction Publique

* 23Entretien avec K.S.E agent à la DPSSA au Ministère de la Fonction Publique

* 24 Giorgio BLUNDO et Jean-Pierre Olivier de SARDAN : La corruption quotidienne en Afrique de l'Ouest, Politique Africaine, n°83, octobre 2001

* 25 Corruption et développement humain. Rapport sur le développement humain- Burkina Faso-2003 PNUD, p.84.

* 26 Jean Marc Ela, Innovations sociales et renaissance de l'Afrique Noire, Les défis du « monde d'en-bas », Paris, l'harmattan, 1998

* 27 Jean François BAYART, L 'Etat en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 1959, 427p.

* 28 Entretien avec K.S.E agent à la DPSSA au Ministère de la Fonction Publique

* 29 Le Journal SIDWAYA, n° 5876 du 18 avril 2007

* 30 L'Indépendant, n°665 du Mardi 6 juin 2006

* 31 Le Reporter, n°19 de janvier 2009

* 32 L'Indépendant, n°668 du Mardi 27 juin 2006

* 33 Evènement n°100 du 25 Septembre 2006 et n°101 du 10 Octobre 2006

* 34 Le Pays n°3280 du 24 décembre 2004.

* 35Corruption et développement humain. Rapport sur le développement humain - Burkina Faso-2003 PNUD, p.81.

* 36 Corruption et développement humain. Rapport sur le développement humain - Burkina Faso-2003 PNUD, p.78.

* 37 Le Comité National d'Ethique : Rapport 2002

* 38 Entretien avec N. gestionnaire du REN-LAC

* 39 Corruption et développement humain : Rapport sur le développement humain - Burkina Faso-2003 PNUD, p78.

* 40 Etude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme d'appui à la bonne Gouvernance, mars 2008, p.65

* 41 Entretien avec K.O, usager du Ministère de l'Economie et des Finances

* 42 Entretien avec D.M, usager du Ministère de la Fonction Publique

* 43 Etat de la corruption au Burkina Faso : Rapport 2005, Ouagadougou, REN-LAC, p.47

* 44 Etat de la corruption au Burkina Faso : Rapport 2002, Ouagadougou, REN-LAC, p.113

* 45 L'indépendant n°628 du Mardi 30 septembre 2005 et L'évènement n°77 du 10 octobre 2005

* 46 Etude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme d'appui à la bonne Gouvernance : Mars 2008, P.54

* 47 Entretien avec K.A transitaire à Ouaga et usager des services de douanes

* 48 Etude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme d'appui à la bonne Gouvernance: Mars 2008, P.30






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