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Réflexions sur le concept d'états défaillants en droit international

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par Wenceslas MONZALA
Université de Strasbourg - Master II Droit International Public 2012
  

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Paragraphe 2 : Les volets politique, économique et social de la reconstruction des

Etats défaillants

L'analyse des activités menées par la communauté internationale dans les domaines politique, économique et social témoigne du caractère multidimensionnel de la reconstruction des Etats défaillants. Les efforts de reconstruction politique, à travers le renforcement de l'autorité politique de l'État et la création d'un véritable État de droit (A), doivent permettre aux Etats défaillants de renouer avec le développement. Comme le remarque si bien l'ancien secrétaire général Kofi Annan dans son Agenda pour le développement, « au lendemain d'un conflit, sans reconstruction et développement, il ne saurait y avoir de paix durable » ; et pour bâtir une véritable paix durable, gage du développement, il importe de mener « (...) une action soutenue et concertée dans les domaines économiques, sociaux, culturels et humanitaires (...) »243 (B).

A. La reconstruction politique des Etats défaillants

L'assistance internationale, dans ce domaine, vise à doter l'État défaillant d'institutions démocratiques, respectueuses de l'État de droit et des droits de l'homme afin de renforcer l'effectivité de sa compétence nationale, remise en cause pendant la période de déliquescence. L'accent mis sur la démocratisation des Etats défaillants, dans leur processus de

241 S/RES/1545 du 21 mai 2004, §6.

242 S/RES/1410 du 17 mai 2002, §2, b).

243 A/48/935, Développement et coopération économique internationale, Agenda pour le développement, Rapport du secrétaire général des Nations Unies, 6 mai 1994, §22

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reconstruction, s'inscrit dans une tendance ayant vu le jour au lendemain de la guerre froide244 et qui considère que la règle de droit (rule of law) et les institutions de contrainte (law nforcement) constituent des préalables indispensables à la pacification des Etats. Dans ce contexte, les mandats des opérations des Nations Unies, en charge de la reconstruction des Etats, feront l'expression de cette volonté de favoriser, au sein des Etats défaillants, l'établissement d'institutions démocratiques. Ainsi, dans sa résolution 814 (1993) élargissant le mandat de l'ONUSOM II, le conseil de sécurité réaffirme le rôle que cette mission doit jouer dans l'organisation « (...) de consultations et de délibérations à caractère largement représentatif pour parvenir (...) à un accord sur la mise en place d'institutions gouvernementales de transition ainsi qu'à un consensus sur les principes de base et les mesures propres à favoriser l'établissement d'institutions démocratiques représentatives »245. La reconstruction de l'État de Bosnie-Herzégovine symbolise égalament cette volonté de doter cet État d'institutions démocratiques. Cette volonté était d'abord exprimée dans l'accord de paix sur la Bosnie-Herzégovine paraphé à Dayton le 21 novembre 1995 et signé à Paris le 14 décembre de la même année, qui prévoyait que « Bosnia and Herzegovina shall be a democratic state, which shall operate under the rule of law and with free and democratic elections »246. Il s'agit du même objectif poursuivi par l'action de la communauté internationale dans la reconstruction politique de l'Irak247, de l'Afghanistan248, de la Côte d'Ivoire249, etc.

Il ressort de l'analyse du mandat de toutes ces opérations que la reconstruction politique des Etats défaillants s'effectue au moyen d'une assistance internationale par la réforme des structures en charge des domaines législatif, administratif et électoral.

Dans le domaine législatif, les missions de reconstruction des Etats apportent leur assistance dans la rédaction et le contrôle du respect des dispositions législatives de manière à raffermir les bases d'un véritable État de droit dans les Etats défaillants. D'une manière générale, les réformes législatives mises en oeuvre dans les Etats défaillants sous la houlette des missions des Nations Unies s'articulent autour de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. C'est dans ce contexte que l'actuel secrétaire général Ban KI-MOON rapporte que les missions des Nations Unies au Burundi, au Libéria et en Sierra Leone ont aidé ces Etats « à se donner les moyens de mieux sauvegarder les droits de l'homme en facilitant la transposition des normes internationales dans leur législation interne (...) »250.

244 Voir FRANCK M. T., « The emerging right to democratic governance », in AJIL, vol. 86, n°1, January 1992, pp. 46 - 91.

245 S/RES/814 du 26 mars 1993 ; Voir aussi la Déclaration de la présidence de l'Union Européenne sur la Conférence de réconciliation nationale en Somalie, Bruxelles le 30 janvier 2004, 5823/1/04 (Presse 36) REV 1 (fr) P 18/04.

246 Article 1.2 du texte de la Constitution de 1995 annexée à l'Accord de Paix (Annexe IV)

247 S/RES/1546

248 S/RES/1563 du 17 septembre 2004

249 S/RES/1528 du 9 mars 2005, §6

250 A/63/1, Rapport du secrétaire général sur l'activité de l'Organisation, du 12 août 2008, §45.

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Pour ce qui est des réformes du secteur administratif, l'appui de la communauté internationale prend la forme d'avis d'experts et d'assistance technique afin de moderniser et de renforcer l'administration des Etats défaillants. Dans de nombreux Etats en reconstruction, l'assistance internationale a surtout accompagné les lois de décentralisation administrative et encadré leur exécution par les Etats défaillants eux-mêmes. C'est en effet le cas de la Mission des Nations Unies en Sierra Leone qui a contribué à la mise en place, dans le pays, de la réforme de la décentralisation, notamment dans la répartition des compétences entre l'administration centrale et les conseils locaux dans les domaines de l'éducation, la santé et l'agriculture251.

S'agissant enfin du domaine électoral, l'assistance internationale vise à garantir au peuple l'expression de son droit à l'autodétermination à travers le choix de ses dirigeants. L'assistance électorale se révèle d'une importance capitale dans la reconstruction d'un État en raison du fait que la défaillance étatique trouve généralement son origine dans les troubles nés de la contestation des résultats d'un scrutin. Depuis leur première mission de supervision d'un processus électoral en 1989 au Nicaragua252, les Nations Unies ont depuis lors participé à l'organisation de nombreuses élections dans des Etats en reconstruction et ont acquis une expérience remarquable en la matière. La mission des opérations de supervision des élections consiste, d'une part, en l'observation et en la vérification du processus électoral et, d'autre part, à organiser et à garantir le bon déroulement de tout le processus électoral de manière à ce que ce dernier soit conforme aux standards établis par l'Assemblée Générale de l'ONU dans sa résolution 43/157 de 1988253. L'appui international peut se matérialiser, comme ce fut le cas de la Mission d'Observation des Nations Unies en El Salvador254 et de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti255, par la restauration de tout le système électoral des Etats hôtes, notamment dans la rédaction du code électoral, par le renouveau des listes électorales et la mise en place d'une commission électorale afin de garantir le bon déroulement du scrutin.

Afin de remédier aux causes profondes de la défaillance étatique, les efforts de reconstruction politique doivent être accompagnés de la reconstruction des infrastructures économiques et sociales afin que les Etats défaillants renouent définitivement avec des perspectives saines de développement.

251 S/2005/596, Vingt - sixième rapport du secrétaire général sur la Mission des Nations Unies en Sierra Leone, 20 septembre 2005, §16 - 18.

252 DONG NGUYEN H., « L'assistance électorale comme préalable à la restauration de l'État », in DAUDET Yves (Sous la direction de), Les Nations Unies et la restauration de l'État, Paris, A. Pedone, 1995, p.34

253 A/43/157, Renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes, 8 décembre 1988

254 Voir S/1995/220, Rapport du secrétaire général sur la Mission d'Observation des Nations Unies en El Salvador, 24 mars 1995, § 41.

255 Voir S/2005/631, Rapport du secrétaire général sur la Mission des Nations Unies de Stabilisation en Haïti, 6 octobre 2005, §19.

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B. La reconstruction des infrastructures sociales et économiques des Etats

défaillants

Dans le processus de reconstruction des Etats défaillants, le volet économique et social occupe une place tout aussi importante que la dimension politique et sécuritaire. A travers ce triptyque, l'action internationale en vue de la reconstruction des Etats défaillants doit parvenir à faire la paix, à la maintenir et à assurer sa pérennité. La reconstruction économique et sociale doit ainsi contribuer à faire durer la paix à travers la détermination et la création de structures capables d'éviter la réapparition d'un conflit. Car « au lendemain d'un conflit, sans reconstruction et développement, il ne saurait y avoir de paix durable » comme le souligne l'ancien secrétaire général dans son Agenda pour le développement256. Toutefois, la reconstruction économique et sociale, préalable indispensable à l'établissement d'une paix durable, n'est toujours pas consacrée dans le mandat des opérations de consolidation de la paix dans les Etats défaillants257. Parce qu'une telle mission peut s'étaler dans le temps et doit être poursuivie après la durée du mandat des opérations de l'ONU, le conseil de sécurité n'a jamais voulu s'octroyer l'exclusivité d'une telle tâche. Dans de nombreuses résolutions décidant de la mise en place d'une mission de reconstruction étatique, le conseil de sécurité invite la communauté internationale dans son ensemble - Etats, organisations internationales, institutions financières internationales, etc. - à apporter une assistance et les moyens nécessaires à la reconstruction économique et sociale des Etats défaillants. A titre illustratif, en créant la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL), le conseil de sécurité demande instamment à tous les Etats et organisations internationales d'apporter une assistance soutenue et généreuse en vue des actions à mener sur le long terme en matière de reconstruction, de redressement économique et social de la Sierra Leone258. Sur le terrain, le rôle du Conseil de sécurité se restreint à coordonner l'assistance apportée par les différents acteurs impliqués dans le redressement économique des Etats défaillants259. Mais d'une manière générale, les efforts de la communauté internationale pour aider au redressement économique des Etats défaillants se traduisent par l'allègement de leur dette publique. Sous l'influence des Etats et des organisations internationales, les institutions créancières des Etats défaillants peuvent accepter de réduire le montant de leur dette publique afin de faciliter leur reconstruction économique. Ainsi, sur la proposition de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, les pays du G7, ont décidé lors du sommet de Lyon en 1996, de mettre en place un mécanisme international d'allègement de la dette connue sous l'appellation d'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Une telle initiative vise à convaincre les créanciers260 des pays les plus pauvres de ramener la dette extérieure de ces

256 A/48/935, Développement et coopération économique internationale, Agenda pour le développement, Rapport du secrétaire général du 6 mai 1994, §22.

257 La résolution 782 (1992) du 13 octobre 1992 qui crée l'ONUMOZ précise aussi ses quatre domaines de responsabilité à savoir : le domaine politique, militaire, électoral et humanitaire. Aucune référence n'a été faite à la nécessité de procéder à la reconstruction des infrastructures économiques et sociales du Mozambique.

258 S/RES/1270 du 22 octobre 1999, § 21.

259 A/55/305 - S/2000/809, Rapport du Groupe d'étude sur les opérations de paix de l'Organisation des Nations Unies, 21 août 2000, § 44.

260 Ces créanciers sont composés le plus souvent des gouvernements nationaux, des sociétés privées, la Banque Mondiale, le Fonds monétaire international, et les autres institutions financières régionales.

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pays à un niveau qu'ils pourraient raisonnablement supporter, de manière à ne pas handicaper leur reconstruction économique. Ainsi, en Juin 2012, 36 pays parmi lesquels 30 sont essentiellement africains ont bénéficié de ce mécanisme d'allègement de leur dette pour un montant avoisinant 76 milliards de dollars américains261.

L'appui de la communauté internationale peut se traduire aussi par l'assistance technique apportée par le Fonds Monétaire international et la Banque Mondiale afin d'améliorer la gestion des affaires publiques dans les Etats en reconstruction. Cette assistance est indispensable pour le suivi de la bonne gestion des aides apportées par les donateurs internationaux en vue de la reconstruction économique des Etats défaillants. Les garanties de bonne gouvernance sont même devenues une condition d'éligibilité aux programmes et aides de ces institutions financières internationales.

Par conséquent, cette assistance internationale en vue de la reconstruction économique des Etats défaillants participe aussi à la reconstruction de leurs infrastructures sociales et humanitaires. La communauté internationale, en apportant une assistance financière en vue du redressement économique des Etats défaillants, va aussi mettre l'accent sur les secteurs dans lesquels des projets devraient être prioritairement réalisés. L'action de la Banque Mondiale dans le domaine éducatif illustre de façon significative ces propos. Dans la seule période allant de 2004 à 2008, la Banque Mondiale a engagé 2 milliards de dollars américains de prêts, crédits et dons pour soutenir l'éducation dans de nombreux Etats en reconstruction. Désormais, l'éducation mais aussi d'autres problématiques sociales dans les Etats défaillants (lutte contre le VIH/SIDA, lutte contre la corruption, etc.) constituent parallèlement à la poursuite de la stabilité économique, les domaines d'action de la Banque Mondiale.

Les développements qui précèdent invitent à retenir deux conséquences majeures de l'opérationnalisation du concept d'Etats défaillants. La première conséquence est que le concept d'État défaillant, au-delà de la simple description de la crise que traverse l'État, permet de justifier une nouvelle forme d'intervention internationale considérée comme la solution au problème de la défaillance étatique. Cette nouvelle ingérence extérieure se fonde sur un autre concept : la responsabilité de protéger qui autorise les autres Etats à intervenir dans l'État défaillant puis à reconstruire ce dernier. Telle est la deuxième conséquence de l'opérationnalisation du concept d'Etats défaillants en droit international.

Toutefois, ce tableau assez satisfaisant de l'opérationnalisation du concept d'Etats défaillants contraste, à maints égards, avec les résultats obtenus par l'action de la communauté internationale, en guise de réponse à la défaillance étatique. De l'Irak à l'Afghanistan en passant par Haïti, la République démocratique du Congo, la Somalie, etc. aucun projet de reconstruction de ces Etats défaillants n'a abouti à de réels progrès en matière de démocratie, de sécurité, ou de développement socio-économique. Bien au contraire, certains grands avocats de la reconstruction étatique considèrent même que cette dernière n'a fait que détruire

261 Voir la fiche technique descriptive de l'initiative PPTE, disponible sur http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/hipcf.htm (Consulté le 31 juillet 2012)

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davantage les capacités des institutions étatiques plutôt que de les reconstruire262. Plusieurs estimations vont jusqu'à prévoir une reprise de 20 à 50 pour cent des conflits dans les cinq années qui suivent un cessez-le-feu et ceci, en dépit de la mise en place d'une mission internationale de consolidation de la paix et de reconstruction des Etats263. Un tel constat d'échec quant à la réponse apportée par la communauté internationale à la défaillance étatique, s'avère de nature à remettre en cause le rôle même du concept d'Etats défaillants en droit international.

262 FUKUYAMA F. cité par CHANDLER D., « Comment le State-bulding affaiblit les Etats », in (Re-) construire les Etats, nouvelle frontière de l'ingérence, Alternatives Sud, op. cit. p. 45

263 SHURKE A. and SAMSET I., «What's in a figure? Estimating Recurrence of civil War», in International Peacekeeping, vol. 14, n° 2, 2007, pp. 195 - 203, 1, disponible sur http://www.cmi.no/publications/file/?2599=whats-in-a-figure (Consulté le 01 août 2012); Voir aussi COLLIER P. and HOEFFLER A., «On the incidence of civil war in Africa», in Journal of Conflict Resolution, vol. 46, n°1, 2002, pp. 13 - 28, disponible sur http://www.jstor.org/stable/3176237 (Consulté le 01 août 2012)

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Chapitre 2 : L'État défaillant, un concept à dépasser

Si la réalité du phénomène que décrit le concept d'Etats défaillants ne fait l'objet d'aucun doute dans les milieux politiques et universitaires, son opérationnalisation est la cible de nombreuses critiques, en raison des faiblesses qui caractérisent son élaboration. La première faiblesse et sans doute la plus marquante qu'on peut attribuer au concept d'Etats défaillants est l'absence de définition précise de son objet, à savoir les Etats défaillants eux-mêmes. Cette absence de définition entraîne des difficultés quant au choix d'un régime juridique unique qui serait applicable aux États en situation de défaillance. Par conséquent, l'évaluation de défaillance étatique et la détermination des politiques spécifiques à leur appliquer ne pourront se réaliser que sur la base de variables et de jugements subjectifs. De ce fait, il ne paraît pas erroné d'affirmer que l'opérationnalisation du concept s'effectue sans risque d'instrumentalisation de la part des Etats « forts » ou « réussis » qui développent des actions en vue de remédier à la défaillance des autres Etats. Dans ce contexte, le concept d'Etats défaillants a souvent été considéré comme un moyen de domination par les idées264 pour justifier les interventions de la communauté internationale dans les Etats catalogués comme défaillants. Ainsi, la défaillance étatique ne serait qu'un prétexte au service des Etats forts qui vient légitimer leurs actions dans d'autres Etats dans la poursuite d'une politique ne servant que leurs propres objectifs.

La seconde faiblesse mise en cause par l'analyse de la crise de l'État sous le prisme du concept d'Etats défaillants, réside dans la dimension « fourre - tout » de ce dernier. En effet, le manque de critères définissant avec précision la réalité de l'État défaillant entraîne une confusion dans l'analyse des causes et des spécificités de chaque défaillance étatique. Sous l'appellation Etats défaillants sont souvent regroupés des Etats ayant des différences au niveau des problématiques et des contextes de défaillance. Ce faisant, le concept d'Etats défaillants ne constitue pas une grille efficace dans le traitement des causes de la défaillance étatique.

Enfin, l'une des plus grandes faiblesses du concept d'Etats défaillants réside dans le précepte qu'il préconise comme solution à la défaillance étatique. En effet, le concept d'Etats défaillants et tous les autres concepts qui découlent de son opérationnalisation ne recommandent que la seule reconstruction de l'État comme remède à sa défaillance. Comme le souligne Charles T. CALL, « (...) state strengthening is the medecine for the malady of state failure (...) »265. Autrement dit, même dans le traitement de la défaillance étatique, le concept d'Etats défaillants n'envisage que des solutions de renforcement de l'État en tant qu'institution, ignorant ainsi les autres dimensions de la crise de l'État dont le traitement pourrait permettre de remédier intégralement au problème de la défaillance étatique. Au-delà de la menace à la paix et à la sécurité internationales, le phénomène des Etats défaillants traduit surtout la maltraitance des individus. Avant de constituer une menace pour les autres

264 CHAPAUX V., Dominer par les idées : Etude de la notion de failed state, op. cit.

265 CALL T. C., «The fallacy of the failed state», in Third World Quaterly, vol. 29, n°8, 2008, pp. 1491 - 1507, 1496.

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Etats, l'État défaillant se révèle être tout d'abord une menace pour les personnes vivant en son sein. Il serait très réducteur de se focaliser exclusivement sur l'État, sa sécurité et d'ignorer la dimension humaine du problème que représente l'État défaillant.

Au vu de ces constats, il est patent que le concept d'États défaillants a montré ses limites dans l'analyse de la crise de l'État. C'est pourquoi, il doit lui être substitué une autre grille d'analyse, plus neutre et plus globale de la réalité de la crise de l'État. Dans ce contexte, le concept de la sécurité humaine peut se révéler un substitut au concept d'Etats défaillants : il faudrait passer de la sécurité de l'État à la sécurité de l'individu afin de remédier à la défaillance étatique (Section II). Il importe de changer de référent dans l'analyse de la crise de l'État en raison des limites déjà mentionnées dans l'opérationnalisation du concept d'Etats défaillants. En dehors des limites intrinsèques au concept d'Etats défaillants lui-même, son opérationnalisation a mis au jour une autre limite, plus fondamentale celle-là, qui démontre l'urgence à dépasser le concept d'Etats défaillants. En effet, dans de nombreuses hypothèses, le concept d'Etats défaillants est apparu comme un prétexte utilisé pour justifier une intervention internationale dont les conséquences n'ont fait que fragiliser davantage l'État qualifié de défaillant. L'étude du cas de l'Afghanistan, avant et après l'invasion américaine au lendemain du 11/09, en raison de la prétendue défaillance de l'État afghan, permet de s'en convaincre (Section I).

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci