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Mourir au Burundi: gestion de la mort et pratiques d'enterrement (de la période pré- coloniale à  nos jours )

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par Emmanuel NIBIZI
Université du Burundi - Licence en histoire 2005
  

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Conclusion

Tout au long de ce chapitre, nous avons vu l'histoire et les types des cimetières, leur réglementation et leur situation. Au Burundi, les cimetières datent de l'époque coloniale tandis qu'en Europe, les premiers cimetières retrouvés se situent à 10.000 av. J.C. En parlant du Burundi, c'est à cette période coloniale que les textes réglementaires ont été mis sur pied. Avant, les Burundais enterraient leurs morts dans des lieux non publics, autour de la maison, puis dans les champs et enfin dans les cimetières communaux. Au fur et à mesure que les sites funéraires ont connu des changements, a évolué aussi la façon de les présenter au point de vue des constructions. Cependant, il existe un grand écart entre l'état des cimetières urbains et celui des campagnes. On a respectivement, des constructions sophistiquées et une absence d'entretien faisant des cimetières ruraux une sorte de forêt à l'intérieur de laquelle s'observent de petites croix qui attendent d'être abîmées par des termites.

En considérant les points de vue des personnes enquêtées, il y a un manque d'importance attachée aux cimetières. Ils sont laissés à eux-mêmes. Sur trois cent soixante cimetières recensés dans les cinq provinces (Bururi, Cibitoke, Muyinga, Mwaro et Rutana), vingt cimetières seulement sont entretenus. Pire, les lieux de conservation des morts, ont été ces dernières années l'objet de ségrégation ethnique, religieuse et sociale. Les cimetières, spécialement ceux des villes, deviennent de plus en plus de véritables chantiers où maçons et vendeurs des services funéraires trouvent chacun son pain quotidien.

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CHAPITRE III. LES SERVICES FUNERAIRES: VERS UN NOUVEAU MODE DE GESTION DES MORTS

Introduction

Au Burundi, le domaine des services funéraires n'est pas encore développé. Il s'agit d'un service très récent né surtout en milieu urbain vers les années 1990. A l'intérieur du pays, il n'y a que des groupes de menuisiers qui s'occupent de la fourniture des cercueils. A la capitale de Bujumbura, cinq pompes funèbres offrent généralement des cercueils, des emballages et des gerbes de fleurs.

Les pompes funèbres identifiées présentent des techniques rudimentaires étant donné qu'elles ne datent que de quelques années comme on vient de le mentionner. Elles ont un personnel réduit et sans qualification. Signalons que leur localisation se limite dans le plein centre ville où la demande est croissante. Il y a au total six sociétés dont cinq sont privées et une attachée à la municipalité de Bujumbura. Parmi les sociétés privées, trois se situent sur la Chaussée du peuple Murundi tandis que les deux autres se trouvent, l'une à Rohero I et l'autre à Buyenzi. Ces pompes funèbres sont en perpétuel déménagement à la recherche d'une clientèle plus offrant ou un loyer modelé. Prenons en quelques exemples pour comprendre leur fonctionnement.

1. La pompe funèbre " La Différence"

Elle se situe à la Chaussée du peuple Murundi, en face du bureau de la zone Buyenzi. Parmi les services qu'elle offre, on peut citer: des cercueils de différentes qualités, des couronnes de fleur, des véhicules funèbres, des décorations des voitures et des maçons pour la construction des tombes.

2. Pompe funèbre de la 10ème avenue à Bwiza

Située à la Chaussée du Peuple Murundi, cette pompe funèbre comme les autres maisons de sa nature disponibilise des cercueils des prix divers, des couronnes de fleur, des voitures pour le transport des dépouilles mortelles, des décorations de voitures et des maçons pour la construction des tombes et des monuments. Elle se différencie de la première par son emplacement dans un quartier populaire donc, aux faibles ressources.

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3. Funèbre Sociale "FUS"

La funèbre "FUS" ou Funèbre Sociale se trouve à la croisée de la Chaussée du Peuple Murundi et l'avenue Mutoyi. Elle aménage des tombes, assure la vente des cercueils et des couronnes de fleurs.

4 . Pompe funèbre"Uwugukunda aguhisha uwawe"

Cette pompe funèbre dont l'appellation nous semble pour le moins curieuse

( son nom part d'un faux adage ! ) se trouve en zone Rohero, à l'avenue de l'Eucalyptus dans le quartier Rohero I. Elle fabrique et vend des cercueils et des couronnes de fleurs, elle offre des véhicules pour le transport des morts, fournit des pierres tombales et elle organise même des cérémonies funéraires comme le lavage après l'enterrement (gukaraba), la petite levée de deuil (gucakumazi) et la grande levée de deuil (kuganduka).

A côté de ces maisons funéraires qui sont plus ou moins modernes, il existe une autre que l'on peut qualifier de traditionnel, c'est la Funèbre locale de Buyenzi.

5 . Pompe funèbre locale de Buyenzi

Elle est sise à la seizième avenue, sur la route qui mène au marché de Buyenzi communément appelé le marché de Ruvumera. Elle fabrique des cercueils en bois nécessitant un tissu pour les emballer si l'acheteur le demande. Par rapport à d'autres sociétés funèbres, les prix sont bas. Ainsi, on a :

- Un cercueil, dont la longueur est d'un mètre et non emballé pour un enfant vaut 8.000 Fbu,

- Un cercueil non emballé pour un adulte (2 mètres) vaut 15.000 Fbu.

Concernant des cercueils emballés soit à l'extérieur seulement, soit à la fois à l'extérieur et à l'intérieur, on a, pour un adulte, des prix respectivement estimés à 22.000 Fbu et à 25.000 Fbu.

- Pour un enfant, un cercueil emballé à l'extérieur seulement coûte 10.000 Fbu et celui emballé, à la fois à l'extérieur et à l'intérieur, revient à 12.000 Fbu. Ailleurs, les prix se répartissaient comme suit dans le tableau.

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Tableau n°3: Comparaison des prix des cercueils selon les pompes funèbres

Pompe funèbre/

prix selon les
cercueils

Cercueil non
emballé pour
un enfant

Cercueil non
emballé pour
un adulte

Cercueil
emballé
seulement à
l'extérieur

Cercueil
emballé à
l'extérieur et à
l'intérieur

Pompe funèbre

locale de
Buyenzi

8.000 Fbu

15.000 Fbu

20.000 Fbu

25.000 Fbu

"Uwugukunda aguhisha uwawe"

15.000 Fbu

25.000 Fbu

35.000 Fbu

45.000 Fbu

"FUS"

12.000 Fbu

20.000 Fbu

25.000 Fbu

35.000 Fbu

Pompe funèbre de la 10ème av.

Bwiza

10.000 Fbu

18.000 Fbu

22.000 Fbu

30.000 Fbu

"La

Différence"

10.000 Fbu

18.000 Fbu

22.000 Fbu

30.000 Fbu

Le coût des services de ces maisons funéraires variait selon la valeur du dollar, nous a fait entendre leur personnel.

Selon les personnes rencontrées aux pompes funèbres modernes, le coût d'une couronne de fleurs peut varier de 15.000 Fbu à 150.000 Fbu. Ces maisons s'inquiètent de l'absence de clientèle à cause du faible pouvoir d'achat des familles des défunts. Remarquons que les sociétés funèbres sont encore au stade embryonnaire pour dire qu'en dehors de la capitale de Bujumbura, peu de villes de l'intérieur du pays en sont déjà dotées. En province de Bururi par exemple, les fournisseurs des services funéraires sont le CFPP (Centre de Formation et de Perfectionnement Professionnel), l'Economat et la prison. Les services qu'ils offrent sont limités aux cercueils sinon les familles des défunts se procurent du reste à partir de Bujumbura.114

Disons que les pompes funèbres ont un grand rôle à jouer dans des centres urbains. D'abord parce qu'elles mettent en place un matériel dont les membres qui ont perdu les leurs se servent sur place et sans perdre beaucoup de temps.

114. Témoignage de Nininahazwe Acquilline, greffière au TGI de Bururi, août 2005

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Il s'agit du matériel prêt à porter. Ensuite, ces entreprises de la mort ont mis sur pied un personnel plus ou moins qualifié dans l'art funéraire. Enfin, l'emploi qu'elles offrent sert non seulement à venir en aide aux dépourvus mais aussi il permet à ceux qui pratiquent ce métier de rehausser l'économie du pays de par le payement des frais au trésor public.

Cependant, il y a là un paradoxe, celui lié à la culture burundaise même. Normalement, une famille qui perd un membre devrait trouver des services gratuits sur place. Pour le cas des ces entreprises de la mort, ce n'est plus le cas, l'entraide suppose l'échange des services. Certains voient dans ces entreprises un statut ambigu.

D'une part, on croit qu'elles sont des sociétés sans but lucratif et d'autre part des entreprises commerciales qui s'enrichissent aux malheurs des autres. En regardant leur prix majoritairement contesté, il y a lieu de confirmer cette dernière hypothèse. Le danger à tout cela, c'est que si l'enterrement prend des allures d'une opération lucrative, il y a risque de détérioration des pratiques et rites funéraires bafouant ainsi le droit à une mort digne que chaque homme doive avoir. Ce risque, lié au coût de la mort de plus en plus élevé, apparaît au grand jour quand une famille qui perd un membre se trouve dans l'impossibilité de l'inhumer dignement.

C'est ainsi qu'on entend dire surtout en milieu urbain que vaut mieux prendre en charge cinq personnes que de s'occuper d'un mort. Cela se remarque par le fait qu'après l'enterrement, la famille du défunt, dans le but de limiter les dépenses liées au deuil en ville, préfère l'organiser à la campagne où la vie coûte moins cher. La formule en kirundi est connue: « Ikigandaro kizobera ruguru » (le deuil se déroulera à la colline natale). Même l'argent qu'on récolte lors des visites de réconfort sert généralement à payer des dettes contactées à l'occasion du décès.

Après s'être amusé à calculer le montant que les services funéraires peuvent prendre, nous avons constaté qu'il peut remonter à 200.000 Fbu en moyenne. Cette somme se répartirait comme suit :

- Tombe: 10.000 fbu

- Cercueil: 15.000 fbu

- Tôle tombale: 25.000 fbu

- Draps + couverture +parfum: 50.000 fbu

- Rafraîchissement (gukaraba) dépendant du nombre de participants: 50.000 fbu (en

moyenne)

- Frais de transport (défunt et les accompagnants du défunt): 50.000 fbu

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Ce total des dépenses ne prend pas en compte les imprévus.

En conséquence, il est à remarquer que la mort en plus qu'elle nous prend un être cher, elle nous pille de nos biens qui pourraient permettre aux survivants de subvenir à leurs besoins fondamentaux. Dans les pays développés, où le système d'assurance-vie fonctionne, il existe des entreprises contractantes, notamment des compagnies d'assurance, qui supportent dans la mesure du possible certaines dépenses de leurs clients. Elles remboursent par exemple les frais des obsèques d'un affilié ou de son ayant droit.

Pour rester chez nous, la législation burundaise oblige, à travers le Code du travail, chaque employeur à payer les frais occasionnés par le décès de son employé. Il s'agit généralement d'une participation qui ne couvre pas l'ensemble des dépenses.

On comprend que dans la plupart des cas la solidarité reste l'unique voix de recours dans de telles circonstances. En effet, quelles sont ces familles burundaises qui peuvent payer des sommes aussi colossales pour cet événement si inattendu ? A part certaines familles disposant d'un certain revenu, nombreux sont des Burundais incapables de supporter cette dépense par ailleurs rarement prévue dans le budget familial. La mort profite bien entendu à ces maisons spécialisées dans la gestion des cadavres et évitent par tous les moyens toute concurrence. Un membre de la pompe funèbre oeuvrant tout près de la commune Buyenzi que nous avons approché nous a vite sorti à notre première question:

« Mwebwe Abarundi ndabazi mubonye ico umuntu yikoreye muca muza kukimuterako ».

C'est-à-dire, vous les Barundi, je vous connais assez, si vous voyez une activité que quelqu'un entreprend, vous venez l'assaillir, vous faites la même chose que lui pour l'empêcher de prospérer. 115

III.1. Le personnel des pompes funèbres

Le comportement des gestionnaires des services funèbres est tout à fait différent de celui des membres de la famille du défunt. En effet, sur le visage de ce personnel, en présence du client rempli de douleur, apparaît une douleur artificielle doublée d'une gaieté d'amasser des fonds pendant que le client est totalement chagriné et désorienté.

115. Enquête réalisée auprès d'une pompe funèbre en Mairie de Bujumbura, août 2005.

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Leur façon de présenter leurs produits choque : un joli cercueil qui ne s'abîme pas facilement ; nous sommes des ingénieurs dans la construction des tombes!, etc. En outre, c'est un personnel qui se presse car leur souci est de terminer vite puis partir, oubliant ainsi l'état d'émotion des gens avec qui ils sont au cimetière. Lors des échanges sur la personne décédée, on observe que leur discours est détourné bien qu'il ne porte pas atteinte à la dignité de la personne défunte.

Par contre, quelque soit la religion ou le rang social du disparu, le moment des obsèques est totalement incompatible avec l'esprit de rapidité. Des proches et des gens de l'église sont là pour chanter des cantiques rappelant notre vie éphémère sur terre et notre espoir de se rencontrer dans l'au-delà entre les amis, les parents du disparu et le défunt.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King