WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

( Télécharger le fichier original )
par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B/ L'évolution des prix

Une étude attentive des prix permettrait à ce titre de prendre conscience de l'intérêt pour les firmes de démocratiser le gramophone, cette invention qui fascine autant qu'elle rebute (du moins à ses débuts), afin qu'elle puisse s'intégrer au foyer anglais post-victorien. Car si dans l'entre-deux-guerres tout n'est alors financièrement pas accessible à quiconque en matière de musique enregistrée, on constate une baisse notable des prix au cours de la décennie 1920, due à la concurrence entre les firmes à ce niveau, et grâce au développement des labels à bon marchés qui s'accentue durant l'entre-deux-guerres. Par exemple, les disques Zonophone62, lancés pour la première fois en Grande-Bretagne par la Gramophone Company dès 1904, furent pionniers : en 1907, leur vente (en nombre d'unités) représente plus du triple des autres labels HMV 63 . Leur succès conduit la compagnie à lancer d'autres labels équivalents, tels les Twin Records ou les Cinch, deux fois moins chers, à 5,1 pence (au lieu de 12,5 pour les précédents), et vendus à 2,5 millions d'exemplaires dès la première année. Quant au Plum label, de prix intermédiaire, il est introduit avec succès en 191264. On pourrait également citer de nombreux autres exemples comme le Phoenix label ou encore le Regal label, introduits respectivement par Columbia-US en 1913 et 1914 aux prix de 1s 1d (5p) et 1s 6d (7 1/2p)65. Decca fit de même, Edward Lewis, son créateur, ayant lancé en 1931 à 1s 6d

59 MAISONNEUVE, Sophie L'invention du disque 1877-1949 : genèse de l'usage des médias musicaux contemporains, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2009, p. 187.

60 Idem, p. 187.

61 HAINS, Jacques, « Du rouleau de cire au disque compact » in NATTIEZ, Jean-Jacques (Dir.), Musiques : une encyclopédie pour le XXIe siècle, Paris, Actes Sud / Cité de la Musique, 2003, Tome I, Musiques du XXe siècle, p. 904.

62 La marque de commerce Zonophone, ou Zon-O-phone, fut créée en 1899 par Frank Seaman aux États-Unis.

63 MAISONNEUVE, Sophie, op. cit., p. 193.

64 MARTLAND, Peter, Since records began : EMI - The first 100 years, [Londres], Amadeus Press, 1997, p. 68.

65 DEARLING, Robert et Celia, RUST, Brian, The guinness book of recorded sound : the story of recordings from the wax cylinder to the laser disc, Londres, Guinness Superlatives Ltd, 1984, p. 56.

36

des disques qu'il souhaitait moins cher que la moyenne (2s 6d ou 3s)66. Malgré une légère augmentation des prix au lendemain de la Grande guerre, le succès de cette politique de diversification de l'offre est remarquable : par conséquent, au terme de cette première période d'expansion durant l'entre-deux-guerres, plus de 60% des foyers britanniques possèdent un gramophone, dont 80% affirment l'écouter fréquemment67. En 1939, on atteint le chiffre de 73%68. En 1914, c'était seulement un tiers des foyers qui en était équipé69. Par la suite, après une nouvelle augmentation des tarifs pendant les années 1930, ils reviennent à la veille de la Seconde guerre mondiale à un niveau inférieur à celui de la fin des années 1920. La création en août 1924, dans le magazine The Gramophone, d'une rubrique spécifique, « the New Poor Page », consacrée aux disques 2s/6d (voire 1s/3d à la fin de la décennie, avec le lancement des disques Dominion puis Piccadilly) témoigne encore une fois d'une offre élargie70. En 1930, une étude auprès des commerçants révèle que le prix moyen d'achat des gramophones est de £9 10s71. Quant au coût moyen d'un disque, il peut se schématiser comme avec le tableau ci-dessous (pourcentage du revenu hebdomadaire moyen) :

 

1913-1914

1924-1925

1935-1936

Black label

14,5

9,1

8,8

Plum label

n. c.

6,6

6,4

Tiré de : MAISONNEUVE, Sophie, L'invention du disque 1877-1949 : genèse de l'usage des médias

musicaux contemporains, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2009, p. 192.

Si on en revient à la comparaison au piano, il est clair qu'il existe un déséquilibre au détriment de ce dernier : « In 1921, the cheapest piano worth buying cost £60, while good gramophones cost upwards of £15 and record prices were falling. [...] The once despised toy was taking over the market for home music. »72 C'est d'autant plus le cas qu'avec l'arrivée des labels à bon marché, nombre d'appareils aux noms baroques furent commercialisés (Zonophone, Vanitrola, Sonora, Talkophone, etc.), à des prix défiant toute concurrence, « ils se différenciaient par le prix et la qualité, du jouet bon marché au mobilier de luxe ; par

66 HOFFMANN, Frank (Dir.), Encyclopedia of recorded sound, New York, Routledge, Volume 1 A-L, 2005 [1ère éd. : 1993], p. 277.

67 Comparativement, durant cette même période de l'entre-deux-guerres, le taux d'équipement des foyers anglais en postes de radio est aux alentours de 30%. MARTLAND, Peter, op. cit., p. 142.

68 MAISONNEUVE, Sophie, op. cit., p. 212.

69 Idem, pp. 197-198.

70 The Gramophone, mars 1924, vol. I, n° 10, p. 202.

71 Ibid., p. 190.

72 EHRLICH, Cyril, The piano : a history, cité dans MAISONNEUVE, Sophie, op. cit., p. 187.

l'esthétique de la caisse ou du pavillon ; par l'aspect pratique (les modèles portatifs camouflaient l'encombrant pavillon dans la caisse ou le couvercle) ; ou par quelque singularité, comme le polyphone qui comportait deux aiguilles posées dans le même sillon à

un centimètre de distance et deux pavillons, produisant une sorte d'écho »73. Parmi tous, le « Victrola », lancé en 1906 par l'Américain Victor (dont les produits étaient vendus en Europe par la Gramophone Company) et premier gramophone disposant d'un appareil à pavillon intégré dans un meuble le camouflant, devient rapidement l'un des plus répandus même si au départ son apparence d'objet de luxe ornant l'intérieur bourgeois le destinait plus à un public fortuné ; en outre, le choix du suffixe n'est pas anodin puisqu'il fait référence au pianola de

l'époque, inscrivant donc l'appareil dans un univers chargé de connotations socioculturelles avantageuses. Il fut néanmoins rapidement démocratisé et suivi par des firmes concurrentes qui baptisèrent leurs productions de noms similaires (l'Amberola chez Edison, le Grafonola chez Columbia, etc., v. annexe 3).

La diversification des modèles, mise en parallèle avec une possibilité d'écoute de plus en plus diversifiée et accessible, permet ainsi à l'auditeur une écoute individuelle modulable en fonction des goûts de chacun, des moments et des situations : c'est ce que montre en effet le développement de formes multiples de « programmes », du pot-pourri à l'écoute intégrale. En outre, l'introduction de l'électricité permet une qualité d'écoute accrue et participe pleinement de l'élaboration d'un univers musical accessible depuis l'intimité d'un foyer.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus