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Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

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par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

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Partie I. Chapitre 3. La construction du duopôle EMI-Decca

l'innovation et de standardisation du marché, et sur fond de non-intervention publique. Cette prise de contrôle est parachevée au cours des années 1932 et 1933 par une série de mesures de rationalisation de la production et de la gestion, dont la plus visible est l'abandon du disque à saphir. Le 12 décembre 1936, la concentration de l'industrie du disque française sera pratiquement totale avec l'absorption de la Compagnie française de gramophone par Pathé. La nouvelle filiale du groupe EMI prend alors pour nom « Les Industries Musicales et Électriques (IME) Pathé-Marconi »155.

Figure 14

Évolution de la taille des catalogues Pathé et HMV, 1898-1950156

Tiré de : MAISONNEUVE, Sophie, L'invention du disque 1877-1949 : genèse de l'usage des médias

musicaux contemporains, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2009, p. 242.

B/ La constitution d'oligopoles

Au terme de ce panorama complexe, et afin d'en tirer un bilan, une évidence s'impose : le développement de l'industrie musicale n'est en aucun cas continu. A la veille de déclenchement de la Seconde guerre mondiale, toutes les compagnies traditionnelles apparues pour certaines au début du XIXe siècle (Victor, Columbia, HMV, etc.) n'existent qu'en tant

155 TOURNÈS, Ludovic, Musique! Du phonographe au MP3 (1877-2011), Paris, Éditions Autrement, coll. « Mémoires/Culture », 2011 [1ère éd. : 2008], pp. 54-57.

156 Les estimations sont tirées du décompte du nombre de faces répertoriées dans les catalogues des deux compagnies. La stagnation de la production de Pathé, auparavant la deuxième compagnie européenne après la Gramophone Company, s'explique par son inclusion dans le groupe EMI et par son progressif désinvestissement de l'activité phonographique (alors que son activité cinématographique est maintenue).

»158

que subdivisions d'entreprises beaucoup plus larges. Alors que les ventes de disques chez EMI, en unités, sont tombés jusqu'à 80% entre 1930 et 1938, et qu'elle accumula qui plus est une perte cumulée de un millions de livres durant les trois premières années de son existence157, cela ne l'empêcha nullement de se lancer dès 1936 sur le marché des télévisions. Elle fut par la suite active dans la production de bicyclettes et de motocyclettes (Rudge-Whiteworth Co.), de radios (Sterling Telephone & Electric Co.), de réfrigérateurs et autres appareils domestiques (HMV Household Appliances). Comme le montre Simon Frith : « It was in the slump years that the British record industry took on its familiar shape : as the small companies went to the wall, the big companies built up an irreversible monopoly.

Seule Decca restait focalisée sur la production de disques. En cela, elle faillit succomber à crise de 1929 ; un moment, Sterling de chez EMI pensait même à un possible rachat futur... Malgré tout, elle se releva rapidement des années de crise : en 1933, Decca acheta la Edison Bell Company puis, en mars 1937, son rachat de la compagnie Crystalate, qui vendait des disques bon marchés auprès de Woolworths, lui permit d'obtenir la marque dédiée (Crystalate est au départ un type de plastique bien particulier, avant de devenir une compagnie). Comme EMI, elle noua des liens très forts avec les États-Unis. Alors que Lewis était parti à New York pour acquérir auprès de Grigsby & Grunow la firme en difficulté Columbia-US, la transaction n'eut pas lieu puisque cette dernière fut à cet instant précis vendue à l'American Record Corporation (ARC). Pour autant, Lewis, qui souhaitait réellement investir le continent américain, créa la nouvelle firme Decca-US Record Company le 4 août 1934159. L'un de ses fondateurs, Jack Kapp (avec Edward Lewis et E. F. Stevens), avait acquit des droits en 1932 auprès de Decca-UK pour que celle-ci puisse racheter la branche britannique de son label américain Brunswick Records pour £15 000. Brunswick avait alors acquis une certaine notoriété grâce à Al Johnson, surement l'un des chanteurs les plus lucratifs de la firme. De nombreux artistes signèrent chez Decca : Bing Crosby, les Dorsey et Mills Brothers, Skitch Henderson, Guy Lombardo ou encore Arthur Tracey constituèrent une première vague de grands noms avant l'apogée des années 1940. Une série de disques country fut aussi proposée de 1934 à 1945. La remarquable percée de la firme est également due à une stratégie visant à commercialiser ces enregistrements de musique populaire à bas prix, confortée par le développement des juke-box : $.35 par disque, tandis

157 TSCHMUCK, Peter, op. cit., p. 60.

158 FRITH, Simon, op. cit., p. 281.

159 Attention donc à ne pas confondre le Decca américain du Decca britannique, qui portent tous les deux le même nom.

que les autres labels les mettaient en vente à $.75 160 . Decca acheva son implantation américaine avec la création plus tardive de deux autres labels, London et Mercury, ce qui lui permit de s'emparer de la seconde place du marché américain.

On ne peut donc parler réellement de duopôle qu'en 1937, à un moment où EMI et Decca s'engagèrent dans une série d'accords à l'échelle internationale : Decca donna le droit à EMI le droit de presser et de distribuer les disques Decca Records, en échange de l'accord de Decca pour faire de même avec les disques Parlophone et Odeon aux États-Unis et au Canada. Toujours en 1937, les deux firmes prennent la relève de la British Homophone Company. Elles contrôlent dès lors tous les disques produits en Angleterre161, et consolident en 1940 leur implantation en reprenant Selecta Gramophones (le leader national en matière de distribution de disques) et Dowes of Manchester (une entreprise de ventes en gros au Nord de la Grande-Bretagne).

Conclusion du chapitre :

Pour conclure sur ce chapitre, et si l'on tente d'établir une corrélation entre le début de notre de notre période et celle qui s'ouvre sur la Seconde guerre mondiale, un constat s'impose : alors qu'au départ les firmes restaient dans une démarche prudente d'une double production (le disque ne l'avait pas encore emporté sur le cylindre dans la querelle des brevets, et la musique n'était à ce moment là pas considérée comme étant exploitable sur un tel support), la succession des innovation techniques permit durant les années vingt de standardiser un marché incertain sur le disque et le développement des catalogues musicaux. Cependant, la crise économique et l'avènement d'un média au départ concurrent, la radio, précipitèrent les grandes firmes à fusionner entre elles et à se retrouver, de manière cyclique, « contraintes » à une production de nouveau élargie (à l'exception de Decca), même si le disque restait prédominant sur le reste. D'une manière générale, à l'aube de la Seconde guerre mondiale, le paysage industriel et discographique était marqué par une phase de fusion et de concentration des firmes, au sein de laquelle l'innovation technologique resserra encore davantage les liens entre la Grande-Bretagne et le reste du monde. Progressivement, les bases

160 HOFFMANN, Frank, op. cit., p. 277.

161 La seule exception reste l'Oriole Record Company, fondée par D. M. Levy en 1931 et qui resta relativement indépendante jusque dans les années 1960. FRITH, Simon, op. cit., p. 282.

étaient posées pour que le marché extérieur puisse prendre son essor de façon significative. Cet aspect, inédit jusqu'alors, sera au centre des chapitres suivants.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein