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Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

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par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

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B/ Le paysage de l'industrie du disque en Grande-Bretagne à la fin de la guerre

À la fin de la guerre, la situation de l'industrie du disque est très différente selon les pays. En Grande-Bretagne, si le groupe EMI fut dans son ensemble épargné par les destructions, il perd en revanche ses contacts avec les marchés européens, notamment en France, en Italie, en Allemagne, en Belgique, en Hollande, au Danemark, en Norvège, en Grèce, en Tchécoslovaquie, en Chine et même dans les Straits Settlements ! Ce n'est qu'au milieu des années quarante que la firme récupère certaines de ses filiales qu'elle avait perdu comme Pathé-Marconi ou encore la Japonaise Nipponophone, avec qui elle ne reprend les affaires qu'en 1950. Trois ans après, un partenariat est établi sous la bannière Toshiba-EMI. La même année, Lindström et Electrola en Allemagne, qui jusqu'ici partageaient leurs répertoires, fusionnent pour créer EMI Electrola.

Comparativement, en Allemagne, les compagnies furent écrasées sous les bombes172 ; en France, malgré la mise sous tutelle idéologique allemande, l'usine Pathé de Chatou, l'une des plus importantes d'Europe, n'a pas eu à souffrir des bombardements ; quant aux États-Unis, l'industrie musicale, après l'accord entre l'AFM et les compagnies discographiques qui met fin à la grève des enregistrements, elle repart rapidement à la hausse et se retrouve en première position avec quatre grandes compagnies à la fin des années quarante : CBS, RCA, Capitol et la branche américaine de Decca.

Cependant, c'est sur le plan organisationnel que les conséquences des mesures prises pendant la guerre se mesurent le plus, surtout chez EMI. En mars 1945, Alfred Clark, premier directeur de la compagnie, se retire. Il est remplacé par Sir Alexander Aikman, en compagnie d'un nouveau manager, Sir Ernest Fisk. La nouvelle direction du groupe, lors du meeting annuel tenu en décembre 1946, tient entre ses mains le sort futur de la compagnie où une question se pose, d'autant plus délicate à résoudre qu'elle n'était pas forcément prévisible : comment revenir à une production liée à un secteur de moyenne-haute technologie (le disque et ses appareils de lecture), alors qu'EMI avait durant la guerre déployée au sein de ses usines

172 À la fin de l'année 1944, Electrola cesse des activités après la destruction à près de 80% de son usine. L'Allemagne, qui était alors l'un des grands sites de production de disques après la Grande-Bretagne et les États-Unis, fut contrainte de baisser drastiquement ses chiffres. TSCHMUCK, Peter, Creativity and innovation in the music industry, Dordrecht, Springer, 2006, p. 87.

tout un arsenal de compétences dans des secteurs de haute technologie destinés à soutenir l'effort de guerre ? De plus, on l'a vu au cours des précédents chapitres, EMI s'était lancée sur le marché des télévisions, des radios, etc. : « In the fifteen years since the founding of EMI, perceptions about the nature of the company's business had changed in subtle ways. The traumatic shrinking of the record market in the 1930s, the development of television in which EMI had played the leading role, the important contribution the company had made in the use of electronics to fight the war, had all contributed to this change. »173 Si l'ingénierie et l'électronique ont fait leur preuve - en 1949, on annonce des profits équivalents à 1,2 million de livres174 -, il reste à trouver un accord concernant les coûts d'investissements à accorder aux autres commerces qui font partie intégrante du conglomérat EMI. La phrase prononcée par Ernest Fisk est à juste titre intéressante : « We do not step outside our normal fields of activity, but like good farmers, we attempt to grow all crops and in proper rotation of which our fields are capable and for which they are suitable. »175 La décision prise fut de penser l'organisation de l'entreprise non pas en fonction des produits ou des catégories mais plutôt, dans un souci d'homogénéisation, par départements : recherche, ingénierie du développement, fabrication, achat, vente, etc. Devant l'impossibilité pour un seul homme de contrôler les différentes ramifications de l'entreprise, chaque département fut conçu comme une « sous-compagnie » distincte l'une de l'autre, mais fonctionnant en complémentarité. Par exemple, EMI Research Laboratories Ltd transmettaient ses idées à EMI Engineering Development qui les transformait concrètement en produits. De même, EMI Factories se procurait les matériaux bruts en se fournissant chez EMI Suppliers Ltd, puis la vente était entre les mains d'EMI Sales and Service Ltd.

Ce type de structure, malgré ces inconvénients, rappelle sous certains aspects le système du corporate mis en avant par Alfred Chandler176. On retrouve par exemple au sommet des bureaux de la compagnie EMI cette direction générale qui couvre l'ensemble des divisions dont parle Chandler ; dénommée corporate par les Anglo-Saxons, elle « planifie, coordonne et supervise un certain nombre de décisions d'applications..., alloue aux différentes divisions les personnels, les installations, les fonds et autres ressources nécessaires ». Pour autant, alors que Chandler base son analyse sur des groupes industriels certes opérant dans des domaines très divers, on ne peut pas pour autant retrouver chez EMI toutes les

173 PANDIT, S. A., op. cit., p. 66.

174 SOUTHALL, Brian, The Rise & Fall of EMI Records, Londres, Omnibus Press, 2009, p. ?

175 Idem, p. 67.

176 Cf. CHANDLER, Alfred, Stratégies et structures de l'entreprise (1972).

caractéristiques que ce dernier évoque. La firme reste alors basée sur des activités très diverses mais il n'existe pas réellement de « Division » consacrée uniquement au disque et à la musique enregistrée. Son organisation est du moins bien trop floue pour pouvoir en distinguer une177, à la différence par exemple du cas de CBS aux États-Unis, groupe multidivisionnel et diversifié où la Division disques est constituée en 1939 avec le rachat de Columbia Graphophone178.

Malgré un essoufflement après des années de guerre, l'industrie musicale britannique se releva plutôt rapidement du marasme, tout en se constituant progressivement en oligopole179. Les contacts étroits furent gardés entre EMI et RCA-Victor/CBS-Columbia, et entre Decca et sa soeur américaine. Ses liaisons furent essentielles à un moment où le marché culturel du disque s'apprête à repartir à la hausse, dopé par des innovations primordiales venues d'outre-Atlantique. L'État anglais lui-même s'engagea également dans une politique cohérente de démocratisation sociale des arts puisqu'en 1942 est créé le CEMA (Commitee for the Encouragement of Music and the Arts), qui devient en 1946 l'Arts Council of Great Britain.

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