WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

( Télécharger le fichier original )
par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B/ Le resserrement des liens entre Grande-Bretagne et États-Unis

Malgré tout, bien qu'en termes de chiffres le secteur du classique progresse, grâce notamment aux talents de compositeurs comme Michael Tippett, Vaughan Williams et surtout Benjamin Britten (Peter Grimes demeure son oeuvre la plus célèbre), il perd néanmoins des parts du marché en comparaison de la musique rock, venue d'outre-Atlantique. Les majors anglaises vont devoir réagir face à ces nouvelles tendances. Avec le label Polydor, c'est la firme EMI qui fut l'une des premières en Europe à pénétrer le marché grandissant de la musique rock américaine224. Des accords de distribution sont dans un premier temps établis avec des firmes américaines à partir du milieu des années cinquante ; des sous-labels d'EMI furent chargés de diffuser les disques importés d'Amérique : par exemple, ceux du label

221 SOUTHALL, Brian, op. cit., p. ?

222 N'oublions pas qu'EMI signa en 1940 avec des musiciens aussi prestigieux que Herbert von Karajan, Otto Klemperer, Rudolf Kempe et Elizabeth Schwarzkopf.

223 TSCHMUCK, Peter, Creativity and innovation in the music industry, Dordrecht, Springer, 2006, p. 111.

224 Aux États-Unis, c'est RCA qui prend l'avance sur sa concurrente CBS en préparant la vague rock and roll et en signant Elvis Presley à l'automne 1955.

ABC-Paramount passent pas l'intermédiaire de l'Anglaise HMV, Atlantic et Chess via la Columbia, King, Roulette et Gee vie Parlophone. Decca, après avoir enregistré de nombreuses vedettes du jazz dans les années trente et quarante (Louis Armstrong, Count Basie, Ella Fitzgerald), continue également à nouer des liens avec sa soeur américaine (Decca-US). Cette dernière signe en 1953 Bill Haley and his Comets qui enregistra de nombreux hits dont les plus célèbres sont « Rock Around the Clock » et « Shake, Rattle and Roll ». Elle crée également en 1949 le label London American qui lui permet d'atteindre les productions étatsuniennes de labels plus « indépendants » comme Atlantic, Big Top, Cadence, Chess, Hi, Imperial, Monument, Philles, Specialty, Sun, etc. Enfin, afin de permettre une ouverture du marché européen plus large encore, la firme néerlandaise Philips distribue tous les enregistrements de Columbia-CBS en Europe225. Bien avant que l'Angleterre, dans un mouvement inverse, ne se fasse les pourvoyeurs des Beatles aux États-Unis, « these distribution agreements with U.S. labels resulted in the fact between 1952 and 1962 charts in the U.K. closely mirrored the Billboard charts in the U.S. »226.

Ainsi, durant les années cinquante, ce sont bel et bien depuis les États-Unis que naissent les innovations musicales. Qui plus est, la musique rock de Chuck Berry, Little Richard et Buddy Holly rencontre un grand succès en Angleterre à tel point qu'à partir du milieu des années cinquante, les compagnies américaines créèrent des filiales directement en Europe : c'est le cas de RCA en 1957 qui met fin à des années d'association avec EMI. Cet évènement majeur poussa Lockwood à s'implanter directement en Amérique par le rachat en 1955 de la firme Capitol pour la somme de 8,5 millions de dollars. Cette dernière fut fondée à Los Angeles en 1942 par le chanteur et parolier Johnny Mercer,

le vendeur de disques Glenn Wallich et le membre de la

Paramount Pictures Buddy DeSilva. La firme y intègre

Angel Records, qu'elle avait contribué à lancer sur le

territoire américain en 1953 pour commercialiser ses

enregistrements classiques, en même temps que l'Electric & Musical Industries Limited. Comme beaucoup de firmes américaines indépendantes pour l'époque, Capitol exploita avec succès un répertoire délaissé par les majors, et pour l'essentiel centré sur des musiques

225 Idem, p. 114.

226 Ibid., p. 114.

« noires »227. Afin de surfer sur le succès des musiques soul, EMI conclue également un accord avec la Tamla Motown de Detroit, lui autorisant à distribuer à l'extérieur des États-Unis une impressionnante liste d'artistes : Marvin Gaye, Stevie Wonder, Diana Ross and the Supremes, les Jackson 5, les Temptations ou encore Smokey Robinson228. Par la suite, Capitol signa des contrats avec des stars comme Frank Sinatra, Dean Martin, Gene Vincent, Nat King Cole, Peggy Lee, Les Paul ou encore Stan Kenton, à tel point qu'en 1955, Capitol était devenue le troisième plus gros label aux États-Unis. Véritable véhicule marketing pour les titres d'EMI aux États-Unis, elle généra auprès de sa nouvelle maison mère 35 millions de dollars229 ! Succès qui se confirma par le biais des Beach Boys dont le premier album, Surfin' Safari, sorti en 1962, lança un nouveau genre de musique, la surf music. Malgré tout, la décision de Sinatra de quitter Capitol pour fonder son propre label Reprise Records en 1960 porta un coup dur pour la compagnie qui venait juste de rétablir ses positions en Amérique ; avec un total de 14 albums entrés dans les charts anglais et un succès considérable des deux côtés de l'Atlantique, c'est une banale affaire de royalty qui poussa le crooner à annuler le contrat, au détriment de Lockwood : « I told Wallich it was a big mistake and if I had had a word with Sinatra I could have solved it in five minutes. »230 Avec le recul, la perte de Sinatra ne fut pas aussi catastrophique puisque le rock allait désormais dominer l'industrie du disque en succédant aux crooners, qualifié par la star en termes peu élogieux, « the most brutal, ugly, degenerate, vicious form of expression it has been my displeasure to here »231. Entre temps, EMI s'était de plus tenu à reconstruire un répertoire qui lui serait propre, avec des musiciens et des artistes locaux. Conséquence directe ou pas de la rupture des accords avec les États-Unis, les chanteurs Shirley Bassey, Alma Cogan, Ruby Murray et le pianiste Russ Conway représentèrent un premier investissement de taille parmi les talents de la musique populaire anglaise. Un quatuor de producteurs constitué de Norman Newell, Norrie Paramor, Wally Ridley et George Martin, travaillant pour les labels HMV, Columbia et Parlophone, furent également chargés de constituer la future pépinière des talents anglais, pouvant rivaliser avec ce que l'Amérique avait de mieux à offrir. Un artiste américain, cependant, était au dessus de tous ceux qui aspiraient à faire carrière dans ce domaine, et il fut un temps brièvement lié à EMI. Elvis Presley, bien qu'ayant signé chez RCA en 1955, publie ainsi entre mai 1956 et

227 Par exemple, « Cow Cow Boogie » de la chanteuse Ella Mae Morse et du pianiste Freddie Slack atteint le sommet du Top Ten en 1942. COLEMAN, Mark, Playback : from the Victrola to MP3, 100 years of music, machines and money, Cambridge, Perseus Books Group, coll. « Da Capo Press », 2003, p. 42.

228 http://www.emimusic.com/about/history/1960-1969/

229 PANDIT, S. A., From making to music : the history of Thorn EMI, Londres, Hodder & Stoughton, 1996, p. 74.

230 SOUTHALL, Brian, op. cit., p. ?

231 Idem, p. ?

janvier 1958 quinze singles sur le label turquoise HMV, encore utilisé aux États-Unis pour les sorties américaines. Son premier succès fut le titre « Heartbreak Hotel », envoyé au producteur Wally Ridley qui au départ fut sceptique avant qu'il ne décide finalement de la sortir : « The people at RCA in America told me the singer was going to be an absolute giant so I put it out. »232 La courte association entre EMI et Presley prend fin alors qu'avec des titres comme « Blue Suede Shoes » ou « All Shook Up », il culmine en tête des charts pendant sept semaines à partir de juillet 1957233. RCA décide dès lors de se lancer sur le marché britannique en passant pas Decca, même si elle utilise toujours sa propre étiquette. Un autre nom s'ajoute à la liste des rivaux d'EMI, en plus de la puissante Decca, Pye et Philips. En effet, Decca n'a pas attendu le rachat de Capitol par EMI pour se lancer sur le marché américain. En 1947 est créé London Records afin de distribuer des artistes britanniques puis, en 1962, Decca-US est vendue à la MCA (Music Corporation of America), firme américaine qui, d'un coup, se retrouve avec un catalogue prestigieux, incluant en outre Brunswick et Coral, les deux principales anciennes filiales de Decca-US.

Face à ce revers difficile, et alors que Decca signe la première véritable vedette de rock and roll britannique en septembre 1956, Tommy Steele234, une fusion entre les deux géants anglais est envisagée : « Lewis [président de Decca] and Lockwood were never the best of allies and when the merger was suggested there was the issue of who was to run it. Lockwood's idea was for him to be chairman with Lewis as president, but Lewis refused to do business and the deal faded away. »235 La contre-attaque de Lockwood est directe : en 1957, il fait fusionner Capitol, qui en 1950 avait joint ses forces à la Paramount Pictures, avec l'EMI US Ltd pour ne former qu'une seule compagnie, donnant un poids supplémentaire loin d'être négligeable à EMI aux États-Unis.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus