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Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

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par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

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A/ Le renouveau du catalogue musical

À partir du moment où un nouveau format (33-tours/45-tours) devenait la norme en vigueur, et ne permettait plus dès lors d'engendrer des profits auprès des industries qui l'avaient introduit, c'est un second élément primordial, le catalogue de musique, qui devient la condition nécessaire pour relancer le marché et l'essor de la demande. Faute de pouvoir procéder à des études de marché pour déterminer à coup sûr les productions qui se vendront le mieux devant l'hétérogénéité du public, l'éditeur de musique est conduit à proposer un catalogue de disques (mais aussi de genres) suffisamment fourni pour que des compensations puissent s'effectuer entre les ventes à succès et les échecs. Les perspectives de profit sont établies sur l'ensemble de la production et non sur le résultat escompté de tel ou tel titre. C'est un moyen essentiel pour maîtriser le caractère incertain des valeurs d'usages culturelles214. Qui plus est, la question des genres est un moyen supplémentaire de construire « un système d'orientations, d'attentes et de conventions qui circulent entre l'industrie, le texte lui-même et le sujet récepteur »215, comme le montre l'analyste de film S. Neale. Le genre permet ainsi, grâce à un système de reconnaissance stylistique basé sur des critères bien définis, un échange

213 La seule firme apparue tardivement dans l'industrie phonographique qui ait par la suite acquis une envergure mondiale est Virgin, créée par Richard Branson en 1973 puis rachetée par EMI en 1993.

214 HUET, Armel, et al., Capitalisme et industries culturelles, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1978, p. 26.

215 TOYNBEE, Jason, Making popular music (2000) cité dans WARNER, Simon, « Genre et esthétique dans les musiques populaires » in DAUNCEY, Hugh, LE GUERN, Philippe (Dir.), Stéréo : sociologie comparée des musiques populaires : France/G.-B., Paris, Irma éditions, Puceul, Mélanie Séteun, coll. « Musique et société », 2008, p. 179.

entre le créateur et le consommateur ; par exemple, celui qui va acheter un disque de musique pop va s'attendre à retrouver des critères de distinction que l'industrie lui a indirectement appris. Même si en réalité, cette vision est soumise aux débats216, elle est néanmoins essentielle pour comprendre l'importance du fonctionnement du marché de la musique.

L'importance de ce marché, et notamment celui de la musique populaire, le remplaçant

d'Alexander Aikman depuis décembre 1954 en tant que directeur d'EMI, Joseph (plus tard

Sir Joseph) Lockwood, l'a bien compris. Figure majeure de l'histoire post-Seconde guerre mondiale de la firme anglaise, sa tâche principale fut de sortir la firme anglaise de l'état de crise alarmant dans laquelle elle était tombée au début des années cinquante, payant cher ses réticences du début vis-à-vis du microsillon, d'autant plus que son organisation en départements alourdissait les démarches plus qu'elle ne les facilitait. Les évocations de Lockwood à l'égard de ses prédécesseurs sont

claires : « You can forget about them and they should not be mentioned in the history of

EMI. »217 Afin de maintenir l'entreprise à flot, sa première tâche fut de trouver les fonds

nécessaires, décision qui le poussa à un emprunt de deux millions de livres. De plus, il insista

pour que les grands magasins HMV puissent vendre les enregistrements réalisés par les autres

compagnies, en brisant l'exclusivité de la franchise218.

Suite aux ruptures de CBS/Victor en 1952/1953 (même si en réalité les ventes ne s'arrêtent définitivement qu'en décembre 1956 pour CBS et en mai 1957 pour Victor219), et afin de pouvoir faire face au marché américain, des tractations sont engagées. Un accord était déjà conclu en 1948 avec EMI et la Division disque de la compagnie MGM, s'occupant de la musique populaire. Les discussions pour commercialiser le répertoire classique d'EMI en Amérique du Nord aboutissent en 1953 à la création d'Electric & Musical Industries (US) Limited. Comme EMI n'a plus le droit de la marque HMV aux États-Unis et au Canada - elle a été donné à son ancien partenaire RCA Victor - les disques sont dès lors commercialisés sous la marque Angel Records220, lui faisant gagner 6% sur le marché du disque classique

216 Cf. les débats liés à l'École de Francfort.

217 SOUTHALL, Brian, The Rise & Fall of EMI Records, Londres, Omnibus Press, 2009, p. ?

218 Idem, p. ?.

219 Le Traité de Rome la même année met également fin à l'accord entre CBS et Philips.

220 PANDIT, S. A., From making to music : the history of Thorn EMI, Londres, Hodder & Stoughton, 1996, pp. 73-74.

américain221. Cependant, là où aux États-Unis les nouveaux styles musicaux, et notamment le rock and roll, révolutionnent l'industrie phonographique en décloisonnant les petits labels, les majors confirment leur domination sur leur marché anglais en se focalisant sur le répertoire plus « sûr » du classique et de l'opéra, apportant en règle générale la plus importante source de revenus pour les compagnies européennes jusqu'aux années soixante. D'ailleurs, c'est dans le secteur du classique que la compétition s'accélère le plus. Le déclin d'EMI sur ce terrain222 profita à ses plus directs concurrents comme la Deutsche Grammophon et surtout Decca-UK qui se centre alors sur un répertoire plus classique, alors qu'avant la guerre elle était spécialisée dans la musique de divertissement. Elle signe des contrats exclusifs avec l'Orchestre symphonique de Londres, la Philharmonique de Vienne (qui passe d'EMI à Decca en 1949), l'Orchestre royal de Concertgebouw d'Amsterdam, l'Orchestre du Conservatoire de Paris, l'Orchestre de l'Académie nationale Sainte-Cécile, l'Orchestre de la Tonhalle de Zurich et l'Orchestre de la Suisse romande. Elle s'assure également des contrats avec les chefs les plus réputés comme Ernest Ansermet, Karl Böhm, Hermann Scherchen, Georg Solti, George Szell, Hans Knappertsbusch, Clemens Krauss ou encore Leo Blech, mais aussi avec des stars de l'opéra comme Kirsten Flagstad, Wolfgang Windgassen, Hans Hotter, Joan Sutherland, Renata Tebaldi, Hilde Gülden et Mario del Monaco 223. Enfin, en 1950, Decca-UK et l'Allemande Telefunken fondent ensemble Teldec, en majorité un label classique qui prit sous son aile une large part du répertoire de Decca-UK.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus