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Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

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par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

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II/ L'inscription du phonographe au sein des dispositifs d'écoute existants

L'interaction entre ces deux catégories d'intervenants que sont les ingénieurs et le public a donc pu permettre au médium un déplacement des champs administratif, scientifique et du « divertissement de foire » vers les champs culturel et artistique. Qui plus est, le phonographe doit aussi faire face à un univers préexistant dans lequel les anciens dispositifs d'écoute ne disparaissent pas pour autant. En effet, ce n'est pas uniquement parce qu'un marché musical tourné vers la musique classique se dessine que les recherches techniques évoluent, mais c'est aussi parce que l'imposition du phonographe passe par une adaptation de ses propriétés acoustiques à un univers déjà connu des amateurs de musique : celui du concert. N'oublions pas que ce dernier était l'un des rares moyens d'accès à la musique, au-delà de la pratique

29 Le mono face est conservé jusqu'à la fin des années 1920 malgré tout. Idem, p. 116.

30 Ce premier type de catalogue constitue alors le quotidien de la vie musicale amateur, on y trouve de la chanson, des ballades populaires, des marches interprétées par des musiciens anonymes, des cènes de rue, etc.

instrumentale, qui nécessitait une connaissance suffisante du langage musical pour pouvoir décrypter une partition.

A/ Structuration de l'invention technique par comparaison : le modèle du concert

Dans un premier temps, au sortir de la Première guerre mondiale, la politique des firmes n'est pas encore tournée vers le consommateur moyen, encore moins vers les masses. Le phonographe est une invention qui coûte chère, au caractère élitiste et qui s'insère au coeur des pratiques musicales bourgeoises. Le concert reste le moyen le plus en vogue pour écouter de la musique et entrer en relation avec des interprètes ; il constitue un paradigme à partir duquel s'inventent des pratiques nouvelles comme le montrent les comptes-rendus dans les magasines de l'époque :

« Nowadays [...], it is possible to be [...] moved in [a piece of music] and absorbed in it as one would be in the concert hall. [...] In a silent room so lightened (or darkened) that one is at ease.31

Modern records in conjunction with a good gramophone [...] do sound every bit as good as a performance in a concert hall. This statement would have been a daring one to make a year ago, but during the last twelve months some magnificent recordings have been released.

»32

Ce principe de référence à des pratiques musicales antérieures, l'industrie musicale l'a bien comprise en préférant s'adapter à un modèle de référence, plutôt que de l'affronter directement : l'organisation de « concerts phonographiques » perdure jusque dans les années 1930, la Gramophone Company en organise un par exemple au Royal Albert Hall en décembre 1906 et Columbia se lance à son tour à partir de 1925. Les firmes ont donc eu pour objectif de prendre en compte l'arsenal familier de l'amateur de musique, ancré dans les habitudes de l'époque, tout en y trouvant un moyen efficace pour promouvoir leurs produits. Néanmoins, même si l'objectif était d'abord de convaincre les membres des classes supérieures en mettant en valeur les principes d'une écoute « cultivée » (et aussi afin de faire face à la radio, un médium certes moins cher mais que l'on dénigrait pour sa consommation

31 SWINNERTON, F., « A defence of the gramophone », The Gramophone, août 1923, vol. I, n° 3.

32 COOKSON, D. M., rubrique « Correspondence », The Gramophone, janvier 1936, vol. XIII, n° 152.

passive, massive et indistincte de musique), ces auditions étaient qui plus est accessibles à un prix modique, d'où leurs succès auprès des foules33.

L'écoute du phonographe, parce qu'elle était dans sa nature même différente de celle qui s'épanouit au concert ou de celle qui accompagne le jeu personnel d'un instrument, a fait naître des commentaires fouillés sur les paramètres sonores de l'enregistrement : qualité de la technique d'enregistrement, sonorité, etc. À ce propos, le phonographe eut également pour conséquence de faire passer la musique de la graphosphère à la vidéosphère, d'une technologie fondée sur l'écriture matérialisée par la partition à un nouveau paradigme technologique, celui du « son »34. L'industrie du disque a du réaliser un effort de légitimation du phonographe si elle souhaitait imposer son invention. Or, par le biais d'une démarche comparative qui rend compte d'une réalité sonore et musicale nouvelle par l'intermédiaire de dispositifs techniques inédits, la qualité sonore d'un enregistrement fait naître la thématique de la « fidélité », cette dernière conditionnant la possibilité d'une émotion esthétique et musicale. Cette notion accompagne toute l'histoire du médium et de son écoute jusqu'à nos jours ; elle est également en étroite relation avec le marché du disque puisque avec l'essor d'une production stimulée par la concurrence apparaît la possibilité de comparer plusieurs versions d'une même oeuvre.

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