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Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

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par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

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B/ Structuration de l'invention technique par imitation

Le phonographe s'insère également dans un contexte plus large de transformation de la vie musicale, celui de l'introduction d'instruments automatiques (pianos mécaniques souvent connus sous le nom de pianolas) qui fait la transition entre la stricte pratique musicale d'un instrument et une « écoute passive ». Aussi, l'expression « jouer du gramophone » est fréquente à l'époque. Utilisée à la fin du XIXe siècle pour libérer l'appareil de son statut de jouet afin de l'inscrire explicitement dans l'univers de la musique sérieuse35, l'expression lui reconnaît une vocation musicale qui n'est pas le seul fait des agents commerciaux. Des pédagogues comme Henry Wood ou Percy Scholes ont vu dans le nouveau médium un vecteur sans précédent d'éduction artistique. Henry Wood (1869-1944) fut en l'occurrence le co-fondateur et le responsable des « Proms » (London Promenade Concerts) de 1895 à 1941.

33 MAISONNEUVE, Sophie, op. cit., p. 85.

34 TIFFON, Vincent, « Qu'est-ce que la musique mixte ? » in DONIN, Nicolas, STIEGLER, Bernard (Dir.), Révolutions industrielles de la musique, Paris, Fayard, Cahiers de médiologie / IRCAM, n° 18, 2004, p. 134.

35 Sur la question de la reproduction mécanique de l'objet d'art, de même qu'un violon est l'oeuvre d'un artisan et, joué par un artiste, produit de la musique, de même le phonographe doit être l'oeuvre d'artisans et joué par des personnes à la sensibilité musicale.

Par l'intermédiaire d'un programme qui alliait « grande musique » et pièces plus populaires, ces concerts avaient pour objectif de désacraliser l'écoute et d'éduquer le grand public à la musique classique. Quant à Percy Scholes (1877-1958), il fut lui aussi pédagogue musical impliqué dans le mouvement d'éducation musicale des masses, à travers notamment la publication de nombreux manuels et livrets encore l'association au département pédagogique de la Gramophone Company en 1919. Car s'il faut attendre 1925, date de l'invention du microphone, pour assister à une reproduction sonore de plus en plus fidèle, l'écoute sur un phonographe implique l'engagement des compétences de l'auditeur qui souhaite retrouver avec le plus de fidélité possible la sensation d'assister à un concert. L'assimilation du phonographe à un instrument de musique à part entière n'est pas donc pas anodine puisque le corps participe à l'élaboration d'une écoute où le regard (lors du concert) est remplacé par le geste, comme celui du choix du matériel, des accessoires (les aiguilles par exemple) et du programme36. Il donne le sentiment de maîtrise sur le déroulement du processus musical, et donc une proximité plus grande avec l'oeuvre et son créateur.

Les renvois effectués à ces « cadres de référence » anciens que sont le concert et l'instrument de musique permettent de démontrer que l'arrivée du phonographe, parce qu'il introduit un univers nouveau, ne se construit pas ex nihilo mais à l'inverse se définit par une série d'ajustements entre deux pôles distincts. Par exemple, alors que l'on trouve dès 1906 des prototypes de « P.L.V. » (publicité sur les lieux de vente) qui se développent surtout dans les années vingt, le nom de l'artiste rend d'un côté le médium visible et de valeur, l'arrachant des modèles d'écoute antérieurs auxquels il était cloisonné et souvent comparé, tandis que de l'autre côté, la publication et la diffusion de ce nom par les firmes renforcent sa propre gloire37. À l'intéressement symbolique (par la réputation) des artistes s'ajoute l'attachement financier puisque le principe des royalties est utilisé pour la première fois en 1903, afin de resserrer les contrats entre les firmes et les artistes. Il ne s'agit pas d'une somme fixe, mais d'un pourcentage sur le nombre d'exemplaires confectionnés ou vendus. Dans le domaine juridique, la révision de la convention de Berne à Berlin en 1908 introduit quant à elle pour la première fois une clause concernant la phonographie, preuve du potentiel financier qu'elle représente, et qui n'aurait jamais pu voir le jour sans son inscription progressive dans le réseau traditionnel des biens de consommation musicale qui, pour certains d'entre eux, remontent bien avant le début de notre période étudiée.

36 Le corps entier est en effet engagé dans l'activité d'écoute, contrairement à ce que laisse penser l'idée reçue d'une réception passive de la musique par l'auditeur. Ibid., p. 39.

37 Ibid., p. 217.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore