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Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

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par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

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II/ Les indépendants : un terrain propice à l'expérimentation

Les historiens économistes de l'industrie du disque estiment qu'il existe un laps de temps de trois ans laissé par les majors (1966-1969), déstabilisées dans leurs habitudes, qui a permis aux structures indépendantes de s'engouffrer et de s'affranchir de ses supérieurs, avant que ces derniers ne se rabattent de nouveau sur un monopole industriel. La fin des années soixante a vu en effet l'apparition en Grande-Bretagne de plusieurs types de maisons indépendantes. Clairement, elles ont en commun de fonctionner selon trois axes, que l'on retrouve encore aujourd'hui : découverte, production et éventuellement cession des droits 355 . Elles se comptent par dizaines, présentent une grande diversité de caractéristiques, et autant il serait fastidieux d'en faire l'énumération, autant en faire une typologie permet de distinguer leurs différences essentielles (v. tableau infra). Je reviendrai de façon plus détaillée sur certaines d'entre elles lors du prochain chapitre.

A/ Typologie des labels indépendants

La première catégorie, dite des labels « semi-indépendants », est en réalité une tentative prudente d'ajustement des majors pour coller à l'air du temps et afin de s'ouvrir à la nouvelle scène musicale, en l'occurrence le rock progressif dont nous reparlerons. La production des

355 PICHEVIN, Aymeric, Le disque à l'heure d'internet : l'industrie de la musique et les nouvelles technologies de diffusion, Paris, L'Harmattan, coll. « Logiques sociales », 1997, p. 26.

genres musicaux y reste relativement diversifiée afin encore une fois de minimiser les échecs (sans doute la crainte de reproduire l'erreur de Decca qui avait refusée les Beatles au profit de Brian Poole and the Tremoloes y est pour beaucoup). Il s'agit surtout d'intégrer dans leurs structures des auteurs-compositeurs-interprètes qui adoptent une démarche artistique selon laquelle l'art prime sur le commerce. Indépendantes au niveau de la gestion, elles sont financées et distribuées par une grande maison mère. On peut prendre l'exemple de Decca qui en 1966 crée le label Deram Records, destiné aux musiques nouvelles. EMI attend juin 1969 pour lancer Harvest Records, suivi par Philips qui, la même année, met sur pied Vertigo Records. Les Pink Floyd, qui signèrent chez EMI alors qu'ils produisaient de la musique psychédélique en avance sur leur temps, constituent un cas exceptionnel qui ne doit pas masquer le désintérêt général des majors pour la nouvelle scène, laissant le champ libre aux structures naissantes.

La seconde catégorie a été déjà en partie évoquée : on parle des labels qui sont financés par les artistes et les producteurs eux-mêmes en tant que sociétés indépendantes de production, normalement limitées à un seul artiste et liées par contrat de distribution à une major. L'archétype de ce nouveau modèle apparaît avec la création du label Immediate par le manager et le producteur des Rolling Stones, Andrew Loog Oldham, à la fin de l'année 1965. Bénéficiant du succès de ses protégés, bien qu'étant dans l'impossibilité de les signer sur son label, Oldham engage alors dans un premier temps des artistes pop comme P.P. Arnold, Billy Nicholls ou Chris Farlowe, qu'il confie à un jeune producteur, futur guitariste de talent fraîchement recruté, Jimmy Page. Il fait attendre le succès des Small Faces et des Nice pour que le label puisse prendre son essor à partir de 1967356.

L'un des premiers labels indépendants fut néanmoins Transatlantique. Fondé en 1964 par Nathan Joseph, il exista jusque dans les années quatre-vingt, cette longévité exceptionnelle pouvant être expliquée par la présence dans son catalogue de la fine fleur des musiciens folks (Bert Jansch, John Renbourn, Pentangle ou les Dubliners), commercialement peu porteurs. Le label continue donc son chemin, sans se soucier des mouvances liées à son époque. En fait, c'est la fondation d'Apple Record par les Beatles en mai 1968, pour « ouvrir la voie au succès artistique d'écrivains, de musiciens, de chanteurs et de peintres qui, jusque-là, n'avaient pu être acceptés par le monde commercial » 357 , qui illustre le mieux cette tendance à

356 RUFFAT, Guillaume, ARCHAMBAUD, Cyrille, LE BAIL, Audrey, Révolution musicale : les années 67, 68, 69 de Penny Lane à Altamont, Marseille, Le mot et le reste, 2008, pp. 55-56.

357 LANGE, André, op. cit., p. 96.

l'émancipation des indépendants. Les quatre musiciens s'impliquent à part entière dans la production ou l'écriture de morceaux pour le label. Une partie de leur temps est également consacrée à l'écoute de toutes les bandes reçues par Apple. « Those Were the Days » de Mary Hopkin et « Come and Get It » de Badfinger sont quelques succès notables du label. Apple comporte aussi une section « musique d'avant-garde », Zapple, sur laquelle deux des membres des Beatles sortent un album, Unfinished Music N°2 Life With the Lions du couple John Lennon/Yoko Ono et Electronic Sound de George Harrison358. Planet Records, créé par Shel Talmy après son départ de Decca, Marmelade Records, fondé par Georgio Gomelsky, Chrysalis, Regal Zonophone, Major Minor, Jet, mis en place par Don Arden, Threshold, Manticore, Rocket, Swan Song ou encore Track Record, fondé en 1967 par le manager des Who, Kit Lambert, sont autant de labels dans lesquels la liberté de création, l'ouverture aux tendances musicales y sont totales, et les coûts de production bien moins prohibitifs qu'aux États-Unis359.

Une dernière catégorie est à mettre en exergue, s'insérant entre les deux autres, celle des maisons de disques de taille moyenne qui s'apparent sur bien des aspects à la catégorie précédente, mais qui se différencient simplement par leur taille et leur gestion, plus simplement liée à la figure d'un seul producteur : Virgin, Island et Charisma sont les trois plus connues en Grande-Bretagne qui se développeront pleinement dans les années soixante-dix. Par exemple, Island Records, créée en 1959 par Chris Blackwell, est au départ constituée pour distribuer des disques de reggae, en important ses plus fidèles représentants qu'ont été Bob Marley ou Jimmy Cliff. Il faut d'ailleurs attendre 1962 pour que les bureaux de la firme soient transférés de Kingston, en Jamaïque, à Londres. Par la suite, Island s'ouvrira aux plus grands représentants de rock progressif anglais des années soixante.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus