WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La dilution des marques renommées

( Télécharger le fichier original )
par Marion Pinson
CEIPI - M2 droit européen et international de la propriété intellectuelle 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre 2. L'affinement du contenu de la dilution :

la réhabilitation du préjudice

Notion nébuleuse, préjudice pernicieux, la dilution est un phénomène bien insaisissable. Un membre de la doctrine américaine a pu faire remarquer que les failles du système de protection anti-dilution proviennent sûrement, en grande partie, d'un problème de compréhension du préjudice144(*). Peut-être convient-il ainsi d'achever cette étude en tâchant de déterminer lateneurjuridique de la dilution et, partant, sa place au sein du droit des marques. Car en réalité, la dilutionne semble pas êtreencore bien établie etdonne l'impression de nager entre deux eaux ; entre cadre concurrentiel et cadre non concurrentiel, entre distinctivité au sens d'identification et distinctivité au sens d'attraction. C'est pourquoi nous aimons envisager une possible réhabilitation du préjudice de dilution. En droit des marques, des repères utiles, indispensables même, vont pouvoir nous aider à résoudre cette question. Il s'agit des fonctions de la marque.

Le droit de marque constituant un droit exclusif, et donc une limite à la liberté d'autrui, il n'est justifié que lorsque lui est reconnue une fonction sociale ou économique. En effet, la propriété individuelle « ne se justifie et ne vaut que dans la mesure où elle cadre avec les intérêts de la communauté nationale et spécialement avec ses intérêts économiques (...) tout droit a une fonction dont son titulaire ne peut s'évader qu'en commettant un délit qui a un nom : l'abus de droit »145(*).Embrassant ce raisonnement, le juge communautaire estime ainsi que le bien-fondé d'une action en contrefaçon est subordonné à l'existence d'une atteinte à l'une des fonctions de la marque146(*).Ces fonctions permettent ainsi de fixer les limites du droit de marque et, par la même occasion, d'en déterminer la substance.

L'observation de la dilution à travers le prisme de ces fonctionsnous semble être d'une grande utilité.En déterminant à quelle fonction de la marque la dilution porte atteinte, on pourra situerce préjudice dans notre paysage juridique et lui permettre ainsi de regagner en cohérence.Nous découvrirons ainsi que la dilution ne constitue pas une atteinteà l'une des fonctions traditionnelles de la marque (Section 1) mais à une nouvelle fonction de la marque (Section 2).

Section 1. L'exclusion d'une atteinte aux fonctions traditionnelles de la marque

La marque permet à son titulaire d'identifier des produits ou services pour se distinguer de ses concurrents, s'attacher et fidéliser une clientèle. Il s'agit là de la fonction d'identification de la marque. Mais elle lui permet également, en tant que droit de propriété, de bénéficier d'un monopole d'exploitation et d'exclure les tiers. C'est la fonction d'exclusivité de la marque.

Nous pourrions être tentés de considérer le préjudice de dilution comme une atteinte à ces deux fonctions traditionnelles de la marque. Pourtant, ce rattachement ne résiste pas à l'analyse. Celles-ci sont en effet imprégnées de spécialité et ne peuvent jouer que dans ce cadre. La dilution étant un préjudice qui oeuvre en dehors de tout rapport de concurrence, elle ne peut ainsi constituer une atteinteni à la fonction d'exclusivité (§1) ni à celle d'identification d'origine (§2).

§1. L'exclusion d'une atteinte à la fonction d'exclusivité

Dans un arrêt Centrafarm de 1974, la Cour de justice définit l'objet spécifique du droit de marque comme étant « d'assurer au titulaire le droit exclusif d'utiliser la marque (...) et de se protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de cette marque »147(*). La doctrine reconnut cet objet spécifique comme la fonction d'exclusivité de la marque148(*).

Conçue comme un moyen depréserver l'unicité de la marque149(*), la théorie de la dilution telle qu'imaginée par Schechter consistait bien en une atteinte à cette fonction. Celui-ci considérait en effetque le seul emploi d'une marque antérieure hautement distinctive entrainait sa banalisation et méritait, de ce fait, d'être sanctionné. Ce raisonnement avait l'avantage de la simplicité car « l'unicité est un concept absolu : soit une marque est unique, soit elle ne l'est pas »150(*). La dilution se trouvait ainsi caractérisée dès lors qu'était constatée l'existence d'un autre signe identique ou similaire.

Il est toutefois impensable d'admettre aujourd'hui une telle conception de la dilution.En effet, le titulaire n'est pas investi d'un droit sur le signe en lui-même car l'exclusivité dont il bénéficie ne joue que dansle secteur d'activité pour lequel la marque est utilisée. Or la protection contre la dilution, on le sait, s'étend au-delà des limites de la spécialité. Il n'est donc pas concevable que la fonction d'exclusivité soit en jeu en matière de dilution. M. Bouvel a déjà pu l'affirmer très clairement : « La perte d'unicité toutes spécialités confondues ne peut être un préjudice recevable pour actionner la protection spécifique des marques renommées. En effet, l'exclusivité de la marque n'est reconnue que dans le principe de spécialité ; le titulaire d'une marque renommée ne peut prétendre, du seul fait de la célébrité de son signe, à une exclusivité inconditionnelle dans tous les secteurs d'activité ». Il ajoute que« la dilution ainsi conçue reviendrait en effet à bénéficier de la protection de manière automatique: il suffirait de démontrer que le signe n'est plus unique et que le consommateur fait un lien. La protection des marques renommées, normalement exceptionnelle, deviendrait alors banale »151(*).

* 144LONG (C.), « Dilution », 106 Columbia Law Review 1029, 2006.

* 145 L. JOSSERAND, De l'esprit des droits et de leur relativité - Théorie dite de l'abus des droits, Dalloz, 2006, n° 237, p. 321.

* 146CJCE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal Football Club, Rec. 2002, I-10273.

* 147 CJCE, 31 oct. 1974, aff. 16/74, Sté Centrafarm B.V et Adriaan de Peijper c/ Sté Winthrop B.V, Rec. 1974, p. 1194, pt. 8.

* 148 J. PASSA, Traité de droit de la propriété industrielle, op. cit., p. 58.

* 149 F.I. SCHECHTER, op. cit., p. 823.

* 150 B. BEEBE, « A Defense of the New Federal Trademark Antidilution Law », 16 Fordham Intellectual Property, Media and Entertainment Law Journal 1143,2006, p. 1146 : « Uniqueness is an absolute concept. A mark is either unique or it is not ».

* 151 A. BOUVEL, op. cit., p. 123 et s.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld