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La dilution des marques renommées

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par Marion Pinson
CEIPI - M2 droit européen et international de la propriété intellectuelle 2012
  

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B/. Le rattachement opportuniste à la fonction d'identification

Le rattachement à la fonction d'identification d'origine, au premier abord, ne surprend pas. La dilution est en effet envisagée comme une atteinte au caractère distinctif de la marque. Dès lors qu'il est question de distinctivité, la fonction d'identification de la marque entre alors en jeu.Ce rattachement est par ailleurs opportun à deux égards. Il l'est, d'une part, pour donner à la protection contre la dilution, en réintroduisant un certain souci du consommateur, un regain de légitimité ; il l'est, d'autre part, pour donner une assise juridique à cette protection. En effet, avant la reconnaissance de nouvelles fonctions de la marque, la protection contre la dilution ne pouvait être rattachée qu'à la fonction d'exclusivité ou à celle de garantie d'identité d'origine.

Ce rattachement peut prendre plusieurs visages. Il peut s'opérer par une dénaturation du concept, en assimilant tout bonnement dilution et risque de confusion (1) mais aussi,méthode plus douce, par l'adaptation du concept menée de concert par la doctrine et la jurisprudence (2).

1) La dénaturation du concept de dilution : l'exigence cumulative d'un risque de confusion

Ce premier type de rattachement à la fonction d'identification d'origine est particulièrement évident aux Etats-Unis. Même s'il ne touche que très peu notre droit positif, cette solution peut être intéressante à évoquer pour comprendre à quel point la protection contre la dilution éveille la méfiance.

Outre-Atlantique, l'attachement à la fonction d'identification d'origine et la perplexité face à la dilution157(*) sont tels que les juges n'accordent une protection contre ce préjudice que lorsque la preuve d'un risque de confusion est également rapportée. Ainsi, la jurisprudence américaine refuse avec ténacité que la dilution puisse constituer le fondement autonome d'une action du titulaire. Alors même que les textes affirment explicitement le contraire158(*), un risque de confusion reste exigé.

Ainsi, il est surprenant d'observer que les deux décisions américaines Tiffany et Rolls Royce159(*), considérées comme les plus emblématiques en la matière, retiennent chacune un risque de confusion pour caractériser une dilution. Le coup de grâce est donné dans une décision ultérieure qui affirme que « le demandeur ne peut bénéficier de la protection anti-dilution car il n'a pas rapporté la preuve d'un risque de confusion »160(*). De toutes les affaires rendues en la matière, seule une retient la dilution sans risque de confusion161(*).

Ces solutions témoignent de l'échec de la législation américaine anti-dilution. Carla protection contre la dilution ne présenteaucun intérêt si elle n'est accordée qu'en présence d'un risque de confusion.

2) L'adaptation du concept de dilution : la prise en compte de la perception du consommateur

Envisagée comme perte d'unicité de la marque, la dilution était à l'origine une théorie complètement détachée du consommateur. D'une part, elle avait pour seul souci la protection des intérêts du titulaire. D'autre part, il n'était aucunement besoin de se référer à la perception du consommateur pour la caractériser puisqu'il suffisait de constater l'existence d'un signe postérieur identique ou similaire.

Aujourd'hui, cette théorie renoue avec le consommateur comme référence et semble glisser vers une protection de la fonction d'identification. On introduit ainsi dans la conception de la dilution ce contre quoi elle s'est construite.

Il était pourtant nécessaire d'adapter la théorie de la dilution. Certains auteurs ont ainsi montré qu'elle n'était pas tenable d'un point de vue économique. En effet, l'idée de dilution telle que conçue par Schechter dans les années 20 n'est pas transposable de nos jours parce que le contexte économique a profondément changé162(*). Par ailleurs et surtout, l'approche de Schechter consistait en une protection de la fonction d'exclusivité hors du cadre de la spécialité. Comme nous l'avons vu, ce raisonnement n'estdonc pas non plus tenable juridiquement. Enfin, la théorie de la dilution se soucie exclusivement de la protection des intérêts du titulaire et, pour cette raison, ne parvient pas à emporter une complète adhésion. La notion de dilution fut donc contrainte d'évoluer pour gagner en légitimité.

On a ainsi pu voir, au sein de la doctrine, l'émergence d'une nouvelle justification : celle de l'optimisation du consumer search costs163(*). On tente ainsi de justifier la protection contre la dilution non plus parce qu'elle préserve l'unicité de la marque mais parce qu'elle évite une augmentation des efforts du consommateur pour identifier les produits ou services qu'il recherche. La dilution ayant pour effet de distendre le lien marque-produit, l'association mentale du consommateur se fait en effet moins rapidement. La dilution n'est donc plus envisagée comme une perte d'unicité mais comme une perte de distinctivité au sens d'une atteinte à la fonction d'identification de la marque.Cela implique pour les juges non plus seulement de constater la seule identité ou similarité du signe avec la marque antérieure mais également d'envisager une protection à travers le prisme du comportement du consommateur164(*).

Ce raisonnement est amorcé par l'arrêtAdidas lorsque la Cour de justice exigera la démonstration d'un lien entre les signes dans l'esprit du public. Il est d'ailleurs intéressant de rappeler que la méthode d'appréciation de ce lien est la même que celle du risque de confusion165(*). Le recours à cette même méthode globale peut d'ailleurs faire craindre que les juges évaluent ces deux réactions distinctes avec la même exigence166(*).

Ce rapprochement de la fonction d'identification est consolidé dans l'arrêtIntel. La Cour de justice affirme en effet que la dilution se trouve constituée« dès lors que se trouve affaiblie l'aptitude de la marque à identifier les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée ou utilisée comme provenant du titulaire de ladite marque, l'usage de la marque postérieure entraînant une dispersion de l'identité de la marque antérieure et de son emprise sur le public. Tel est notamment le cas lorsque la marque antérieure, qui suscitait une association immédiate avec les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée, n'est plus en mesure de la faire »167(*). Comme le remarque justement M. Bouvel, « la Cour donne une définition stricte de la dilution : elle ne fait pas allusion à la perte d'exclusivité mais à l'atteinte à la fonction d'identification de la marque »168(*). On remarque ainsi que la réaction du public est devenue un élément primordial dans la caractérisation du préjudice de dilution.

* 157 B.W. PATTISHALL, op. cit., p. 621.

* 158 Lanham Act §45, 15 U.S.C. §1127 : « The term `dilution' means the lessening of the capacity of a famous mark to identify and distinguish goods or services regardless of the presence or absence of (...) likelihood of confusion, mistake or deception ».

* 159 Tiffany & Co. v. Tiffany Prod. Inc., 147 Misc. at 682, 264 N.Y.S. at 461 ; Wall v. Rolls Royce, 4 F.2d at 333 (3rd Cir. 1925).

* 160Haviland & Co. v. Johann Haviland China Corp., 269 F. Supp. 928, 956-57 (S.D.N.Y. 1967) : « Plaintiff cannot claim right to relief under the antidilution statute, since it has failed to show likelihood of confusion ».

* 161 Hershey Co. v. Art Van Furniture, Inc., 2008 WL 4724756.

* 162 V. pour plus d'informations : R.-G. BONE, « Schechter's Ideas in Historical Context and Dilution's Rocky Road », 24 Santa Clara Computer & High Tech Law Journal, 2008.

* 163S.L. DOGAN & M.A. LEMLEY, « What the Right of Publicity Can Learn from Trademark Law », 58 Stanford Law Review 1161, 2005, p. 1198 ; D. KLERMAN, « Trademark Dilution, Search Costs and Naked Licensing », USC Law Legal Studies Paper No. 05-23, Dec. 2005 ; S. RIERSON, « The Myth and Reality of Dilution », Duke Law & Technology Review, p. 23, 2012.

* 164 C.-A. MAETZ, op. cit., p. 113.

* 165CJCE, 23 oct. 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, op. cit., pt. 30.

* 166 A. BOUVEL, op. cit., p. 123 et s.

* 167CJCE, 27 nov. 2008, Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 29.

* 168 A. BOUVEL, op. cit., p. 123 et s.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon