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Le principe de la responsabilité de protéger : une issue pour la protection des populations civiles. Cas de la république démocratique du Congo

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par Patience KATUNDA AGANDGI
Université de Kinshasa RDC - Licence en droit international 2010
  

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B. L'intervention militaire

Lancer une intervention militaire étant une mesure extrême, elle doit être prise dans des conditions et circonstances bien définies. D'où l'importance de spécifier les critères sur base desquels on peut lancer une telle action.

La commission note six critères qui peuvent donner lieu à une intervention militaire, à savoir : l'autorité appropriée, la juste cause, la bonne intention, le dernier recours, la proportionnalité des moyens et des perspectives raisonnables. Ces critères, faut-il l'indiquer, ne constituent guère une nouveauté en soi ; ils se sont cristallisés au fil des siècles, sous des formes différentes, jusqu'à leur imbrication en tant que noyau dur de la tradition de la guerre juste112(*).La méthode de la CIISE se veut donc une transposition quasi-intégrale de ces prérequis de la guerre juste à l'intervention humanitaire, maintenant une balance entre les aspects moraux, légaux et politiques113(*).

La question de l'autorité compétente pour décider d'une intervention militaire est traitée dans la deuxième section de ce chapitre, nous allons ici nous atteler à analyser les cinq autres critères, en sachant que le critère le plus important et le plus décisif est celui de la juste cause, tandis que les quatre sont appelés critères de précaution.

1. La juste cause

L'intervention militaire à des fins de protection humaine étant considérée comme une mesure exceptionnelle et extraordinaire nécessite pour qu'elle soit justifiée, un préjudice grave et irréparable touchant des êtres humains qui se commet ou risque de se commettre114(*). Walzer, l'un des théoriciens à qui l'on doit la résurgence de la doctrine de la guerre juste, estimait que seuls, la destruction imminente ou effective d'une communauté politique et les actes qui « choquent la conscience morale de l'humanité » peuvent donner lieu à l'intervention étrangère et, ipso facto, constituer une exception au paradigme légaliste115(*).

La commission prône comme critère décisif pour cela la « juste cause ». Celle-ci est en effet atteinte lorsque l'une des deux conditions suivantes est remplie à savoir :

a) des pertes considérables en vies humaines, effectives ou appréhendées, qu'il y ait ou non intention génocidaire, qui résultent soit de l'action délibérée de l'État, soit de sa négligence ou de son incapacité à agir, soit encore d'une défaillance dont il est responsable; ou

b) un « nettoyage ethnique » à grande échelle, effectif ou appréhendé, qu'il soit perpétré par des tueries, l'expulsion forcée, la terreur ou le viol116(*).

La commission poursuit en précisant qu'est-ce qu'elle entend concrètement inclure comme situation ou faits entrant dans ces deux conditions :

Ø Lorsque des pertes considérables en vies humaines sont en train, ou risquent, de se produire;

Ø La menace ou la réalité de pertes considérables en vies humaines, qu'elles soient ou non le résultat d'une intention génocidaire et qu'elles impliquent ou non des actes d'un État;

Ø Différentes manifestations de « nettoyage ethnique », notamment l'assassinat systématique des membres d'un groupe particulier en vue de réduire ou d'éliminer sa présence dans une zone déterminée; le déplacement physique systématique des membres d'un groupe particulier hors d'une zone géographique donnée; les actes de terreur visant à forcer une population à fuir; et le viol systématique, à des fins politiques, de femmes appartenant à un groupe particulier (que ce soit en tant que forme supplémentaire de terrorisme ou en tant que moyen de modifier la composition ethnique de ce groupe);

Ø Les crimes contre l'humanité et les violations du droit de la guerre, tels qu'ils sont définis dans les Conventions de Genève, dans les Protocoles additionnels s'y rapportant et ailleurs, qui donnent lieu à des tueries ou à un nettoyage ethnique à grande échelle;

Ø Les cas d'effondrement de l'État qui laissent la population massivement exposée à la famine et/ou à la guerre civile; et La responsabilité de protéger 37

Ø Les catastrophes naturelles ou écologiques extraordinaires, lorsque l'État concerné ne peut pas, ou ne veut pas, y faire face ou demander de l'aide, et que d'importantes pertes en vies humaines se produisent ou risquent de se produire117(*).

Comme on peut le constater, la commission a tenu autant que faire se peut à définir le seuil de la juste cause de façon très claire et limpide en vue de lever toute équivoque et d'éviter toute ambigüité. Seules les circonstances énumérées ci-haut peuvent être considérées comme extrêmement graves pour admettre une action militaire, même si nous verrons dans le chapitre suivant que les circonstances circonscrites par la commission e sont si précises en elles-mêmes.

Elle explique cet effort par le souci d'écarter certaines situations qui peuvent être proches, mais ne peut justifier une intervention militaire.

Premièrement la commission a écarté comme motif d'intervention militaire les violations des droits de l'homme qui, bien que graves ne vont pas jusqu'au meurtre à grande échelle. Nous avons comme illustration des violations des droits de l'homme la discrimination raciale systématique, l'emprisonnement systématique ou d'autres formes de répression politique des opposants. Pour ces violations, la commission préconise des sanctions d'ordre politique, économique et militaire, mais elles ne peuvent justifier selon la commission une intervention militaire118(*).

Cette position de la commission nous semble très critiquable, parce que les violations massives des droits de l'homme couvent toujours dans les régimes ou règnent de grandes injustices telle que la discrimination raciale ou ethnique ou encore un régime d'oppression qui musèle l'opposition. Il eut été préférable, de notre point de vue, de ne pas exclure catégoriquement la possibilité d'une intervention militaire, parce qu'un Etat peut organiser ces injustices et discrimination et rester implacable à tout effort extérieur de changer la situation, comme c'est le cas en Birmanie.

Deuxièmement la commission exclut des interventions militaires telle que décrites dans son rapport, des situations de renversement des régimes démocratiques. Elle précise que dans ce genre de situations, le conseil de sécurité peut envisager une action militaire, à travers les organisations régionales, après avoir tenté d'autres mesures non militaires. Et le gouvernement renversé peut aussi demander une aide militaire en invoquant l'article 51 de la charte, ce qui peut lui être fournit119(*).

Troisièmement, les actions militaires entreprises par un Etat en vue de protéger ses ressortissants sur un territoire étranger ou de riposter à des attaques terroristes sont exclues des actions visées par la commission. La commission estime que cette question est parfaitement couverte par le droit international en vigueur, précisément par l'article 51, et par les dispositions générales du chapitre VII de la charte des nations unies120(*).

- La preuve de l'atteinte du seuil de la juste cause

Les situations nécessitant une intervention militaire peuvent être perceptibles par tout le monde. Mais il demeure vital de déterminer au delà de tout doute raisonnable si les évènements satisfont aux critères à remplir, parce que souvent on est confronté malgré la sacralité des faits à des versions multiples et contradictoires, présentées souvent dans le but de désorienter ou de tromper l'opinion. Dans ces cas obtenir une information objective et précise est une tâche difficile mais essentielle.

Le problème serait résolu s'il existait un organisme universel, impartial et respecté chargé de signaler la gravité de la situation et de démontrer l'incapacité ou le refus de l'Etat concerné d'agir. Le CICR a été proposé mais pour des raisons évidentes, il a refusé d'assumer un rôle de ce type121(*). Vu la carence institutionnelle, selon la commission, il est essentiel de tenir compte des rapports de certains organismes crédibles tel que le Haut Commissariat des nations unies aux droits de l'homme, le Haut Commissariat des nations unies aux réfugiés ainsi que d'autres ONG crédibles en la matière.

La commission note avec beaucoup d'insistance le rôle moteur que peut jouer le secrétaire général sur base de l'article 99 qui lui permet d'attirer l'attention du conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il s'agit là d'un pouvoir qui pourrait avoir une influence extrêmement importante, mais qui est jusqu'ici « sous utilisé122(*) ».

2. La bonne intention

Ce critère veut que toute intervention militaire soit motivée par le but primordial de faire cesser ou d'éviter des souffrances humaines. Ainsi l'emploi de la force ne peut viser dès le départ la modification des frontières, la promotion d'une revendication d'autodétermination ou encore le reversement pur et simple d'un régime en place.

Pour cristalliser le critère de bonne intention, la commission prône des interventions collectives, la détermination du soutien de la population à l'intervention, et l'opinion des pays de la région à ladite intervention123(*).

Etat donné que le désintéressement total relève de l'idéal, mais pas toujours de la réalité, c'est à une combinaison de motivations, dans les relations internationales comme partout ailleurs, qu'il faudra s'attendre. Vu aussi le coût et les risques d'une intervention militaire, l'Etat peut être contraint politiquement de justifier son intervention en prétendant agir dans son propre intérêt. Cet intérêt propre peut prendre selon la commission, la forme d'une volonté d'éviter que ne s'installent dans le voisinage des réfugiés en nombre excessif, des trafiquants des drogues ou des terroristes124(*).

En fait il est impossible dans l'état actuel des relations internationales de faire preuve d'une bonne intention qui soit exempt de toute dartre ; si c'était le cas les interventions à des fins de protection humaine seraient fort nombreuses, car dans le monde, rares sont les Etats qui respectent scrupuleusement les droits de l'homme, et c'est chaque jour que l'on commet dans un coin du monde mille barbaries, et en général aucun Etat ne songe à les faires cesser125(*). Il faut donc que les Etats recherchent à tout prix à éviter les confusions, les zones d'ombre et les demi-mesures, et se prononcer de façon très claire sur leur position et agir toujours en collégialité. Il faut aussi préciser pour les Etats et peuples réticents qu'étant donné l'interdépendance des Etats avec la mondialisation, il est important de soutenir une collaboration entre les Etats pour régler les problèmes qui peuvent entrainer des courants de refugiés, des pandémies, une criminalité organisée, etc.

Au demeurant, en préconisant le multilatéralisme dans l'action, et en suggérant d'obtenir l'appui des populations visées, ainsi que celui des pays de la région touchée, la commission limite les interventions basées sur les mauvaises intentions et réduit les probabilités d'actions entreprises individuellement dans une perspective de domination126(*).

3. Le dernier recours

Avant de penser à une coercition militaire dans la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger, toutes les voies diplomatiques et non militaires de prévention ou de règlement pacifique des crises humanitaires doivent avoir été explorées et épuisées. Ce qui revient à dire que l'intervention ne saurait être justifiée tant que la responsabilité de prévenir n'a pas été pleinement accomplie127(*).

Il faut donc passer au peigne fin toute la palette de mesures préventives ainsi que toute la gamme d'action autres que militaires et constater leur échec avant de se lancer tête baissée dans une action militaire directe.

4. La proportionnalité des moyens

L'intervention doit employer des moyens proportionnels à l'objectif humanitaire poursuivi. Ainsi par sa durée, son ampleur et son intensité, l'intervention doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire pour réaliser le but de l'intervention128(*).

Les interventions à des fins de protection humaine doivent être menées dans le strict respect des règles du droit international humanitaire, et éviter d'aggraver la situation ou d'avoir des répercussions non escomptées sur l'Etat objet de l'intervention.

5. Les perspectives raisonnables

Une coercition militaire doit avoir la possibilité de réussir, c'est-à-dire de faire cesser ou d'éviter les atrocités ou souffrances qui l'ont motivé, de façon raisonnable. A l'opposé, l'intervention militaire perd tout son sens et ne saurait être justifiée si elle n'assure pas effectivement la protection voulue, ou si elle aboutit à des conséquences pires que celles de l'inaction, surtout si elle déclenche un conflit plus vaste.

L'application de ce principe de précaution risque fort, pour des raisons purement utilitaires, d'exclure toute action militaire contre l'un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, même si toutes les autres conditions de l'intervention décrites plus haut sont réunies. On peut difficilement imaginer qu'un grand conflit puisse être évité ou que l'on réussisse à atteindre l'objectif initial si l'action militaire est engagée contre l'un d'entre eux. Il en va de même pour d'autres grandes puissances qui ne sont pas des membres permanents du Conseil de sécurité. Cette réalité pose de nouveau le problème d'un système à « deux poids deux mesures », mais la position de la Commission à ce sujet, est que le fait qu'on ne puisse pas intervenir dans tous les cas où une intervention se justifie ne justifie pas que l'on n'intervienne dans aucun cas129(*).

* 112 Pour un compte rendu sommaire de ces critères propres à la tradition de la guerre juste et de leur applicabilité à l'intervention humanitaire, voir Mona Fixdal et Dan Smith, « Humanitarian Intervention and Just War »,in Mershon International Studies Review 42 (1998), pp. 283-312.

* 113 VEZINA L. P., La responsabilité de protéger et l'intervention humanitaire : de la reconceptualisation de la souveraineté des Etats à l'individualisme normatif, Mémoire de Master, Université de Montréal, Faculté des Arts et des Sciences, Département d'Etudes Internationales, p. 11

* 114 CIISE, La responsabilité de protéger, op. cit., p. 37

* 115 WALZER Michael, Just and Unjust Wars: A Moral Argument with Historical Illustrations (New York: Basic Books, 1977), chapitre VI., cité par VEZINA L. P., op. cit., p. 12.

* 116 CIISE, op. cit., p. 37

* 117 CIISE, op. cit., p. 37

* 118 CIISE, op. cit., p. 38

* 119 Idem, p. 39

* 120 CIISE, op. cit., p. 39

* 121 Idem

* 122 Idem, p. 40

* 123 Ibidem

* 124 CIISE, op. cit., p. 40

* 125 ALIBERT C., Du droit de se faire justice dans la société internationale depuis 1945, Paris, L.G.D.J, 1983, p. 250

* 126 VEZINA L. P., op. cit., p. 14

* 127 CIISE, op. cit., p. 41

* 128 CIISE, op. cit., p. 42

* 129 Idem

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand