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Le principe de la responsabilité de protéger : une issue pour la protection des populations civiles. Cas de la république démocratique du Congo

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par Patience KATUNDA AGANDGI
Université de Kinshasa RDC - Licence en droit international 2010
  

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B. Commis à l'encontre d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux

Les victimes des actes énumérés ci-haut doivent appartenir à un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Par « groupes nationaux », il faudrait entendre les personnes qui possèdent une identité distincte en termes de nationalité ou d'origine nationale. Les « groupes ethniques » comprendraient les personnes partageant une même langue et ayant des traditions communes ou un patrimoine culturel commun237(*). C'est toutefois une définition effective des groupes, qui tient compte plus du sentiment d'appartenance à un groupe spécifique que de son existence propre qui a été retenue par les tribunaux qui ont appliqué le critère subjectif de la perception par les autres et de l'auto-perception en ce qui concerne l'appartenance au groupe238(*).

En l'espèce le génocide congolais visait les hutus en tant que membre d'une ethnie sous le prétexte qu'ils étaient les auteurs du génocide rwandais. Et la population Hutu en République Démocratique du Congo, y compris les réfugiés venus du Rwanda, constituait un groupe ethnique au sens de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide239(*).

C. Dans l'intention spécifique de détruire, en tout ou en partie, le groupe protégé comm tel

L'intention spécifique de détruire, en tout ou en partie, le groupe protégé comme tel constitue l'élément clef du crime de génocide souvent décrit comme un crime d'intention requérant un dol criminel aggravé (dolus specialis)240(*). On peut diviser ce second élément en trois parties distinctes: d'abord l'intention de détruire, ensuite en tout ou en partie, et finalement le groupe comme tel.

L'intention de détruire suppose que l'auteur ait sciemment voulu que les actes prohibés entraînent la destruction, en tout ou en partie, du groupe comme tel, et ait su que ses actes détruiraient, en tout ou en partie, le groupe comme tel. Elle implique que l'auteur du crime doit avoir agi avec l'intention spécifique de détruire un groupe protégé en tout ou en partie. L'intention n'est pas synonyme de motivation. Le mobile personnel du génocidaire peut, par exemple, être la perspective d'un profit économique personnel, d'avantages politiques ou d'une certaine forme de pouvoir. L'existence d'un mobile personnel n'empêche pas que l'auteur soit également animé de l'intention spécifique de perpétrer un génocide241(*).

L'intention de détruire le groupe énuméré, même en partie, est suffisante pour constituer un crime de génocide pour autant que ce soit le groupe ou « la fraction distincte du groupe » qui soit visé(e) et « non une multitude d'individus isolés appartenant au groupe242(*) ». De plus, la partie du groupe ciblée doit être substantielle et ainsi refléter « tant le caractère massif du génocide que la préoccupation exprimée dans la Convention quant à l'impact que la destruction de la partie visée du groupe aurait sur la survie du groupe tout entier243(*) ». Le caractère substantiel s'établit en considération « non seulement de l'importance numérique de la fraction du groupe visée mais aussi de sa place au sein du groupe tout entier244(*) ».

Finalement c'est le groupe comme tel que l'on doit avoir l'intention de détruire en tout ou en partie. Ainsi les victimes « doivent être ciblées en raison de leur appartenance à un groupe245(*) »; c'est donc le groupe comme tel qui est visé à travers la victime.

Parmi les facteurs, faits et circonstances retenus par les tribunaux internationaux pour inférer ou déduire une intention génocidaire on retiendra : le contexte général, la perpétration d'autres actes répréhensibles systématiquement dirigés contre le même groupe246(*), l'ampleur et le nombre des atrocités commises247(*), le fait de viser certaines victimes systématiquement en raison de leur appartenance à un groupe particulier, le fait que les victimes avaient été massacrées sans regard pour leur âge ni leur sexe248(*), la manière cohérente et méthodologique de la commission des actes, l'existence d'un plan ou d'une politique génocidaire et la récurrence d'actes destructifs et discriminatoires249(*).

Les attaques systématiques, notamment les meurtres et les massacres perpétrés à l'encontre des membres du groupe ethnique hutu font l'objet de nombreuses descriptions dans le rapport du projet mapping250(*). Ces attaques ont fait un très grand nombre de victimes, probablement des dizaines de milliers de membres du groupe ethnique hutu, toutes nationalités confondues. Dans la grande majorité des cas rapportés, il s'agissait non pas de personnes tuées involontairement au cours de combats, mais bien de personnes ciblées principalement par les forces de l'AFDL/APR/FAB, et exécutées par centaines, souvent à l'arme blanche. Parmi les victimes, il y avait une majorité d'enfants, de femmes, de personnes âgées et de malades qui ne posaient aucun risque pour les forces attaquantes. De nombreuses atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ont été également commises, un nombre très élevé des Hutu ayant été blessés par balle, violés, brûlés ou battus. De très nombreuses victimes ont été obligées de fuir et de parcourir de longues distances pour échapper à leurs poursuivants qui voulaient les tuer.

Cette traque a duré des mois, entraînant la mort d'un nombre indéterminé de personnes livrées à des conditions d'existence cruelles, inhumaines et dégradantes, sans nourriture et médicaments. À plusieurs occasions, l'aide humanitaire qui leur était destinée a été sciemment bloquée, notamment dans la province Orientale, les privant de l'assistance indispensable à leur survie251(*).

Les incidents répertoriés semblent également confirmer que les multiples attaques visaient les membres du groupe ethnique hutu comme tel. Si à certains moments les agresseurs disaient rechercher les criminels responsables du génocide commis à l'égard des Tutsi au Rwanda en 1994, la majorité des incidents rapportés indiquent que les Hutu étaient visés comme tels, sans procéder à aucune discrimination entre eux. Les multiples attaques contre les Hutu établis au Zaïre qui ne faisaient pas partie des réfugiés semblent confirmer que c'étaient tous les Hutu, comme tels, qui étaient visés. Les crimes commis notamment à Rutshuru (30 octobre 1996) et Mugogo (18 novembre 1996), dans le Nord-Kivu, mettent en lumière le ciblage spécifique des Hutu, puisque des personnes ayant pu convaincre les agresseurs de leur appartenance à un autre groupe ethnique ont été libérées juste avant ces massacres. L'utilisation systématique de barrières par l'AFDL/APR/FAB, particulièrement au Sud- Kivu, leur permettait d'identifier les personnes d'origine hutu par leur nom ou par leur village d'origine et ainsi de les éliminer. Des centaines de personnes d'origine hutu auraient ainsi arrêtées à une barrière érigée en novembre 1996 à Ngwenda, dans le territoire de Rutshuru, et exécutées par la suite à coups de pilon dans un endroit appelé Kabaraza. Au Sud-Kivu, les militaires de l'AFDL/APR/FAB ont érigé de nombreuses barrières sur la plaine de la Ruzizi pour arrêter les réfugiés rwandais et burundais dispersés après le démantèlement de leurs camps252(*).

Il est donc établi de notre point de vue que les hutu constituaient un groupe ethnique identifiable en 1996, année du début de la guerre. Et ils ont été ciblés en tant que membre de ce groupe. On peut donc affirmer que, même si seulement une partie du groupe ethnique hutu présent en RDC (Zaïre) a été ciblée et détruite, cela constitue un crime de génocide car telle était l'intention des auteurs de ces crimes odieux.

Cette affirmation a été confirmée par plusieurs personnes et instances dont le ministère congolais des droits humains, Colette Brackman, et le Lieutenant-Colonel PAIVA253(*). Et pour ABEKYAMWALE EBUELA ABI, la population congolaise a vécu la déréliction la plus notoire, dans cette fournaise d'extermination254(*).

* 237 Rapport de la Commission internationale d'enquête sur le Darfour (voir S/2005/60), par. 494.

* 238 Ibidem, par. 498 à 501; voir Akayesu, ICTR-96-4-T, Chambre de première instance, 1er et 2 septembre 1998, par. 170 à 172; Kayishema et Ruzindana, ICTR-95-1-T, Chambre de première instance, 2 et 21 mai 1999, par. 98; Musema, ICTR-96-13-T, Chambre de première instance, 21 janvier 2000, par. 161; Rutaganda, ICTR-96-3-T, Chambre de première instance, 6 décembre 1999, par. 56; et Jelisiæ, TPIY, Chambre de première instance, no IT-95-10-T, 14 décembre 1999, par. 70 et 71; Krstiæ TPIY, Chambre de première instance, no IT-98-33-T, 2 août 2001, par. 556, 557, 559 et 560.

* 239 Rapport Projet Mapping, op. cit., p. 288.

* 240 Voir en général l'Affaire relative à l'application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzegovine c. Serbie et Montenegro), CIJ, 26 février 2007, par. 186 à 201.

* 241 Arrêt Jelisiæ, TPIY, Chambre d'appel, no IT-95-10-A, 5 juillet 2001, par. 49; CIJ, décision sur le génocide, par. 189.

* 242 Arrêt Brdanin, TPIY, Chambre de première instance, no IT-99-36-T, 1er septembre 2004, par. 700.

* 243 Arrêt Krstiæ, TPIY, Chambre d'appel, no IT-98-33-A, 19 avril 2004, par. 8; voir également Krstiæ, TPIY, Chambre de première instance,no IT-98-33-T, 2 août 2001, par. 590: « La destruction physique peut ne viser qu'une partie géographiquement limitée d'un groupe plus vaste, parce que les auteurs du génocide considèrent que la destruction envisagée suffit à annihiler le groupe en tant qu'entité distincte dans la zone géographique en question »; confirmé par la Chambre d'appel, arrêt du 19 avril 2004, par. 6 à 23; CIJ, décision sur le génocide, par. 198 à 2001.

* 244 Ibid. par. 9. Voir en général CIJ, décision sur le génocide, par. 198 à 201.

* 245 Arrêt Krstiæ, TPIY, Chambre de première instance, no IT-98-33-T, 2 août 2001, par. 561

* 246 Arrêt Jelisiæ, TPIY, Chambre d'appel, no IT-95-10-A, 5 juillet 2001, par. 47.

* 247 Voir Akayesu, ICTR-96-4-T, Chambre de première instance, 1er et 2 septembre 1998, par.730.

* 248 Kayishema et Ruzindanda, ICTR-95-1-T, Chambre de première instance, 2 et 21 mai 1999, par. 531 à 533.

* 249 Arrêt Jelisiæ, TPIY, Chambre d'appel, no IT-95-10-A, 5 juillet 2001, par. 47 et 48.

* 250 Voir la Section I du Rapport du Projet Mapping sur les violations les plus graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises en RDC e 1993 et 2003, Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, Août 2010.

* 251 Rapport du Projet Mapping, op. cit., p. 288.

* 252 Idem, p. 289.

* 253 ABEKYAMWALE EBUELA ABI, La théologie de la réconciliation dans le contexte congolais d'après-guerre : une contribution pour la construction de la paix et le développement, Thèse de doctorat, Faculté de Théologie protestante de Yaoundé, Cameroun, mai 2007, p. 71.

* 254 Idem, p. 71.

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