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La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique

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par Jean Barnabé MILALA LUNGALA
Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009
  

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CHAPITRE VINGTIÈME :

LA RECONSTRUCTION CRITIQUE DE L'EPISTEMOLOGIE DE JOHN SEARLE

La portée de l'oeuvre constructiviste de John Searle

Apports positifs

La pensée de John Searle est fondamentale, et de grande portée théorique en sciences sociales et humaines. En fait, la reconstruction théorique de Searle s'efforce de traverser plusieurs tendances, théories, courants et écoles, (évolutionniste, fonctionnaliste, structuraliste, cognitiviste, philosophico- analytique, logique, etc.), rejoignant certains et s'opposant de plusieurs côtés à d'autres courants tels que le  structuro- fonctionnalisme d'Emile Durkheim, le structuralisme de Claude Lévi-Strauss, le behaviorisme de Willard Van Orman Quine, etc. A propos, pour Fabrice Clément et Laurence Kaufmann, « Searle (...) se rapproche d'une perspective fonctionnaliste ».883(*)

John Searle que nous avons pris comme réflecteur rejoint la mouvance actuelle en épistémologie des sciences sociales, d'autant plus que, la connaissance de l'environnement social a été diversement thématisé au cours de l'histoire des disciplines. Elle a oscillé entre trois statuts :

- Celui de l'obstacle épistémologique : ce que nous croyons savoir du social n'est qu'un ensemble des préjugés ou des « prénotions » ;

- Celui de l'objet d'étude : ce que les individus pensent de leur monde, à une époque donnée, dans une culture donnée, doit être étudié avec autant de minutie que les diverses traces objectives disponibles ;

- Celui du fondement : la connaissance « ordinaire » est ce sur quoi s'enracine toute possibilité de compréhension du social. C'est cette dernière voie qui aujourd'hui semble bien l'emporter. 884(*)

Le programme de John Searle endosse l'unité des sciences comme « hypothèse de travail » : les sciences sociales se situent au sommet d'un édifice dont la base est la physique et les étages immédiatement inférieurs, la psychologie et la biologie. Ces différents programmes dits de « naturalisation » des sciences humaines et sociales adoptent implicitement ou explicitement l'unité des sciences comme « hypothèse de travail ».885(*) Une telle démarche exige de déterminer les relations entre les philosophies et les sciences sociales et humaines.

Quelle utilité pour ces efforts d'intégration épistémologique ? Tous ces efforts apparaissent à la suite du constructivisme social comme une remise à plat pour comprendre en profondeur la réalité sociale qui se dérobe à nos grilles de lecture traditionnelles. Notre lecture de Searle tente de mettre ce programme en exergue.

Le projet de John Searle est en effet programmatique, il comprend « les multiples dimensions de la réalité psychologique et sociale sans imposer une rupture, aussi bien horizontale - entre l'arrière-plan pré-intentionnel (les règles ou l'arrière-plan) et les états intentionnels -que verticales- entre les individus et les structures collectives. »886(*) Connexionnisme oblige, le programme est similaire à la grammaire élaborée par les sociologues qui décrit la manière dont les individus parviennent à gérer leur insertion dans le social.

En effet, John Searle a ceci d'intéressant qu'il combine la révolution linguistique et pragmatique en philosophie et le cognitivisme. Pour nous, tel que Searle présente le cognitivisme, il poursuit la critique du mentalisme et donc n'incarne peut être pas une révolution à proprement parler. La pragmatique de l'esprit est justement la théorie qui illustre l'effort de John Searle de transformer le statut des états Intentionnels pour les rendre conformes à celui des actes du langage. Cette transformation devait s'avérer importante pour les sciences sociales.

L'ambition de John Searle est bien plus grande ; il écrit en effet : « comme ces questions touchent, pourrait-on penser, à des problèmes de fondements pour les sciences sociales, on pourrait supposer qu'elles ont déjà été abordées et résolues par ces diverses sciences, et en particulier par les grands fondateurs des sciences sociales du XIX e siècle et du début du XXe siècle. Je ne suis certes pas expert en la matière, mais pour autant que je puisse en juger les questions que j'aborde dans ce livre n'ont pas reçu de réponse satisfaisante dans les sciences sociales. Nous devons beaucoup aux grands philosophes -sociologues des XIX e siècle et XXe siècle - songeons notamment à Weber, Simmel et Durkheim-, mais d'après l'impression que je retire de ma fréquentation de leurs travaux, ils n'étaient pas, me semble-t-il, en position de répondre aux questions qui me préoccupent, parce qu'ils ne disposaient pas pour cela des instruments nécessaires. En d'autres termes, et pour des raisons qui ne leur sont pas imputables, il leur manquait une théorie adéquate des actes de langage, des performatifs, de l'intentionnalité, de l'intentionnalité collective, du comportement régi par des règles, etc. ».887(*)

Searle maintient la structure des questions de nature englobante : « la théorie des actes de langage se présente en partie, dit-il, comme une tentative de réponse à la question suivante : comment passons-nous, dit-il, de la physique des énonciations à des actes de langage doués de signification, effectués par des sujets parlant et écrivant ? ».888(*)

Nous pouvons dire, à propos de la méthode que John Searle opère une double reconstruction, celle qui est historique, entendue comme une étape méthodologique qui « replace » des concepts ou une thèse ou encore leur restitution dans des traditions philosophiques ou scientifiques antérieures pour voir en quoi ils innovent. Nous pouvons dans le cas d'espèce parler des concepts ou des théories des actes de langage, de l'Intentionnalité, de l'Intentionnalité collective, des comportements réglés par des normes, de background, etc., dans la tradition scientifique des philosophes -sociologues fondateurs des sciences sociales tels que Emile Durkheim, Max Weber ou George Simmel. Ainsi, nous sommes- nous appesantis sur le fonctionnalisme d'Emile Durkheim et le structuralisme de Claude Lévi-Strauss, etc.

Nous pouvons voir comment Searle intègre le point de vue internaliste dans sa philosophie. John Searle n'hésite pas à revenir à la « philosophie de la conscience » longtemps transformée par sa révolution pragmatique dans la philosophie du langage. Toutefois, nous pouvons percevoir le fait avéré que ce n'est pas un courant homogène, il n'est pas un programme de recherche univoque.  Cette reconstruction se voulait analytique - au sens de la philosophie du langage dans sa phase pragmatique- et cognitive. C'est l'arrière-plan théorique. La construction de la réalité sociale analytique se démarque de la construction de la réalité sociale non analytique. Les deux approches partagent cependant, un point de départ commun : les sciences sociales et humaines réagissent aujourd'hui dans une mouvance théorique entendue comme remise à plat des théories sociales traditionnelles face à la profondeur de la réalité sociale souvent tronquée, toujours changeante et dynamique : la crise récurrente des gestions publiques, les mutations sociales et culturelles, etc.

Ainsi, sous le label de « constructivisme social » cette mouvance scientifico- philosophique renvoie ultimement au besoin de révisitation des grilles d'analyse et de lecture de la réalité sociale forgées en sciences sociales. Cette reconstruction englobe l'élaboration d'une ontologie sociale entendue comme une nouvelle réflexion sur le sens des concepts fondamentaux en sciences sociales et humaines et la relation qu'ils entretiennent entre eux et une construction d'un noyau conceptuel servant de fondement théorique général.

Un tel programme épistémologique tente de décongestionner l'affrontement des grands paradigmes à visée totalisante, la profusion des hybrides théoriques et l'hermétisme des écoles rivales, en remettant en cause les sciences sociales et humaines qui, faute d'un minimum de consensus conceptuel, multiplient les terminologies et les niveaux de description. L'abondance conceptuelle va à l'encontre du principe analytique de parcimonie, le fameux « rasoir d'Occam » selon lequel il ne faut pas élaborer inutilement de nouveaux concepts pour expliquer des phénomènes si ceux -ci peuvent être ramenés à des entités dont l'existence est avérée. Une telle « économie » conceptuelle a l'avantage de permettre le rapprochement de phénomènes apparemment incommensurables au sein d'une même armature logique et de discriminer précisément les entités qui sont susceptibles d'avoir une portée explicative.

* 883 Fabrice CLEMENT et Laurence KAUFFMAN, Le monde selon Searle, Cerf, 2005, Paris, p.90.

* 884 Jean-Michel BERTHELOT, «  Programmes, paradigmes, disciplines », p.13.

* 885Voir Ruwen OGIEN, « Philosophie des sciences sociales », p.525.

* 886 Fabrice CLEMENT et Laurence KAUFMANN, « Esquisse d'une ontologie des faits sociaux, la posologie proposée par John Searle », p.158.

* 887 John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.10.

* 888Ibidem, p.9.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand