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La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique

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par Jean Barnabé MILALA LUNGALA
Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009
  

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De la question des sciences sociales à la notion de « réalité sociale »

Sur la relativité des connaissances historiques par exemple, Michel Paty part de « deux manières de décrire les connaissances du passé, (qui) nous montre la relativité des points de vue et comment notre appréciation des connaissances est dépendante de l'histoire ».265(*) Certains, comme Gérard Fourez insistent sur une conception selon laquelle l'objectivité des sciences est presqu'absolue. A la limite il n'y aurait qu'une seule bonne science, une seule bonne informatique, pédagogie, etc.

La question de relativité de connaissance et celui du relativisme culturel se trouvent ici liée. Le culturalisme est une perspective qui souligne comment chaque culture voit le monde selon son point de vue. De là vient, facilement le slogan : « A chaque culture sa vérité  » à l'opposé, les « anti-culturalistes » soutiennent qu'il n'y a qu'une vérité et qu'elle transcende les cultures. »266(*) (Ainsi), la thématique du relativisme épistémologique a pu se lier à celle du relativisme culturel. »267(*)

On peut même dire du point de vue de la philosophie politique de cela découle trois positions : les communautariens ou les culturalistes, les mondialistes et la position médiane. La question touche ici la question des frontières étatiques et des frontières cognitives. Pour le communautairien comme Walzer « le particularisme est indépassable et doit être accepté »,268(*) entendez le tribalisme, l'Etat-Nation,etc. « Le tribalisme désigne l'attachement des individus et des groupes à leur propre histoire et leur identité, et cet attachement (irréductible à l'une de ses manifestations particulières) constitue un trait permanent de la société humaine ». La mise en valeur des culturalistes « travaille à partir des croyances de leur communauté respective - le monde demeurant un monde composé de « tribus », de groupes ethniques distincts, souvent antagoniques. Ainsi « le code des valeurs et des principes « culturellement homogène et hautement signifiant », « élaboré »par chaque société -ne peut être que celle d'une société particulière ; « les sociétés sont nécessairement particulières parce qu'elles ont des membres ... et des souvenirs de leur vie commune », tandis que, « l'humanité a des membres mais point de mémoire, et ainsi ni histoire ni culture ...aucune compréhension partagée des biens sociaux ».269(*) Et aussi « le marché mondial ne fait pas une histoire » notait J.-Lyotard.270(*)

Au demeurant, une « tension (...) existe entre les individus et les « peuples »qui entrave une telle tentative (de position intermédiaire) est aussi à la racine de la querelle entre les communautairiens qui insistent sur le caractère unique des valeurs et de la culture de chaque société et considèrent « comme également valide les croyances et les usages de toutes les sous -communautés reconnues ». Ainsi, « Walzer apparaît comme un universaliste hautement « minimaliste » : la moralité « épaisse »de chaque société n'est ni basée sur, ni dérivée de la moralité « fine »des principes universels ; la seconde « n'est guère qu'un morceau »de la première ».271(*)

Le culturalisme moderne revient à l'idée du respect de chaque culture. « La notion d'expression (expressivité) ajoute, entre autres, une innovation importante : l'idée que chaque culture, de même que chaque individu qu'elle englobe, possède une « forme »qui lui est propre et qui doit être réalisée ; qui plus est, cette forme est inamovible, aucune autre ne peut ni s'y substituer ni en mettre au jour les ressorts profonds ».272(*)

Les frontières d'Etat tendent à être rejetées comme étant arbitraires et dénuées de valeur morale par les « mondialistes »à l'image de Martha Nussbaum. Les « universalistes (...) mettent l'accent sur la nécessité de protéger partout les droits de l'homme ».273(*) La position culturaliste qui « met en évidence la signification et l'importance morales des frontières étatiques. Celles-ci comptent aux yeux des communautairiens (Miche Walzer et Charles Taylor notamment), comme aux yeux de tous ceux pour lesquels les peuples et les Etats sont les entités fondamentales ».274(*)

Pour revenir au nominalisme /constructivisme, selon Arnaud Schmit,  « Rorty pousse le raisonnement entamé par l'idéalisme allemand jusqu'au bout, à savoir que notre appréhension du monde correspond plus à un processus mental (et donc subordonné à une étape intermédiaire) qu'à une connaissance immédiate et innée du réel. (...) Toute épistémologie est nominaliste, que notre perception du monde est donc avant tout linguistique : « all awareness is a linguistic affair » ».275(*) Les formes a priori du langage sont à la base de la connaissance du monde social. Ainsi, « dire que chaque communauté a une vision du monde qui lui est propre est donc à prendre au sens littéral. Notre société, notre interprétation des nombreux stimuli qui nous assaillent perpétuellement, sont le fruit de ce que Rorty appelle « acculturation » ; c'est bien évidemment aussi le cas pour tout ce qui est relatif à notre bagage éthique. John Searle, en partant de ce préalable, a développé le concept de « background».

Nous allons, pour bien cerner la question, comme cela se fait à propos de ce grand débat théorique qui est encore loin d'être tranché, revenir à la doctrine du réalisme. Nous verrons comment cette question est passée de la philosophie de connaissance à la philosophie de l'action. Cet essai se donne comme objet, entre autre l'élucidation épistémologique qui consiste à remonter à la définition de concept de « réalité », qui par ailleurs est un des principaux concepts en philosophie : qu'est-ce que c'est ? En fait la naissance des sciences sociales classiques plonge ses racines en philosophie, elle ne s'en est pas suffisamment sorti. C'est le Réel social qui est au centre de reconstruction.

Pour illustrer la complexité de la question, nous dirons que la thèse pragmatico - cognitive actuelle, une des thèses la plus avancée qui se situe dans la ligne constructiviste non anti- réaliste et non relativiste. Le « constructionnisme social » peut donc être justement non relativiste. En fait le développement du sujet débouche comme on va le voir sur la préoccupation de fonder la rationalité occidentale qui construit les sciences sociales sous la menace de l'anti- relativisme. Il y a donc ici deux notions supplémentaires à éclairer : le réalisme et le relativisme.

Plus techniquement parlant, la question est celle-ci : la réalité vue à travers les formes a priori du langage scientifique est -elle univoque ? Notons déjà que le relativisme épistémologique qui est supposé dans le débat ne postule pas qu'il n'y ait pas d'autres représentations de la réalité en dehors de celles que nous avons, celles qui sont dominantes.

La position de Searle sur la relativité conceptuelle se cristallise sur la question de la possibilité d'affirmer la vérité de deux ou plusieurs énoncés différents sur la même réalité ; quel est le statut épistémologique de ces énoncés, peuvent -ils vrais à la fois ? Pour Searle « les énoncés vrais sur le monde peuvent être simultanément affirmés de manière consistante...mais nous sommes toujours confrontés aux problèmes... de l'idéalisation ».276(*)

Le constructionnisme est informé par une théorie ou un 'schème conceptuel' qui vise à mettre à jour les structures non immédiatement données ou « visibles » du phénomène social étudié, il n `invente' pas la réalité ou le fait. Le cadre de référence n'est autre chose qu'un schème conceptuel ou un paradigme. Pourtant « si l'on accepte la thèse du cadre de référence la vérité varie d'un cadre à l'autre ».277(*) Il s'agit « des différents `schèmes conceptuels' (qui) peuvent tenter de rendre compte au mieux d'une réalité existante en dehors des représentations que nous nous en faisons »d'un peuple à l'autre, d'une communauté scientifique à l'autre.278(*)

En fait ,les choses ne sont pas si aisées qu'on le pense, il y a des paradoxes inhérents au relativisme, « si toute position théorique n'est que l'effet d'une situation ou d'un contexte social déterminé, et ne peut prétendre dès lors à l'université et à l'objectivité, le relativisme lui-même ne peut prétendre à aucune validité »279(*).  Cet aspect logique du débat a donné lieu à de nombreux échanges, notamment aux Etats-Unis et en Angleterre, où la sociologie de la science a rapidement eu un écho dépassant le seul cadre de ses investigations.

Au demeurant, une des questions cruciale est que le relativisme reste « une impasse, plus que cela, un abîme ».280(*) (Il faut chercher ) comment en sortir ? Le relativisme est un danger à tous points de vue. Comment l'éviter ? ».281(*) Il faut une thèse qui remplace selon Guy Bois « l'intolérance et le relativisme (qui) étaient (les) seules parades  ? D'où la montée en puissance d'une posture (je n'ose dire d'une épistémologie) postmédiévale ressemblant étrangement à la posture « postmoderne » d'aujourd'hui ».282(*) Tout cela parce que «  la méthode cartésienne ne peut (et ne pouvait) nous tirer de l'abîme du relativisme, ni nous met à l'abri des dangers que le relativisme fait courir à la pensée contemporaine. Elle nous expose plutôt à ces périls de l'heure présente, et elle nous conduit à cet abîme ».283(*) D'autres chercheurs prônent plutôt le « retour à la réalité », qui se veut une révolution pour autant que nous puissions dire contre René Descartes que la réalité a été vue sous le prisme de la méthode. Nous avons trop vu le monde sous le prisme des conventions et des catégories.

Le choc entre l'universel démasqué (comme relatif) et la concrétude des contextes (tout aussi relatif) se répercute à tous les niveaux de la culture. Le relativisme de culture devient la conséquence du pluralisme culturel.   Ainsi nait la guerre de culture ,« sous une forme radicale ,ce sont toutes les références idéologiques et culturelles de la civilisation occidentale renvoyant à l'idée d'une humanité universelle qui sont discréditées ,comme idéaux fondateurs des régimes politiques(individualisme libéral ,droits de l'homme et du citoyens) ou les différentes composantes de la notion de Haute Culture (au sens des grandes oeuvres de l'esprit humain :littérature, art ,science).Ces références sont en effet dénoncées comme couverture idéologique de la domination exercée sur les minorités et les dominés de toutes natures. En conséquence, il s'agit de défendre l'idée d'une culture spécifique associée à chaque sexe comme à chaque « ethnie », devant être valorisé pour elle-même et dont la littérature, l'art, la conception de la connaissance doivent être enseignés au même titre que ceux qui ont constitué jusque-là le « canon » dominant ».284(*)

* 265 Michel PATY, La physique du XX è siècle, EDP Sciences, Paris, 2003, p.5.

* 266Ibidem.

* 267 Jean Michel BERTHELOT, Sociologie : Epistémologie d'une discipline ; Textes fondamentaux, Puf ,2000, Paris ,p.388.

* 268Ibidem , p.134.

* 269Ibidem, p.133.

* 270 Cité par Jean De MUNCK, L'institution sociale de l'esprit, p.3.

* 271Ibidem , p.134.

* 272 Charles TAYLOR, Hegel et la société moderne, Cerf, 1998, p. X.

* 273 Stanley HOFFMANN, « Mondes idéaux », dans John RAWLS, Le droit des gens, Ed. Esprit, Paris, 1996, p.132.

* 274 Stanley HOFFMANN, art.cit., p.132.

* 275Arnaud SCHMIT, « Les communautés ethnocentriques, selon Richard Rorty », in YC GRANDJEAT (Dir.) , Le sens de la communauté dans les sociétés, les littératures et les arts d'Amérique du Nord, Annales du CLAN n°30, Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, Pessac ,2006, p.229.

* 276 John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.212.

* 277Ibidem.

* 278Blandine DESTREMAU, Agnès DEBOULET, François IRETON, op.cit.,38.

* 279 Gérard FOUREZ, La construction des sciences : les logiques des inventions scientifiques, 2001, De Boeck Université, Bruxelles, p.368.

* 280Ibidem, p.375.

* 281Ibidem, p.375.

* 282 Guy BOIS, La grande dépression médiévale : ce précédent d'une crise systémique, Puf, Paris, 2000, p.173.

* 283 Saint MAXIMIN, « Revue doctrinale de la théologie et de philolophie »,inRevue thomiste de Saint Maximin(France), Ecole de Théologie pour les missions, (Toulouse ,France), Desclée,1914 ,p.376.

* 284Ibidem, p.81.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand