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La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique

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par Jean Barnabé MILALA LUNGALA
Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009
  

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La problématique de l' « épistémologie sociale »

La construction sociale est sous-tendue « par deux thèses, une thèse épistémologique d'abord et une thèse ontologique ensuite ».366(*) Rappelons que pour nous le constructivisme est le fait que c'est la théorie de l'action qui rejoint la théorie de connaissance. L'épistémologie sociale ou sinon sous une autre étiquette l'activité intellectuelle que nous étudions peut être définie comme « l'étude de la connaissance qui en souligne les dimensions sociales ».367(*) D'emblée en parcourant les principaux chercheurs qui travaillent dans le domaine, un consensus peut être dégagé sur le sens du mot connaissance :

1) Connaissance = croyance

2) Connaissance = croyance institutionnalisée

3) Connaissance = croyance vraie

4) Connaissance = croyance vraie et justifiée (et d'autres plus).368(*)

L'épistémologie ainsi entendue implique sans doute aussi une étude des causes de la croyance. Signalons déjà que, sous cet angle, il doit y avoir une partie de l'épistémologie qui n'est pas sociale. « Il existe après tout des mécanismes psychologiques qui sont causes de la croyance et qui n'impliquent aucun élément social ou interpersonnel, ce sont les équipements biologiques tels que les mécanismes perceptifs et mémoriels, ainsi que les mécanismes de calcul et d'inférence rudimentaire ».369(*)

En somme la question est complexe parce que l'épistémologie sociale est une analyse de la dimension sociale de la connaissance qui implique des aspects non sociaux. Ce paradoxe est au centre de mode explicatif des sciences sociales. Son point de départ est la constat que bien des phénomènes ne nous sont connus que par l'intermédiaire des autres et donc que la connaissance a non seulement des sources directes, celles auxquelles le sujet a accès, mais aussi des sources indirectes reposant sur la confiance ou sur l'autorité accordée à autrui. Ses préoccupations principales concernent tout ce qui a trait à la dimension sociale de la connaissance : sa construction, au cours d'interactions, de justifications recevables ou acceptables. De plus elle reprend des questions qui étaient au coeur de la théorie durkheimienne des croyances collectives, ou l'idée d'un sujet collectif du savoir, etc.

L'épistémologie sociale « est une branche de l'épistémologie naturalisée qui cherche à déterminer l'influence spécifique des facteurs sociaux sur la production de la connaissance ».370(*) Elle contient en son sein l'épistémologie féministe qui « peut être regardée comme branche de l'épistémologie sociale qui examine l'influence des conceptions et des normes socialement construites de sexes et les intérêts et expériences propres à chaque sexe sur la production de connaissance ».371(*) C'est dans cette ligne que nous proposons la critique des schèmes conceptuels des sciences sociales en Afrique, une sorte d' « épistémologie esclavagiste et coloniale »qui continue.

L'enjeu central repose sur la critique de la connaissance en tant que croyance justifiée et rationnelle : «  une habitude de connaissance est rationnelle pour autant qu'elle favorise (...) des réflexions critiques sur soi et qu'elle y répond en vérifiant ou en neutralisant les mécanismes de formation de croyances peu fiables, et en cautionnant ceux qui le sont ».372(*)

Quand nous classifions, « la sociologie de la connaissance, l'étude de la science et de la technologie, l'anthropologie culturelle, l'histoire intellectuelle et plusieurs disciplines font habituellement l'examen de la connaissance entendue au sens (1). Par contre « les philosophes épistémologues (...), en remontant jusqu'à Platon, soutiennent presqu' unanimement que la connaissance exige non seulement la vérité mais aussi que la croyance soit justifiée, garantie ou acquise d'une manière appropriée, par exemple grâce à l'usage de méthodes faibles ».373(*) Ici l'épistémologie de la connaissance met au centre la question de la vérité.

A quoi correspond le « social » dans l'épistémologie sociale ? « Dans les premières formulations de la sociologie de la connaissance, les « facteurs sociaux » désignaient principalement divers types d'intérêts : les intérêts de classe, les intérêts politiques ou les intérêts de tout autre chose ayant à voir avec le monde « réel » ou « existant » du pouvoir et de la politique »374(*).  Ainsi « des pionniers de la sociologie de connaissance et de la science tels que Karl Mannheim (1936) et Robert Merton (1973) niaient que la science (au moins la science physique) soit influencée par des facteurs sociaux »375(*). « L'école d'Edimbourg et le « programme fort » en sociologie des sciences de dire même que la science physique est contaminée par des facteurs sociaux. Dans les deux cas les « facteurs sociaux » désignent cependant des intérêts ou des tendances reliés aux classes sociales, à la politique ou (...) autres ».376(*)

Finalement, du point de vue philosophique « les facteurs sociaux produisent réellement de différences systématiques au niveau des valeurs de vérité des croyances produites ».377(*) Cette conception épistémologique est qualifiée d' « épistémologie sociale » en tant qu'elle s'oppose à une conception classique de l'épistémologie qui porte un présupposé individualiste. « L'épistémologie sociale devrait...insister sur les entités collectives conçues comme sujets connaissants. (Ainsi) un intérêt des sujets collectifs, y compris les entités et les croyances, s'est développé ces dernières années, comme le suggèrent les articles et les livres de Gilbert(1989), Nelson(1993), Tuomela (1998), Searle (1995) et Kusch(2002). Ils partagent tous l'idée que les états d'esprit collectifs sont philosophiquement légitimes et que, si cela est exact, ils devraient trouver une place au sein de l'épistémologie sociale ».378(*)

Il faut souligner que « le point de vue de la construction sociale ... (est d'abord) une théorie de la connaissance (...) Le point de vue de la construction sociale propose une nouvelle manière d'envisager la nature de la science et de la réalité ».379(*) Allons plus loin  « En tant que théorie de connaissance, on peut aussi remonter le point de vue de la construction sociale à Socrate qui enseignait à ses étudiants que la connaissance est une perception. De plus il faut souligner l'apport de Thomas Kuhn dans la diffusion de ce point de vue. En postulant que la recherche en physique évolue d'un paradigme (ensemble de croyances et de perception) à l'autre ».380(*) Selon Dominique David, « la thèse toute simple du constructivisme est que les idées et les normes amènent la réalité et non l'inverse, accordant ainsi une place prépondérante aux compréhensions et aux représentations que les agents sociaux se font du monde ».381(*)

* 366 Christian NADEAU, La philosophie de l'histoire : hommages offerts à Maurice Lagueux, Université de Laval, Saint -Foy, Québec, 2007, p.282.

* 367 Gloria ORIGGINI« croyance, déférence et témoignage  » dans Elisabeth PECHERIE, Joëlle PROUST(Dir.),La philosophie cognitive, Fondation de la maison de la science de l'homme, Orphrys, Paris, p.144.

* 368Ibidem.

* 369 Elisabeth PECHERIE, Joëlle PROUST (Dir.), La philosophie cognitive, Fondation de la maison de la science de l'homme, Orphrys, Paris, p.147.

* 370 Gloria ORIGGINI, art.cit.,  p.158.

* 371Ibidem.

* 372Ibidem.

* 373 Elisabeth PECHERIE, Joëlle PROUST (Dir.),op.cit .,p.145.

* 374Ibidem, p.152.

* 375Ibidem.

* 376Ibidem.

* 377Ibidem, p.148.

* 378Elisabeth PECHERIE, Joëlle PROUST (Dir.),op.cit .,p.156.

* 379 Linda ROULEAU, Théories des organisations : approches classiques, Presses Universitaires de Québec, Québec, 2007, p.161.

* 380Ibidem, p.162.

* 381 Barthélemy COURMONT, L'empire blessé : Washington à l'épreuve de l'asymétrie, P.U.M, Montréal, 2001 p.77.

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