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La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique

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par Jean Barnabé MILALA LUNGALA
Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009
  

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Leçons à retenir

Sylvie Mesure et de Patrick Savidan dans le Dictionnaire des sciences humaines, pensent que l'enjeu du retour à la philosophie aujourd'hui, envahit toutes les sciences sociales, à cause du fait que la réalité sociale se transforme en profondeur, et résiste toujours davantage à nos grille d'analyse traditionnelles et rend ainsi opaques des univers que l'on croyait jusque là familiers 384(*), de cela chacun ressent intimement le besoin de faire à nouveau le point sur ce que nous avons de l'être humain et de la société.

Cette tâche tente de relever le défi de la compréhension du temps présent des différentes sciences humaines : anthropologie, sociologie, psychologie, psychanalyse, droit, économie, linguistique, histoire, géographie.385(*) C'est donc une remise à plat des nos grilles de lecture courantes de la réalité sociale.

Nous relativisons, à propos de l'épistémologie non naturaliste de type conventionniste de la construction de la réalité sociale. Parce qu'à propos du constructivisme la construction de la réalité est aussi consécutive à la perte de sens collectif.

Il s'agit des choix a priori du programme épistémologie millénariste. L'approche pragmatique et cognitiviste contemporaine ne déconstruit pas ce programme épistémologique millénariste, il le reconstruit au point de départ de l'Afrique antique.

Disons que Karl Marx a boosté le constructiviste en tant que théorie de l'action, il voulait dire au monde des exploités que les événements et les choses sociales sont historiques et non naturelles. Un auteur comme John Searle est redevable à Marx à plusieurs titres, il est entré dans notre stratégie argumentative, il nous a servi de balise et de cadre pour montrer le niveau le plus élevé de sa reconstruction philosophique actuelle. Le nom de Searle est repris constamment dans notre travail, il n'a cessé de revenir.

En fait, cet auteur est philosophe analytique et aujourd'hui il travaille dans ce qu'il appelle la philosophie de l'esprit ,le cognitiviste. Il est de l'Université California Berkeley des Etats-Unis d'Amérique ; sa pensée nous a prêté un dispositif essentiel dans notre stratégie argumentative. Son importance est qu'il retourne théoriquement aux sciences sociales classiques et aux fondateurs pour remonter jusqu'à aujourd'hui.

Le Professeur John Searle traverse, dans l'optique analytique et cognitiviste tous ou presque tous les grands débats philosophique et scientifique contemporains inhérents. Il nous a servi d'accompagnateur pour visiter critiquement certains de ces grands débats qui ont trait à la « réalité sociale » qu'il aborde sérieusement depuis 1995. Il nous a servi en fait de partenaire de discussion sinon de réflecteur.

Du point de vue de la question de la décolonisation intellectuelle, pour dépasser le langage de la philosophie moderne qui présuppose la colonialité, il nous a fallu un auteur analytique qui se situe dans la continuité de cette ligne et qui aborde notre problématique directement ou indirectement. Il se fait que John Searle se situe dans cette ligne, il oeuvre dans la pragmatique prise ici au sens des théories de signification à la suite de la tradition américaine de Charles Sanders Pierce (de sa sémiotique et de son naturalisme) ou plus immédiatement à la suite de John Austin. Nous devons dire que John Searle nous a servi ainsi à cette fin et nous a servi également comme pierre de touche de l'approche de la construction analytique et cognitiviste de la réalité sociale.

Nous sommes partis des reconstructions théoriques que nous supposons les plus « avancées » aujourd'hui , en tant que paradigme dominant, puis en descendant vers les théories dont celles-là se démarquent et, en en situant le courant dans lequel les théories dites les plus avancées se trouvent.

Dans le cas d'espèce, la théorie pragmatico-cognitiviste de la construction de la réalité sociale se démarque des philosophes- sociologues fondateurs des sciences sociales, i.e., de la sociologie classique, et se situe elle-même dans la révolution sémiotique de Peirce (qui anticipe la révolution linguistique et pragmatique de Ludwig Wittgenstein) ,qui est construite sur des relations cosmologiques et logique de priméité , de secondéité et de tierceité. Toutefois, sont restés des aspects eurocentriques que nous nous évertuons de relever.

L'approche pragmatico- intentionnaliste de Jürgen Habermas et de John Searle s'est emparée décidément aujourd'hui de la question principale de fondement de l'existence du « monde social » à travers la reconstruction des conditions de sa constitution.

Searle s'oppose à toute forme de constructivisme antiréaliste : il refuse les deux options ontologiques exclusives pour éviter selon le cas les conséquences désastreuses du relativisme et du réalisme naïf qui, en sciences sociales constitue une menace aux principes de la rationalité et à l'objectivité. Searle présente une approche particulière du réalisme à partir de la philosophie du langage qu'il prolonge en tant que philosophie des états mentaux.

Pour l'approche pragmatico- intentionnaliste de John Searle, l'ontologie des faits sociaux appelle l'ontologie objective de la réalité. Nous dirons en d'autres termes que la réalité extérieure perceptible est une réalité ontologique objective indépendante d'une réalité ontologique subjective et sociale. L'approche pragmatico- intentionnaliste nous offre une conception « originale ».

Réfléchissant sur les Temps modernes, Searle se demande pourquoi   nous sommes terrorisés à l'idée de retomber dans le dualisme cartésien. Le problème, c'est que la conception cartésienne du physique, la conception de la réalité physique comme res extensa n'est tout simplement pas adéquate pour décrire les faits qui correspondent aux énoncés portant sur la réalité physique.

John Searle donne à l'appui un exemple : si vous réfléchissez aux problèmes de la balance de paiement, à des phrases agrammaticales, à mon aptitude au ski, au gouvernement de l'Etat de Californie, vous avez moins envie de penser que tout doit entrer dans la catégorie soit mentale, soit physique.  La terminologie s'élaborerait autour d'une fausse opposition entre le « physique » et le « mental ». Nous pouvons le dire d'emblée, Searle développe ici l'autonomie des sciences sociales comme ayant une ontologie propre par rapport aux sciences physico-mathématiques.

L'approche pragmatico- intentionnaliste utilise une réflexion analytique en prenant les exemples de la compréhension du sens littéral des phrases. Le contenu sémantique des énoncés ne suffit pas en lui-même ; il faut un Arrière-plan, que Searle désigne spécifiquement comme des schèmes conceptuels pour donner tout leur sens aux choses. Nous disposons des phrases comme : le Président a ouvert la séance, l'artillerie a ouvert le feu, Pierre a ouvert un restaurant. Supposons qu'à l'ordre « Ouvrez la porte » je me mette à faire des incisions dans la porte avec un bistouri, ai-je ouvert la porte ? Autrement dit, ai-je obéi littéralement à l'ordre littéral « Ouvrez la porte » ? L'énonciation littérale de la phrase « Ouvrez la porte » exige, pour être comprise, quelque chose de plus que le contenu sémantique des expressions qui la composent et les règles de leur combinaison en phrase. Comprendre c'est autre chose que saisir un sens, ce que l'on comprend va au-delà du sens.

L'Arrière-plan est en définitive une pré-condition de la représentation linguistique ou mentale.  Searle s'autorise de passer des énoncés linguistiques aux états mentaux qui sont tout aussi représentationnels, tels que la croyance, le désir, l'intention, etc. Ceci est pour lui révolutionnaire parce qu'il redécouvre les états mentaux bannis par sa révolution pragmatique antérieure. Chaque phrase de la liste est comprise avec un réseau d'états intentionnels et sur fond d'un Arrière-plan des capacités et des pratiques sociales. Aussi, si la représentation requiert un Arrière-plan, n'est-il pas possible que l'Arrière-plan consiste lui-même en représentations sans engendrer une régression à l'infini.  Le réalisme et le concept d'Arrière-plan jouent justement un rôle important pour les fondements des sciences sociales et pour l'explication des phénomènes sociaux.

L'approche pragmatico - intentionnaliste de John Searle n'adhère que partiellement à la position conventionnaliste et constructiviste par sa théorie de la construction de la réalité sociale, il défend le point de vue d'un réalisme particulier au moyen du concept central de l'Arrière-plan comme un ordre sous-jacent qui est mis à jour à travers une analyse du langage ordinaire.

La question, au demeurant, porte sur le présupposé essentiel de toute activité scientifique. Pour l'approche pragmatico- intentionnaliste justement,  le réalisme est un présupposé essentiel de toute philosophie sensée, pour ne pas dire de toute science. L'argument principal concerne justement le réalisme et le réalisme concerne l'Arrière-plan comme structure invisible de la réalité sociale et ayant un impact sur l'ontologie des faits sociaux et des instituions sociales. La position du problème comme chez Ruwen Ogien386(*)loge le réalisme dans les phénomènes sociaux. Pour Searle c'est un présupposé essentiel, disons que c'est un présupposé de l'Arrière-plan.

Searle aborde cette question qualifiée aussi de question de l'existence de la « réalité extérieure », pour montrer comment il serait tout simplement absurde que toute la réalité soit assujettie à nos représentations humaines, en dehors des conditions formelles d'intelligibilité.

L'approche pragmatico- intentionnaliste ne se contente pas de cette discussion ,il aborde les questions connexes de création, de maintien et de l'effondrement de la réalité sociale à partir des concepts centraux d'Arrière-plan, d'intentionnalité collective, les actes de la parole et de comportement régi par des règles et tente de nouer des liens théoriques avec des thèmes, des théories, des schèmes, des principes et des concepts des sciences sociales depuis les fondateurs des sciences sociales, philosophes et ,ou sociologues et autres spécialistes des sciences sociales.

La réalité sociale ne peut être saisie qu'à travers la représentation, soit linguistique soit mentale soit encore actionniste. Autrement dit, nous construisons le monde social au moyen des éléments minimaux qui commandent le mental, le langage et l'interaction. En fait, le concept de structures profondes désigne en général des systèmes de règles élémentaires qui justement commandent la connaissance, la parole et l'interaction. Ces règles sont des structures profondes auxquelles les individus dans leurs oeuvres culturelles observables obéissent intentionnellement ou pas. John Searle dans une visée intentionnaliste postule les règles constitutives (X compte comme Y dans un contexte : C par exemple ce papier compte pour de l'argent dans le contexte des transactions interbancaires autorisées par la Banque centrale congolaise), qu'il faut ajouter aux concepts d'Intentionnalité collective et celui de l'Arrière-plan. Searle joint donc à la question ontologique sus- nommée les phénomènes du langage et de la conscience.

La conception du « fait social » chez Searle se démarque de celle de plusieurs théoriciens en la matière, mais elle est plus proche de celle de Friedrich Hayek, en ce qu'elle postule l'imposition des fonctions sur la réalité physique (la réalité brute) au moyen des règles dites constitutives, de l'intentionnalité collective et de l'Arrière-plan. Nous pouvons dans certaines circonstances (dans la forêt par exemple) assigner des fonctions aux « chaises » par exemple à des morceaux d'arbres coupés et jetés à terre. Ces morceaux deviennent, par ce fait d'imposition de fonction, des phénomènes sociaux. John Searle développe donc une ontologie distincte.

Cependant, la vision pragmatico- intentionnaliste n'est pas exempte de contradictions. Sur la question de la définition de la « réalité sociale », les sciences sociales africaines doivent à juste titre être réévaluées et reformées. Une telle évolution épistémologique passe par une suppression dialectique opérationnelle de l'opposition ontologique simpliste et réductrice entre le réalisme et le constructivisme. C'est la grande leçon que l'on doit retenir de l'oeuvre grandiose de John Searle portant sur la construction anti-réaliste de la réalité sociale, et dont le principe est considéré dans la philosophie sociale contemporaine comme un réflecteur opératoire de réévaluation et de rénovation des sciences sociales. Toutefois, en Afrique, une vigilance agissante doit être exercée contre les écueils subtils de la théorie évolutionnaire naturel et sociale. Tel est l'objectif sous-jacent à notre investigation.

Il nous semble qu'il soit important d'évaluer les promesses de l'approche de constructivisme social aujourd'hui et montrer les assises théoriques de cette vision des sciences sociales. Nous devons découvrir le pourquoi de ce regain constructiviste à travers ses méandres profonds.

Dans ce chapitre, nous nous proposons donc de présenter l'origine, l'ampleur de champs d'application de l'approche dit constructivisme. Une telle préoccupation commence par présenter l'actualité, la définition, la présentation du fondement, de l'intérêt de l'approche de la construction de la réalité sociale, de son objet et de ses espoirs.

* 384 Voir Sylvie MESURE, Patrick SAVIDAN (Dir.), Dictionnaire des sciences humaines, collections `Grands Dictionnaires',Puf, p.2006.

* 385Ibidem.

* 386 Ruwen OGIEN, « La philosophie des sciences sociales », in Jean-Michel BERTHELOT (Dir.), Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001, Paris, p.534.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe