UNIVERSITÉ JEAN MOULIN LYON 3 Faculté
de droit
Master 2 ( recherche )
DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ ET COMPARÉ
LES CAS DE DIVORCE
En droit comparé
Droit français / Droit égyptien
Mina ADEL ZAHER
Sous la direction de Monsieur le Doyen
Hugues FULCHIRON
Année universitaire
2006 - 2007
2
Remerciments
Premièrement, je remercie mon directeur de mémoire,
le doyen Hugues FULCHIRON qui a dirigé mon travail durant cette
année universitaire. Encore je lui remercie pour tous ses conseils qui
m'ont été utiles. De même, je remercie le directeur de ce
Master, Monsieur le professeur Cyril NOURISSAT pour ses conseils et ses
encouragements durant l'année.
- Sans leur encouragement continu, ce travail n'aurait jamais vu
le jour.
Je remercie tous les professeurs de la faculté de droit de
l'université de Lyon 3, qui m'ont enseigné cette année
dans ce Master.
Parmi les professeurs égyptiens qui m'ont aidé par
un grand nombre de documents importants et utiles à mon travail en arabe
et en français, je remercie Monsieur le doyen Hossam ELEHWANY pour tous
les documents précieux qu'il m'a fourni, notamment, les décisions
du tribunal administratif qui ne sont pas accessibles à tout le
monde.
Je n'oublie pas de remercier Monsieur Sami Awad ALDEEB de me
diriger vers son site internet qui est plein de documents importants.
Pour que je n'oublie personne, je remercie toute personne qui m'a
conseillé ou qui m'a aidé à l'accomplissement de ce
travail.
Lyon, France 13 Juillet 2007
3
SOMMAIRE
Introduction
Titre I : Un système influencé par la
religion face à un système laïc
Chapitre I : Genèse de deux systèmes de
racines différentes
Section I : L'Égypte, un pays religieux depuis
l'ère pharaonique
Section II : La France, du catholicisme à la
laïcisation
Chapitre II : Le choix entre l'unité et le
pluralisme
Section I : Plusieurs législations de statut
personnel en droit égyptien
Section II : Une loi française unique avec une
pluralité des cas de divorce
Titre II : Une influence croissante des droits
fondamentaux sur les cas de divorce
Chapitre I : Répudiation et droits
fondamentaux
Section I : En quoi la répudiation porte atteinte aux
droits fondamentaux ?
Section II : Le rejet de la répudiation pour sa
contrariété au principe d'égalité
Chapitre II : Un contexte spécifique des droits
fondamentaux
Section I : Une lecture originale du principe
d'égalité
Section II : La neutralisation de la répudiation
4
Avant-propos
Les cas de divorce ont un rôle très important en
droit comparé. En effet, les cas de divorce sont, en
réalité, le reflet d'un patrimoine culturel et historique
considérable.
Les cas de divorce forment aussi le résumé de
l'évolution d'une société. Il convient ici de mentionner
que les cas de divorce sont des moyens ( parmi d'autres ) de mettre fin au
contrat de mariage, ce qui prouve l'existence d'une relation forte entre le
mariage et le divorce. Il est très clair que la manière avec
laquelle on traite le mariage influe directement sur les cas de divorce et
réciproquement.
Si, par exemple, le lien conjugal est considéré
comme un lien indissoluble comme la conception catholique du mariage, les cas
de divorce ne peuvent pas exister. D'autres questions doivent être
posées: est-ce que le mariage est considéré comme un
contrat ou plutôt comme une institution? ; Est-il laïc ou religieux
? Le principe d'égalité est-il pris en compte ou pas ? etc...
C'est donc à ce stade qu'apparaissent les cas de divorce
qui expliquent comment le mariage est traité dans chaque système
juridique.
L'idée essentielle qu'il faut retenir est que la
manière avec laquelle on comprend le mariage, explique l'existence des
cas de divorce qui mettent fin à ce mariage.
La comparaison entre le système français et le
système égyptien est assez originale, mais compliquée :
originale, à cause de la ressemblance et les points communs qui
apparaissent entre deux systèmes différents, les cas de divorce
sont un exemple concret de ces points communs ; mais compliquée,
à cause de la divergence historique et culturelle qui influe sur les cas
de divorce.
« Le divorce divise un couple ; la question du divorce
peut diviser une nation. La nécessité du compromis est une des
nombreuses leçons que le Code civil de 1804 peut encore donner au
législateur de notre temps. »1
5
1 CARBONNIER, « La question du divorce »,
Mémoire à consulter, D., 1975, chron. 115, P. 122.
6
Introduction
On ne peut pas parler d'un divorce s'il n'y a pas eu un mariage
avant. L'idée du mariage a évolué selon les
siècles, mais elle garde toujours son contenu principal. «
À cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, il
s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un.
»2. L'idée du mariage est donc de lier deux
époux qui vivront ensemble le reste de leur vie.
Mais, pour des raisons personnelles, sociales ou
économiques, ce lien pourrait être menacé d'une rupture.
Cette menace de rupture provient d'un malentendu entre les époux. Il est
vrai que cette menace pourrait se réaliser. On parle ici donc d'une
dissolution du mariage, et plus clairement d'un divorce. On voit ici la
relation entre le mariage et le divorce. Effectivement, il existe des cas
où le divorce peut être demandé ou prononcé. Il est
évidemment impossible de répondre à la question des cas de
divorce sans répondre à la question de la nature du mariage.
Selon que l'on assigne le mariage une nature contractuelle ou institutionnelle,
la question du divorce se pose différemment. En outre, la nature
religieuse du mariage ( comme en droit égyptien ), même dans les
législations laïcisées ( comme en droit français ),
du fait du poids de l'histoire, fait du principe du divorce une question
politique3. La question revient à savoir si on veut
élargir ou restreindre le domaine du divorce. Chaque système
juridique a essayé de répondre à cette question d'une
manière différente de l'autre. En revanche, cette réponse
figure toujours dans les cas de divorce qui peuvent restreindre ou
élargir le domaine du divorce. Par exemple, selon certains
auteurs4, il existe « un droit au divorce », plus
concrètement, celui qui veut mettre fin au contrat de mariage aurait le
droit de rompre le lien conjugal, même s'il n'y a pas de faute à
reprocher à son conjoint et même si celui-ci s'y
oppose5. Il appartient donc au législateur de choisir les cas
de divorce qui lui paraissent convenables. Ce choix qui n'est pas neutre. Selon
que l'on est plus ou moins favorable à la liberté dans ce
domaine, on retiendra tel ou tel cas. Ce choix ne se limite ni à la
nature du divorce ( divorce remède, divorce sanction ou divorce constat
d'échec ) ni aux formalités suivies ( divorce administratif ou
judiciaire ). Mais ce choix s'étend à
2 Marc 10 : 7, 8.
3 J. HAUSER et Ph. D. SAINT-HILAIRE, Cas de divorce -
Généralités, JurisClasseur Civil Code, Art. 229, Fasc.
unique, P.4
4 ibid.
5 P. MALAURIE et H. FULCHIRON, La famille,
Defrénois, 2e éd., 2004, P. 213
7
déterminer les situations dans lesquelles le divorce
pourrait être demandé ou prononcé. Il s'agit de cas
ou des causes de divorce.
Certes, les deux termes n'ont pas la même signification. La
cause de divorce signifie que pour obtenir le divorce, il faut prouver un
élément susceptible de provoquer une réaction de cause
à effet. Cette cause peut être objective ou subjective,
c'est-à-dire elle peut être, soit une infraction aux obligations
du mariage, selon la définition classique de la faute, soit purement
objective6. L'expression de cas de divorce est plus
neutre. Elle évoque plutôt un simple classement procédural,
une sorte de nomenclature de cas d'ouverture7. Il s'agit d'un choix
entre deux termes qui n'ont pas la même signification, et chaque
système juridique fait son choix. Par exemple, le droit français
a remplacé les « causes de divorce » par des « cas de
divorce »8. En droit égyptien, chaque législation
confessionnelle a fait son choix séparément. Par exemple, la
législation des Coptes orthodoxes de 1938, qui a été
beaucoup influencé par le Code civil français à cette
époque, a mis en place des causes de divorce ( asbab al talak ).
La loi n° 100 de 1985, relative au statut personnel des musulmans,
n'a pas précisé son choix d'une manière expresse. En
revanche, une autre classification, qui est considérée plus
utile, a été mise en place. Cette classification fait la
distinction entre le divorce par répudiation (el talak ) et le
divorce judiciaire ( el tatlik ).
La question posée pour les causes et les cas pourrait
même être posée pour la notion de « divorce
». Effectivement, en droit français, le divorce est la
« rupture du lien conjugal prononcée par un jugement, soit sur
la requête conjointe des époux ( divorce par consentement mutuel
), soit en raison de l'absence de communauté de vie (
divorce-remède ), soit en raison de la faute commise par l'un des
conjoints ( divorce-
sanction) »9. En droit français,
il s'agit d'une dissolution du mariage prononcée par le juge. En
revanche, dans la législation musulmane de statut personnel en
Égypte, le divorce pourrait être prononcé par le mari ( en
cas de répudiation ) ou par le juge (comme en droit français). Le
droit égyptien admet donc le divorce judiciaire ( tatlik ), et
la répudiation ( talak ).
6 J. HAUSER et Ph. D. SAINT-HILAIRE, op. cit.,
P.9
7 ibid., P.10
8 Art. 229 Cciv.
9 S. GUINCHARD et G. MONTAGNIER (dir.), Lexique
des termes juridiques, 13e éd., 2001, Dalloz, P.210
8
Malgré la différence qui existe entre le droit
français et le droit musulman, la répudiation n'est pas loin du
divorce. Effectivement, le « Titre III » de la réforme
marocaine de 2004 parle du « Divorce sous contrôle
judiciaire ( talaq ) ». Le terme arabe a
été gardé, pourtant, le terme « répudiation
» a été remplacé par le terme
« divorce ». Pour mieux comprendre la position du droit
marocain, le « Titre IV » de la même réforme parle du
divorce judiciaire ( tatlik ) et le « Titre V » concerne le
divorce par consentement mutuel ou moyennant compensation ( khol' ).
Ainsi, la réforme marocaine a voulu faire du mot « divorce
» un terme général pour désigner la
répudiation et le khol'. À l'inverse, en
droit français, la séparation de corps ne peut pas être
considérée comme un « divorce ». Il s'agit d'un
« simple relâchement du lien conjugal, consistant
essentiellement dans la dispense du devoir de cohabitation ...
»10. Il ne s'agit pas d'une dissolution du
mariage11. En revanche, la séparation de corps pourrait
être convertie en divorce12.
On remarque ici que le droit français et le droit
égyptien ne sont pas identiques. En d'autres termes, ils n'ont pas fait
le même choix. Il y a plusieurs critères de comparaison qui
permettent de voir de prêt comment fonctionne chaque système. Le
système français consacre la pluralité de cas de divorce
avec une seule loi. Le système égyptien consacre la
pluralité des lois selon la religion commune des époux. En
réalité, cette dernière pluralité est à
l'origine de plusieurs problèmes en Égypte. C'est là que
le droit comparé intervient pour trouver d'autres solutions prises par
d'autres systèmes, notamment la solution française qui consacre
l'idée selon laquelle il n'existe qu'une seule loi de statut personnel
pour tous les individus quelle que soit la religion. L'existence de cette loi
unique en France oblige le mari musulman qui veut répudier sa femme de
retourner dans son pays d'origine et répudier sa femme en application de
la loi de son pays d'origine, puis il demande la reconnaissance en France de
l'acte ou du jugement de répudiation. Certes, la reconnaissance de la
répudiation en France pose un problème depuis quelques
années, surtout après les arrêts de la Cour de cassation de
2004 qui considèrent que la répudiation unilatérale n'est
pas conforme à la Convention européenne de sauvegarde des Droits
de l'Homme et des Libertés fondamentales et ses
10 ibid., P. 507
11 Art. 299 Cciv.
12 Art. 306 et 307 Cciv.
9
protocoles. On voit que même en droit international
privé français, la question du droit comparé se pose pour
que le juge français étudie comment le droit étranger
conçoit les droits fondamentaux en l'intégrant dans son contexte
spécifique d'une part et en fonction des cas de l'espèce d'autre
part. Le juge français devra donc étudier ce contexte pour
découvrir ce que le droit étranger apporte comme garanties pour
respecter les droits fondamentaux.
Il s'agit donc de deux problèmes essentiels : le premier
problème est celui de la laïcité du droit français et
le caractère religieux du droit égyptien. Le second
problème est relatif aux droits fondamentaux. Chacun de ces deux
systèmes a une conception spécifique des droits fondamentaux. Ces
deux problèmes ont influence non négligeable sur las cas de
divorce en général. Premièrement, il s'agit de la question
du choix entre la religion, et la laïcité et l'influence de ce
choix sur les cas de divorce ( I ) ; ensuite, l'influence des
droits fondamentaux sur les cas de divorce ( II ).
10
Titre I : Un système influencé par la
religion face à un système laïc
C'est l'évolution historique ( Chapitre I ) qui explique
la raison pour laquelle il existe une loi unique de statut personnel en France
et une pluralité des législations confessionnelles en
Égypte ( Chapitre II ).
Chapitre I : Genèse de deux systèmes de
racines différentes
Certes, les racines sont différentes. Le droit
égyptien est un droit qui a été influencé par la
religion ( section I ). En revanche, le droit français se dirige vers la
laïcisation ( Section II ).
Section I : L'Égypte, un pays religieux depuis
l'ère pharaonique
Contrairement au droit français, le droit égyptien
est considéré comme un droit religieux ou qui tient compte de la
religion dans certaines matières comme le statut personnel et ceci a un
effet direct sur les cas de divorce. C'est normal, on ne peut pas
négliger le rôle de la religion dans les pays orientaux et surtout
l'Égypte qui contient les deux universités religieuses les plus
importantes dans la région: la Faculté cléricale et al
Azhar.
La relation entre la religion et l'Égypte est très
ancienne. Cette relation commence à partir de l'étude de la
mythologie égyptienne, il ne faut pas oublier qu'Alexandre le Grand,
pour prendre le pouvoir en Égypte en 332 avant J.C., se proclamait comme
un Pharaon à Memphis en déclarant qu'il est le descendant du dieu
Amon.
Cette relation historique qui existait entre la religion et
l'Égypte, se renforçait au cours des siècles. L'empire
Ottoman en a pris conscience. Au départ, l'Empire Ottoman soutenait le
principe selon lequel les Chrétiens et les Juifs ont le droit de se
soumettre à leurs propres juges appliquant des lois différentes
de celles en vigueur chez les musulmans. Ce principe n'est pas propre à
l'Empire Ottoman, ce n'est qu'une application de l'un des principes du droit
musulman qui distingue entre les musulmans et les
11
dhimmis ( gens du livre ) ce sont les Chrétiens
et les Juifs de la région qui, en vertu d'un pacte appelé
pacte de zimma, obtiennent la liberté à exercer leur
propre religion, en contrepartie, ils doivent verser le tribut ( djiziya
) 13.
Avant 1975, période appelée par M. ELEHWANY,
l'anarchie judiciaire parce que plusieurs juridictions ont été
mises en place ce qui créait à l'époque un conflit de
juridictions interne entre les tribunaux chariés pour les
musulmans, les juridictions confessionnelles pour les non-musulmans, et les
juridictions consulaires capitulaires pour les étrangers.
En effet, les tanzimat du 3 novembre 1839
proclamés par le Sultan Abdel Mejid garantissait la liberté de
culte et aussi le principe d'égalité entre les musulmans et les
non-musulmans. Le khatt el Hamayouni14 était le
texte qui définissait le statut des non-musulmans qui vivaient dans
l'Empire Ottoman15.
Ensuite, plusieurs réformes ont eu lieu après la
création des tribunaux mixtes institués par Nobar Pacha ( Premier
ministre durant le règne du Khédive Ismaïl ) en 1875. Ces
tribunaux étaient compétents pour trancher les litiges entre les
Égyptiens et les étrangers d'une part, et entre étrangers
de différentes nationalités d'autre part, à cette date,
les juridictions étaient unifiées. Enfin, la loi n° 462 du
21 septembre 1955, qui a supprimé les tribunaux chariés
et les tribunaux confessionnels, a transmis leur compétence aux
juridictions nationales sans toucher aux lois qu'elles appliquaient.
Il ne faut pas oublier que ces différentes lois ne
régissent que le statut personnel des Chrétiens et des Juifs,
puisque ce sont les seules religions reconnues par l'État. Là, la
question demeure compliquée, car il n'y a pas une seule loi pour tous
les Chrétiens en Égypte ( de même pour les Juifs ), chaque
communauté et chaque confession a son propre corps de règles qui
régit le statut personnel de ses fidèles. Mais il faut
souligner
13 A. HISHAM, L'appréhension judiciaire des
questions familiales dans un système multi-confessionnel, S.I.,
1992, P.38, s
14 Rendu à la suite du congrès de Paris
en 1856.
15 S. A. ALDEEB, « Rôle de la religion
dans l'harmonisation du droit des pays arabes », R.I.D.C. 2-2007,
P.271, s.
12
que les Coptes16 forment la majorité des
non-musulmans puisqu'ils forment la population originaire de l'Égypte.
En outre, la majorité des Coptes sont orthodoxes qui est une
Église non-chalcédonienne qui est soumise au Pape Chenouda
III17.
* Les communautés juives reconnues en Égypte
sont : les Karaïtes, et les Rabbinistes.
* Pour les Chrétiens :
- La communauté Orthodoxe, ils se
subdivisent en quatre confessions: les coptes (d'origine égyptienne),
les Grecs, les Arméniens, et les Syriaques
- La communauté Catholique: ( sept
confessions ) : les Coptes, les Romains, les Arméniens, les Syriaques,
les Maronites, les Chaldéens, les Latins.
- La communauté Protestante est
considérée comme une seule communauté par décret du
1er mars 1902, ce qui signifie que les confessions protestantes
n'ont pas de personnalité juridique reconnue par l'État.
Ce sont les seules confessions reconnues par le droit
égyptien. Chacune de ces confessions a son propre droit de statut
personnel ce qui crée une sorte de conflit de lois interne.
On peut déduire de cette liste que la religion
chrétienne et la religion juive sont considérées par le
droit musulman comme des religions célestes. Les autres religions
(considérées comme non-célestes) ou les athées ne
sont pas reconnus par l'État, par conséquent, aucune loi
spécifique pour le statut personnel existe pour eux, ce qui rend le
droit musulman applicable dans ce cas puisqu'il forme le droit commun en
matière de statut personnel.
Ce qui rend le droit musulman un droit original en matière
de statut personnel, ce n'est pas qu'il est un droit religieux. On a vu que le
droit français a été au départ une
16 Déformation arabe du mot grec
aiguptios, égyptien. Font remonter leur Église à
St Marc. Langue liturgique: dérivée de la langue parlée
à l'époque pharaonique, mais écrite en caractères
grecs. Église patriarcale distincte des patriarcats copte-catholique et
grec-orthodoxe d'Alexandrie. V.
http://www.quid.fr
17 Pape d'Alexandrie et patriarche de la
prédication de saint Marc ( Patriarche d'Alexandrie et de toute
l'Afrique).
13
application stricte de la religion à travers l'idée
du mariage indissoluble, en revanche, l'originalité du droit musulman
provient de l'idée d'intégration des législations
non-musulmanes pour qu'elles s'appliquent aux ressortissants non-musulmans.
La liberté des non-musulmans de se soumettre à leur
propre droit est un principe reconnu en droit musulman. Ce principe a
été intégré en droit égyptien. La
diversité religieuse se manifeste sur le plan juridique par la
diversité de la règle juridique applicable d'après la
religion des intéressés.
Ce principe établi par le droit musulman n'est pas sans
limites. En effet, les législations des non-musulmans sont applicables
si trois conditions sont réunies18:
1- L'unicité des parties au litige non seulement en
communauté, mais aussi en confession. En effet, il ne suffit pas par
exemple que les parties soient orthodoxes, mais il faut encore qu'elles soient
syriaques par exemple.
2- L'existence d'une juridiction communautaire reconnue par
l'État avant la loi n°462 de 1955 jouissant d'un privilège
juridictionnel sur ses membres.
3- La conformité de la règle applicable avec
l'ordre public égyptien.
Section II : La France, du catholicisme à la
laïcisation
Le système juridique français laïc contient
des règles de droit indépendantes de toute religion. La religion
n'est même pas prise en compte dans un système laïc. Cette
idée est difficilement comprise par les ressortissants d'États
religieux qui se trouvent en face d'une loi non conforme à aucune
religion d'une manière qu'elle s'est séparée de toute
influence religieuse.
En revanche, il ne faut pas négliger le rôle et
l'importance de la religion dans la tradition française ( qui est une
tradition catholique ), mais il ne faut pas négliger non plus le
rôle du droit romain.
18 article 6 de la loi n° 462 de 1955, cet
article a été remplacé par l'article 3 de la loi n° 1
de l'an 2000
14
À l'époque de l'Empire romain, ( à partir de
27 av. J. - C. ), les cas de divorce volontaires étaient très
nombreux. Ils pouvaient être répartis en deux catégories :
- Le divortium ( divorce ) par consentement mutuel
- La repudiatio qui est un divorce par volonté
unilatérale.
On voit qu'à cette période, le mariage était
caractérisé par un consensualisme absolu. Ceci influa directement
sur les cas de divorce qui ont un caractère consensuel, par
conséquent, le divorce était extrajudiciaire.
Ensuite, en 542 apr. J. - C., l'empereur Justinien a interdit le
divorce par simple consentement mutuel, et il a établi une liste des cas
de divorce bien précis qui autorisaient la répudiation ( comme
l'adultère, l'attentat à la vie d'un époux, la
présence des relations illicites entretenues par le mari au domicile
conjugal, la réduction en esclavage, l'absence qui fait présumer
le décès d'un époux, ... ). Après l'effondrement de
l'Empire romain, l'Église catholique a commencé petit à
petit, à imposer son propre droit. À l'époque du
Moyen-Âge, l'Église a mis en place la théorie du
mariage-sacrement et a affirmé le principe de l'indissolubilité
du mariage. Mais, l'indissolubilité du mariage a été
critiquée surtout par l'Humanisme et la Réforme. En effet, LUTHER
reconnaissait quatre cas de divorce ( l'adultère, l'impuissance, le
refus du devoir conjugal, et l'absence prolongée du mari laissant sa
femme sans ressources ). Quant à CALVIN, il n'admettait le divorce qu'en
cas d'adultère et l'abandon du domicile conjugal.
Au XVIIIe siècle, les philosophes
n'étaient pas d'accord sur la question. Par exemple, Voltaire, Diderot,
et Montesquieu étaient contre l'indissolubilité depuis 1770, en
revanche, d'autres philosophes comme Rousseau et Pothier étaient pour
l'indissolubilité.
Ensuite, le droit français a évolué pour
admettre le divorce par la loi du 20 septembre 1792. Cette loi a mis en place
trois cas de divorce principaux : le divorce par simple consentement mutuel
sans aucune intervention du juge, le divorce à la demande d'un
époux ( ou divorce sur simple allégation d'incompatibilité
d'humeur ), et le divorce pour des causes prévues dans la loi.
Napoléon, dans son code, a suivi la même démarche, mais, le
divorce a été exceptionnellement admis et dans des cas
très limités.
15
Plus concrètement, le Code civil a rejeté le
divorce pour incompatibilité d'humeur, il a gardé le divorce par
consentement mutuel mais la procédure a été alourdie ( le
divorce ne peut être invoqué ni dans les deux premières
années du mariage, ni après vingt ans de mariage ), en outre le
Code civil a réduit à trois les causes légales du divorce,
ce sont : l'adultère de la femme, l'entretien d'une concubine, il a
imposé le prononcé du divorce par le tribunal qui
vérifiait les allégations du demandeur d'une manière
contradictoire. Un retour à la suppression du divorce a eu lieu par le
biais de la loi du 8 mai 1816, date à laquelle le Catholicisme
était la religion de l'État a été suivie par une
loi du 27 juillet 1884 qui a été largement
interprétée en faveur du divorce ( par exemple, l'adultère
du mari a été considéré comme une cause du divorce
). A partir du XXe les lois sur le divorce deviennent de plus en
plus libérales. Il ne faut pas oublier que le 8 juillet 1938, la
collection copte du statut personnel a été élaborée
par le Conseil général copte19, les membres de ce
conseil se sont inspirés du droit français à cette
époque. Il faut préciser aussi que ces règles sont
contestées par les hommes de l'Église copte orthodoxe puisque les
cas de divorce qu'elles contiennent ne sont pas conformes aux instructions de
la Bible.
Le 2 avril 1941, prise par le gouvernement de Vichy, cette loi a
voulu diminuer le nombre du divorce en France, elle a commencé à
mettre en place des restrictions comme l'interdiction de divorcer dans les
trois ans qui suivent le mariage. Cette loi qui était une tentative,
ayant pour objet la limitation du domaine du divorce, a échoué
à cause de son inefficacité. En effet, une ordonnance a
abrogé l'indissolubilité triennale prévue par la loi de
Vichy, cette ordonnance date du 12 avril 1945.
Le 17 juillet 1975, une loi révolutionnaire a
été mise en place pour libéraliser le divorce en donnant
au juge un pouvoir d'appréciation. Les délais prévus en
cas de cessation de la vie commune étaient très longs, il faut
attendre six ans de séparation pour demander le divorce.
Enfin, par la loi du 26 mai 2004, la libération du divorce
a été confirmée, les délais sont réduits
à deux ans de séparation pour demander le divorce pour
altération
19 Aucun homme religieux était membre de ce
conseil.
16
définitive du lien conjugal. Le pouvoir
d'appréciation du juge a été largement limité dans
la nouvelle loi.
Il ne faut pas oublier que cette loi reflète
réellement la laïcité du système juridique
français qui s'est détaché de toute religion, et
même de l'ancienne tradition catholique.
Il paraît très clairement que cette loi n'a pas
été influencée par aucune religion, c'est l'affirmation de
laïcité, un droit général, laïc, uniforme, mais,
ne satisfait aucune religion.
Chapitre II : Le choix entre l'unité et le
pluralisme
C'est un choix très difficile à faire. Le droit
égyptien a fait le choix de la pluralité de législations
( Section I ). Tandis que le droit français a
consacré l'idée selon laquelle on a une loi unique avec une
pluralité des cas de divorce ( Section II ).
Section I : Plusieurs législations de statut
personnel en droit égyptien
Le fait que le droit musulman garantisse aux d'himmis
l'application de leur droits religieux en matière de statut
personnel peut subir quelques exceptions. En d'autres termes, ce principe n'est
pas absolu. Le principe selon lequel il faut appliquer aux non-musulmans leur
propre loi, ne constitue pas une règle interprétative.
Ceci peut paraître assez délicat, surtout pour des
questions concernant les cas de divorce comme la répudiation ou le
khul'. De même, il ne faut surtout pas oublier que le divorce
est un effet direct de la façon avec laquelle le mariage est
conçu. Pour les Coptes orthodoxes, par exemple, le mariage est purement
religieux. La cérémonie religieuse organisée par un
prêtre est une condition de validité du mariage. En effet,
l'article 15 de la collection de 1938 régissant les questions du statut
personnel pour les coptes orthodoxes énonce que « le mariage
est un sacrement, prouvé par un contrat qui lie un homme et une femme
par un lien solennel, conformément aux rites de l'Église copte
orthodoxe, et ayant pour objectif la formation d'une nouvelle famille ».
Cette définition
17
du mariage a pour conséquence l'existence des cas de
divorce qui se dirigeront dans cette voie. En d'autres termes, étant
donné que le mariage est considéré comme un lien
sacré, l'un ou les époux ne peut ( ou peuvent ) mettre fin au
mariage soit par accord mutuel, soit par la volonté unilatérale
d'un seul époux.
On peut donc comprendre que dans une situation où les
époux sont unis en communauté et en confession ( par exemple,
chacun des époux est grec orthodoxe ), la législation religieuse
s'applique en principe. C'est une application du principe selon lequel le juge
va juger « en fonction de ce qu'ils croient »20.
Le principe est que cette législation ne sera pas choquante pour
les époux, pour la simple raison qu'elle est normalement fondée
sur les principes de leur propre religion. Un respect général de
la religion est mis en place en matière de statut personnel.
Pourtant, la question n'est pas si idéale que l'on peut
imaginer. Ce système de multitude de législation a quand
même des inconvénients en droit égyptien qui empêche
parfois d'atteindre l'objectif voulu par le droit musulman.
Malgré tous les avantages qu'apporte le système
multiconfessionnel égyptien. Il contient quand même quelques
inconvénients. On pourrait dire que ce système ne fonctionne pas
en Égypte avec toute sa pertinence. Pourrait être
considéré comme très bonne solution, le fait qu'on
applique aux époux le droit relatif à leur religion en ce qui
concerne les cas de divorce. En revanche, et contrairement au droit
français, il n'y a pas de droit dont le contenu est libéré
de toute influence religieuse.
On pourrait dire que le droit français est un droit «
neutre ». En droit égyptien, il n' y a pas de droit neutre pour
qu'il forme « le droit commun » qui sera applicable si les conditions
requises pour l'application de la législation confessionnelle ne sont
pas remplies.
Par conséquent, il fallait trouver un droit religieux qui
sera le droit commun pour les cas de divorce, et puisque la religion de
l'État est l'islam et les principes du droit
20 Principe affirmé par le droit musulman.
18
musulman sont une source principale de législation, alors
le droit musulman sera considéré comme le droit commun pour les
cas de divorce.
On peut très bien imaginer une situation dans laquelle les
cas de divorce prévus dans le droit musulman s'appliquent aux
époux lorsque l'un des époux est copte orthodoxe et l'autre
époux est grec orthodoxe. On voit ici très clairement une
difficulté qui apparaît : c'est que le droit musulman s'applique
à deux chrétiens orthodoxes, en effet, ils ont la même
communauté, mais ils n'ont pas la même confession. Ceci est
évident, puisque la loi égyptienne exige pour l'application de la
législation confessionnelle que les époux aient la même
communauté et la même confession, ces deux conditions sont
cumulatives.
On comprend donc maintenant pourquoi ce système
multiconfessionnel peut parfois être en face de quelques
difficultés, comme l'application du droit musulman au non-musulmans, la
conformité de la législation confessionnelle au droit religieux (
de l'institution religieuse ), et enfin une question: l'unification de ces
législations résoudra-t-elle ces problèmes ?
§ 1- L'application du droit musulman aux
non-musulmans
Le fait d'appliquer le droit musulman aux non-musulmans n'est pas
nouvelle. En effet, le droit musulman s'applique aux non-musulmans dans
plusieurs domaines autres que les cas de divorce. L'article deux de la
constitution égyptienne dispose que les principes du droit musulman sont
une source principale de législation. Mais il ne faut pas comprendre que
le fait d'appliquer le droit musulman au non-musulmans est
considéré comme un non-respect des non-musulmans, au contraire,
puisque c'est le droit musulman lui-même qui garantit aux non-musulmans
l'application de leur propre législation, en fonction de ce qu'ils
croient.
Quant aux cas de divorce, l'intervention du droit musulman pour
s'appliquer au non-musulmans peut avoir lieu dans trois situations :
A-
19
La législation confessionnelle ne contient aucune
disposition religieuse concernant certaines matières.
B- La non-conformité des législations
confessionnelles à l'ordre public.
C- Si les époux non-musulmans ne sont pas unis en
communauté et en confession.
A- La législation confessionnelle ne contient aucune
disposition religieuse.
Le droit musulman intervient parfois pour traiter des domaines
qui ne sont pas traités par le droit de la religion non-musulmane. Un
exemple de cela : la Bible ne contient aucune disposition qui traite le droit
de la succession. Ceci est conforme à la parole du Christ : «
Jésus lui répondit : qui m'a établi pour être votre
juge ou pour faire vos partages ? »21. En revanche, le
droit musulman traite en détail le domaine de la succession en
précisant la part de chaque héritier. En outre, l'Égypte a
été soumise au droit romain pendant la période qui
précédait l'islam, ce qui prouve que la matière de la
succession peut être régie par n'importe quel droit, puisque le
droit de la religion chrétienne ne contient aucune disposition
concernant cette matière. En effet, l'article 875 du Code civil
égyptien dispose dans son premier alinéa que « la
détermination des héritiers et de leurs parts
héréditaires et la dévolution des biens successoraux sont
régies par les règles du droit musulman et les lois qui les
concernent ».
Ceci a pour objectif d'unifier le droit autant que possible
surtout pour les matières qui ne sont pas organisées par les
autres religions. De même, le droit égyptien a unifié le
droit pour tous les Égyptiens en matière de testament.
Le législateur égyptien essaye d'unifier le droit
pour tous les Égyptiens en ce qui concerne les matières qui ne
sont pas organisées par les législations confessionnelles, ce qui
signifie que le législateur égyptien veut arriver petit à
petit à la méthode suivie par le droit français qui est un
droit unique pour tout le monde.
Quant aux cas de divorce, il est impossible d'unifier puisque
chaque législation confessionnelle prévoit des cas de divorce
différents. Cette différence n'est pas seulement entre la
religion chrétienne et la religion juive, mais cette différence
existe
21 Luc 12, 14
20
aussi entre les communautés et les confessions. Par
exemple: la législation catholique ne prévoit aucun cas de
divorce, le mariage est une relation qui dure toute la vie. En revanche, la
législation copte orthodoxe prévoit quelques cas de divorce. Le
droit musulman, ajoute des cas de divorce qui ne sont pas prévus dans
d'autres religions. L'unification de toutes ces législations sera
très difficile, on ne peut pas satisfaire toutes les religions, sauf si
on regroupe les cas de divorce communs et ensuite, on attribue à chaque
religion les dispositions spécifiques qui la caractérise.
L'application du droit musulman dans les autres hypothèse
n'est pas très choquante puisque la législation confessionnelle
n'organise pas certaines matières donc il n'y aura pas de contradictions
directes entre le droit musulman et la législation confessionnelle en ce
qui concerne ces matières là.
Parfois, le droit musulman s'applique à certaines
matières même si la législation confessionnelle l'a
organisée. Ceci peut avoir lieu si les dispositions de la
législation confessionnelle qui traitent cette matière sont
contraires à l'Ordre public.
B-La non-conformité des législations
confessionnelles à l'ordre public.
C'est l'article 6 de la loi n° 462 de 1955 qui dispose que:
« Quant aux litiges de statut personnel des Égyptiens
non-musulmans, unis en communauté et en confession, et qui ont des
juridictions communautaires organisées au moment de la promulgation de
cette loi, les sentences seront prononcées selon leur propre loi, en
conformité cependant à l'Ordre public. »
On voit ici que cette hypothèse ressemble à la
conformité à l'ordre public international en matière de
droit international privé ( article 28 du Code civil égyptien
).
Mais le problème ici est plus délicat. Dans cette
situation, on n'est pas en face de deux lois de deux États
différents, mais par contre, on est en face d'un conflit ( assez
original ) entre deux lois internes qui émanent donc du même
État.
21
Là, plusieurs questions peuvent être posées :
comment peut-on imaginer qu'une législation, dite interne, d'un
État, ( c'est-à-dire qui n'est pas une loi d'un autre État
) soit contraire à l'ordre public de ce même État ? La
réponse est simple. Il ne faut pas oublier que les législations
confessionnelles n'émanent pas du parlement, mais elles émanent
des autorités religieuses ou leurs représentants, et il est
totalement évident, qu'en élaborant son droit de statut personnel
( et plus précisément les cas de divorce ) les autorités
religieuses vont intégrer les cas de divorce prévus dans leur
religion. En d'autres termes, on peut toujours imaginer que certaines
dispositions prévues dans une législation confessionnelle pour
les cas de divorce ne soient pas conformes à l'ordre public.
Alors, quelle est la solution?
On peut imaginer la situation suivante : un droit religieux
contient des règles qui ne sont pas conformes à l'ordre public !
La situation s'aggrave lorsque ces règles sont transposées par
l'autorité religieuse compétente dans la législation
confessionnelle qui sera normalement appliquée par les tribunaux.
La question qui se pose à ce stade est la suivante : les
dispositions qui sont contraires à l'ordre public s'appliquent ou non ?
La réponse est évidemment non. La question se posera donc pour
les règles qui remplaceront ces dispositions contraires à l'ordre
public. A ce moment là, c'est le droit commun en matière de
statut personnel qui s'applique qui est le droit musulman.
En d'autres termes, si les règles contenues dans la
législation confessionnelle ne sont pas conformes à l'ordre
public, le droit musulman s'applique et remplace ces dispositions non-conformes
à l'ordre public22.
1- L'étendue de l'ordre public
La question de l'étendue de l'ordre public a longtemps
été discutée. L'ordre public peut être limité
aux dispositions du droit musulman, il peut aussi être très large
et laïc sans tenir compte d'une religion spécifique.
22 H. ELEHWANY, L'explication des principes de
statut personnel « des égyptiens chrétiens »,
Édition universitaire, Le Caire, 2002 ( en arabe ), P. 160 - 163
22
La cour de cassation a tranché ce débat par un
arrêt du 17/1/1979, en donnant une solution intermédiaire et
satisfaisante de l'étendue de l'ordre public. Dans cet arrêt, la
cour de cassation égyptienne a défini pour la première
fois, la notion d'ordre public en précisant23 «
qu'il contient les règles qui ont pour objet l'intérêt
général de l'État ... l'idée de l'ordre public est
basée sur une doctrine laïque et générale à
laquelle croit toute la société ... mais cela n'empêche pas
que l'ordre public pourrait être lié à la religion lorsque
la croyance est bien liée au système juridique et social, ce qui
signifie que ces règles concernent tous les citoyens, musulmans et
non-musulmans, quelle que soit leur religion, il est impossible de diviser ou
de partager l'idée de l'ordre public et rendre une partie de ses
règles limitée aux chrétiens, et une autre partie
spécifique pour les musulmans, il n'est pas possible d'imaginer que le
critère de l'ordre public soit personnel ou communautaire, l'ordre
public doit avoir, en revanche, un critère objectif et conforme avec ce
que la majorité la plus générale des individus croit.
»
On peut déduire de cette jurisprudence que la cour de
cassation égyptienne a pris un critère intermédiaire pour
évaluer l'ordre public. D'une part, l'ordre public est
considéré pour la Cour comme ayant un caractère laïc
et général, mais en même temps, il doit être conforme
à la croyance de la majorité des individus, donc, avec le droit
musulman.
Monsieur le Doyen H.ELEHWANY déduit de cet arrêt que
l'ordre public est fondé sur la laïcité et avec une
idée de l'islam.
2- Les conséquences
L'ordre public ici est donc considéré comme
laïc dans le sens où il s'applique à tous les individus
quelle que soit leur religion. Mais, en ce qui concerne le contenu, l'ordre
public est basé sur une idée de l'islam ce qui signifie que les
règles impératives du
23 ibid. P. 173
23
droit musulman sont intégrées dans l'ordre public,
de même, les droits des musulmans ne doivent pas être restreints
par l'application d'un autre droit24.
Mais comment le contenu d'une législation confessionnelle
soit contraire à l'ordre public?
Parmi la jurisprudence de la cour de cassation égyptienne
: La norme juive sur le lévirat, prévue par Deutéronome
25:5-10 et reprise par l'article 36 du Code d'Ibn-Sham'oun, la source des Juifs
Rabbinites en matière de statut personnel énonce que : «
La femme dont le mari meurt sans laisser d'enfants, est
considérée comme femme du frère ou de l'oncle paternel du
mari défunt, de jure, si ce dernier en a. Elle ne peut se marier avec un
autre, tant qu'il est vivant, sauf s'il refuse de la prendre... ».
Cette règle a été considérée comme contraire
à l'ordre public, puisqu'elle met en cause le droit au mariage et la
liberté de mariage25. De même pour l'article 3
alinéa b de la collection des Grecs orthodoxes qui considère
l'existence de trois mariages précédents comme un
empêchement absolu pour en contracter un
quatrième26.
Un autre exemple : Parmi les cas de divorce prévus dans la
collection de 1938 des Coptes orthodoxes, le changement de religion. L'article
51 prévoit que « Si l'un des époux renie la religion
chrétienne et son retour à la religion s'avère impossible,
le divorce sera possible à la demande de l'autre époux. »
27.
Cet article ne peut pas être appliqué pour les
raisons suivantes:
1- Si l'époux se convertit au judaïsme, les
époux dans ce cas n'auront pas la même religion ce qui signifie
que c'est le droit musulman qui s'applique étant donné qu'il est
le droit commun en matière de statut personnel28.
2- Si l'époux se convertit à l'islam, il y a deux
hypothèses:
- Soit c'est la femme qui se convertit à l'Islam, dans ce
cas, si le mari refuse de se convertir lui aussi à l'islam, ils seront
séparés29.
24 Par exemple, le droit pour un homme musulman
d'épouser une femme kitabiya ( du livre ) ne peut pas
être restreint par une législation confessionnelle puisque ce
droit est d'ordre public, V. ibid., P.181
25 ibid., P. 187, s
26 V. le site de S. ALDEEB
http://www.sami-aldeeb.com/
27 Législations du statut personnel des
non-musulmans, Al amiriya, 3e éd., 1998 (en arabe).
28 V. infra 3e condition, page
suivante
29 En droit musulman, la femme musulmane ne peut pas
épouser un homme non-musulman, mais, un homme musulman peut
épouser une femme chrétienne ou juive ( kitabiya ).
24
- Soit c'est le mari qui s'est converti à l'Islam, dans ce
cas, le divorce (prévu à l'article 51) ne pourra pas avoir lieu,
puisque cet article pourrait être considéré comme contraire
à l'ordre public parce qu'il restreint le droit du mari musulman qui
peut, selon le droit musulman, épouser une femme
chrétienne30.
Le droit musulman s'applique aussi aux non-musulmans même
si les législations confessionnelles régissent tout le statut
personnel et leurs dispositions ne sont pas contraires à l'ordre public.
C'est le cas où les époux non-musulmans ne sont pas unis en
communauté et en confession.
C- Les époux non-musulmans ne sont pas unis en
communauté et en confession.
L'article six de la loi n° 462 de 1955 dispose que «
Quant aux litiges de statut personnel des Égyptiens non-musulmans,
unis en communauté et en confession, et qui ont des juridictions
communautaires organisées au moment de la promulgation de cette loi, les
sentences seront prononcées selon leur propre loi, en conformité
cependant à l'Ordre public. ». En d'autres termes, la loi
égyptienne prévoit que c'est le droit musulman qui s'applique
lorsque les époux ne sont pas unis en communauté et en
confession. C'est une solution très originale apportée par le
droit égyptien, elle provient du principe d'égalité entre
époux. Si un époux est juif et l'autre est chrétien, on ne
favorise ni l'un ni l'autre puisque c'est un autre droit qui sera
appliqué pour les cas de divorce. Mais le problème est que le
droit qui sera appliqué à la place de la législation
confessionnelle est lui aussi un droit religieux qui prévoit des cas de
divorce différents de ceux qui sont prévus dans les
législations confessionnelles de chacun des époux (comme pour
deux époux, l'un est protestant et l'autre est orthodoxe). De
même, les cas de divorce ne seront pas prévisibles puisque
l'époux peut se convertir à une autre religion ( ou à une
autre communauté ou une autre confession ) à tout moment, et
donc, on ne pourra pas savoir à l'avance quelle sera la religion des
époux et par conséquent les cas de divorce possibles le jour du
procès.
30 H. ELEHWANY, L'explication des principes de
statut personnel « des égyptiens chrétiens », op. cit.,
P.449.
25
1- L'originalité du principe provient du
problème de la très grande diversité
Le problème provient de la diversité des
législations confessionnelles, non pas seulement pour chaque
communauté ( Orthodoxe, Catholique, Protestante ) mais aussi pour chaque
confession ( Copte orthodoxe et Copte catholique... ). Il est vrai qu'une
partie de la doctrine égyptienne31 considère toutes
les religions autre que l'Islam comme une seule communauté. Mais ceci
n'est pas le cas pour les législations confessionnelles. Chaque
confession a sa propre législation ce qui fait que si les époux
ne sont pas unis en communauté et en confession, on sera en face d'un
conflit de lois interne.
Mais la question se pose pour le moment où on tient compte
de la religion des
époux.
* Il y a certainement, plusieurs solutions possibles :
- Première possibilité : c'est de
retenir le jour de la conclusion du mariage comme date à laquelle
on tient compte de la religion des époux. Ceci signifie que toute autre
conversion ultérieure n'aura aucun effet sur la loi applicable, et par
conséquent, sur les cas de divorce.
Ce serait un bon critère, il favoriserait la
prévisibilité juridique. En d'autres termes, les époux
savent déjà depuis la conclusion du mariage quels sont les cas de
divorce disponibles et selon quelle législation, puisqu'on retient la
religion au moment de la conclusion du mariage. Ceci va créer une sorte
de stabilité juridique.
En outre, ce critère garantit la sécurité
juridique et il empêche les fraudes à la loi.
Mais, en revanche, il ne faut pas oublier que le fait de retenir
ce critère mettra en cause les droits acquis des individus. Par exemple
: si après quelques semaines du mariage, un des époux se
convertit à une autre communauté ou une autre confession, et
après une dizaine d'années de mariage, les époux ne sont
pas unis en communauté et en
31 H. ELEHWANY, L'explication des principes de
statut personnel « des égyptiens chrétiens », op. cit.,
P.180
26
confession et l'époux, qui s'est convertit a
été complètement détaché de sa religion
d'origine, se trouve en face des cas de divorce prévus dans la
législation de sa religion au moment du mariage et non pas sa religion
au moment du litige, ce qui pourrait être assez choquant.
De même, ce critère ne respecte pas la
liberté de religion et ses effets. Il ne suffit pas que l'époux
ait la possibilité de changer sa communauté ou sa confession,
mais aussi, il doit bénéficier des effets résultant de sa
conversion.
En plus, ce critère peut aller contre l'idéologie
de la loi de 1955. Cette loi a pour objectif d'appliquer la législation
confessionnelle aux non-musulmans unis en communauté et en confession.
On pourrait imaginer la situation suivante :
Si les époux n'étaient pas unis en
communauté et en confession au moment de la conclusion du mariage, mais,
après le mariage, ils deviennent unis en communauté et en
confession. Dans cette hypothèse, il serait préférable
d'appliquer la législation confessionnelle commune des époux au
lieu d'appliquer le droit musulman qui devient un droit très loin du
litige, et son application sera sans intérêt, car les
époux, au moment du divorce sont unis en communauté et en
confession, ce qui implique le choix de l'un des cas de divorce prévus
dans la législation confessionnelle commune des époux.
- Deuxième possibilité : C'est de
retenir le changement de religion à tout moment de la procédure
jusqu'au moment où le jugement est prononcé.
Ce critère garantit bien la liberté de religion,
les effets de la conversion auront lieu immédiatement. En revanche,
c'est le critère qui écarte le plus la
prévisibilité du droit. On ne saura pas quels sont les cas de
divorce possibles et en vertu de quelle loi même en cours de l'instance!
De même, ce critère favorise la fraude au maximum. L'époux
défendeur pourrait se convertir vers une autre communauté ou une
autre confession que l'autre époux pour choisir frauduleusement la loi
applicable ( soit qui favorise ou empêche le divorce ). Ces manoeuvres
peuvent aussi allonger la durée du procès ce qui met en cause le
principe selon lequel les parties doivent être jugées en un
délai raisonnable.
27
- Troisième possibilité : C'est de
retenir la religion des époux au moment du dépôt de l'acte
introductif d'instance, ce qui signifie que tout changement qui aura lieu au
cours de l'instance ne prend aucun effet sur les cas de divorce. En d'autres
termes, toute conversion ne sera prise en compte que si elle
précède l'acte introductif d'instance.
Ce critère, d'une part, diminue les cas de fraude devant
le juge, et d'une autre part, garantit la liberté religieuse.
En revanche, ce critère ne garantit pas la
prévisibilité du droit. Les époux lors du mariage, ne
savent pas quels sont les cas de divorce possibles ou quel est le droit
applicable pour les cas de divorce. Un changement de communauté ou de
confession peut avoir lieu au cours du mariage, donc on ne peut pas savoir
à l'avance quel droit sera applicable.
Ces deux derniers critères ont été retenus
par le droit égyptien. Le deuxième critère a
été retenu pour la conversion à l'islam, et le
troisième critère a été retenu pour la conversion
à une autre religion que l'islam.
En effet, l'article 7 de la loi n° 462 de 1955
prévoit que : « le changement de communauté ou de
confession d'une des parties pendant le déroulement de l'instance
n'influe pas sur l'application du paragraphe deux du précédent
article à moins que le changement ne s'opère en faveur de
l'islam; dans ce dernier cas, la disposition du paragraphe premier du
précédent article s'applique ».
On déduit de cet article que l'unité en
communauté et en confession doit être appréciée au
moment de l'action en justice. C'est le critère mis en place par le
législateur égyptien qui a voulu fixer un moment clair et
précis, même s'il met en cause la prévisibilité du
droit. D'une façon plus concrète, au moment du mariage, les
époux ne savent pas quels sont les cas de divorce qui pourront
être utilisés pour mettre fin à ce lien. Le Doyen Hossam
ELEHWANY trouve que « le législateur a adopté la pire des
solutions, c'est celle qui ouvre la voie à la fraude à la loi. Il
suffit qu'une partie au litige sente que l'autre a l'intention d'intenter un
procès pour qu'elle se presse de changer de
28
communauté, soit pour être unie avec l'autre en
communauté et en confession, soit pour faire cesser l'unité
»32.
Monsieur S. ALDEEB considère que « Cet article
signifie qu'un conjoint peut à tout moment se convertir à l'islam
pour se voir appliquer les normes musulmanes, alors que le changement à
une autre religion que l'islam ne peut être pris en considération
que si la conversion a lieu avant l'action en justice »33.
En effet, l'article 17 de la même loi prévoit
deux hypothèses :
a- La conversion à toute religion autre que
l'islam.
Dans ce cas, la loi prévoit que le moment où la
religion des époux est tenue en compte, est le jour de l'acte
introductif d'instance. Mais ce critère n'est pas le seul qui a
été pris en compte par le droit égyptien.
b- La conversion à l'islam.
Dans cette hypothèse, la loi égyptienne n'a pas
utilisé le même critère, c'est une exception («
... à moins que le changement ne s'opère en faveur de l'islam ...
»). Dans cette situation, la conversion produit ses effets quel que
soit le moment où elle s'effectue, ce qui signifie que même si la
conversion à l'islam avait lieu au cours du procès, cette
conversion aurait un effet sur la loi applicable, par conséquent, c'est
le droit musulman qui sera applicable pour les cas de divorce.
La question se pose donc pour la raison pour laquelle le
législateur égyptien a mis en place cette exception pour la
conversion à l'islam. Le Doyen ELEHWANY explique en disant que : «
cette exception repose sur le principe de la suprématie de l'islam, un
musulman ne pourrait être soumis à une autre loi que celle
islamique, quel que soit le moment où s'est réalisé le
changement ... »34. Ceci signifie que le législateur
égyptien considère que le droit musulman est supérieur aux
autres droits ce qui lui donne
32 C. BONTEMS, dir, Mariage - Mariages, Puf,
2001, P. 598
33 V. supra le site de S. ALDEEB, Statut
personnel en Égypte.
34 C. BONTEMS, dir, Mariage - Mariages,
op. cit., P. 599
29
un privilège de s'appliquer à tout moment
même après l'acte introductif d'instance pour influer sur les cas
de divorce. Mais la jurisprudence explique cette exception par le fait que la
conversion à l'islam ne peut pas être un simple moyen de
fraude35, puisque la conversion à l'islam n'a pas les
mêmes effets que la conversion à une autre confession de la
même religion autre que l'islam. La personne qui se convertit à
l'islam ne peut pas l'abandonner ultérieurement ( apostasier ), elle ne
peut même pas retourner à sa religion d'origine; dans ces deux cas
la personne sera considérée comme un apostat. Ce dernier a un
statut très difficile dans la société musulmane en
général. Par exemple, il ne peut pas hériter de sa
famille, en plus il doit être séparé de sa femme si cette
dernière est musulmane36. L'époux va devoir donc
réfléchir avant de se convertir à l'islam. Il ne peut pas
se convertir juste pour frauder car il sait bien qu'il ne pourra pas retourner
à sa religion d'origine, contrairement à la conversion aux autres
religions. C'est pour cela qu'on peut supposer que l'époux qui se
convertit à l'islam au cours du procès n'est pas un moyen de
fraude, donc, il n'y a aucun risque d'apprécier la religion même
au cours du procès.
De même cette exception est conforme au principe selon
lequel seul le droit musulman s'applique aux musulmans. Ceci signifie par
conséquent, qu'une loi confessionnelle ne peut ne pas s'appliquer pour
les cas de divorce d'un époux musulman. Ce dernier doit
bénéficier de cette conversion d'une manière
immédiate.
C'est de cette manière que la loi égyptienne a
retenu un critère particulier pour la conversion à l'islam qui
prend effet à tout moment, même au cours de la
procédure.
Après avoir examiné les cas de divorce où le
droit musulman s'applique aux non-musulmans, il est temps de savoir quels sont
les cas où cette application est atténuée ou
limitée pour les cas de divorce.
2 - Les aménagements à l'application de droit
musulman aux non-musulmans
La doctrine égyptienne s'est posée la question de
savoir si les règles du droit musulman s'appliquent aux non-musulmans
comme s'ils étaient des époux musulmans
35 C.Cass. 30/3/1966, Le Caire
36 S. A. ALDEEB, « Rôle de la religion
dans l'harmonisation du droit des pays arabes », R.I.D.C. 2-2007,
P. 259, s.
30
ou bien la religion des époux non-musulmans est prise en
compte en appliquant le droit musulman pour les cas de divorce ? 37
La cour de cassation égyptienne affirme toujours que les
règles de droit musulman applicables aux non-musulmans sont les
mêmes règles matérielles que celles qui s'appliquent aux
musulmans.38
En revanche, cette règle affirmée par la Cour de
cassation égyptienne a une exception. Le droit musulman ne s'applique
pas si ses dispositions heurtent les droits fondamentaux de la religion des
époux. La jurisprudence considère que dans chaque religion il y a
des principes fondamentaux qui sont essentiels. En plus, on ne peut pas
déroger à ces principes, par conséquent, les règles
du droit musulman qui vont à l'encontre de ces principes fondamentaux
seront écartées. Le droit égyptien a voulu garder un
certain respect aux autres religions.
* Mais quel est le contenu de ces principes fondamentaux
?
La Cour de cassation égyptienne estime que ces principes
sont ceux qui constituent l'essence de la religion. C'est la cour qui fixe ces
principes à la lumière des situations en l'espèce. Ceci
peut paraître étrange ! Les principes fondamentaux devraient
normalement être définis à l'avance par les
autorités religieuses et non pas par la Cour. De même, la Cour n'a
pas crée une liste des principes fondamentaux, mais, elle examine
à chaque espèce ( au cas par cas ) si la règle en cause
est un principe fondamental ou pas. Par exemple, la Cour d'appel du Caire a
décidé que le mari chrétien avait le droit de contracter
un mariage polygamique, puisque c'est le droit musulman qui est applicable aux
musulmans qui régit le mariage de non-musulmans qui ne sont pas unis en
communauté et en confession. Ceci montre bien comment l'époux
non-musulman est traité comme étant un musulman sans tenir compte
de la spécificité religieuse des parties.
37 H. ELEHWANY, L'explication des principes de
statut personnel « des égyptiens chrétiens », op. cit.,
P.219
38 C. BONTEMS, dir, Mariage - Mariages, op. cit.,
P. 602
31
Heureusement, la Cour de cassation a cassé cette
décision de la Cour d'appel du Caire. Il s'agit d'un arrêt de
principe du 17 janvier 1979 par lequel, la Cour de cassation a affirmé
que la polygamie se heurte aux principes fondamentaux du christianisme puisque
le mariage chrétien se caractérise par la monogamie.
En effet, le Christianisme depuis son origine jusqu'à nos
jours, sous ses différentes confessions, ne reconnaît pas la
polygamie. Le Doyen ELEHWANY a raison lorsqu'il dit : « Permettre un
deuxième mariage est une atteinte à la religion chrétienne
et à sa morale ; par conséquent la polygamie doit être
éliminée dans les rapports entre non-musulmans, et ceci constitue
une exception aux règles du droit musulman applicables aux
non-musulmans. »39
Mais, il faut en plus répondre à une autre question
concernant les principes fondamentaux du Christianisme. La question qui se
posera sera la suivante : est-ce que l'existence des cas de divorce ou leur
absence dans une législation confessionnelle est considéré
comme un principe fondamental lié à la religion ?
Plus concrètement, deux situations peuvent faire l'objet
de très grandes discussions. La première situation concerne la
législation catholique qui ne connaît pas le divorce. La seconde
situation concerne les autres législations qui contiennent des cas de
divorce très limités. La question à laquelle il faut
répondre maintenant est ce que ces deux situations forment-elles des
principes fondamentaux ou non ?
a-Le degré d'incompatibilité entre la
législation catholique et le divorce
Il faut souligner que la législation catholique ne
prévoit aucun cas de divorce, car selon le droit de l'Église
catholique le divorce est considéré comme un lien indissoluble.
La question qui s'impose donc à ce stade est : est-ce que les cas de
divorce du droit musulman peuvent-ils être utilisés pour divorcer
deux époux qui ne sont pas unis en communauté et en confession
dont l'un d'eux est catholique ? En d'autres termes, les cas de divorce du
droit musulman heurtent-ils les principes fondamentaux du droit de
l'Église catholique ?
39 ibid. P. 604
32
En effet, l'article 99 alinéa 7 du décret loi
n° 78 de 1931 dispose que : « L'action en divorce intentée
par un conjoint n'est recevable que si la loi de chacun des deux conjoints
admet le divorce. ». La note explicative dit : « Les
tribunaux charis, en vertu de l'article 280 de la loi sur les procédures
des tribunaux musulmans, admettaient le divorce d'un non-musulman avec sa femme
non-musulmane lorsque l'un des deux conjoints intentait une action contre
l'autre. Ceci mettait en difficulté les communautés qui ne
reconnaissent pas le divorce. »
Évidemment, ce sont les Catholiques qui sont visés
par ces dispositions, ceci a été clairement affirmé par la
Cour de cassation égyptienne dans un arrêt du 14 février
1968. Par conséquent, le mari copte catholique ne peut ni demander le
divorce ni répudier sa femme grecque catholique, car leurs
législations n'admettent pas le divorce.
Mais la question se pose aussi si un seul des époux est
catholique ? Le divorce peut-il être admis ?
L'article 99/7 est très clair sur ce point. Il dit que le
divorce n'est recevable que si la loi de chacun des
époux admet le divorce. Alors la réponse à la question
précédente est certainement « non ». Il suffit qu'un
seul époux soit catholique pour limiter l'application du droit musulman,
et par conséquent écarter les cas de divorce prévus par le
droit musulman. Effectivement, si la femme catholique est divorcée par
le tribunal, elle ne pourra pas célébrer un autre mariage selon
les rites catholiques en raison des législations que sa
communauté applique, restant ainsi liée par l'ancien mariage ...
40
Il faut donc préciser à ce stade que le
décret loi n° 78 de 1931 a été abrogé par la
loi n° 1 de l'an 2000. L'article 99/7 a été donc
remplacé par un article 17 alinéa 3 dans la nouvelle loi de 2000.
Ce nouvel article dispose que : « Est non recevable la demande en
divorce entre des époux unis en communauté et en confession sauf
si leurs législations l'admettent ».
On voit immédiatement que la formulation du nouvel article
est assez ambiguë, parce que cet article concerne les époux unis en
communauté et en confession, et il est
40 ibid. P. 603
33
évident que dans ce cas c'est la législation
confessionnelle des époux qui s'applique. Par conséquent, si
cette législation n'admet pas le divorce, la demande en divorce sera
irrecevable41. Plus concrètement, cela signifie que deux
époux catholiques de la même confession ne peuvent pas divorcer.
Mais la question se pose pour le cas dans lequel les époux sont des
non-musulmans qui ne sont pas unis en communauté et en confession mais
un des époux est catholique, le divorce est-il possible ?
Le nouvel article de la loi de 2000 n'a pas donné une
réponse à cette question puisqu'il ne concerne que les
époux unis en communauté et en confession. Une partie de la
doctrine42 considère que la nouvelle loi de 2000 avec son
article 17 alinéa 3, limite l'ancien article puisque la demande n'est
recevable que si les époux sont unis en communauté et en
confession.
En revanche, une autre partie de la doctrine43
considère que le divorce heurte un principe fondamental de la
communauté catholique ce qui a pour conséquence d'écarter
les cas de divorce du droit musulman.
Comme l'admission du divorce en droit musulman se heurte avec les
principes fondamentaux de la communauté catholique, les cas de divorce
du droit musulman peuvent aussi heurter les principes fondamentaux des autres
communautés.
b- Une compatibilité assez contestée entre
la répudiation et les autres législations
chrétiennes
Pour les autres communautés autre que la communauté
catholique, le divorce existe, mais c'est un divorce judiciaire. Dans ce cas le
divorce ne heurte pas les principes fondamentaux des communautés
non-catholiques, mais la question se pose pour la répudiation. Il
s'avérait choquant que le mari chrétien ( mais pas catholique )
répudie sa
41 H. ELEHWANY, L'explication des principes de
statut personnel « des égyptiens chrétiens », op. cit.,
P.245, s
42 F. ABDEL REHIM, En bref sur le statut
personnel des Égyptiens non-musulmans, El mansoura, 2e
éd. 2000, P. 28
43 H. ELEHWANY, L'explication des principes de
statut personnel « des égyptiens chrétiens », op. cit.,
P. 238 - 242
34
femme qui diffère en communauté et en confession
étant donné que c'est le droit musulman qui sera applicable.
Il faut juste remarquer que la répudiation
unilatérale n'est pas un cas de divorce admis par les
législations confessionnelles chrétiennes. Par exemple, le
législateur copte orthodoxe a prévu dans la collection de 1938
plusieurs cas de divorce, mais ils sont tous des cas de divorce judiciaire qui
nécessitent une demande en justice pour prononcer le divorce. En outre
ce sont des cas de divorce prévus pour le mari comme pour la femme ce
qui signifie que l'homme n'a pas de privilège44.
Mais, malgré tout cela, la Cour de cassation
égyptienne a déclaré que la répudiation
unilatérale ne heurte pas les principes fondamentaux des
communautés non-catholiques45.
La majorité de la doctrine égyptienne conteste la
position de la Cour de cassation en disant que la répudiation
unilatérale porte atteinte aux principes fondamentaux des
législations chrétiennes qui admettent le divorce et qui le
limitent à des cas très précis46.
Ce mouvement de la doctrine, trouve aussi que la
répudiation unilatérale doit être cadrée par des
règles qui empêchent que le mari abuse de son droit pour
répudier, et le fait de permettre au mari chrétien de
répudier augmentera le nombre de divorce.
De même, la position de la cour de cassation favorise la
fraude à la loi puisque le mari, pour divorcer, au lieu de passer par le
divorce judiciaire qui peut durer des années devant les tribunaux pour
avoir un jugement de divorce, il suffit de se convertir (formellement) à
une autre communauté ou une autre confession ( autre que le Catholicisme
) pour que le droit musulman soit applicable et par conséquent, ce mari
pourra répudier unilatéralement sa femme.
44 Pour chaque cas de divorce prévu aux
articles 50 à 58 de la collection de 1938 des Coptes orthodoxes, le
législateur ( en rédigeant le texte ) mentionne les termes «
... un des époux ... » sans distinguer le mari de la femme.
45 C. BONTEMS, dir, Mariage - Mariages, op. cit.,
P. 604
46 H. ELEHWANY, L'explication des principes de
statut personnel « des égyptiens chrétiens », op. cit.,
P. 251, s
35
La situation actuelle se complique encore plus avec le khol'
musulman crée par la même loi de 2000. On doit donc se poser
la question de savoir si le khol' s'applique lors de l'application du
droit musulman aux non-musulmans qui ne sont pas unis en communauté et
en confession. Il est vrai que la Cour de cassation égyptienne
considère que la répudiation unilatérale ne doit pas
être écartée des dispositions du droit musulman applicable
aux non-musulmans. Mais est-ce que le khol' sera traité de la
même manière pour garantir une forme d'égalité entre
l'homme et la femme pour les non-musulmans, sachant que le khol' est
un divorce judiciaire ? ( c'est-à-dire moins choquant que la
répudiation ). En effet, la jurisprudence du premier degré et
l'Église copte orthodoxe, considèrent que ce cas de divorce ne
peut pas être appliqué aux Coptes parce que le khol' ne
figure pas dans la religion chrétienne47.
§2- La non conformité de la
législation confessionnelle au droit religieux
Il s'agit d'un problème assez ancien ( A
), mais l'Église copte avait une position très
déterminante sur la question ( B ).
A- Un problème assez ancien
Les cas de divorce pour les Coptes orthodoxes figurent dans la
collection de 1938, celle-ci a été élaborée par le
Conseil communautaire général copte48. L'objectif de
sa création était de s'occuper des wakfs, des
écoles et des imprimeries coptes, il s'occupe également de
l'administration financière et il était considéré
comme la juridiction compétente pour trancher les litiges entre les
coptes orthodoxes en matière de statut personnel. Mais cette
dernière compétence a été supprimée par la
loi n° 462 de 1955 qui a supprimé les tribunaux chariés
et les conseils généraux pour transmettre leurs
compétences judiciaires aux tribunaux Étatiques. Mais,
malgré la promulgation de cette loi, ces conseils n'ont pas disparu.
Ce Conseil est formé des hommes laïcs qui
gèrent les affaires de l'Église copte avec l'État. La
doctrine en Égypte considère que ce conseil est le seul organe
compétent
47 V. AL-Ahram Hebdo du 20/3/2002, n°
393, L'Égypte en bref.
48 Conseil crée par un décret du
Khédive Ismaïl le 13 mars 1883.
36
pour mettre en place les règlements qui doivent être
homologués par le gouvernement49. En effet, sa
création a eu lieu à la suite de la déclaration du Pape
Cyril V par laquelle, le Pape d'Alexandrie annonce que le Patriarcat s'occupe
des affaires religieuses, un autre organe devait être crée pour
administrer les affaires financières de l'Église. Ce qui prouve
qu'il n'est pas considéré comme
législateur50.
Malgré cela, le Conseil communautaire
général copte avait voulu réformer la législation
du statut personnel des Coptes orthodoxes en élaborant un texte le 8 mai
1938, celui ci est entré en vigueur le premier juillet 1938.
Il faut remarquer que cette collection n'a été
approuvée ni par le gouvernement égyptien ni par le parlement, ce
qui signifie qu'elle n'a pas la force d'une loi. En outre, ce conseil
n'était pas compétent pour légiférer. Par
conséquent, cette collection n'avait aucun caractère coercitif.
En revanche, cette collection est considérée actuellement comme
ayant une force coutumière.
Mais quelle est donc l'institution considérée comme
compétente pour organiser le statut personnel des coptes orthodoxes ?
En effet, le saint Synode est l'institution suprême qui
s'occupe de tout ce qui concerne les Coptes orthodoxes. C'est la raison pour
laquelle la collection de 1938 n'a pas été approuvée par
l'État. Par contre, si cette collection était
élaborée par le saint Synode, et non pas par le Conseil
communautaire général copte, elle aurait eu une force de loi et
non pas coutumière51.
Pour les Catholiques, la situation est plus simple, par ce que
les règles du statut personnel ont été
intégrées dans un texte appelé « la
volonté apostolique pour le système du mariage pour les
Églises orientales ». Ce texte a été
approuvé par le Pape du Vatican lui-même. Ensuite, ce texte a
été traduit à l'arabe à Beyrouth.
Contrairement à la situation des Catholiques, le Pape
d'Alexandrie n'était ( et n'est toujours ) pas d'accord sur le contenu
de la collection de 1938 et en particulier sur
49 H. ELEHWANY, « Les effets juridiques des
décrets papaux dans les matières de statut personnel des Coptes
orthodoxes », revue de l'administration des sentences du gouvernement
n° 1/25 P. 14, s (en arabe)
50 ibid.
51 ibid. P. 26
37
les cas de divorce. En effet, cette collection contient une
dizaine de cas de divorce. Les autorités religieuses trouvent que huit
de ces 10 cas ne sont pas conformes à la Bible. C'est ce qu'a
affirmé le saint Synode le 21 mai 1945 pour contester la
multiplicité des cas de divorce figurant dans la collection de 1938, il
a affirmé par décret que l'adultère est le seul cas de
divorce reconnu par l'Église copte. Mais étant donné que
ce décret n'a pas été bien publié par
l'Église, la collection de 1938, par le fait de son application par les
tribunaux, a eu la force coutumière. Par conséquent, le
décret du saint Synode n'a pas pu être
appliqué52. Mais en revanche, on peut déduire de tout
ce qui précède que le juge étatique applique la collection
de 1938, et bien entendu, les cas de divorce qu'elle prévoit.
* En réalité, la collection de 1938 contient 10
causes de divorce, ce sont :
1- L'adultère
2- L'abandon du christianisme
3- L'absence pendant cinq ans consécutifs
4- La condamnation d'un conjoint à cinq ans ou plus de
travaux forcés
5- La folie ou la maladie infectieuse
6- Les sévices
7- L'impuissance
8- La mauvaise conduite
9- La maltraitance suivie d'une séparation de trois ans
consécutifs
10- Le monachisme.
Le problème de la contrariété entre la
collection de 1938 appliquée par les tribunaux et le droit de
l'Église n'est pas nouveau. En effet, l'Église ne reconnaît
que deux cas de divorce, ce sont : l'adultère et le changement de la
religion. Ces deux cas sont les deux premiers cas de divorce prévus dans
la collection de 1938 et ce sont les seuls cas de divorce mentionnés
dans la Bible53.
52 ibid. P. 30
53 V. MATTHIEU 5,32 ; MATTHIEU 19,9 ; MARC
10,11 ; LUC 16,18 ; et 1 CORINTHIENS 7,15
38
B - Une position très déterminante de
l'Église
Puisque le Pape Chenouda III, Pape d'Alexandrie et Patriarche de
la prédication de saint Marc, estime que cette collection,
établie par des personnes influencées par la pensée
laïque, violent l'Évangile, il refuse de reconnaître les
divorces prononcés par les tribunaux en vertu de cette collection. En
outre, deux décrets papaux ont été mis en place par le
Pape :
- Le premier décret papal est le décret n° 7
du 18 novembre 1971. C'est un décret par lequel l'Église ne
reconnaît pas le divorce sauf pour l'adultère. Pour les autres cas
de divorce, le mariage existe toujours. En d'autres termes, le pape Chenouda
III a interdit au Conseil clérical de permettre le remariage des Coptes
orthodoxes divorcés par les tribunaux égyptiens pour une autre
raison que l'adultère.
- Le second décret papal a interdit le mariage de
l'époux divorcé. Pour comprendre ce décret il faut
distinguer entre deux situations :
- Si le divorce est prononcé à cause de
l'adultère, l'époux qui l'a commis ne peut pas se remarier. C'est
une personne à laquelle l'Église ne fait pas confiance pour
créer une famille. En revanche, l'époux innocent peut se
remarier.
- Si le divorce est prononcé pour une autre raison que
l'adultère, chacun des époux ne peut pas se remarier car ils sont
considérés comme toujours mariés selon le droit de
l'Église copte.
Cette position signifie que si les époux ont obtenu un
jugement de divorce pour une autre cause que l'adultère, les
prêtres de l'Église copte ne pourront pas célébrer
un nouveau mariage car ils sont toujours mariés au regard de
l'Église copte. Dans ce cas là, ces divorcés (
judiciairement ) ne peuvent pas donc se remarier devant l'Église copte
orthodoxe. Ceci oblige des coptes, soit de rester sans mariage, soit de changer
de religion avant ou après le divorce. Or, l'Église copte
orthodoxe refuse de reconnaître tout mariage de ses fidèles qui
n'est pas célébré par elle. Ce qui crée un conflit
entre les coptes divorcés et leur Église. Les parties
concernées demandent au Pape Chenouda III
39
de revenir sur sa position, mais il refuse de le faire et
interdit au Conseil clérical d'autoriser de tels
remariages54.
La situation actuellement devient plus compliquée
lorsqu'il y a un procès au tribunal entre l'Église et les
époux.
Un procès récent a rouvert le débat sur la
question après quelques années de
calme :
Un époux a obtenu un jugement de divorce pour une cause
autre que l'adultère et il s'est adressé à
l'autorité compétente de l'Église pour obtenir un «
permis de mariage » pour se remarier, mais, étant donné que
la cause du divorce n'était pas l'adultère, l'autorité
religieuse a refusé d'attribuer le « permis de mariage »
à cette personne. Il s'est adressé donc au tribunal. Le
14/3/2006, le tribunal de la jurisprudence administrative a rendu un jugement
qui a choqué l'Église copte et il a fait l'objet d'un très
grand débat sur la question. En l'espèce, le tribunal a
annulé l'arrêté qui refuse l'attribution du permis du
mariage à cet époux. Ceci signifie tacitement obliger
l'Église à reconnaître les cas de divorce figurant dans la
collection de 1938.
* Les arguments selon lesquels le tribunal s'est fondé
étaient :
1- Le tribunal a commencé à poser des principes
constitutionnels relatifs aux droits personnels et à la famille en
précisant que : « ... toutes les constitutions égyptiennes
depuis la constitution de 1923 ont mis en évidence le principe
d'égalité et ont garanti son application pour tous les citoyens
comme étant une base de la justice, de la liberté, et de la paix
sociale, et l'objectif de ce principe est de protéger les droits des
citoyens et leurs libertés de toute forme de discrimination...selon
l'article neuf de la constitution, la famille est la base de la
société et elle est fondée sur la religion, les moeurs, et
la citoyenneté ... le mariage l'entrée naturelle
nécessaire à sa formation, en outre, le mariage fait partie des
droits personnels... »
2- Ensuite, le tribunal explique la spécificité du
mariage copte en disant que : « ... la législation
chrétienne attribue au mariage un système spécifique
propre qui se
54 S. A. ALDEEB, Statut personnel en
Égypte, Fribourg, Suisse, Éditions universitaires, 2006, P.
21
40
formalise par des cérémonies religieuses
organisées par l'un des prêtres de l'église et il se fonde
sur l'idée selon laquelle le mariage est une relation éternelle
comme l'a précisé l'Évangile de saint MATTHIEU
. · « Les pharisiens lui répliquent . · «
Pourquoi donc Moïse a-t-il prescrit la remise d'un acte de divorce avant
la séparation ? ». Jésus leur répond . ·
« C'est en raison de votre endurcissement que Moïse vous a
concédé de renvoyer vos femmes. Mais au commencement, il n'en
était pas ainsi. Or je vous le dis . · si quelqu'un renvoie sa
femme - sauf en cas d'union illégitime - pour épouser une autre,
il est
adultère. » Ses disciples lui disent . ·
« Si telle est la situation de l'homme par rapport à sa femme, il
n'y a pas intérêt à se marier. » Il leur
répondit . · « Ce n'est pas tout le monde qui peut
comprendre cette parole, mais ceux à qui Dieu l'a
révélée. » Il y a des gens qui ne se marient pas car,
de naissance, ils en sont incapables , · il y en a qui ne peuvent pas
se marier car ils ont été mutilés par les hommes
, · il y en a qui ont choisi de ne pas se marier à cause du
Royaume des cieux. Celui qui peut comprendre, qu'il comprenne ! ». (
MATTHIEU 19, 712)... ».
3- Le tribunal fait ensuite référence à la
collection de 1938 qui forme en réalité la législation
confessionnelle des Coptes orthodoxes en matière de statut personnel :
« ... la collection de statut personnel des Coptes orthodoxes selon
lesquelles les époux ont la possibilité de saisir la juridiction
compétente pour demander le divorce ... cette législation
énonce les effets du divorce, parmi ces effets, le droit à chacun
des époux - à la suite d'un jugement de divorce - de se marier
avec une autre personne sauf si le jugement lui-même empêche l'un
ou les époux de se remarier ( article 69 de la collection ), cette
règle rassure à chacun des époux divorcés de se
remarier selon les rites religieux... »
4- C'est ainsi que le tribunal a voulu exercer une pression sur
l'Église pour admettre ce genre de divorce ( et par conséquent,
célébrer un deuxième mariage d'un époux
divorcé pour une cause autre que l'adultère ) au nom de la
liberté de mariage reconnue par la Constitution et par l'Évangile
: « ... le tribunal dans ce domaine, confirme que le mariage est un des
droits sacrés de la législation chrétienne et un des
sacrements de l'Église, de même, le droit au mariage est
considéré comme un droit personnel du citoyen chrétien,
surtout, lorsqu'un jugement de divorce est prononcé mettant ainsi fin au
lien entre les époux, ce
41
jugement, par son autorité et ses effets, ouvre la porte
de l'Église devant le citoyen chrétien qui demande l'exercice de
l'un de ses droits personnels... »
C'est par ces moyens que le tribunal a annulé
l'arrêté du Conseil clérical ayant pour objet le refus
d'attribution du permis de mariage à ces époux.
Le Pape Chenouda III a expliqué le point de vue de
l'Église dans une conférence de presse. Il a refusé
complètement d'obtempérer à cette décision en
déclarant qu'il ne s'inféode qu'à la source principale du
Christianisme qui est la Bible et à sa conscience. Il a dit que : «
Le tribunal est compétent pour prononcer le divorce. En revanche, il
n'est pas compétent pour marier. La question du mariage relève de
la compétence de l'Église. L'Église respecte les
instructions de l'Évangile en ce qui concerne le mariage et le divorce.
Comme la Bible l'a annoncé, le divorce n'est possible qu'en cas
d'adultère ou de changement de religion. Pour tous les autres cas, il
n'est possible ni de divorcer, ni de délivrer une déclaration ou
un permis reconnaissant le deuxième mariage... En ce qui concerne
l'idée selon laquelle l'Église est tenue des jugements de la
juridiction administrative, en réalité l'Église n'est
tenue que par sa conscience et par les instructions de l'Évangile. Ceci
apparaît même très clairement dans le droit musulman qui
dispose que le juge doit juger entre les non-musulmans en fonction de ce qu'ils
croient et comme l'expliquent leurs législations religieuses. Pour ces
raisons, l'Église refusera d'attribuer aucun permis de mariage
après le divorce, sauf si le divorce est fondé sur les
instructions de l'Évangile...
Quant à la collection de 1938 que les tribunaux appliquent
a été profondément contestée par les hommes
religieux. J'ai transmis à l'État un nouveau règlement de
statut personnel sur lequel a signé tous les archevêques
chrétiens en Égypte. On peut attribuer le permis de mariage
conformément à ce nouveau projet selon lequel, le divorce n'est
admis qu'en cas d'adultère ou en cas de changement de religion, sauf
pour les Catholiques qui n'admettent pas du tout le divorce et il est
remplacé par la séparation de corps. Par le biais de ce nouveau
projet, les tribunaux vont juger conformément à notre
législation et conformément à ce qu'on croit, mais
actuellement, les jugements ne sont pas conformes à notre droit ...
».
42
En ce qui concerne les fondements sur lesquels s'est fondé
le tribunal et principalement la liberté de mariage qui a une valeur
constitutionnelle, le Pape Chenouda III dit : « ... Ces individus peuvent
se remarier, mais pas à travers l'Église parce que sa conscience
n'accepte pas ce mariage. Et comme la constitution consacre le droit au citoyen
à être marié, de même, la constitution consacre
à l'Église le droit d'appliquer sa législation et son
droit...».
Nabil Louka BIBAWI, un auteur copte, soutient la position ferme
du Pape Chenouda et estime même que l'application par les tribunaux
étatiques des deux collections citées en matière de
divorce violent la constitution qui dit que l'Islam est la religion de
l'État et le droit musulman est la source principale du droit. Or, le
Coran garantit la liberté religieuse aux communautés
chrétiennes et exige qu'ils soient soumis à leurs
législations religieuses, et principalement l'Évangile. Selon
BIBAWI, les tribunaux doivent se conformer non pas à la collections
citée, mais à l'Évangile et, donc, à la position du
Pape Chenouda III. Pour sortir de ce dilemme, BIBAWI propose l'adoption par le
Parlement égyptien du projet de code de statut personnel
susmentionné55.
Ce projet donne satisfaction au Pape, qui a contribué
à son élaboration, ainsi qu'à ceux qui veulent divorcer
devant les tribunaux et se remarier devant l'Église. En effet, bien que
n'allant pas aussi loin que la collection de 1938, ce projet admet le divorce
pour cause d'abandon du Christianisme (art. 113), d'adultère (art. 114)
et certains actes d'infidélité mentionnés dans l'article
11556.
§3-Solution proposée: l'unification des
législations confessionnelles
Malgré la pluralité des problèmes qui sont
causées par le système égyptien actuel, une seule solution
a été proposée pour rendre le système
égyptien multiconfessionnel plus efficace.
55 N. L. BIBAWI, La non constitutionnalité
des lois de statut personnel applicables aux Égyptiens, Le Caire,
2004. p. 101-129 ( en arabe )
56 S. A. ALDEEB, Statut personnel en
Égypte, op. cit., P. 20
43
La doctrine égyptienne n'est pas la seule à retenir
cette idée, mais aussi d'autres institutions, comme les institutions
religieuses ont commencé à réaliser d'une manière
concrète cette solution.
A - La doctrine encourage la démarche
Une très grande majorité de la doctrine
égyptienne trouve que la seule solution pour résoudre tous les
problèmes en matière de statut personnel en général
c'est d'unifier ou de codifier les règles relatives au statut personnel
pour tous les Égyptiens.
- Premièrement, le Doyen ELEHWANY insiste sur la
nécessité d'unification. Mais selon lui, cette unification doit
être une unification par étapes et non pas une unification
directe. On ne peut pas passer d'un système à un autre sans
passer par des étapes intermédiaires. En effet, le Doyen ELEHWANY
trouve que le système égyptien doit passer d'au moins deux
étapes pour arriver à l'unification : « Dans une
première étape, les efforts devront être
déployés pour promulguer une loi de famille unifiée pour
les non-musulmans. Plusieurs projets ont été
élaborés par le ministère de la justice, avec la
collaboration de l'Église copte, mais aucun n'a vu le jour...une fois
cette étape achevée, la deuxième doit être la
promulgation d'une loi unifiant le droit de famille pour tous les
Égyptiens : musulmans et non-musulmans, une loi unique, mais comportant
des dispositions distinctes selon qu'il s'agit de musulmans ou de non-musulmans
pour les questions à caractère religieux comme la polygamie.
»57. Il est très clair ici que le Doyen ELEHWANY a
suivi la position d'EL-SANHOURY qui a expliqué l'importance d'une loi
unique mais à dispositions distinctes selon qu'il s'agit de musulmans ou
de non-musulmans, pour les questions à caractère
religieux58.
- Par opposition à ce point de vue, un autre professeur,
Monsieur FARAG a dit, lors du Séminaire copte catholique organisé
au Caire : « Notre conviction personnelle est que, si l'on veut
réellement unifier les dispositions de statut personnel, on doit
entreprendre une unification générale. Il ne s'agit pas en effet
d'élaborer un code particulier aux non-musulmans, à
côté d'un autre code particulier aux musulmans. Tous les
Égyptiens devraient avoir le même code qui serait vraiment civil
c'est-à-dire, fondé non pas sur des dispositions
spécifiquement religieuses qu'elles soient musulmanes,
57 C. BONTEMS, dir, Mariage - Mariages, op. cit.,
P. 605
58 A. - H., ABDEL-HAMID: Le Droit international
privé, 2ème édition, Le Caire 1927, vol.
I, p. 141-142.
44
chrétiennes ou judaïques, mais sur un ensemble de
valeurs familiales communes que la société égyptienne
contemporaine serait décidée à promouvoir dans un esprit
de large tolérance »59.
- Monsieur ALDEEB est du même point de vue que Monsieur
FARAG60. Mais l'unification pour lui n'est qu'un souhait qui ne
semble pas être réalisable.
- Quant à Nabil Louka BIBAWI, il voit le problème
de plus près puisqu'il est un juriste copte. Il est complètement
d'accord avec la position de l'Église. Il trouve donc que la solution la
plus adaptée sera d'unifier le droit de statut personnel des
Chrétiens61.
B - Les institutions tentent de concrétiser cette
idée d'unification 1 - Le Parlement
Le législateur égyptien avait à l'esprit
l'unification des législations de statut personnel. Après la
déclaration de l'union entre l'Égypte et la Syrie,
c'est-à-dire en février 1958, deux commissions ont
été crées pour établir deux projets de statut
personnel, le premier organisera le statut personnel pour les musulmans,
l'autre sera spécifique aux non-musulmans. Ce travail a
été repris comme base des deux projets actuellement aux archives
du Ministère de la Justice.
Le premier est intitulé Projet de droit de famille. La
commission de ce projet était composée uniquement de
musulmans.
Ce projet se compose de 476 articles et couvre les
matières suivantes:
- Partie I. Le mariage: conclusion du mariage, fin du mariage,
parenté;
- Partie II. La tutelle : tutelle sur la personne, tutelle sur
les biens;
59 T. FARAG, Les règles de statut personnel
des Égyptiens non-musulmans, Imprimerie universitaire, Alexandrie,
3e édition, 1969, P. 219
60 S. A. ALDEEB, L'impact de la religion sur
l'ordre juridique : cas de l'Egypte : non-musulmans en pays d'Islam,
Fribourg, Suisse, Éditions universitaires, 1979, P. 122
61 S. A. ALDEEB, Statut personnel en
Égypte, op. cit., P. 21
45
- Partie III. Succession testamentaire;
- Partie IV. Succession ab intestat;
- Partie V. Dispositions générales.
Ce projet avait pour but de codifier les normes du droit
musulman en se basant sur des opinions de légistes appartenant à
différentes écoles, sunnites et non-sunnites. Malgré la
prétention de ses auteurs, ce projet est très en retard sur
l'esprit législatif moderne62.
Quant au deuxième projet est intitulé «
Dispositions régissant le mariage des non-musulmans ». Il se
compose de 70 articles et couvre les matières suivantes : Les
fiançailles ( chap. I ) ; conditions du mariage ( chap. II ) ;
empêchements au mariage (chap. III) ; nullité du mariage ( chap.
IV ) ; effets du mariage ( chap. V ) ; fin du mariage (chap. VI ) ;
séparation des époux ( chap. VII ) ; dispositions finales.
Sachant que le projet se limite aux matières susmentionnées.
Quant aux autres matières du droit de famille, les non-musulmans sont
soumis aux dispositions du premier projet qui est relatif aux règles du
statut personnel applicables aux musulmans. Il fallait savoir que la commission
du deuxième projet était composée à moitié
de membres chrétiens et à moitié de membres
musulmans63.
Quant à la promulgation de ces deux projets, l'ancien
président Sadate a dit aux professeurs de droit français qui ont
visité l'Égypte à cette époque que la loi de statut
personnel sera promulguée à la fin de l'année 1975. C'est
ce qu'a rapporté Al-Ahram le 15 janvier 1975. Malgré cela ces
deux projets n'ont pas encore vu le jour.
2 - Des solutions importantes proposées par les
Églises
À côté des projets préparés par
l'État, il existe aussi un projet de code de statut personnel des
non-musulmans en 197864. Il a été
élaboré par toutes les communautés
62 S. A. ALDEEB, L'impact de la religion sur
l'ordre juridique : cas de l'Egypte : non-musulmans en pays d'Islam, op. cit.,
P. 118, s
63 ibid. P. 121
64 V. une traduction française du
projet : S. ALDEEB et C. FRANCIS : « Un code de statut personnel en
Égypte: Projet commun aux chrétiens » : Praxis juridique
et religion, 6.1.1989, p. 92-110 (
http://www.sami-aldeeb.com).
46
chrétiennes d'Égypte qui sont : les Orthodoxes, les
Catholiques, et les Protestants. Il est à noter que les adventistes et
les témoins de Jéhovah sont exclus parce qu'ils ne sont pas
reconnus en Égypte (art. 24 et 113). Ce projet a prévu cependant
des dispositions particulières pour les Catholiques (art. 111). On
notera en outre que les dispositions de la communauté qui a
célébré le mariage restent applicables dans les domaines
non prévus par le projet (art 143). Le Pape Chenouda III, chef religieux
de la plus importante communauté chrétienne d'Égypte, a
présenté ce projet au gouvernement pour son adoption et sa
promulgation. Ce qui n'a jamais été fait. Au mois de
février 1988, le Pape Chenouda III a déclaré qu'il est
fier d'avoir pu réunir toutes les communautés chrétiennes
autour d'un projet unique65.
N. L. BIBAWI, a indiqué qu'en 2004, le Pape Chenouda III
avait remis un projet de loi de statut personnel pour les non-musulmans au
Ministre de la Justice lors de sa visite à la Cathédrale de
Saint-Marc au Caire à Abbassiya en 1999, lui demandant de le soumettre
au parlement pour son adoption. Mais pour des raisons inconnues, cela n'a pas
eu lieu, malgré la promesse du Ministre66.
Ce projet n'est pas seulement utile parce qu'il unifiera toutes
les législations confessionnelles existantes, mais c'était une
occasion d'exprimer la volonté de l'Église copte dans la nouvelle
législation unique en aménageant les cas de divorce pour les
Coptes orthodoxes. Le projet est donc conforme au droit de l'Église :
« Article 115 : Tout acte d'infidélité conjugale est
considéré en soi comme adultère, notamment dans les cas
suivants:
1. le départ de l'épouse avec un inconnu autre que
ses parents ou des membres de sa famille, à l'insu de son mari, sans son
autorisation et sans nécessité;
2. la présence de lettres de l'un des époux
à une personne étrangère, prouvant l'existence d'une
relation coupable entre eux;
3. la présence d'un étranger avec l'épouse
au domicile conjugal dans une situation douteuse;
65 S. A. ALDEEB, Statut personnel en
Égypte, op. cit., P. 21
66 ibid. P. 23
4.
47
l'incitation de l'épouse par l'époux à
commettre l'adultère et la débauche;
5. la conception durant une période où
l'époux se trouvait dans l'impossibilité - absence ou maladie -
d'avoir des rapports avec elle;
6. la perversion sexuelle. »
Il est vrai que le fait de regrouper toutes ces
législations confessionnelles en une seule loi votée par le
parlement aura beaucoup d'avantages :
- Premièrement, la notion de conflit de lois «
interne » disparaîtra, puisqu'on sera en face d'une seule loi.
Certes, elle contient des dispositions spécifiques à chaque
religion (comme la séparation de corps pour les Catholiques) mais toutes
ces dispositions se trouvent rassemblées dans un seul texte.
- Deuxièmement, l'unification permettra de concilier entre
les droits religieux différents tout en gardant leurs
spécificités, ce qui signifie qu'il y aura des dispositions
particulières qui ne concernent qu'une confession spécifique. Par
exemple, la limitation des cas de divorce à l'adultère pour les
Coptes orthodoxes.
- Troisièmement, éviter toute
contrariété à l'Ordre public et aux principes fondamentaux
des religions non-musulmanes.
- Quatrièmement, l'unification sera une très bonne
occasion de reformuler les dispositions qui ne sont pas conformes au droit
religieux.
- Cinquièmement, l'unification garantira le respect des
droits fondamentaux comme le principe d'égalité et la
liberté religieuse.
On a vu donc ici que la plupart des Égyptiens souhaitent
un jour d'avoir un droit unique de statut personnel ( soit d'une manière
absolue soit pour les non-musulmans ). Ceci signifie que le droit
égyptien a tendance à se diriger vers l'unification67
qui est un système appliqué dans beaucoup de pays dans le monde
et notamment en France où l'unification du droit est marquée par
la codification des règles de statut personnel à
l'intérieur du Code civil.
67 Dans le même sens, V. S. A. ALDEEB,
« Rôle de la religion dans l'harmonisation du droit des pays arabes
», op. cit., P. 271-273
48
Section II : Une loi française unique avec une
pluralité des cas de divorce
Le droit français a évité tous les
problèmes déjà cités pour le droit égyptien.
La plupart de ces problèmes avaient pour origine la pluralité des
législations confessionnelles qui régissent le statut personnel
en Égypte. Or, le droit français a codifié les cas de
divorce dans le Code civil, ce qui fait que le droit français est un
droit unique applicable à tout le monde. Il a même
dépassé le voeu des Égyptiens, puisque la doctrine
égyptienne souhaite avoir un droit unique en Égypte, mais qui
contient des dispositions spécifiques pour chaque religion lorsqu'il y a
des différences entre les religions.
Quant au droit français qui est considéré
comme un droit laïc ne tient compte d'aucune religion. De même le
droit français ne contient aucune disposition spécifique à
une religion quelconque. Tous les cas de divorce prévus par le droit
français concernent tout le monde. Le système français est
donc un système libéral : il tend à assurer le respect des
convictions religieuses sans se lier à un étroit
confessionnalisme. Sa faiblesse est qu'il n'assure qu'imparfaitement ce
respect, parce qu'à l'état pur, la notion du divorce catholique
impliquerait que l'indissolubilité du mariage fût ( selon
CARBONNIER ) indéfiniment
préservée68.
Par rapport au système égyptien, le système
français pourrait dans son ensemble nous donner une meilleure solution,
mais parfois choquante. La doctrine égyptienne considère qu'en
France, la loi unique qui régit le statut personnel pour tous les
citoyens, même si elle est intégrée dans le Code civil pour
la donner un caractère laïc, cette loi est influencée par la
religion de la population69. Par conséquent, le Code civil
français s'applique à tous les Français même s'ils
sont musulmans. Ceci signifie que l'époux musulman sera soumis à
des règles qui sont largement influencées par le
christianisme70. Mais, en revanche, cette influence diminue de plus
en plus. On pourrait déduire de cela que le droit français
voudrait établir une sorte d'égalité absolue entre tous
les individus quelle que soit leur appartenance religieuse. De même, le
législateur français voudrait libérer le droit de la
famille de toute influence religieuse, ce qui rendra le contenu du droit de la
famille plus cohérent avec la laïcité de l'État.
68 CARBONNIER, Droit civil, 2/ la famille, l'enfant et
le couple, PUF, 20e édition, P. 634
69 C. BONTEMS,(dir), Mariage - Mariages, op. cit.,
P. 599
70 H. ELEHWANY, L'explication des principes de
statut personnel des égyptiens chrétiens, op. cit., P.80
49
§1- La pluralité des cas de divorce, un choix
bien voulu
Pour revenir sur la notion d'unité ou de
pluralité. Il est vrai que le droit français est un droit unique
dans le sens où il existe une seule loi ( c'est celle qui figure dans le
Code civil ) qui s'applique aux époux quelle que soit leur
religion71 ( c'est-à-dire qu'il n'y a pas de conflits de lois
internes ).
En revanche, la notion de diversité ou de pluralité
peut être vue sous un autre angle. On peut aussi examiner la
diversité non pas des législations qui régissent les cas
de divorce, mais, la pluralité des cas de divorce qui figurent tous dans
une loi unique. Il est tout à fait possible de trouver plusieurs cas de
divorce dans une seule législation qui ont pour but respecter la
pluralité des pensées ( religieuses ou non ) qui se trouvent en
France. On a un droit unique certes, mais un droit qui respecte la
diversité des individus. En effet, la loi propose plusieurs types de
divorce, elle laisse une large marge d'initiative aux époux qui ont
décidé de se séparer72. Par conséquent,
les époux ne seront pas gênés par l'existence d'un droit
unique puisque ce dernier renferme une pluralité des cas de divorce. Les
époux ( ou l'un d'eux ) peuvent donc choisir le cas de divorce qui ( lui
ou ) leur convient.
La pluralité des cas de divorce qui existe en droit
français n'est pas évidente. En effet, une proposition ancienne a
été faite pour avoir un cas de divorce unique. La question s'est
posée avant la réforme de 1975.
Avant la réforme de 1975, l'Association nationale des
avocats a élaboré un projet de loi sur la question (
appelé projet CHAUMIÉ ) par lequel elle consacrait un seul cas de
divorce, c'est le divorce constat d'échec73. En d'autres
termes, pour Monsieur CHAUMIÉ, il n'existe qu'un seul cas de divorce
c'est « l'état de désunion irrémédiable
des époux » : le juge devra chercher si les époux
peuvent être considérés comme définitivement
désunis, sans devoir déterminer l'imputabilité de cette
désunion. Ce projet rejetait l'idée d'un divorce pour
consentement mutuel. Lorsqu'il s'agit d'une
71 Par opposition au droit égyptien qui
contient plusieurs législations et une seule sera applicable.
72 H. FERKH, L'unicité de la notion de
famille en droit musulman et sa pluralité en droit français,
Lyon 1994, P. 158
73 J. MASSIP, La réforme du divorce,
Répertoire du notariat Defrénois, 1976, P. 26, s
50
requête conjointe, les époux doivent énoncer
les faits sur lesquels ils se fondent pour demander le divorce et le juge,
à son tour, doit vérifier si la désunion des époux
est bien irrémédiable. De même, la simple faute ou la
responsabilité d'un époux n'est pas suffisante pour divorcer.
L'échec du mariage est la seule condition dans laquelle le divorce peut
être prononcé. C'est un cas objectif de divorce.
Mais ce cas unique de divorce a été contesté
par la doctrine. Par exemple CARBONNIER dit : « Les faits
d'adultère, d'excès, des sévices, d'injures, de
condamnation, ne sont bien souvent que des symptômes, les signes de la
désunion n'est elle-même que l'effet d'une cause première
qui demeure cachée : la fin de l'amour conjugal, la lassitude,
l'incompatibilité d'humeur. Ce qui donne l'illusion de la cause
objective, c'est que les causes réelles du divorce ne sont pas apparents
et s'avèrent difficiles à démêler. Il est cependant
des cas où ce sont bien les manquements aux devoirs conjugaux qui sont
la cause de désunion et où la rupture du mariage se pose
clairement en termes de responsabilité. »74.
En outre, Monsieur J. MASSIP trouve que « le concept de
désunion irrémédiable est nécessairement vague et
laisse, en conséquence, au juge un très large pouvoir
d'appréciation, qui pourrait donner naissance à une jurisprudence
très diversifiée, selon les convictions personnelles du juge.
»75
De même, Monsieur MASSIP trouve que le simple divorce
faillite ouvrirait trop largement les portes du divorce puisque le juge serait
tenu de le prononcer sans aucune condition quant à la durée de la
désunion, dès qu'il constaterait que le caractère profond
de celle-ci76.
À cause de ces contestations, ces critiques et ces
inconvénients relatifs à un seul cas de divorce, le
législateur en 1975 a retenu la pluralité des cas de divorce.
En effet, la loi du 11/7/1975 a prévu trois cas de divorce
différents, ce sont :
1- Le divorce pour consentement mutuel qui se subdivise à
son tour en deux cas : - Le divorce sur demande conjointe des époux
- Le divorce demandé par l'un des époux et
accepté par l `autre
74 CARBONNIER, « La question du divorce,
mémoire à consulter », D.1975, chr. XX, P. 117
75 J. MASSIP, La réforme du divorce,
op. cit., P. 36
76 ibid. P.37, s
2-
51
Le divorce pour rupture de la vie commune
3- Le divorce pour faute77
Quant à la réforme de 2004, le législateur
n'a pas voulu revenir sur le principe du pluralisme des cas de divorce. Cette
réforme a maintenu le divorce pour faute, mais elle a transformé
le divorce sur demande acceptée en divorce pour acceptation du principe
de la rupture du mariage, en outre, elle a profondément modifié
le divorce pour rupture de la vie commune et elle l'a transformé en
divorce pour altération définitive du lien
conjugal78.
§2- Un doute sur l'influence de la religion sur la
désunion en droit français
Pour savoir s'il existe toujours une influence de la tradition
catholique ou pas. Il faut retourner vers le mariage lui-même et la
manière avec laquelle la société française
conçoit l'idée du mariage.
En réalité, le mariage en droit français est
jusqu'à présent considéré comme un lien
indissoluble malgré la pluralité des cas de divorce qui existent
en droit français. Mais l'idée est que la tradition catholique
influe sur le droit français par la conclusion du mariage, et plus
précisément, sur l'objectif voulu par le mariage. Il est vrai
qu'en France, le mariage est toujours considéré comme un lien
indissoluble.79 C'est pour cette raison que le divorce (
contrairement à la séparation de corps ) n'était admis ni
par l'Église ni par le droit canon. Normalement, lors du mariage, les
époux ne pensent pas qu'un jour ils souhaiteront être
divorcés puisque l'idée de l'indissolubilité est toujours
associée au mariage. Mais actuellement, cette influence est en baisse,
surtout avec un divorce par consentement mutuel où les époux sont
d'accord, non pas sur le principe de divorce, mais sur toutes les
conséquences et les effets du divorce. Mais est-ce que ceci signifie
qu'on favorise l'idée selon laquelle le divorce est devenu un outil non
négligeable en droit français de la famille ?
77 ibid. P. 40
78 P. MALAURIE et H. FULCHIRON, la famille, op.
cit., P.239
79 P. MALAURIE et H. FULCHIRON, la famille, op.
cit., P.64
52
La réponse à cette question dépend de
plusieurs données philosophiques, sociologiques et idéologiques,
de l'importance qu'on rattache aux valeurs individuelles ou collectives ou,
plus essentiellement, de la signification que l'on donne au mariage ( contrat
ou institution ).
Ici, la doctrine se divise en deux :
La première partie considère que le mariage est un
lien perpétuel, et condamne le divorce au nom de la défense de
l'institution familiale. À l'intérieur du même courant de
pensée, existe toujours l'idée selon laquelle l'étendue du
consentement conjugal change de degré et de nature selon que le mariage
est un lien indissoluble ou que le divorce est un remède exceptionnel
à une situation particulière qu'on peut appeler « un mal
nécessaire »80
Toujours dans la même logique, des auteurs81
trouvent que la possibilité du divorce doit dépendre de
l'appartenance confessionnelle des époux. Selon cette logique, le couple
aurait le soin de choisir, lors de la célébration du mariage
entre un mariage dissoluble ou indissoluble82. Mais il ne faut pas
oublier que cette dernière idée n'est plus possible actuellement
à cause de la laïcisation de l'État et des lois. L'objection
tirée de la religion contre le divorce est affaiblie d'une
manière très importante.
En revanche, la seconde partie de la doctrine trouve que, surtout
après l'affaiblissement de la non admission du divorce pour des raisons
religieuses, le divorce doit être plus libéral et plus large et il
ne doit pas se limiter à un divorce constat d'échec, mais, en
ouvrant la porte à de nouveaux cas de divorce pour permettre aux
époux de choisir librement le cas qui leur est
favorable.83
80 ibid. P.240
81 L. MAZEAUD, « Solution au problème du
divorce », D. 1945, P.11
82 H. FERKH, L'unicité de la notion de
famille en droit musulman et sa pluralité en droit français,
op. cit. P.157, s
83 ibid. P. 160
53
Mais l'idée qui demeure essentielle est, et comme le dit
Monsieur le Doyen H. FULCHIRON : « Les définitions du mariage
et du divorce ont d'étroites relations : celle du mariage commande celle
du divorce... »84 et inversement.
Le droit français se caractérise d'avoir une
pluralité des cas de divorce, mais bien définis, ce qui fait que
les cas de divorce sont prévus à l'avance dans la loi. Il est
vrai que les époux ne peuvent savoir quel est le cas de divorce qui sera
la cause de leur divorce ( surtout qu'au moment du mariage, l'idée est
qu'il est conclu comme un lien indissoluble ) mais ils savent malgré
cela que si le droit français est applicable au lien quelles seront les
causes de divorces possibles.
Malgré la pluralité des cas de divorce qui se
trouvent actuellement en droit français, la question se pose toujours
pour l'influence de la tradition catholique sur le droit français de la
famille surtout pour la séparation de corps ( A ). En
revanche cette pluralité a tendance à rapprocher le droit
français du droit égyptien ce qui facilite la comparaison entre
les deux droits ( B ).
A - La séparation de corps, une trace de la
tradition catholique
Malgré la laïcité du droit français, ce
dernier garde toujours des traces du catholicisme. Ceci ne peut pas être
compris comme un inconvénient; au contraire, puisque la loi, même
si elle est laïque, s'applique parfois à des époux qui, eux
sont de religion catholique. Le droit français maintient toujours la
séparation de corps.
La séparation de corps est le relâchement du
lien conjugal prononcé par le juge. Sans dissoudre le mariage, elle
supprime la communauté d'existence entre les
époux85. La séparation de corps a pour origine le
droit canonique, elle est en effet compatible avec les positions de
l'Église catholique sur l'indissolubilité du mariage puisqu'elle
laisse subsister le lien matrimonial. La question qui s'est posée en
1975 est de savoir s'il convient de supprimer l'institution de la
séparation de corps pour ne laisser subsister que le divorce avec la
pluralité de ses cas. Certains l'avaient pensé à
l'époque, par exemple
84 P. MALAURIE et H. FULCHIRON, La famille, op.
cit., P. 240
85 H., L. et J. MAZEAUD, F. CHABAS, Leçons
de droit civil, TOME I, 3e volume, la famille, Montchrestien,
7e édition par L. LEVENEUR, P. 802
54
le projet CHAUMIÉ86 avait supprimé la
séparation de corps. En revanche, le projet de loi du gouvernement a
maintenu la séparation de corps et l'éventualité de sa
suppression n'a même pas été évoquée au
Parlement. L'argument essentiel que l'on peut faire valoir en faveur du
maintien de la séparation de corps est que beaucoup de Français
souhaitent, en raison de leurs convictions religieuses, que la
séparation de corps soit conservée. J. MASSIP dit qu'il n'y a
aucune raison de priver les époux de cette faculté à
laquelle ils veulent recourir : « Une loi qui se veut libérale
doit respecter le pluralisme de
l'opinion »87. La séparation de
corps est une trace très importante du catholicisme en droit
français, mais elle a légèrement perdu son appartenance
religieuse par son intégration dans un droit laïc. Ceci signifie
que la séparation de corps n'est pas limitée aux Catholiques,
mais, même les non-catholiques peuvent choisir ce type de désunion
s'ils trouvent que ce système leur est favorable.
En effet, CARBONNIER trouve que la séparation de corps
« ... est offerte aux Catholiques, parce qu'elle est compatible avec
leurs convictions, comme un succédané du divorce, mais purement
facultatif, et d'ailleurs ouvert aussi bien aux non-catholiques ce qui rend
superflue toute recherche d'appartenance »
religieuse88.
Si on examine les chiffres, on trouve d'une part que les zones de
plus grande fréquence se rencontrent dans l'Ouest, le Massif central, en
corrélation avec la pratique religieuse89. D'autre part, on
trouve qu'en 1974, 3300 séparations de corps ont été
prononcées ; 2964 en 1978 ; 3920 en 1982 ; 4570 en 1986 ; 4840 en 1988 ;
et 3926 en 1990. En 1996, il y a eu 9296 demandes pour séparation de
corps ; et en 2000, 7808 demandes.
Comme ces chiffres le montrent, l'importance pratique de la
séparation de corps ne peut pas être négligeable.
Toutefois, au regard des chiffres relatifs au divorce, la séparation de
corps est relativement faible et va même en diminuant : pour 100
nouvelles désunions ( soit par divorce, soit par séparation de
corps ), on trouve 20 séparations de corps face à 80
désunions par divorce sur la période 1890 à 1904 ; sur la
période 1962 à
86 Le projet de l'Association nationale des Avocats
87 J. MASSIP, La réforme du divorce, op.
cit. P.267, s
88 CARBONNIER, Droit civil, op. cit. P.
634
89 ibid., P. 633
55
1968, on trouve 12 séparations de corps face à 88
désunions pour divorce ; et actuellement, 4 séparations de corps
face à 96 désunions par divorce90.
Cette grande différence qui se trouve entre la proportion
entre le nombre des divorces et le nombre des séparations de corps est
due à la possibilité de convertir la séparation de corps
en divorce. En effet, la loi du 11/7/1975 prévoyait qu'il faut et il
suffit qu'un délai de trois ans se soit écoulé depuis le
prononcé de la séparation de corps pour que la conversion puisse
être demandée. La conversion est de plein droit,
c'est-à-dire, qu'elle est obligatoire pour le juge91. Il ne
faut pas oublier que le délai de trois ans a été
réduit à deux ans par la nouvelle loi de 200492.
Comme on a vu pour la séparation de corps, il existe
même des cas de divorce qui ont une tendance à se rapprocher
à ceux qui existent en droit égyptien et notamment, la
répudiation.
B-La répudiation, une influence partielle sur les
cas de divorce français
La répudiation est un moyen par lequel, un époux
peut mettre fin au contrat de mariage à tout moment. La
répudiation existait en droit romain et existe toujours en droit
musulman93.
Il est vrai que la répudiation musulmane est très
choquante en droit français actuel à cause de l'atteinte au
principe d'égalité entre époux. Le droit français a
tendance à se rapprocher d'une répudiation, mais, d'une
manière plus égalitaire car elle est permise pour chacun des
époux et non pas réservée uniquement au mari. Par
conséquent, on ne peut pas dire que le divorce pour altération
définitive du lien conjugal est une vraie répudiation parce qu'il
ne possède pas toutes les caractéristiques et toutes les
spécificités de la répudiation.
90 V. H., L. et J. MAZEAUD, F. CHABAS,
Leçons de droit civil, op. cit . , P. 802 ; et P.
MALAURIE et H. FULCHIRON, La famille, op. cit. P. 344
91 J. MASSIP, La réforme du divorce, op.
cit., P. 276
92 C.civ. Art. 306
93 P. MALAURIE et H. FULCHIRON, La famille, op.
cit. P. 229
1- 56
La volonté unilatérale de mettre fin au
lien conjugal
À la suite de la révolution française, les
révolutionnaires ont crée un divorce pour incompatibilité
d'humeur, ensuite, ce type de divorce a été supprimé par
les rédacteurs du Code civil. En 2004, le divorce pour rupture de la vie
commune a été transformé en divorce pour altération
définitive du lien conjugal. Là aussi, le système
français commence à se rapprocher un peu de la
répudiation.
En effet, l'article 237 du Code civil précise que :
« le divorce peut être demandé par l'un des époux
lorsque le lien conjugal est définitivement altéré.
». L'idée donc est qu'un époux peut
unilatéralement mettre fin au lien conjugal sans que l'autre
époux n'ait commis une faute ni donné son accord. Ceci signifie
que le divorce pour altération définitive du lien conjugal se
rapproche de la répudiation dans la mesure où un seul des
époux pourrait mettre fin unilatéralement au lien conjugal.
Une autre remarque : dans les cas de divorce pour faute c'est la
partie innocente qui demande le divorce. Mais ici, la situation est
différente parce qu'il n'y a pas de fautes commises par l'autre
époux pour divorcer. Ceci signifie que la volonté joue un
rôle non négligeable. De même pour la répudiation qui
se base sur la volonté sans l'existence de fautes à
l'égard de l'autre époux.
Mais, malgré tout cela, on peut quand même dire que
ce cas de divorce ne présente pas une vraie répudiation. On
pourrait donc dire que le divorce pour altération définitive du
lien conjugal n'est pas une répudiation mais un cas de divorce semblable
à une répudiation.
2- Le divorce pour altération définitive
du lien conjugal n'est pas une vraie répudiation
En principe, l'époux qui veut répudier en droit
égyptien, n'est pas lié d'aucune condition particulière,
ce qui signifie, en d'autres termes, que la simple volonté de
répudier suffit pour mettre fin au lien conjugal.
57
En droit français, il existe une condition
supplémentaire et qui est essentielle : les époux doivent
être séparés pendant deux ans lors de l'assignation en
divorce. On a donc ici une condition de délai qui s'ajoute à la
volonté.
Même avant la réforme de 2004, le divorce pour
rupture de la vie commune supposait que deux éléments essentiels
doivent être réunis : le premier élément est un
élément matériel qui est la séparation de fait. Cet
élément s'ajoute donc à un second élément
qui est l'élément intentionnel qui représente la
volonté de mettre fin à la vie commune94. Dans la
répudiation musulmane, le premier élément n'est pas une
condition pour répudier.
En outre, la loi, avant la réforme de 2004
prévoyait un délai de six ans, ce qui signifie que la
séparation est un élément essentiel pour le divorce pour
rupture de la vie commune. Ce n'est pas le cas pour la répudiation ;
cette dernière n'est liée d'aucun délai. En d'autres
termes, le mari, en principe, peut à tout moment répudier sa
femme, c'est la différence avec le divorce pour rupture de la vie
commune. En effet, si on parle de « répudiation » en droit
français, il faut faire très attention au terme car il s'agit
d'une répudiation encadrée, tempérée,
égalitaire, et, en quelque sorte, moralisée95.
Il peut nous paraître étrange que le système
français aurait tendance à se s'inspirer légèrement
du cas de divorce le plus contesté actuellement par la jurisprudence
française à cause des atteintes aux droits fondamentaux ce qui
signifie que la jurisprudence tient compte des droits fondamentaux pour
évaluer les cas de divorce qui émanent d'un système
juridique étranger et qu'elle doit reconnaître en France ce qui
montre l'importance de l'influence des droits fondamentaux sur les cas de
divorce.
94 ibid. P. 279
95 P. MALAURIE et H. FULCHIRON, La famille, op.
cit. P.277
58
Titre II : Une influence croissante des droits
fondamentaux sur les cas de divorce
Si on trouve dans les règles de droit un lien et une
influence réciproque, malgré quelques différences
importantes. La jurisprudence peut mettre en évidence ces
différences par le biais des droits fondamentaux. Ces différences
permettent de dire que le droit égyptien pourrait contenir des
dispositions qui sont inconciliables avec les droits fondamentaux
respectés par la jurisprudence française. Cela ne signifie pas
que le système juridique égyptien ne respecte pas ou respecte
moins les droits fondamentaux. Mais, le système égyptien a une
certaine conception des droits fondamentaux qui sont inscrits dans la
constitution et qui sont interprétés d'une manière
relativement différente à celles du droit français. Cette
différence est due à l'évolution historique et juridique
de chacun des deux systèmes. Cette différence explique bien
pourquoi la jurisprudence française n'admet pas l'idée de la
répudiation au nom des droits fondamentaux (Chapitre I ). Mais la
situation n'est pas aussi pessimiste que l'on peut croire. Si on regarde
à la situation dans son contexte on trouvera que la situation n'est pas
très choquante et pourra même aboutir au même
résultat pour le respect des droits fondamentaux ( Chapitre II ).
Chapitre I : Répudiation et droits
fondamentaux
Il ne faut pas oublier que la répudiation n'est pas le
seul cas de divorce qui existe en droit égyptien. Le divorce judiciaire
existe aussi en droit égyptien, et plus
précisément, en droit musulman. En d'autres termes,
il y a des cas où le juge intervient de façon plus efficace pour
prononcer le divorce.
En effet, il existe deux types des causes de divorce :
1 - Les causes de divorce spéciales ( à comparer
avec les causes de divorce générales ) constituées par
certains faits précis que l'un des conjoints reproche à l'autre
et qui déterminent le juge à prononcer le divorce.
59
2 - Les causes de divorce générales fondées
sur le préjudice « el darar » que fait subir l'un des
époux à la continuation de la vie commune96.
Pour déterminer la nature du préjudice, il est
presque impossible de dresser une limite exhaustive des motifs ou des causes de
dissolution du mariage. Mais, parmi les causes objectives de divorce, on peut
trouver par exemple : l'impuissance du mari, le non-paiement de la dot, le
défaut d'entretien, l'emprisonnement ou l'absence prolongée d'un
époux, l'apostasie...97.
Maintenant, on voit très bien pourquoi la
répudiation est le cas de divorce en droit musulman qui est toujours
à l'origine des problèmes, contrairement aux autres cas de
divorce judiciaire qui sont des cas de divorce classiques et qui peuvent
exister dans n'importe quel système juridique. La répudiation
demeure donc le cas de divorce qui viole les droits fondamentaux
énoncés dans la Convention européenne de sauvegarde des
Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et ses protocoles. Mais
il faut savoir d'abord, en quoi la répudiation pourrait-elle porter
atteinte aux droits fondamentaux ( Section I ), puis la
position de la jurisprudence française en droit international
privé sur la reconnaissance des répudiations
étrangères ( Section II ).
Section I : En quoi la répudiation porte
atteinte aux droits fondamentaux ?
C'est la « répudiation prononcée par la
volonté unilatérale du mari ». Avant d'entrer
dans le détail, cette formule d'un point de vue français, viole
les droits fondamentaux. Mais il ne suffit pas de condamner un système
par la simple lecture de l'intitulé du cas du divorce. Il faut, en
revanche, connaître le système de la répudiation en entier
pour savoir si la répudiation porte atteinte aux droits fondamentaux ou
pas. Les auteurs ont beaucoup approfondi sur la question ( paragraphe 1 ). De
même, la jurisprudence française a examiné la situation
à plusieurs reprises ( paragraphe 2 ).
96 H. FERKH, L'unicité de la notion de
famille en droit musulman et sa pluralité en droit français,
op. cit. P.46
97 ibid. P.47
60
§1- Une philosophie très remarquable de la
répudiation.
D'après Monsieur Hassan FERKH, « le divorce ou, plus
exactement, la répudiation est l'un des sujets les plus
développés dans le Coran »98. Le même
auteur ajoute dans sa thèse99 qu' « en fait, le mari
dispose, en droit classique, d'un droit arbitraire de prononcer la
répudiation, c'est-à-dire que seul le mari [...] a la
faculté de mettre fin au mariage. Le consentement de l'épouse
n'est jamais requis et le juge n'a pas à intervenir » 100.
La question qui se pose automatiquement à ce stade est :
pourquoi seul le mari a-t-il la possibilité de répudier, tandis
que la femme n'a pas le même privilège ? La même question a
été posée par Monsieur Mohamed Abdel Mon'eim HABACHI,
professeur de droit musulman à la faculté de droit au Caire, et
à laquelle il a répondu.
Monsieur HABACHI estime qu'il y a trois possibilités
envisageables pour prononcer une répudiation
unilatérale101 :
- La première possibilité selon Monsieur HABACHI
est d'attribuer ce privilège à la femme. Mais, Monsieur HABACHI
estime que dans cette situation, la vie conjugale sera fortement
perturbée, parce que la femme a des caractères spécifiques
qui lui rendent « plus sentimentale »102. Ceci signifie
que la femme s'émotionne plus que l'homme et par conséquent, elle
sera facilement influencée par des évènements
extérieurs, ce qui augmentera le nombre de divorce. Et puisque le droit
musulman considère que le plus exécrable des actes licites
pour Dieu, est le divorce103, et la répudiation
exercée par la femme augmentera beaucoup le nombre de divorce dans la
société.
98 ibid. P. 16
99 ibid. P. 47
100 Y. LINANT DE BELLEFONDS, Traité du droit musulman
comparé, T.2, Mouton, 1965, P. 315
101 M. A. HABACHI, la séparation des époux,
les droits des enfants et des proches dans le « fiqh » islamique,
dar el nasr, 2004, le Caire, ( en arabe ), P.15-18
102 Dans le même sens, Y. LINANT DE BELLEFONDS, op.
cit., P.316
103 ibid. P. 14
61
En outre, « la situation de la répudiation est
une des situations difficiles, et le fait de prendre la décision de
répudier a besoin d'une révision et d'une étude de ses
effets de tous les côtés, et c'est l'homme qui pourra prendre une
telle décision si difficile. »104.
- La deuxième possibilité, est de soumettre le
pouvoir de répudier au juge. Monsieur HABACHI trouve que c'est une
solution inadmissible puisque le juge « n'est pas partie au lien
conjugal »105. Il ajoute que la relation entre
époux, en droit musulman, est basée sur l'amour et la
pitié. En outre, cette relation est entourée de plusieurs
phénomènes de fidélité et de
communauté. Monsieur HABACHI ensuite se pose la question :
comment alors permettre au juge qui est un tiers à cette relation de
répudier sans aucune cause légitime et sans faute de la part des
époux ?106 Il est vrai que Monsieur HABACHI
reconnaît l'intervention du juge dans le divorce judiciaire, mais il n'a
pas intérêt à répudier.
- La troisième possibilité, est d'attribuer ce
privilège de répudiation au mari, et c'est, selon Monsieur
HABACHI, la meilleure solution. C'est d'ailleurs la solution prise par le droit
musulman, à condition que le mari n'abuse pas de son droit de
répudier107, ce qui signifie, en d'autres termes, que le mari
( s'il répudie ) doit répudier conformément au droit
musulman qui garantie l'égalité et la justice et qui favorise la
continuité du mariage si cela est possible.
Effectivement, la répudiation est
déconseillée par le Coran et la sunna du
Prophète. En revanche, elle est restée toujours d'un usage
fréquent108. Monsieur Hassan FERKH trouve que, dans la
pratique, les Arabes musulmans ont dépassé les termes de
l'autorisation religieuse. Il explique : « Pour se débarrasser
rapidement et définitivement de leurs épouses, des hommes ont eu
alors recours à des répudiation par trois, au lieu, pour obtenir
ce résultat, d'attendre les effets de trois répudiations
successives »109. En outre, il est fréquent qu'un
mari recourre à la répudiation de sa femme par
mandat110. Il faut mentionner aussi que « la
quasi-unanimité des légistes des quatre écoles du
droit
104 ibid. P. 16
105 ibid.
106 ibid.
107 ibid. P. 18
108 H. FERKH, L'unicité de la notion de famille en
droit musulman et sa pluralité en droit français, op.
cit. P.47
109 ibid. P. 48
110 ibid., et M. A. HABACHI, op. cit., P. 59
62
musulman ont admis la répudiation ajournée
à l'arrivée du terme, certain ou incertain, et elle est
subordonnée à l'arrivée d'une condition, que celle ci soit
casuelle, dépendant du seul hasard ou
potestative.»111. Mais il ne faut pas oublier que la loi
égyptienne n° 25 de 1929, qui régit le statut personnel des
Musulmans, a encadré ces genres de répudiation en ajoutant
quelques limites112.
La présence de tous ces cas, non pas de « divorce
», mais, de « répudiation », explique l'augmentation du
nombre de divorce. Le problème n'est pas resté au plan interne,
mais il a dépassé les frontières pour arriver à la
jurisprudence française qui devait se prononcer sur la
répudiation et sa reconnaissance au sein du système juridique
français.
§ 2 - Une évolution hésitante
C'est à cause de l'expansion coloniale que la France a pu
découvrir d'autres systèmes juridiques. C'est même avant.
À la campagne d'Égypte, la France s'est ouverte à un
nouveau monde dont elle a voulu découvrir. C'était le premier
juillet 1798 lorsque Napoléon a débarqué à
Alexandrie. Après sa victoire à la seconde bataille d'Aboukir,
Napoléon était impressionné par la religion
musulmane113. Ceci signifie que la France a commencé à
découvrir de très prêt la culture arabe et le droit
musulman, à partir de la campagne d'Égypte. C'est à ce
moment là que la répudiation a commencé à
apparaître face au système juridique français. En revanche,
la compréhension de la répudiation musulmane n'a pas
été limitée par la campagne d'Égypte. Les pays du
Maghreb ont joué un rôle très important pour transmettre
l'idée de la répudiation musulmane au système
français.
Mais la question qui se pose une fois que le système
français a saisi ce nouveau cas de divorce ; quelle est la position de
la jurisprudence française face à la répudiation ? La
réponse à cette question n'est pas facile, la position de la
jurisprudence française est
111 H. FERKH, L'unicité de la notion de famille en
droit musulman et sa pluralité en droit français,
op.
cit. P.48 ; Voir aussi, Y. LINANT DE BELLEFONDS,
Traité du droit musulman comparé, op. cit., P.384
112 Loi n° 25 de 1929, art. 1 - 4
113 V.
http://www.insecula.com/article/F0009818.html
63
extrêmement fluctuante. Pendant vingt ans, la
première Chambre civile de la Cour de cassation française a
opéré cinq revirements114.
Au départ, la Cour de cassation française
accueillait les répudiations prononcées à
l'étranger lorsque l'épouse a pu faire valoir des droits et que
l'instance lui avait permis de présenter ses prétentions et
moyens de défense115. En outre, à partir de 1983, la
Cour de cassation française s'est montrée extrêmement
bienveillante à l'égard des répudiations en invoquant
l'effet atténué de l'Ordre public116. Ensuite, la Cour
de cassation a commencé à contrôler la répudiation
et s'assurer de l'absence de fraude. Un arrêt du 6 juin 1990 a
précisé que si les répudiations prononcées à
l'étranger produisent effet en France, ce n'est qu'à la condition
quelles n'avaient pas été obtenues par fraude117.
Mais, cette position de la Cour de cassation de reconnaître
la répudiation n'a pas duré longtemps. À partir de 1994,
la première Chambre civile de la Cour de cassation a commencé
à rappeler l'article cinq du protocole n°7 Convention
européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés
fondamentales, signé le 22 novembre 1984 et entré en vigueur le
premier novembre 1988. La Cour de cassation a affirmé son
hostilité au fait de laisser produire effet en France de la
répudiation118. Mais, une décision du 5 janvier 1999 a
effectué un retour en arrière. La première Chambre civile
de la Cour de cassation a énoncé dans cet arrêt que les
répudiations peuvent produire effet sur le territoire français
dès lors que la partie défenderesse a été
légalement citée ou représentée.
Au début de ce millénaire, la première
Chambre civile de la Cour de cassation n'a pas toujours fait
référence au protocole n° 7 de la Convention
européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés
fondamentales. Le 3/7/ 2001, dans un arrêt relatif à l'exequatur
d'un jugement de répudiation algérienne, la cour a
décidé que
114 P. HILT, Le couple et la convention européenne des
droits de l'Homme, Presses universitaires d'AIX MARSEILLE, éd.
2004, P. 246.
115 Cass. 1ère Civ. 18 décembre 1979,
Dahar I : Rev. Crit. DIP 1981, P.597.
116 Cass. 1ère Civ. 3 novembre 1983, Rhobi
: Rev. Crit. DIP 1984, P.325, note I. FADLALLAH.
117 D. 1990, somm., P. 263
118 Cass. 1ère Civ. 1/6/1994, D. 1995,
P. 263, note MASSIP ; Cass. 1ère Civ., 31/1/1995, Bull. civ.,
I, n°58, P.42 ; Cass. 1ère Civ. 19/12/1995, JCP G
1996, IV, P.356 ; Cass. 1ère Civ. 11/3/1997,
D., 1997, jurisp., P.400.
64
« la conception française de l'ordre public
international ne s'oppose pas à la reconnaissance en France d'un divorce
étranger par répudiation unilatérale par le mari
dès lors que le choix du tribunal par celui-ci n'avait pas
été frauduleux, que la répudiation avait ouvert une
procédure à la faveur de laquelle chaque partie avait fait valoir
ses prétentions et ses défenses ... »
Puis elle ajoute « .. le jugement algérien,
passé en force de chose jugée et susceptible d'exécution,
avait garanti des avantages financiers à l'épouse en condamnant
le mari à lui payer des dommages-intérêts pour divorce
abusif, une pension de retraite légale et une pension alimentaire
d'abandon... »119. En d'autres termes, la Cour de
cassation a affirmé d'une façon très claire que la
conception d'ordre public international ne fait pas obstacle à la
reconnaissance en France d'une répudiation unilatérale
prononcée par un juge étranger dès lors que le choix du
tribunal n'a pas été frauduleux, que les droits de la
défense avaient été respectés et que
l'épouse avait bénéficié de compensations
pécuniaires. On voit bien que la Cour de cassation n'a pas fondé
sa décision sur la Convention européenne des droits de l'Homme,
mais elle a utilisé les critères traditionnels pour
reconnaître la répudiation, notamment le respect des droits de la
défense et le procès équitable120.
Dans un arrêt du 12 mars 2002, la Cour de cassation
« confirme le retrait du droit européen des droits de l'Homme,
mais elle considère que l'acquisition de la nationalité
française par le mari constitue un lien étroit avec la France
devant conduire à l'éviction de la loi étrangère
»121. La question qui se pose donc est : est-ce que la
Cour de cassation a tendance à utiliser l'ordre public de
proximité comme un moyen supplémentaire pour ne pas admettre la
répudiation musulmane ? En revanche, Monsieur FARGE dit que «
la décision ne, toutefois, pas être comprise comme la
consécration d'une nouvelle politique jurisprudentielle fondée
sur l'ordre public de proximité qui permettrait d'encadrer, sans le
rejeter par principe, la répudiation islamique »122,
mais ce qui paraît très clair dans cet arrêt est que la
première Chambre civile de la Cour de
119 Cass. 1ère Civ., 3/7/2001, Juris-Data
n° 2001-010453
120 M.-C. MEYZEAUD-GARAUD, RJPF, 2001, N° 11,
P.16
121 M. FARGE, « La répudiation musulmane : le glas de
l'ordre public fondé sur le principe d'égalité des
sexes », Dr. famille, 2002, n° 7 - 8, P. 13
122 ibid.
65
cassation s'est fondée sur l'ordre public français
en matière internationale avec les exigences minimales d'ordre public
procédural et d'ordre public alimentaire.
Cette position prise par la Cour de cassation a été
beaucoup critiquée par plusieurs auteurs123. Ils
considèrent que la répudiation devrait être rejetée
comme étant contraire au principe d'égalité entre
époux. Ce principe est garanti par la Convention européenne des
droits de l'Homme et ses protocoles.
À la suite de ces critiques, la Cour de cassation a
changé de position dans une série d'arrêts en 2004, en
refusant de reconnaître la répudiation musulmane à cause de
sa contradiction au principe d'égalité énoncé
à l'article 5 du protocole n° 7 du 22/11/1984 additionnel à
la Convention européenne des droits de l'Homme. Cette nouvelle position
a ouvert le débat sur la question du principe reconnu par la Convention
européenne des droits de l'Homme et la contrariété de la
répudiation à ce principe.
Section II : Le rejet de la répudiation pour sa
contrariété au principe d'égalité
Si avant 2004, une répudiation pourrait facilement
être reconnue en France grâce à l'effet
atténué de l'ordre public. À partir de 2004, la Cour de
cassation a changé son fondement pour intégrer la Convention
européenne des droits de l'Homme et ses protocoles, et par
conséquent, la répudiation sera contraire au principe
d'égalité entre époux. Ceci a mené à la
non-reconnaissance de la répudiation en France. Deux questions se posent
donc à ce stade : la position de la Cour de cassation est-elle la
meilleure ? (§1), et quels sont les risques possibles et
les dangers si la Cour de cassation poursuit l'utilisation de cette
démarche ? ( §2 ).
§1- Le respect des droits fondamentaux et de la
CEDH.
À partir des arrêts de 2004, la première
Chambre civile de la Cour de cassation française se réfère
au principe d'égalité, pas seulement comme un principe faisant
partie
123 ibid. ; M.-C. MEYZEAUD-GARAUD, op. cit.
66
de l'ordre public français en matière
internationale, mais comme un droit fondamental à portée
universelle garanti par la Convention européenne des droits de
l'Homme.
Effectivement, la Convention européenne des droits de
l'Homme est une convention internationale, et le fait que le juge
français se réfère à un texte international est
différent d'une simple référence à l'ordre public
français en matière internationale qui a un caractère
nationaliste. Le principe d'égalité homme / femme n'est pas
seulement un principe français, mais, c'est un principe qui a une vision
internationale qui paraît même plus forte, puisqu'il est
respecté par plusieurs États, ce qui donne l'impression que les
principes et les droits reconnus par la Convention européenne des droits
de l'Homme auraient une nature universelle. En effet, cette idée peut
être admise dans la mesure où les principes reconnus par la
Convention européenne des droits de l'Homme figurent dans d'autres
textes internationaux ( qui regroupent un plus grand nombre d'États )
qui, eux, ont une valeur universelle comme la Déclaration universelle
des droits de l'Homme de 1948. En outre, on peut très bien dire que si
l'Égypte n'a pas signé la Convention européenne des droits
de l'Homme, puisqu'elle n'est pas membre du Conseil de l'Europe, mais, en
revanche, l'Égypte est un membre de l'ONU. Mais la question qui se pose
donc est : est-ce que la force obligatoire de la Convention européenne
des droits de l'Homme en France est équivalente à celle de la
Déclaration universelle des droits de l'Homme en Égypte ? En
d'autres termes, peut-on invoquer la Déclaration universelle des droits
de l'Homme devant le juge national comme on fait pour la Convention
européenne des droits de l'Homme ?
On a donc un problème relatif au caractère
contraignant et impératif du texte international. Par conséquent,
on pourrait même dire que les droits fondamentaux reconnus dans les
textes internationaux n'ont pas tous, la même valeur juridique.
En revanche, on peut regarder au problème d'un autre angle
autre que celui du caractère des textes. On peut dire que les droits
fondamentaux sont des droits relatifs à l'Homme en tant qu'être
humain quel que soit son sexe, sa nationalité, sa race ou sa religion.
On a donc d'après ce point de vue, un ensemble de droits relatifs
à l'Homme qui s'appliquent à tout le monde sans aucune
discrimination. C'est pour cela que le juge français refuse d'admettre
la répudiation au profit du principe d'égalité qui
concerne tout
67
les individus quel que soit son sexe ou sa nationalité. En
outre, si on approfondit dans cette réflexion, on peut même dire
que ces droits forment un patrimoine commun pour tous les États qu'ils
doivent respecter, d'où vient le caractère universel. Mais cette
idée est tout à fait abstraite. Pourrait-on nier les
différentes lectures des droits fondamentaux qui existent dans chaque
système juridique ? Et même si on admet le caractère
universel des droits fondamentaux, pourquoi la Cour de cassation conserve
l'ordre public de proximité lorsqu'elle raisonne en fonction d'un
principe universel ?!! En effet, la Cour de cassation dans l'arrêt du 17
février 2004 n° 01-11.549 affirme que : « ...dès
lors que, comme en l'espèce les époux étaient
domiciliés sur le territoire français... »124.
Dans un autre arrêt de la même date, la Cour de cassation a
dit : « ...sinon même les deux époux étaient
domiciliés sur le territoire français ...»125.
Le Doyen H. FULCHIRON trouve que « raisonner en termes de
proximité pourrait laisser penser que la répudiation n'est pas
contraire à l'ordre public pourvu que des français ou des
étrangers résidant en France ne soient pas en cause, ce qui
serait pour le moins étrange compte tenu du fondement
général et apparemment absolu de la condamnation.
»126. En outre, et comme le dit Monsieur J.
SAGOT-DUVAUROUX, l'utilisation du principe de proximité peut
entraîner une incertitude. En effet, il dit que : « L'intrusion
de ce principe dans le droit de la compétence indirecte est d'ailleurs
assez paradoxale puisqu'elle avait initialement pour finalité de
faciliter la circulation des jugements étrangers sur lesquels les
parties avaient pu fonder leurs prévisions. Pourtant l'incertitude s'est
déplacée au niveau de l'appréciation du degré de
proximité au litige avec le juge étranger ou même le juge
français. »127.
Ainsi, on voit bien que la nouvelle position de la Cour de
cassation française n'apporte pas la solution la plus pertinente au
problème de reconnaissance de la répudiation musulmane au sein du
système juridique français, cette solution peut être
à l'origine de plusieurs problèmes.
§ 2 - Les risques et les dangers de cette
démarche
124 Juris-Data n° 2004-022373
125 Juris-Data n° 2004-022374
126 H. FULCHIRON, JCP, G, n°36, 1e
/9/2004, P.1486
127 J. SAGOT-DUVAUROUX, « La régularité
internationale d'un divorce musulman », D. 2006, n°16
68
Il est clair que le fait de se référer aux droits
fondamentaux n'est pas une solution parfaite. Il est vrai que le fait de se
référer à un droit qui a une vocation universelle
libère le juge du nationalisme juridique pour reconnaître les
jugements étrangers, mais, il ne faut pas oublier que l'utilisation des
droits fondamentaux avec leur force et leur dynamisme peut
éventuellement aboutir à des résultats qui n'ont pas
été voulus dès le départ. Effectivement, l'objectif
voulu est d'avoir une coordination entre les systèmes juridiques.
Le fait de raisonner en fonction de droits fondamentaux ne permet
pas d'avoir une conciliation entre les différents systèmes
juridiques. Il faut aussi examiner la situation en l'espèce pour
vérifier la contrariété du droit étranger aux
droits fondamentaux sur la question posée. Si la jurisprudence
française continue à suivre le raisonnement selon lequel elle
considère que la répudiation est contraire au principe
d'égalité hommes / femmes, aucune répudiation musulmane
sera reconnue. Il faut donc se référer au système
juridique étranger et voir comment il conçoit le principe
d'égalité et voir aussi comment le principe
d'égalité entre époux est compris dans ce
système.
En effet, la solution du problème n'est pas d'imposer une
lecture spécifique des droits fondamentaux ou de prévaloir une
lecture sur une autre. Mais, l'idée est d'essayer de respecter le
contenu des droits fondamentaux en fonction des faits de l'espèce en
tenant compte de la spécificité du système juridique
auquel les parties appartiennent pour aboutir à un respect raisonnable
du principe d'égalité.
Donc, effectivement, la démarche de la Cour de cassation
française de 2004 pourrait causer des problèmes pour les parties
elles mêmes ( A ), mais aussi, cette démarche condamnera la
répudiation sur un fondement abstrait ( B ).
A- Une démarche qui n'est pas très
équitable
En effet, une application rigide et absolue du principe
d'égalité peut aboutir à des résultats inopportuns
et parfois injustes ! Le fait de rejeter une institution sans se
référer
69
aux faits de l'espèce peut créer une mal entente
entre le système français et égyptien. Le Doyen Hugues
FULCHIRON critique cette démarche qui a été suivie par la
Cour de cassation en 2004 et il dit : ... la Cour de cassation prononce une
condamnation que l'on persistera à juger inopportune128.
Mais la question qui se pose à ce stade est : d'où vient
l'inopportunité ? Ou en d'autres termes, pourquoi cette démarche
pourrait-elle aboutir à des résultats inopportuns ?
En réalité, il existe plusieurs raisons pour
lesquelles cette démarche pourrait être inéquitable :
1- On commence d'abord par l'examen de la situation des parties.
Le rejet de la répudiation musulmane bénéficie-t-il aux
parties ? La question peut se poser autrement, le rejet de la
répudiation peut-il avoir des conséquences qui ne sont pas
voulues par les parties ?
Évidemment, il s'agit ici de la continuité de
l'état des personnes. La non-reconnaissance en France de la
répudiation algérienne, marocaine ou égyptienne, aura pour
conséquence la continuité du lien conjugal alors que dans le pays
émetteur de l'acte de répudiation, les époux ne sont plus
mariés. Or, le principe de continuité des situations juridiques
tend à assurer la permanence du statut des individus et la
sécurité juridique dans les relations
internationales129.
Sans doute, le rejet de la répudiation engendre une
discontinuité radicale dans l'état des personnes130.
Le Doyen H. FULCHIRON trouve que les époux divorcés par
répudiation dans leur pays ( en Égypte par exemple ) seront
considérés comme étant mariés en
France131.
La question se pose aussi pour le remariage. La France ne
reconnaîtra pas un mariage polygamique célébré sur
son territoire ( puisqu'elle trouve que le premier mariage est toujours valable
). On va se trouver donc face à un cercle vicieux de non-
128 H. FULCHIRON, JCP, G, n°36, op. cit.
P. 1481
129 M.- L. NIBOYET, « Regard français sur la
reconnaissance en France des répudiations musulmanes »,
R.I.D.C. 1-2006, P.27, s
130 H. FULCHIRON, JCP, G, n°36, op. cit.
P. 1481
131 ibid.
70
reconnaissance qui pourrait même aboutir à un
conflit de civilisations132. Il est certainement vrai que les
parties souhaitent avoir une continuité de leur statut. Normalement, le
principe de continuité des situations juridiques tend à assurer
la permanence du statut des individus et la sécurité juridique
dans les relations internationales. En ce qui concerne la continuité du
statut, il s'agit ici, et comme l'indique Madame Marie-Laure NIBOYET qui parle
d'un respect des situations qui ont été acquises à
l'étranger et qui ont produit leurs effets alors qu'elles ne
présentaient aucun point de contact avec l'ordre juridique du for.
Madame NIBOYET nous donne un exemple sur l'Algérie en disant que :
la situation est comparable à celle dans laquelle la
répudiation a été prononcée en Algérie, et
la demande de reconnaissance est formée en France alors que le mari est
venu ensuite résider en France tandis que l'épouse
répudiée est resetée au pays. Dans ce cas, la
répudiation et ses premiers effets se sont réalisés
à l'étranger et l'on ne va pas bouleverser cette situation
acquise133.
Certes, le bouleversement de la situation juridique de ces
époux peut exister si on raisonne d'une manière dogmatique. Il
est vrai que la répudiation en soi est considérée comme
une institution inégalitaire selon la conception occidentale des droits
fondamentaux, mais elle ne sera inégalitaire que si on l'isole de toute
circonstance pratique. Le raisonnement strict en droits fondamentaux pourra
même aboutir à des conséquences inopportunes. Le Doyen,
Monsieur Hugues FULCHIRON constate aussi cette difficulté en disant que
: « pour les particuliers, le rejet des normes
étrangères « inégalitaires » entraîne une
discontinuité radicale dans l'état des personnes
: divorcés ( par répudiation ) dans leurs pays, les
intéressés seront considérés comme toujours
mariés en France. »134. Cette situation est
très gênante, surtout pour les particuliers qui sont de
nationalité égyptienne et résident en France. On pourrait
même avoir des conséquences inattendues : la femme peut dans un
État demander des dommages et intérêts pour
répudiation abusive et en même temps, elle peut demander, dans un
autre État, une contribution aux charges de mariage.
132 ibid.
133 M.-L. NIBOYET, « Regard français sur la
reconnaissance en France des répudiations musulmanes », op.
cit, P.43
134 H. FULCHIRON, « Ne répudiez point... »,
R.I.D.C. 1-2006, P. 7
71
Ceci montre bien comment un système juridique pourrait, au
nom des droits fondamentaux, conduire à des confusions extrêmes
dans le statut des personnes dues au cloisonnement des systèmes
juridiques. Mais, il ne faut pas oublier que les premiers perdants sont les
parties qui subissent une discontinuité de leur statut. Mademoiselle
Léna GANNAGÉ trouve que les dispositions de la Convention
européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés
fondamentales sont loin d'être partagées par tous. Elle propose
donc de limiter leur application dans l'ordre international de manière
à ne pas compromettre la continuité du régime des
situations juridiques135.
2- On peut imaginer en Égypte que, dans plusieurs cas, la
femme soit d'accord avec le mari pour répudier. Il faut même dire
que parfois, au lieu que l'épouse saisisse le juge pour divorcer, une
procédure qui va durer longtemps, elle demande à son mari de la
répudier. Il est donc difficile dans ces cas de dire qu'il y a une
atteinte au principe d'égalité entre époux. Il faut donc
se référer à la situation de la femme et voir si sa
situation est inégalitaire ou non. En commentant un arrêt de la
Cour d'appel de Bordeaux du 10 janvier 2005, M. J. SAGOT-BUVAUROUX dit (
à propos d'un mariage égyptien suivi d'un divorce au Liban ) que
: « Le divorce prononcé au Liban l'était par
consentement mutuel. Il ne s'agissait donc pas d'un Talak, véritable
répudiation unilatérale qui heurte nos conceptions fondamentales
et la Convention européenne des droits de l'Homme »136.
Ici, la Cour d'appel a examiné la situation particulière de
la femme. Si elle consent à la répudiation unilatérale du
mari, il n'y a aucune atteinte au principe d'égalité.
Il y a des cas où la femme ne s'oppose pas à la
répudiation, mais, en plus, c'est elle qui invoque l'acte de
répudiation devant les juridictions françaises pour pouvoir se
remarier en France. Est-ce que dans ce cas, la répudiation sera
rejetée au nom du respect des droits fondamentaux alors qu'en même
temps on met en cause le droit à cette femme de se remarier ? On peut
quand même reconnaître que l'épouse n'est pas toujours
d'accord sur la répudiation avec toutes ses conséquences. Il se
peut que la femme accepte la répudiation, mais en revanche, elle
conteste les conséquences pécuniaires.
135 L. GANNAGÉ, « Regard du Proche-Orient sur les
répudiations », R.I.D.C. 1-2006, P.73, s.
136 J. SAGOT-DUVAUROUX, « La régularité
internationale d'un divorce musulman », op. cit.
72
Dans cette situation, il est clair que la femme ne conteste que
le montant de l'indemnité, et c'est souvent le cas en Égypte.
Dans certains cas, les époux sont d'accord sur le principe de
répudiation, mais, ils ne sont pas d'accord sur les conséquences
de cette répudiation. Cette situation est comparable au divorce
accepté en droit français avant et après la réforme
de 2004. L'article 233 du Code civil après la réforme dispose que
: « Le divorce peut être demandé par l'un ou l'autre des
époux ou par les deux lorsqu'ils acceptent le principe de la rupture du
mariage... ». L'objectif du législateur français
était, selon le Doyen FULCHIRON et Monsieur MALAURIE, de créer un
divorce pour les époux qui, d'accord sur le principe du divorce, ne
voulaient ou ne pouvaient s'entendre sur le règlement de ses
conséquences137. On peut avoir une situation pareille en
droit égyptien : les époux sont d'accord sur le principe de la
répudiation, mais, ils ne sont pas d'accord sur les conséquences.
Dans ce cas, la femme, résidente en France, saisit le juge
français pour contester le montant des indemnités et des autres
conséquences pécuniaires nées de la répudiation.
Est-ce qu'on peut imaginer que le juge français refuse de
reconnaître la répudiation pour sa contrariété au
principe d'égalité, dans ce cas, la femme sera obligée de
recommencer la procédure du divorce en France et selon le droit
français pour obtenir les indemnités voulues ? En effet, Madame
NIBOYET répond en disant : « Si c'est dans son
intérêt, la femme doit toujours pouvoir obtenir la reconnaissance
de la répudiation. »138.
On peut évoquer aussi la situation où la femme
renonce au principe d'égalité entre époux. Elle ne demande
pas au mari de lui répudier, mais elle renonce au principe
d'égalité sous la forme d'un acquiescement à la
répudiation. On peut aussi imaginer l'existence d'une répudiation
« convenue » c'est-à-dire, que les époux se sont mis
d'accord, pas seulement sur le principe de mettre fin au lien conjugal, mais
aussi, sur toutes les conséquences qui concernent le divorce.
On peut comparer ce type de répudiation au divorce pour
consentement mutuel puisque, dans les deux situations, et comme l'indique
l'article 230 du Code civil français : « Les époux
s'entendent sur la rupture du mariage et ses effets. ». Là
aussi, on ne peut pas imaginer que la répudiation sera
inégalitaire. La répudiation, dans ce cas,
137 P. MALAURIE et H. FULCHIRON, La famille, op. cit. P.
273
138 M.-L. NIBOYET, op. cit.
73
n'est qu'un moyen pour simplifier la procédure au lieu de
passer des mois, voire des années devant le juge pour aboutir au
même résultat.
Il faut donc examiner la situation des époux en
l'espèce et juger au cas par cas le caractère
inégalitaire139 de l'institution et prendre en compte
certains éléments essentiels comme l'acquiescement ou l'accord de
la femme, ou si c'est la femme qui demande la reconnaissance de la
répudiation au juge français.
En revanche, l'examen de la situation des parties n'est pas
suffisant pour suivre une démarche pragmatique. Mais, il faut, en plus,
examiner le système juridique qui a intégré la
répudiation d'une manière globale. Ainsi, on va bien comprendre
quelle est la lecture du principe d'égalité dans le
système juridique étranger. Il est de même vrai que le
raisonnement selon les droits fondamentaux en tant que droits universels
aboutira à des solutions très théoriques sans tenir compte
de la spécificité du système juridique concerné,
c'est donc une démarche abstraite.
B - Une démarche abstraite
C'est une démarche qui consiste à rejeter la
répudiation en tant qu'une institution « inégalitaire »
sans se référer au système juridique qui l'a
intégré pour voir s'il a attribué à la femme des
moyens équivalents à la répudiation pour rendre la
situation plus égalitaire. On a ici l'exemple de la jurisprudence
tunisienne qui rejette la répudiation égyptienne pour sa
contrariété à l'ordre public international de la Tunisie
sans examiner l'intégralité du contexte du droit égyptien
en matière de divorce et sans examiner non plus l'acquiescement de la
femme à cette répudiation. En ce qui concerne la jurisprudence
française, le fait de raisonner en fonction des droits fondamentaux
pourrait conduire à des solutions de même nature. Dire que la
répudiation est contraire au principe d'égalité ( quelles
que soient les garanties apportées par le droit étranger pour
équilibrer la situation et les compensations attribuées à
la femme en cas de répudiation abusive ) peut paraître assez
inopportun. M.-L. NIBOYET nous donne une solution assez cohérente. Elle
propose de procéder à une véritable appréciation
in concreto des circonstances de la répudiation, en plus, et ce
qui est plus important pour accomplir les
139 selon la conception du juge français
74
missions du droit international privé, obliger les juges
français à contrôler les systèmes juridiques
étrangers dans sa totalité140.
* Mais, quel est le contenu de cette appréciation in
concreto de la répudiation ?
En effet, L. GANNAGÉ nous apporte la réponse en
disant qu'il s'agit de la question de l'applicabilité des droits de
l'Homme dans les relations avec les systèmes juridiques qui
relèvent de traditions différentes qui se trouve posée. Et
plus clairement, elle précise que « c'est donc l'opposition des
droits fondamentaux au respect des identités culturelles qui est au
coeur de la controverse. »141. Il est vrai que
Mademoiselle GANNAGÉ se réfère aussi à une
très grande spécialité du droit égyptien qui est
« le pluralisme des statuts personnels » par lequel chaque
communauté religieuse a la possibilité de faire application de
son propre droit de la famille142. C'est un point qui doit
être, selon L. GANNAGÉ, pris en compte pour comprendre le
système juridique étranger, et plus précisément, le
système juridique égyptien. Pour la répudiation, il s'agit
de comprendre la tradition différente et la lecture spécifique
des droits fondamentaux. Par exemple, l'article 2 de la Constitution
égyptienne dispose que « L'islam est la religion de
l'État... », et que « ...les principes de la loi
islamique constituent la source principale de la législation.
»143. Par conséquent, il ne faut pas
s'étonner que la Haute Cour égyptienne a affirmé le 14
août 1994 qu' « interdire à un homme d'avoir plusieurs
épouses serait contraire à « un principe absolu » de la
loi islamique ». On pourrait donc avoir une position pareille en ce
qui concerne la répudiation. L'idée principale, selon le
même auteur, est de combattre l'absolutisme des droits de l'Homme dans
les relations internationales pour ne pas entraver la coordination harmonieuse
des ordres
juridiques144.
Là une question très importante s'impose qui est :
comment la jurisprudence française se fonde-t-elle sur la Convention
européenne des droits de l'Homme pour rejeter la répudiation et
elle ne suit pas le même raisonnement suivi par la Cour européenne
des droits de l'Homme qui se caractérise par l'examen des cas de
l'espèce et par la vérification au cas par cas du respect des
droits fondamentaux ?
140 ibid.
141 L. GANNAGÉ, « Regard du Proche-Orient sur les
répudiations », op. cit.
142 ibid.
143 ibid.
144 ibid
75
Si on considère que la Convention européenne des
droits de l'Homme contient des principes fondamentaux, il faut aussi suivre la
méthode in concreto suivie par la Cour européenne des
droits de l'Homme pour arriver à des solutions équitables. La
question se pose aussi non pas pour le texte de la Convention européenne
des droits de l'Homme, mais aussi pour le respect de la méthode suivie
par la Cour européenne des droits de l'Homme. En outre, L.
GANNAGÉ trouve que les dispositions de la Convention européenne
des droits de l'Homme sont loin d'être partagées par tous.
Elle ajoute que le premier Président de la Cour de cassation a
dénoncé la conception universaliste des droits fondamentaux en
faisant observer « qu'imposer à l'encontre de jugements venus
d'ailleurs des valeurs perçues comme impératives, suppose, en
effet, qu'elles aient une égale vocation à s'appliquer dans
toutes les traditions juridiques. La légitimité d'une position
assez absolutiste est discutable. Elle revient à postuler
l'universalité des droits de l'Homme, à s'opposer au relativisme
culturel, à refuser toute concession à la diversité. Les
droits de l'Homme affirmés par la Convention européenne des
droits de l'Homme ne sont que l'expression d'une certaine culture
régionale et n'ont pas de vocation à faire
systématiquement obstacle à toute reconnaissance de situations
acquises sous l'empire d'une loi ou par le truchement d'un jugement provenant
d'une culture profondément différente. »145
Il faut donc tenir compte de la spécificité du
système juridique étranger en général et comprendre
son idée du respect du principe d'égalité. Mais, en
revanche, il ne faut pas être très optimiste. L'utilisation de
l'appréciation in concreto ne peut sauver la reconnaissance de
la répudiation que si les circonstances de l'espèce faisaient
apparaître que la femme avait consenti à la répudiation.
Selon Madame NIBOYET, seul le consentement de la femme pourrait compenser
l'inégalité originale de la répudiation146. Il
ne faut pas non plus oublier que la démarche pragmatique essaye de
concilier d'une manière effective entre deux objectifs : Le premier est
le respect du principe d'égalité, mais le second est essayer de
reconnaître la répudiation lorsque la situation des parties montre
qu'il n'y a aucune atteinte aux droits fondamentaux. De même, il faut
tenir compte des conventions bilatérales comme la convention
franco-algérienne et la
145 ibid. P. 111
146 M.-L. NIBOYET, R.I.D.C., op. cit.
76
convention franco-marocaine et l'utiliser comme un outil de
conciliation et d'harmonisation entre les systèmes juridiques et non pas
un outil de rejet.
D'une manière générale, la solution est,
d'une part s'ouvrir sur les systèmes juridiques étrangers pour
savoir comment ils fonctionnent, et d'autre part, d'approfondir dans le droit
étranger pour comprendre le contexte d'une telle ou telle institution.
Sans doute, cette démarche incitera les États de tradition
musulmane à réformer leur droit pour aboutir à une
harmonisation voire une cohérence entre les systèmes juridiques
occidentaux et les systèmes juridiques des États qui ont une
tradition musulmane.
Chapitre II : Un contexte spécifique des droits
fondamentaux
Une question préliminaire doit être posée :
le système juridique égyptien respecte-t- il le principe
d'égalité hommes / femmes ?
L'essentiel n'est pas de répondre à cette question
par oui ou par non. En revanche, l'essentiel est de savoir si le système
juridique égyptien tend à respecter le principe
d'égalité ou il ne le reconnaît pas. Effectivement, la
constitution égyptienne dans son article 11 prévoit que :
« L'État assure à la femme les moyens de concilier ses
devoirs envers la famille avec son travail dans la société, son
égalité dans les domaines politiques, sociaux, culturels, et
économiques, sans préjudice des dispositions de la loi
islamique ». On peut déduire de la présence de
cet article de la Constitution égyptienne que le principe
d'égalité n'est pas oublié, mais ensuite, tout
dépend de l'interprétation des « dispositions de la loi
islamique » qui encadrent le principe d'égalité. Ceci
signifie donc, que le principe d'égalité en droit égyptien
est un principe encadré. Ce n'est pas un principe absolu.
Outre l'interprétation du contenu du principe
d'égalité, la question se pose pour l'application de ce principe
dans la législation musulmane en droit de la famille égyptien. En
d'autres termes, comment le système juridique égyptien
intègre-t-il le principe d'égalité dans la loi du statut
personnel ?
77
Le juge français, pour comprendre le contexte du
système juridique égyptien, doit d'abord avoir une idée
sur les traditions sociales et la définition du principe
d'égalité dans le système juridique ( Section I ), mais
aussi, il doit examiner le contenu de la loi égyptienne pour voir
comment le droit égyptien respecte le principe d'égalité
en attribuant à la femme quelques privilèges qui neutraliseront
le caractère inégalitaire de la répudiation ( Section II
).
Section I : Une lecture originale du principe
d'égalité
Certes, le système juridique égyptien, voire la
société égyptienne ( en la comparant avec la
lecture française d'égalité ) a une conception
spécifique du principe d'égalité. En droit
français, le contenu ou l'interprétation du principe
d'égalité n'est pas le même que l'interprétation
égyptienne. Le principe d'égalité, n'a pas le même
dynamisme en droit français qu'en droit égyptien. Il ne faut pas
oublier que le principe d'égalité est encadré par la
religion. C'est la constitution égyptienne qui le montre dans son
article 11. Le principe d'égalité hommes / femmes est
respecté, sans préjudice des dispositions de la loi
islamique. Il y a donc deux remarques importantes
à développer à cet égard :
1- Le principe d'égalité hommes / femmes
émane de la religion ou en d'autres termes, c'est la religion qui le
définit, ce qui signifie que la lecture spécifique du principe
d'égalité en droit égyptien se trouve dans la religion. Il
ne faut pas nier que l'Islam ait amélioré la situation de la
femme. L'Islam a rendu les conditions de la femme meilleures qu'elles ne
l'étaient avant lui. De même, le droit musulman contient des
règles selon lesquelles les femmes ont autant de droits que de devoirs
envers leurs maris147.
2- Certes, selon l'article 2 de la constitution, l'Égypte
est un État musulman, mais l'Islam reconnaît et respecte la
religion chrétienne. Cela signifie que le principe
d'égalité en droit égyptien tient compte aussi de
l'égalité selon la religion chrétienne. En France, la
tradition catholique était différente du contexte actuel de
l'égalité en droit français laïc. Saint Paul dit aux
hommes : « Vous, les hommes, aimez votre femme à l'exemple
du
147 M. AGI (dir.), Islam & droits de l'Homme,
Librairie des libertés, 1984, P. 36
78
Christ : il a aimé l'Église, il s'est
livré pour elle »148, « C'est comme cela que le
mari doit aimer sa femme : comme son corps »149, « Et vous
les hommes, aimez votre femme, ne soyez pas désagréables avec
elles »150 et aux femmes, il dit : « Vous les
femmes, soyez soumises à votre mari ; dans le Seigneur, c'est ce qui
convient »151. On voit bien ici que l'idée
d'égalité entre époux n'est pas une identité de
droits et de devoirs, mais, il s'agit d'une égalité en termes de
spécificité et de complémentarité.
La question se pose donc ici sur les conséquences
pratiques de cette appréciation de l'égalité. En droit
musulman, il s'agit de créer un équilibre entre la
répudiation et d'autres moyens permettant à la femme de divorcer,
voire même de répudier.
Il faut donc, pour comprendre le contexte spécifique de
l'égalité en droit égyptien, examiner l'idée de
spécificité complémentarité ( § 1
), puis l'idée de la puissance maritale ( § 2
).
§1 - La spécificité
complémentarité des statuts de chaque époux
Monsieur Ihsan Hamid AL-MAFREGY explique cette «
spécificité, complémentarité » d'une
manière très originale. Il dit au départ que le
problème d'égalité entre l'homme et la femme se pose en
Islam sur le plan du droit et du devoir de chacun des deux sexes. Il est
tranché non en fonction d'un droit et d'un devoir abstraits, mais en
fonction de la vocation et de la nature de l'homme et de la femme. Car tout
droit, pour être légitime doit trouver son fondement dans la
nature humaine elle-même152. Son idée est que
l'égalité hommes / femmes ne peut pas être absolue vu la
différence entre les deux sexes. Selon AL-MAFREGY, « L'islam
considère que l'idée de droit a essentiellement pour but de
sauvegarder intacts les intérêts naturels de l'homme et de la
femme. Toute loi, donnant droit de faire ou avoir une chose, qui ne se
révèle pas conforme aux exigences de l'état de nature est
une loi injuste. »153. Puis, il
148 Éphésiens 5, 25
149 Éphésiens 5, 28
150 Colossiens 3, 19
151 Colossiens 3, 18
152 M. AGI (dir.), Islam & droits de l'Homme,
Librairie des libertés, op. cit., P. 38
153 ibid.
79
ajoute que l'Islam distingue deux sortes de droits : celui de
l'homme et celui de la femme, et que c'est une distinction qui se justifie dans
le Coran du fait que la femme n'est pas, quant à sa structure physique
et psychophysiologique, identique à l'homme. Monsieur AL-MAFREGY ne
s'arrête pas à expliquer cette version de l'égalité
d'une manière théorique, en revanche, il explique d'une
manière pratique son point de vue en disant que « D'un
côté, c'est l'homme qui se charge normalement des travaux hors du
domicile. La nature de l'être humain veut que la femme soit
désignée, au premier chef, pour s'occuper de l'éducation
des enfants et de la direction du foyer. D'un autre côté, ce sont
les caractères biologiques qui sont fort différents chez les deux
sexes. Ces différences ont des influences non négligeables sur la
formation de la personnalité et l'état psychologique de
chacun. C'est-à-dire que l'homme et la femme sont deux
êtres complémentaires, ayant chacun une fonction qui leur est
spécifique. »154. Le droit musulman se
fonde donc sur ces éléments pour accorder à l'homme des
droits différents de ceux qui sont accordés à la femme.
D'où, l'idée d'égalité en termes d'identité
de droits et de devoirs, consacrée actuellement par le droit
français, est étrangère au système juridique
égyptien. On pourrait donc imaginer que la différence en droits
et en devoirs est due à la différence de nature physique et
psychologique entre les deux sexes.
En ce qui concerne le mariage, les droits et les devoirs ne sont
pas les mêmes pour chacun des époux. Le mari a des droits qui sont
différents de ceux de la femme, et pareille pour les devoirs. On
pourrait croire dès la première constatation que c'est une
inégalité, mais, en réalité, la question pourrait
être comprise autrement. Chaque époux a ses propres droits et
chacun est lié par ses propres devoirs. Cette idée nous
emmène à une complémentarité, mais aussi à
une spécificité.
Mais, puisque les droits et les devoirs de l'homme ne sont pas
les mêmes que les droits et les devoirs de la femme, en appliquant le
principe d'égalité en termes spécificité
complémentarité, on examine donc les droits et les devoirs
relatifs au mari ( A ), puis les droits et les devoirs
relatifs à la femme ( B ).
154 ibid.
80
A - Le mari : autant de droits que de devoirs
Certes, le mari a beaucoup de privilèges en le comparant
à la femme, mais il ne faut pas oublier que l'homme a, en contrepartie,
beaucoup d'obligations. Le mari peut, en droit musulman, répudier sa
femme unilatéralement. Mais, en revanche, il est lié par
plusieurs obligations : il doit cohabiter sa femme, il est lié par la
dot, il doit aussi subvenir à l'entretien de sa femme ( el nafaka
)155. Cette dernière obligation est très
importante. En aucun cas le mari ne peut exiger que sa femme participe aux
charges du ménage156. Quant au mari, il a une situation
prépondérante ; par conséquent, il est juste, selon
MILLIOT et BLANC que le mari ait toutes les charges157.
En effet, l'article 1 de la loi n° 25 de 1920 qui a
été modifiée par la loi n°100 de 1985 impose cette
obligation au mari quelle que soit la situation financière se la femme,
et quelle que soit sa religion. D'après certains auteurs, les frais
d'entretien comprennent :
1- La nourriture, « si au cours du mariage la
santé de la femme se modifie ou si elle est enceinte ou si elle nourrit,
elle peut exiger un supplément de nourriture ». Le mari est
tenu de cette obligation même si l'épouse a un appétit
extraordinaire.
2- Les frais d'entretien comprennent aussi le logement. De
même, l'ameublement est, en principe, à la charge du mari et
« doit être en accord avec sa situation et le rang social de la
femme »158.
3- Le vêtement aussi est compris dans les frais
d'entretien. Ce devoir modifie selon le rang social des époux.
En droit égyptien, dans le même article
précité, la loi dispose que les frais d'entretien comporte la
nourriture, le vêtement, le logement, les frais médicaux, et
d'autres éléments que la loi exige. Cela signifie que la loi
égyptienne ne se limite pas à ces éléments, mais
elle s'ouvre pour intégrer tous les nouveaux éléments qui
pourraient
155 Y. LINANT DE BELLEFONDS, Traité du droit musulman
comparé, op. cit., P. 202, s.
156 L.MILLIOT et F.P. BLANC, Introduction à
l'étude du droit musulman, 2e éd., 1987, Sirey,
P.326
157 ibid.
158 ibid., P.329
81
être considérés comme essentiels. En
effet, des auteurs trouvent que les frais d'entretien comprennent les «
accessoires ». Le mari, selon ces auteurs, doit fournir à sa femme
« le cosmétique, la pommade, le kohl, les parfums, l'huile, le
henné, les objets nécessaires à l'entretien de la
chevelure, etc... »159.
En ce qui concerne l'entretien, il ne s'agit pas d'un choix pour
le mari, mais d'un devoir, d'une obligation. La sanction du non-respect de
cette obligation se concrétise par le droit pour la femme de
réclamer la dissolution du mariage, à moins qu'elle ne
préfère recourir à des mesures d'exécution
forcée sur les biens du mari, s'il en possède160. Le
droit égyptien attribue à l'obligation d'entretien une importance
particulière ; elle figure dans l'article premier de la
législation musulmane en matière de statut personnel. En outre,
l'article 16 de la loi du 10 mars 1929 ( dite loi n° 25 de 1929 ) fixe la
nafaka « en fonction de la situation de fortune de mari »
quelle que soit la situation de l'épouse.
La loi égyptienne accorde une grande importance à
cette obligation. Elle considère que les frais relatifs à
l'entretien forment une dette. Par conséquent, la femme a un
privilège sur tous les biens du mari qui lui donne une certaine
priorité par rapport aux autres créanciers161. La
femme aura un privilège financier très important. Il ne faut pas
nier que c'est une obligation assez lourde pour le mari de supporter toutes ces
dépenses relatives à l'entretien de l'épouse. On pourrait
dire que c'est cette obligation importante qui attribue au mari ( en
contrepartie ) le droit de répudiation. En d'autres termes, puisque
c'est le mari qui soutient la famille financièrement, c'est lui qui
pourra discrétionnairement et unilatéralement mettre fin au
mariage. En droit copte orthodoxe, la répudiation n'existe pas,
pourtant, l'article 146 de la législation de 1938 dispose que le mari
est lié par l'obligation d'entretien envers sa femme dès lors que
le contrat de mariage est valable. Mais, l'article 151 impose l'obligation
d'entretien à la femme aussi, si le mari est insolvable et si elle est
capable financièrement, de supporter cette obligation d'entretien. Cette
solution paraît assez logique en la comparant à la solution du
droit musulman parce que le mari, en droit copte orthodoxe, ne
bénéficie pas d'un privilège aussi important que la
répudiation. Par conséquent, l'obligation d'entretien est
atténuée. Ici, le principe d'égalité en termes de
spécificité complémentarité est
relativisé.
159 ibid.
160 ibid.
161 Art. 1er al. 9 de la loi n° 25 de 1929
82
Quant au droit français, l'obligation d'entretien ne
concerne généralement que l'enfant162. Parmi les
obligations qui naissent du mariage dans le Code civil : l'article 203 qui
dispose que : « Les époux contractent ensemble, par le seul
fait du mariage, l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs
enfants ». En droit musulman, la femme doit accomplir des devoirs
spécifiques, ce qui est cohérent avec la notion
d'égalité spécificité
complémentarité.
B - L'épouse : des droits et des devoirs
spécifiques
L'épouse bénéficie de plusieurs droits comme
la dot et la nafaka. Mais elle est liée aussi par des devoirs
comme l'habitation au domicile conjugal, l'obéissance du mari et
notamment, le devoir de fidélité.
Certes, la fidélité découle du
mariage163. Le rattachement de la fidélité au mariage
semble échapper à toute application pratique pour l'homme
à cause de la polygamie164. Monsieur FERKH trouve que la
législation musulmane n'a voulu faire de la fidélité une
obligation pour l'homme marié. Il doit simplement éviter les
femmes débauchées ou courtisanes. D'autres auteurs trouvent que
le mari n'est pas tenu du devoir de fidélité165.
À l'inverse, la fidélité de l'épouse
vis-à-vis de son mari est absolue. Les conséquences de
l'infidélité de la femme sont
désastreuses166.
En droit français, l'article 212 du Code civil indique que
le devoir de fidélité est un devoir mutuel pour les époux.
On a toujours l'idée d'identité de droits et de devoirs en droit
français.
En ce qui concerne le droit musulman, il faut remarquer que les
droits et les devoirs cités ici ne sont que des exemples des droits et
des devoirs spécifiques pour
162 P. MALAURIE et H. FULCHIRON, La famille, op. cit. P.
663, s
163 H. FERKH, L'unicité de la notion de famille en
droit musulman et sa pluralité en droit français, op.
cit. P.77
164 ibid.
165 L.MILLIOT et F. P. BLANC, Introduction à
l'étude du droit musulman, op. cit., P.339
166 H. FERKH, L'unicité de la notion de famille en
droit musulman et sa pluralité en droit français,
op.
cit.
83
chaque époux. La citation de ces exemples ici a pour objet
de montrer la divergence entre les droits et les devoirs réciproques de
chaque époux. Ces droits et devoirs sont très larges et pourront
même faire l'objet d'un sujet indépendant.
Quant au droit international privé français, les
juges français, pour reconnaître la répudiation, devront
aussi prendre en compte l'idée de puissance maritale qui existe dans les
sociétés orientales en général.
§ 2 - Une puissance maritale originale
La puissance maritale, selon Monsieur FERKH est
la situation dans laquelle la femme est sous la dépendance de son mari
ou que les femmes sont soumises à leur mari comme à un
maître. Cette puissance maritale existait dans l'ancien droit
français167. En droit musulman classique,
Monsieur FERKH trouve que c'est « un monopole marital ».
Effectivement, il dit : « Le principe du monopole marital a un sens
particulier en droit musulman. Il implique spécialement une
autorité sur la personne de la femme. En ce sens, le monopole n'est pas
commandé, dans la théorie musulmane, par la
nécessité de l'unité de direction qu'exige tout groupe ou
tout foyer, mais bien par la supériorité des hommes sur les
femmes dans tous les domaines »168. Puis, il ajoute :
« Dans la théorie de droit classique, les légistes
musulmans tirent toutes les conséquences possibles du principe de la
supériorité masculine ; pour eux, l'autorité du mari
comporte, non seulement le pouvoir de fixer le domicile conjugal et de prendre
les décisions concernant le ménage, mais elle s'étend
à la personne physique de la femme, sans que l'on puisse vraiment
dessiner les limites de cette autorité, et sans que l'épouse soit
en position de se plaindre des abus commis par son mari »169.
Il est sans doute clair que la position de Monsieur FERKH est trop
exagérée. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque
préislamique, la situation de la femme était très
difficile. Avant l'Islam, lors du décès du mari, la femme passait
à son héritier le plus proche, lequel avait le droit de la
prendre pour épouse ou de la marier à quelqu'un
d'autre170.
167 ibid., P. 67
168 ibid., P.68
169 ibid.
170 L.MILLIOT et F.P. BLANC, Introduction à
l'étude du droit musulman, op. cit., P.317
84
Actuellement, la personnalité juridique de la femme est
distincte est indépendante de celle de son mari. L'épouse garde
son nom ( et pas celui de son mari ), le mariage ne la frappe pas
d'incapacité. Elle a un patrimoine propre. Certains auteurs affirment
que le mariage musulman n'emporte entre les conjoints aucune communauté
de biens, même meubles171. En outre, la femme conserve la
gestion de son patrimoine, même pendant le mariage ; ce qui signifie que
le mariage ne lui rend pas incapable. Si la femme était en tutelle avant
le mariage, c'est le tuteur, et non le mari qui gèrera son patrimoine
pendant le mariage.
En comparant cette situation avec la position du droit
français actuel, on trouve que pour les pays de tradition musulmane, il
appartient au mari de fixer le domicile conjugal, de préparer, et
d'appeler la femme à le rejoindre. Cette situation implique que la femme
doit rejoindre son mari172. En revanche, l'article 215 du Code civil
français dispose dans son 2e alinéa que : «
la résidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun
accord », ce qui signifie qu'en droit français, un accord est
nécessaire. La puissance maritale se concrétise en droit musulman
par le contrôle exercé par le mari des sorties de sa femme, ce qui
signifie que le mari pourrait interdire de sortir sans sa permission il
pourrait aussi ( selon Monsieur FERKH ) « lui interdire de recevoir
chez elle des gens qui ne lui sont pas apparentés
»173.
En comparant le droit français avec le droit des
États de tradition musulmane, Monsieur Hassan FERKH trouve que pour les
Français ( à l'époque où la tradition catholique
était dominante en France ) « vu l'impossibilité du
divorce et du remariage ... La puissance maritale est sans doute mal
supportée par les femmes, mais ni le contexte religieux de
l'époque, ni la situation matérielle ne permettent à ces
dernières de sortir du mariage »174. En revanche,
la situation des époux musulmans est très différente car
Monsieur FERKH considère que la répudiation ou la dissolution du
mariage en général, allège beaucoup l'intensité des
conflits conjugaux175. Malgré cela, le même
171 ibid.
172 H. FERKH, L'unicité de la notion de famille en
droit musulman et sa pluralité en droit français,
op.
cit. P.68
173 ibid.
174 ibid., P. 79
175 V. ibid.
85
auteur trouve que la situation de la femme française est
plus favorable que la femme musulmane car selon lui, « le droit
canonique n'a jamais mis l'accent sur l'enfermement et la claustration des
femmes dans les foyers »176. On voit ici que le principe
d'indissolubilité du mariage, influencé par la tradition
catholique, a rencontré des difficultés dans sa mise en oeuvre.
Ce principe n'est plus respecté en droit français. En revanche,
la législation des Catholiques égyptiens respecte toujours ce
principe. On voit bien donc que la puissance maritale existe dans les
sociétés arabes, mais elle existait aussi dans l'ancien droit
français.
En effet, à partir du XIIIe siècle, la
France ( pays de coutumes et pays de droit écrit ) connaissait une
puissance maritale assez forte177. Pendant cette période, le
mari était, en droit français, le chef de la maison et il devait
agir en conséquence, sans l'intervention de quiconque. En outre,
l'obéissance de la femme à son mari impliquait un droit de
correction178. Même pendant la période du
Christianisme, la puissance maritale a toujours existé. Selon
l'Église catholique, le mari est considéré comme le chef
de la famille et l'épouse doit l'obéir179.
Effectivement, il n'est pas étonnant que l'Église catholique
consacre l'idée de la puissance maritale en France. On pourrait
justifier sa position par des versets de la Bible relatifs à
l'organisation de la famille et à la puissance
maritale180.
Heureusement, on voit ici que, dans l'histoire du droit
français et du droit égyptien, il existe un point où les
deux droits étaient d'accord sur la puissance maritale qui est
actuellement très contestée. Mais malheureusement, cette
cohérence et cette coordination n'existe plus actuellement. Il ne faut
pas donc oublier que le droit français avait un jour, la même
conception d'égalité que le droit égyptien.
Présentement, la seule différence qui existe entre les deux
droits est que le droit français ait subi plusieurs réformes pour
arriver à la conception actuelle du principe d'égalité.
Effectivement, en droit français actuel, la notion
d'identité de droits et de devoirs est bien établie. Les textes
du Code civil le montrent très bien. Par exemple, l'article 212
176 ibid.
177 ibid., P. 67
178 ibid.
179 Pour plus de détails sur la puissance maritale dans
l'ancien droit français, V. H. FERKH, ibid., P.66,
s
180 Par exemple : V. dans la Bible, (
Éphésiens 5, 23 ), et ( 1Timothée 2, 12 et 13 )
86
dispose que « Les époux se doivent
mutuellement respect, fidélité, secours,
assistance. » ; l'article 213 dispose que :
« Les époux assurent ensemble la direction morale et
matérielle de la famille. » ; de même l'alinéa 2
de l'article 215 dispose que : « La résidence de la famille est
au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord. ».
Les États arabes n'ont pas suivi le même rythme
que celui du droit français181. En revanche, certains
États arabes ont pu atteindre le rythme français comme la Tunisie
et le Maroc, sachant que le dernier a essayé d'établir une
nouvelle conception de l'égalité tout en gardant la
répudiation. En ce qui concerne l'Égypte, la conception de
l'égalité n'a pas beaucoup évolué. En revanche, une
réforme a été mise en place en 2000 pour ouvrir à
la femme une nouvelle voie de divorce, tout en gardant la même conception
d'égalité.
On voit donc que l'harmonisation entre le droit français
et égyptien qui existait à l'époque de l'ancien droit
français n'existe plus maintenant. Pour rétablir cette harmonie,
il faut qu'il y ait des réformes. Chacun des États a sa
méthode pour réformer. Cette méthode peut changer selon
les circonstances politiques, sociales et religieuses de chaque pays. Le droit
égyptien a voulu rétablir l'égalité entre
époux en ajoutant des cas de divorce nouveaux. La répudiation n'a
pas été supprimée ; voyons même l'expérience
marocaine. La nouvelle réforme marocaine n'a pas pu supprimer la
répudiation. La solution proposée par le droit égyptien
est d'attribuer à la femme un droit qui ressemble à la
répudiation pour arriver enfin à une équivalence ou un
équilibre entre les droits et les devoirs accordés à
chacun des époux.
Section II : La neutralisation de la
répudiation
Les cas de divorce jouent un rôle très important
dans n'importe quelle réforme en droit de la famille pour neutraliser la
répudiation en créant de nouveaux cas de divorce propres à
la femme, pour arriver enfin à un équilibre avec la
répudiation accordé au mari.
Le terme « répudiation » n'est plus
utilisé par la réforme marocaine il s'agit actuellement dans
« le Titre III » de la loi marocaine d'un divorce sous
contrôle
181 V.,Y. LINANT DE BELLEFONDS, Traité du
droit musulman comparé, op. cit., P. 286-302
87
judiciaire ( talak ). L'article 78 de cette loi
dispose que : « le divorce sous contrôle judiciaire est la
dissolution du pacte de mariage requise par l'époux ou par
l'épouse selon les conditions propres à chacun d'eux
sous le contrôle de la justice et conformément aux dispositions du
présent code. ». On ne peut pas nier que cette réforme
est considérée comme révolutionnaire : On ne voit
généralement que des droits et des devoirs réciproques.
Les droits et les devoirs spécifiques à chaque époux
disparaissent. En outre, l'article 4 de la loi marocaine pose le principe de
codirection de la famille182. On voit aussi que la nouvelle loi
marocaine essaye de créer un équilibre avec la répudiation
en accordant des privilèges à la femme. L'article 89 dispose que
« si l'époux consent le droit d'option au divorce à
l'époux, celle-ci peut l'exercer en saisissant le tribunal... ».
Cet article parle d'un droit d'option inscrit dans le contrat de mariage.
La réforme marocaine, sous « un Titre V », intègre le
divorce par consentement mutuel ou moyennant compensation ( khol' ).
Quant au divorce par consentement mutuel, il s'agit d'une nouveauté
apportée par la réforme. Sous le même Titre, la
réforme marocaine met en place le divorce par khol'.
En ce qui concerne la réforme égyptienne, on trouve
que le droit égyptien a intégré le khol' qui
ajoute à la femme un nouveau cas de divorce plus libéral et qui
se rapproche de la répudiation ( §1 ), mais encore, le droit
égyptien admet la possibilité pour la femme d'intégrer au
contrat de mariage une clause lui autorisant de se répudier (§
2).
§1 - La répudiation judiciaire moyennant
compensation
Avant d'expliquer comment le khol' apporte-t-il un
équilibre par rapport à la répudiation ( B ), il faut
d'abord comprendre quel est le régime du khol' ( A ).
A-Une notion très originale
182 H. FULCHIRON, JCP, G, n°36, 1e
/9/2004, op. cit.
88
En ce qui concerne la répudiation moyennant compensation,
les dispositions prévues dans le Coran ont fait l'objet de deux
interprétations183 :
- La première interprétation consiste à dire
que le khol' est une forme de répudiation convenue ou d'un
divorce convenu, ce qui pourrait correspondre, en droit français,
à un divorce par consentement mutuel demandé par l'épouse.
La femme qui sent qu'elle est personnellement gênée sans qu'elle
ait des griefs assez sérieux contre son mari, elle pourra demander
à son époux de consentir à la rupture du lien conjugal ;
en contrepartie, elle lui offrira une compensation. Elle abandonne la partie
non encore payée de la dot, elle lui restitue celle déjà
versée et rend les dons qu'il lui avait offerts. Il s'agit d'une
rançon de liberté. Ce qui caractérise cette
interprétation est que le consentement du mari est nécessaire de
manière à ce que si le mari refuse, le khol' ne pourra
pas être prononcé.
- La seconde interprétation consacre l'idée selon
laquelle la femme décide de mettre fin au lien conjugal sans l'accord du
mari. En contrepartie, elle doit renoncer à tous ses droits
pécuniaires. Le juge n'a aucun pouvoir d'appréciation.
La réforme égyptienne a retenu la seconde
interprétation. En effet, l'article 20 de la loi n° 1/2000 du 29
janvier 2000 dispose que : « si les deux époux ne s'accordent
pas sur le divorce, la femme peut avoir recours au tribunal demandant la
dissolution du mariage moyennant compensation et renonçant à tous
ces droits pécuniaires et légaux, le juge prononcera alors le
divorce. ». On peut déduire de cet article que le
juge n'a aucun pouvoir d'appréciation. Le Doyen Hossam ELEHWANY trouve
que c'est la raison pour laquelle on peut estimer que la dissolution du mariage
a lieu par la volonté unilatérale de la femme. Mais, cette
dernière doit, d'une part, déclarer qu'elle refuse la vie
conjugale avec son mari, qu'elle déteste la vie avec lui, et d'autre
part, renoncer à tous ses droits pécuniaires
conférés par la loi184.
Le droit français ne contient pas de
dispositions pareilles. Le droit français, par le biais du divorce pour
altération définitive du lien conjugal, suppose une
séparation
183 H. ELEHWAHY, Les nouvelles législations
égyptiennes en matière de statut
personnel,(communiqué par l'auteur), P.9, s.
184 H. ELEHWANY, Les nouvelles tendances en droit
égyptien vers la parité entre les époux, Rapport, 10
juin 2005, P. 6
89
pendant une certaine durée. Mais on ne trouve pas en droit
français un droit spécifique attribué à la femme
pour divorcer. La question qui se pose donc est : pourquoi le système
français qui est un système de pluralité de cas de divorce
n'a pas intégré un cas de divorce ressemblant au khol' ?
La réponse est très simple, en effet, il y a plusieurs raisons
pour lesquelles le khol' n'existe pas en droit français. D'une
part, la répudiation moyennant compensation représente
l'équilibre apporté par le droit égyptien pour
créer un équilibre avec la répudiation unilatérale
prononcée par le mari et puisque la répudiation n'existe pas en
droit français, ce dernier n'a pas besoin d'intégrer le divorce
moyennant compensation. D'autre part, le khol' est un cas de divorce
propre à l'épouse, c'est-à-dire, il ne concerne pas le
mari, ce dernier a le privilège de la répudiation que la femme
n'a pas en principe. Le droit français, quant à lui, consacre
l'idée d'identité de droits et de devoirs, ce qui signifie que
les époux ont les mêmes possibilités pour divorcer, ils
disposent des mêmes cas de divorce, par conséquent, le khol'
n'est pas convenable en droit français. À l'inverse, en
droit égyptien, le divorce moyennant compensation a apporté une
innovation importante. Le khol' est actuellement un cas de divorce qui
équilibre la situation des époux en droit égyptien.
Le divorce moyennant compensation est un nouveau cas de divorce
en droit égyptien. Malgré la perte des droits pécuniaires,
le khol' donne un privilège à la femme. Le droit
égyptien a donc ajouté un nouveau moyen pour essayer
d'établir une égalité basée sur la
spécificité et la complémentarité.
B - L'amélioration de la situation de
l'épouse
En étudiant le contexte égyptien, on trouve que la
répudiation, qui est un cas de divorce ( parmi d'autres ), pour les
musulmans n'est pas considérée, au regard du droit
français, comme égalitaire. Mais, si on la compare à
d'autres privilèges attribués à la femme, la situation
sera différente. Le Doyen ELEHWANY dit : « C'est ainsi que
l'égalité entre les époux se réalise en
matière de dissolution. Mais la femme doit, d'une part, déclarer
qu'elle refuse la vie conjugale avec son mari, qu'elle déteste la vie
avec lui et qu'elle craint de ne pas observer les lois de Dieu. Elle doit,
d'autre part, céder tous ses droits pécuniaires
conférés par la loi à la femme divorcée, et doit
restituer la dot. La
90
cession concerne uniquement les droits pécuniaires de la
femme et non ceux des enfants. La femme a le droit de la garde des enfants.
»185. On voit donc ici que la cession des droits
pécuniaires ne concerne que les droits de la femme. Par
conséquent, les enfants auront, selon la loi, une pension alimentaire
qui sera versée par le mari.
Dès la première lecture, on peut imaginer que le
divorce moyennant compensation n'est pas toujours suffisant pour
rétablir l'égalité entre époux. D'une
manière très superficielle, on aperçoit d'une part, que la
femme perd tous ses droits financiers, d'autre part, le divorce moyennant
compensation ( contrairement à la répudiation ) est un divorce
judiciaire qui est prononcé par le juge. On pourrait donc croire que le
divorce moyennant compensation n'est pas suffisant pour créer un
équilibre avec la répudiation. Monsieur le Doyen Hugues FULCHIRON
parle des réformes égyptiennes comme étant « des
tentatives timides »186 pour rétablir
l'égalité entre époux.
La question nécessite une étude plus approfondie de
la réforme égyptienne. Le droit égyptien procède
à deux rénovations principales : la première concerne les
droits pécuniaires de la femme et la seconde concerne les garanties
procédurales.
1-Les droits pécuniaires
Certes, la femme qui demande le divorce moyennant compensation
doit renoncer à ses droits pécuniaires. Mais, si on imagine que
la femme garde tous ces droits. Sa situation sera plus favorable à celle
de l'homme puisque ce dernier est tenu, en cas de répudiation,
d'indemniser la femme en cas de répudiation abusive. En outre, il doit
payer la nafaka à la femme selon l'article 2 de la loi 25 de
1920. Si l'homme a l'obligation de payer certaines sommes à la femme
répudiée unilatéralement par lui. La femme aussi, en
rachetant sa liberté, doit payer une somme d'argent en contrepartie. Les
autres droits de la femme, ne seront pas atteints. La femme peut ainsi obtenir
la garde de ses enfants et obtenir une pension alimentaire de la part de son
ex-époux pour l'entretien de leurs
185 H. ELEHWANY, Les nouvelles tendances en droit
égyptien vers la parité entre les époux, op. cit.,
P.5
186 H. FULCHIRON, « Ne répudiez point... »,
op. cit., P. 22
91
enfants187. Le divorce moyennant compensation n'est
pas seulement possible en cas de l'acceptation du mari. La femme peut demander
le khol' devant le tribunal, même si le mari le refuse.
On voit ici que la femme a aussi le pouvoir de décider
d'être séparée de son mari ( comme le mari en cas de la
répudiation ). Elle peut demander le divorce sans le justifier. Il lui
suffit de déclarer qu'elle ne souhaite plus être mariée
à son époux188. On pourrait donc imaginer l'existence
d'un « khol' abusif ». En outre, le juge ne peut pas
s'opposer à la volonté de la femme de demander le divorce
moyennant compensation. En revanche, la nouvelle loi a mis en place plusieurs
garanties procédurales pour équilibrer la situation entre les
époux.
2- Les garanties procédurales
Avant la réforme de 2000, le juge, d'une part,
n'intervenait pas dans la procédure qui se découlait devant le
ma'zoun189 ; et d'autre part, l'accord du mari était
toujours requis. Si le mari accepte de répudier son épouse
moyennant contrepartie financière, tous deux se rendent chez le
ma'zoun pour enregistrer le divorce. Le Doyen ELEHWANY explique en
détail comment la réforme égyptienne de 2000 a offert
beaucoup de garanties procédurales : « Le juge ne peut
prononcer le divorce qu'après l'échec des bons offices par les
médiateurs des deux parties, dans le délai maximum de trois mois.
La répudiation moyennant compensation est toujours irrévocable.
»190.
Pour expliquer son point de vue sur la question, le doyen H.
ELEHWANY a fait une comparaison entre la répudiation prononcée
par le mari et celle demandée par la femme, elle se résume dans
les points suivants :
187 N. BERNARD-MAUGIRON, « Quelques développements
récents dans le droit du statut personnel en Égypte »,
R.I.D.C. 2-2004, P. 354, s.
188 ibid., P. 361
189 Fonctionnaire préposé aux affaires de statut
personnel nommé par l'État. Un arrêté du ministre de
la Justice de janvier 1955 réglemente le statut du ma'zoun et
organise sa protection.
190 H. ELEHWANY, Les nouvelles tendances en droit
égyptien vers la parité entre les époux, op. cit.,
P.6
92
- Le contrôle judiciaire de la répudiation
prononcée par le mari se réalise à posteriori alors que
celui demandée par la femme se réalise a priori, mais le juge n'a
aucun pouvoir d'appréciation.
- La réparation du dommage subi par la femme en cas de
répudiation prononcée par l'homme est soumise aux règles
de l'abus du droit. Le pouvoir d'appréciation appartient au juge. La
compensation en cas du Khol' est décidée d'avance car il
s'agit d'une condition requise pour l'acceptation de la demande.
- Les droits de la femme en cas de répudiation abusive
sont : le don de consolation et le droit à la réparation du
dommage résultant de la répudiation abusive. Les droits du mari
en cas du Khol' se manifestent en la renonciation de la femme à
la dot et à la pension alimentaire : elle doit, de même, restituer
les dons offerts par son mari.
Le mari ne peut se défendre dans l'action de
répudiation moyennant compensation. En effet, la femme ne lui
reproche rien, c'est elle qui le déteste. Le mari ne peut
démentir cette haine en prouvant l'amour de sa femme à son
égard. Aucune voie de recours n'est admise, le jugement est
irrévocable. En effet, l'irrévocabilité de la
décision s'explique par deux considérations : d'une part, le
divorce a pour base la haine de la part de la femme. L'amour et la haine ne
doivent pas faire l'objet d'une discussion devant les tribunaux : « Le
coeur a ses raisons que la raison ne connaît point ». D'autre
part, la preuve de la haine ou de l'amour porte atteinte à
l'intimité de la vie privée des époux.
La présence de toutes ces garanties tente de rendre les
droits et les devoirs, entre les époux, équivalents. Mais on voit
bien qu'ils ne sont pas identiques. On ne peut pas nier l'importance de la
réforme égyptienne de 2000 qui est considérée comme
une réforme novatrice. En effet, on pourrait considérer que le
système égyptien a commencé à rétablir
l'égalité et la rendre plus efficace. La renonciation de la femme
à ses droits pécuniaires n'a pas empêché les femmes
de demander le divorce moyennant compensation. C'est le prix de la
séparation. Ces sommes pourront donc indemniser le mari qui n'a commis
aucune faute en cas du khol' abusif.
Sur le plan pratique, le nombre de requêtes
présentées aux tribunaux pour demander le divorce moyennant
compensation s'élève à une moyenne de 1200
requêtes
93
par an191. Ce chiffre montre bien qu'en pratique, les
femmes profitent bien de ce cas de divorce pour divorcer par leur simple
volonté unilatérale et sans le consentement du mari. On a vu donc
ici que, pour faciliter l'obtention ( par la femme ) de la rupture du lien
conjugal, le législateur égyptien a fait ainsi appel à la
notion du khol' que connaissait le droit musulman et qui
bénéficiait de la légitimité du droit musulman.
Ensuite, le législateur égyptien l'a aménagé pour
l'adapter aux besoins de la société égyptienne
contemporaine. Le législateur égyptien a eu l'occasion dans le
cas du khol' à faire avancer le droit à partir de
données traditionnelles192.
On voit donc que le divorce moyennant compensation a permis
à l'épouse de divorcer sachant qu'elle perdra ses droits
pécuniaires. La question qui se posera à ce stade est : la femme
pourrait-elle répudier exactement comme l'homme sans recourir au juge ?
En effet, on trouve en droit égyptien, comme en droit marocain, la femme
peut répudier par volonté unilatérale. En droit marocain,
il s'agit d'une répudiation résultant du droit d'option
laissée à la femme ( el tamlik ).
§2- La clause autorisant la femme de se
répudier
L'article 89 de la réforme marocaine de 2004 dispose que
« Si l'époux consent le droit d'option au divorce à
l'épouse, celle-ci peut l'exercer en saisissant le tribunal... ».
De même, en droit égyptien, la femme peut stipuler dans le
contrat de mariage qu'elle est déléguée pour exercer le
droit à la répudiation sur le même pied
d'égalité que son mari. Si elle prononce la répudiation,
elle la prononce par sa qualité de représentant du mari : c'est
le mari qui autorise la femme à prononcer la répudiation à
sa place, à titre de représentant du mari et d'après les
conditions requises dans l'acte du mariage. Cette répudiation est
révocable, exactement comment la répudiation prononcée par
le mari, car la femme l'exerce à titre de représentant. Les
époux peuvent s'accorder sur cette délégation pendant la
vie conjugale, c'est-à-dire que cet accord peut être conclu au
moment du mariage ou après le mariage193.
191 V. Site internet,
http://www.amanjordan.org/a-news/wmview.php?ArtID=4967
( en arabe )
192 N. BERNARD-MAUGIRON, op. cit., P.364
193 H. ELEHWANY, Les nouvelles tendances en droit
égyptien vers la parité entre les époux, op. cit.,
P.5
94
D'après la décision du ministre de la justice N.
1727 de l'année 2000, le ma'zoun doit informer les époux
qu'ils ont le droit de stipuler les conditions spéciales dans l'acte du
mariage. L'article 33 précise que la règle générale
est la validité de toute stipulation accordant des droits
dépassant les droits établis juridiquement ou à travers le
droit musulman, et sans préjudice au droit du tiers. Le ma'zoun
doit insérer les stipulations à l'acte du mariage. L'article
33/6 de la décision ministérielle précise que la clause
stipulant l'accord de déléguer la femme pour prononcer la
répudiation est une clause valable194. En septembre 2000, un
nouveau formulaire de contrat de mariage a été mis en place pour
réserver un emplacement spécial qui est utilisé pour le
rajout de conditions. Cette réforme aura tendance à constituer
une grande avancée dans la protection des droits de la femme.
Il s'agit donc ici d'une clause conventionnelle par laquelle la
femme aura la possibilité de répudier son mari. Dans ce cas,
el `esma ( le pouvoir de répudier ) est dans les mains de la
femme comme pour le mari. Par la stipulation de cette clause au contrat de
mariage, la femme sera, en pratique, égale à l'homme en ce qui
concerne la répudiation puisqu'elle pourra répudier son mari sans
perdre ses droits pécuniaires. Cette solution est donc beaucoup plus
favorable que le divorce moyennant compensation. La question qui se pose ici
concerne l'utilisation pratique de ce cas de divorce.
Certes, la question se pose pour l'usage de ce moyen utile
à la femme. On aurait pu même dire que si toutes les femmes
stipulent dans leur contrat de mariage cette clause, la question
d'inégalité posée par la jurisprudence française (
pour la reconnaissance de la répudiation ) ne se posera pas. De
même, les autres cas de divorce (judiciaire) ne seront plus utiles
puisque la femme pourra répudier son mari directement par simple
volonté unilatérale.
Mais la vérité est que cette clause ne figure pas
dans tous les contrats de mariage. C'est la femme qui doit demander de stipuler
ce genre de clause dans le contrat de mariage, et puisqu'il s'agit d'un
contrat, le consentement du mari est nécessaire. Par conséquent,
la question qui se pose est : est-ce que le futur-mari sera d'accord à
la stipulation de cette clause ? Une autre question plus pratique : est-ce que
toutes les
194 ibid.
95
femmes musulmanes égyptiennes qui se marieront,
demanderont la stipulation de cette clause au contrat de mariage ?
Effectivement, la difficulté provient de la nature du
mariage en général d'une part, et de la volonté des
parties d'autre part. Il est difficile de penser que la femme, en
rédigeant le contrat de mariage, s'occupe de la question du divorce. Les
futurs époux ne penseront pas, au jour de la conclusion du mariage, que
leur futur lien conjugal subirait une rupture par divorce ou par
répudiation. Lors de la conclusion du contrat de mariage, la
volonté d'être marié prime sur toute autre idée de
séparation ultérieure. L'objectif du mariage est de créer
une famille et de garder à vie le lien conjugal. On pourrait donc en
déduire que la femme ne pense pas au moment de la conclusion du contrat
de mariage au divorce ou à la répudiation voire à la
séparation en général. Au moment de la conclusion du
contrat de mariage, la femme ne veut ni répudier ni être
répudiée.
En revanche, on ne peut pas en déduire que cette situation
réduise l'importance de ce cas de divorce. On ne peut pas nier
l'importance d'une clause, si elle figure dans le contrat de mariage, permet
à la femme de se répudier unilatéralement comme le
mari.
En pratique, il y a beaucoup de femmes qui stipulent cette clause
au contrat de mariage. Une statistique195 affirme que 50000 femmes
en Égypte ont la possibilité de se répudier par
l'intégration d'une clause leur permettant ceci au contrat de mariage.
C'est un nombre qui met en évidence la volonté de l'épouse
de garder son droit de répudier comme une application du principe
d'égalité entre époux comme il est compris en droit
français ce qui nous emmène à avoir un droit
égyptien qui se rapproche de la conception française de
l'égalité. Dans ce cas, on voit que chacun des époux
bénéficie du même droit, ce qui prouve que le contexte
spécifique en droit égyptien commence à s'améliorer
pour ré aboutir à une harmonisation entre le système
juridique français et le système juridique égyptien
concernant le divorce et ses cas.
Certes, une étude approfondie du contexte du droit
étranger permet de découvrir beaucoup de moyens qui ont pour
objet d'atténuer le caractère abusif ou inégalitaire de la
répudiation. La femme pourra stipuler une clause lui permettant de se
répudier, à
195 Publiée au site Internet :
http://www.amanjordan.org/a-news/wmview.php?ArtID=4967
( en arabe )
96
défaut de cette clause ou d'un accord ultérieur,
l'épouse pourra demander le khol' au juge.
Il est vrai que le droit égyptien n'a pas atteint le
dynamisme de la réforme marocaine sur la question, mais on voit que
l'étendue des réformes de statut personnel en
général dépend du contexte politique, social, religieux,
et juridique de chaque pays. Mais on ne peut pas non plus nier l'importance de
la réforme égyptienne qui encouragerait peut être le
législateur égyptien à garantir les droits fondamentaux
d'une manière plus efficace par le biais de nouvelles réformes
futures. Ces réformes pourront inciter la jurisprudence française
à reconnaître la répudiation égyptienne. On aura
donc à ce moment là, une coordination plus forte entre le
système français et le système égyptien, et un
renforcement d'une harmonie qui a toujours existé entre les deux
droits.
97
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100
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internationale d'un divorce musulman », D. 2006, n°16, P.
1090.
101
TABLE DES MATIÈRES
Remerciements 2
Sommaire 3
Avant-propos 4
Introduction 6
Titre I : Un système influencé par la religion
face à un système laïc 10
Chapitre I : Genèse de deux systèmes de racines
différentes 10
Section I : L'Égypte, un pays religieux depuis
l'ère pharaonique 10
Section II : La France, du catholicisme à la
laïcisation 13
Chapitre II : Le choix entre l'unité et le pluralisme
16
Section I : Plusieurs législations de statut personnel
en droit égyptien 16
§ 1- L'application du droit musulman aux non-musulmans
18
A- La législation confessionnelle ne contient aucune
disposition religieuse 19
B- La non-conformité des législations
confessionnelles à l'ordre public. 20
1- L'étendue de l'ordre public 21
2- Les conséquences 22
C- Les époux non-musulmans ne sont pas unis en
communauté et en confession 24
1- L'originalité du principe provient du
problème de la très grande diversité 25
2- Les aménagements à l'application de droit
musulman aux non-musulmans 29
a-Le degré d'incompatibilité entre la
législation catholique et le divorce 31
b- Une compatibilité assez contestée entre les
autres législations chrétiennes et la
répudiation islamique 33
§2- La non conformité de la législation
confessionnelle au droit religieux 35
A- Un problème assez ancien 35
B- Une position très déterminante de
l'Église 38
§3- Solution proposée : L'unification des
législations confessionnelles 42
A- La doctrine encourage la démarche 43
B- Les institutions tentent de concrétiser cette
idée d'unification 44
1 - Le Parlement 44
2- Des solutions importantes proposées par les
Églises 45
102
Section II: Une loi française unique avec une
pluralité des cas de divorce 48
§1- La pluralité des cas de divorce, un choix
bien voulu 49
§2- Un doute sur l'influence de la religion sur la
désunion en droit français 51
A- La séparation de corps, une trace de la tradition
catholique 53
B- La répudiation, une influence partielle sur les cas
de divorce français 55
1- La volonté unilatérale de mettre fin au lien
conjugal 55
2-Le divorce pour altération définitive du lien
conjugal n'est pas une vraie répudiation56
Titre II: Une influence croissante des droits fondamentaux sur
les cas de divorce 58
Chapitre I : Répudiation et droits fondamentaux 58
Section I : En quoi la répudiation porte atteinte aux
droits fondamentaux ? 59
§1- Une philosophie très remarquable de la
répudiation. 60
§2- Une évolution hésitante 62
Section II : Le rejet de la répudiation pour sa
contrariété au principe d'égalité 65
§1- Le respect des droits fondamentaux et de la CEDH
65
§2 - Les risques et les dangers de cette démarche
67
A- Une démarche qui n'est pas très
équitable 68
B- Une démarche abstraite 73
Chapitre II : Un contexte spécifique des droits
fondamentaux 76
Section I : Une lecture originale du principe
d'égalité 77
§1 - La spécificité
complémentarité des statuts de chaque époux 78
A- Le mari : autant de droits que de devoirs 80
B- L'épouse : des droits et des devoirs
spécifiques 82
§2- Une puissance maritale originale 83
Section II : La neutralisation de la répudiation 86
§1 - La répudiation judiciaire moyennant
compensation 87
A- Une notion très originale 87
B- L'amélioration de la situation de l'épouse
89
1- Les droits pécuniaires 90
2- Les garanties procédurales 91
§2- La clause autorisant la femme de se répudier
93
Bibliographie 97
Table des matières 101
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