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Valeurs et et relativisme moral dans la généalogie de la morale (1887) de friedrich nietzsche

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par Daniel Blaise BITECK
Université de Yaoundé 1 - DIPES II 2013
  

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CHAPITRE 1: LE NIHILISME

Originairement, en philosophie on reconnaît au concept de nihilisme un double sens. Dans son sens premier ce concept renvoi aux idées de négation, de destruction, de crise, de souffrance, de désespoir. Aussi, dans cette première signification, le nihilisme désigne cette « volonté de néant qui s'exprime dans [les] valeurs supérieures »48(*) et attribut à la vie une valeur de néant. Cet aspect du nihilisme qui est un renversement de la table des valeurs et une dépréciation de la vie, est orchestré par la métaphysique et ce depuis Socrate.

Dans sa deuxième conception, le nihilisme désigne cette réaction contre la réalité suprasensible et les valeurs supérieures dont on nie l'existence et la validité. Cet aspect du nihilisme qui est celui de Nietzsche n'en est pas un en fait car il est la négation d'une négation en vue d'une affirmation. Cependant, la difficulté c'est de savoir comment s'est exactement développée la première forme de nihilisme contre laquelle l'auteur de Le voyageur et son ombre s'élève.

I.1. LE RENVERSEMENT DES VALEURS

Avant de militer pour un renversement total des valeurs, Nietzsche part d'un constat : l'objectif que s'est assigné la morale occidentale contemporaine dans une perspective humaniste s'est avéré perturbateur et nuisible à l'égard de l'espèce humaine. La raison en est que l'homme par le biais de cette morale est arrivé à se méjuger et à se dresser contre ce qui faisait son bonheur à l'origine. L'implantation de la morale du ressentiment dans la philosophie est apparue à Nietzsche comme un évènement épouvantable d'autant plus qu'elle a donné la possibilité aux faibles de se soulever contre les maîtres. Ces derniers jouissaient jusque là de toutes sortes de prérogatives à l'égard de tout ce qui était vulgaire et bas. Ce soulèvement des faibles contre les hommes de valeur est considéré par l'auteur de Ainsi parlait Zarathoustra comme un mouvement de révolte intransigeant devant substituer les valeurs morales aux valeurs de la noblesse de race, les vertus des incapables à celles des hommes d'action. Notre penseur Allemand va donc contre ce type de morale qui donne comme instrument aux faibles le ressentiment pour justifier leur situation et procéder au renversement de l'ordre hiérarchique des choses. Ainsi, les médiocres opposent-ils les valeurs « Bien et Mal », « Bon et Mauvais ». Mais, notre auteur affirme que cette opposition des valeurs entretenue par les faibles contre les forts semble avoir subi une crise dans le cadre du rétablissement des droits des opprimés. Ceux-ci ont en effet, ménagé tout ce qui avait trait à leur condition de vie, et pris en grappe ce qui leur opposait des résistances. Cet antagonisme a entraîné selon lui le déclin absolu des valeurs authentiques, et détourné leur contenu symbolique. C'est pourquoi l'auteur de Le voyageur et son ombre soutient dans ce sens :

Si l'on se représente  l'ennemi tel que le conçoit [le faible], on constatera que c'est là son exploit, sa création propre : il a connu l'ennemi, le méchant, le malin  en tant que concept fondamental, et c'est à ce concept qu'il imagine une antithèse, le bon, qui n'est rien d'autre que lui-même49(*).

Et il ajoute par ailleurs : «  Enfin, -et c'est ce qu'il y a de plus terrible -dans la notion de l'homme bon, on prend parti pour tout ce qui est faible, malade, mal venu, pour tout ce qui souffre de soi-même, pour tout ce qui doit disparaître. La loi de la sélection est contrecarrée »50(*). Cette crise des valeurs à laquelle nous assistons aujourd'hui est donc consécutive à l'avènement de la morale du ressentiment qui a incité à la révolte tous ceux qui appartiennent de par leur statut social à la racaille. Pour Nietzsche, le soulèvement des esclaves contre les maîtres dans la morale des faibles n'est pas la preuve du droit de chacun à l'affirmation de soi comme sujet mais plutôt la subversion des valeurs aristocratiques.

Pour celui que l'histoire de la philosophie présente comme le disciple infidèle de Schopenhauer, ce renversement des valeurs aristocratiques a une origine : le christianisme. L'avènement de celui-ci dans le monde a donné au religieux le moyen d'ordonner la société et ses structures à sa guise. Cependant, notre auteur note aussi que le christianisme n'a pas seulement permis aux prêtres de se fabriquer un statut social à leur mesure, il a aussi donné l'illusion au peuple d'avoir droit à toutes sortes de prérogatives. Par ce fait, la remise en question de l'ordre hiérarchique des choses a permis à la communauté sacerdotale créée par le christianisme de veiller au triomphe de la morale du ressentiment. Et c'est ce triomphe qui est à l'origine de l'interprétation erronée de l'histoire de l'humanité et le détournement du contenu significatif des jugements moraux. Et à Nietzsche d'observer : « Partout où s'étend l'influence des théologiens, le jugement de valeur est la tête en bas et les notions de « vrai » et « faux » sont nécessairement interverties »51(*).

Grâce à la transmutation des valeurs morales, la masse des incapables prend l'initiative de conquérir la liberté contre toutes formes d'aristocraties qui cherchent, par un sursaut d'orgueil, à ressusciter. Cependant, il s'avère que ce n'est pas en utilisant les armes que les faibles conquièrent les valeurs morales mais plutôt par le sentiment vindicatif qu'est le ressentiment. Déjà à l'oeuvre dans la morale rétrograde, le ressentiment est considéré par les faibles comme une arme de combat capable de les introduire parmi les rangs des forts, et par voie de conséquence de leur permettre d'imposer et d'établir un modèle de conduite qui rompt totalement avec la philosophie de la vie des forts.

La subversion des valeurs s'explique par le besoin psychologique qui incite l'homme dégénéré à se dresser contre l'impulsion vitale de l'homme d'esprit. C'est pourquoi Nietzsche relève que le ressentiment de l'aristocratique équation des valeurs est sous-tendu par la passion de la rancune qui a rendu dans le même temps ce renversement solide et infrangible. Aussi souligne-t-il : « [Les faibles] ont maintenu ce renversement avec l'acharnement d'une haine sans borne (la haine de l'impuissance) »52(*).

Le maintient, par le faible des valeurs de décadence démontre que le faible, l'impuissant est un être angoissé qui refuse délibérément de tendre vers un plus être. Parce qu'il lui est impossible de transcender ou de surmonter ses piètres conditions de vie, le faible s'attache et voue un culte aux valeurs traditionnelles qui sont à ses yeux, éternelles et immuables. Même s'il est vrai que l'immutabilité de ces valeurs n'empêche en aucun cas une soif du nouveau.

Toutefois, Nietzsche soutient que cette soif du nouveau qui caractérise l'homme versatile n'est pas identifiable à celle qui anime le fort dans la mesure où celui-ci vise la création, l'innovation alors que celui-là cherche à maintenir un statut quo, à se figer dans la finitude de l'affirmation. C'est probablement ce qui a incité Nietzsche à présenter le faible comme un individu qui, marqué et dégoûté par les persécutions de l'existence, lasse de vivre, s'invente un monde imaginaire dans lequel il veut vivre de manière solitaire. Dans ce monde, il prétend jouir d'un bonheur absolu. L'absoluté de ce monde semble être le mouvement d'opposition du faible. En effet, l'aspiration de ce dernier à une éternité de jouissance est soutenue par l'idée d'une récompense à venir dont sera gratifiée celui qui aura accepté, au terme d'une vie bien menée, de vivre conformément aux principes moraux.

En renversant l'ordre hiérarchique des valeurs, la morale du ressentiment a par-là contribué à faire émerger une nouvelle forme idéologique qui s'enracine selon notre auteur dans une forme modérée de démocratie : le socialisme. Par celui-ci, la morale du ressentiment a pris possession de la faiblesse et de l'impuissance au détriment de la puissance et de la noblesse. Qui plus est, d'après le penseur Allemand, elle a contribué au nivellement des inégalités et à l'extension de la puissance des hommes du commun, qui ont créé des valeurs morales. Toutefois, les valeurs créées par l'homme veule ne sont que des valeurs d'emprunt calquées sur le modèle de celles du fort. Et ceci s'illustre par le fait que le faible vit comme par procuration, aspire à devenir fort.

Le socialisme et partant la démocratie doit également son essor au sentiment de dégoût, de douleur, de pitié, de haine qui marque la masse des faibles. En effet, c'est la permanence ou la fréquence de ces sentiments dans la morale des faibles qui pousse ceux-ci à penser que l'absence ou la rareté de ces sentiments chez un individu notamment le fort, l'homme de classe est le signe d'un cynisme de sa part. L'incapacité des hommes veules à se représenter un homme qui ne puisse compatir ou partager l'étendue de la souffrance de l'autre, les a poussés à tenir la souffrance comme sentiment commun à tous les individus. Dans cette mesure, le socialisme a été défini par les faibles comme une doctrine politico-religieuse oeuvrant pour le bonheur.

En définissant le socialisme comme une doctrine théologico-politique, les laissés pour compte n'ont pas hésité à distinguer une fois pour toutes les bonnes et les mauvaises valeurs et à distinguer les méchants et les bons, les opprimés des oppresseurs, les malheureux des bienheureux, les esclaves des maîtres etc.... En montrant comment cette entreprise de hiérarchisation des valeurs a tourné à l'avantage des déshérités et au désavantage des biens portants, Nietzsche a mis en relief le rapport d'homologie entre les valeurs morales de la décadence et le socialisme. Celui-ci lui a paru être un instrument assurant la domination des faibles sur les forts.

Le fait pour les faibles de ne pas tenir compte des capacités de chaque individu dans la morale du ressentiment les a conduits à affirmer la supériorité de la majorité sur la minorité. Parce que les valeurs morales sont issues de la majorité, il est convenable de préciser que ce qui n'est pas de son ressort est mauvais et abominable, exécrable et honteux. C'est la raison pour laquelle l'auteur de Le Cas Wagner affirme dans ce sens : « Quand la bête du troupeau rayonne dans la clarté de la vertu la plus pure, l'homme d'exception est forcément abaissé à un degré inférieur, au mal. »53(*)

Le renversement des valeurs morales au sein de la morale du ressentiment a provoqué le rabaissement des qualités propres de l'individu au vu de la nature de ceux qui ont établi les nouveaux principes de vie. Par conséquent, malgré le triomphe de cette morale du ressentiment sur celle des hommes de vertu, il y a lieu de relever ici que les faibles sont toujours habités par la passion de la rancune. Ce sentiment vindicatif en s'introduisant dans la démocratie, s'est transformé en remords de conscience. Pour mettre fin à l'angoisse qui fragilise les faibles, la morale du ressentiment va trouver comme palliatif à cette situation l'arasement de la hiérarchie naturelle.

* 48 G. Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, P.U.F, 1988, p. 170.

* 49 F. Nietzsche, Généalogie de la morale, Paris, Gallimard, 1971, première dissertation, « Bien et Mal », « Bon et Mauvais », § 10, pp.49-50.

* 50 F. Nietzsche, Ecce Homo : « comment on devient ce qu'on est », « Pourquoi je suis une fatalité », Paris, Robert Laffont, 1993, § 8, pp. 166- 167.

* 51 F. Nietzsche, L'Antéchrist suivi d'Ecce Homo, Paris, Robert Laffont, 1993, § 9, p. 20.

* 52 F. Nietzsche, Généalogie de la morale, première dissertation, Paris, Robert Laffont, 1993, §7, p.40.

* 53 F. Nietzsche, Ecce Homo : « comment on devient ce qu'on est », « Pourquoi je suis une fatalité », Paris, Union générale des éditions, 1988, §5, p. 160.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon