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Le théà¢tre : une voie pour l'enseignement des faits religieux en Haà¯ti.

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par Jean Marc Voltaire
Université dà¢â‚¬â„¢Artois - Master 2 2016
  

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1.4 LE FAIT RELIGIEUX

D'après Regis DEBRAY, parler de fait religieux, c'est parler d'un phénomène universel, l'existence des communautés de croyance qui coexistent ou se mêlent sur toute la planète. Et que toute civilisation, le plus souvent par rapport à sa tradition religieuse, consciente ou non, a une façon particulière de :

> organiser son calendrier, avec des fêtes et des jours fériés ;

> Polariser son espace, par des lieux de culte et de pèlerinage ;

> marquer les corps, par la circoncision, les tatouages ou la barbe.

> discipliner l'alimentation, par des interdits ou des jeûnes ;

> scander, par des rites, la vie, de la naissance à la mort ;

> ...

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Le théâtre : une voie pour l'enseignement des faits religieux en Haïti

Le fait religieux s'inscrit en profondeur dans l'histoire, la géographie, comme dans la littérature et le cinéma. C'est une clé pour ouvrir les grandes portes. On ne peut pas lire ou regarder vaguement les documentaire et autres qui transmettent des informations sur : la grâce, le sacrilège, la naissance d'Israël, la politique étrangère américaine, les Croisades, les dragonnades, la tragédie du 11 septembre, la shoah... C'est aussi une donnée simple et ordinaire, quelque chose qui se voit comme : une cathédrale, une mosquée, un temple vodouesque... ; qui s'entend comme : un gospel, une cantate; qui se respire comme : l'encens ou la crypte; qui se lit comme : la Bible ou le Coran. Et qui se croise dans n'importe quelle rue de Paris ou d'Haïti, sous forme de jeunes musulmanes à foulard, juifs orthodoxes à chapeau noir, chrétiens en procession, ou hare Krischna au crâne rasé... Le fait religieux est partie intégrante de la réalité collective. On ne doit pas le confondre avec l'expérience spirituelle du sacré très respectable, qui est intime et incommunicable. L'enseignement du fait religieux n'a pas de caractère confessionnel, ni anticlérical. On doit l'aborder sans a priori ni préjugé, comme un trait de comportement, même si cela peut être aussi, à l'extérieur de l'école, un objet de culte, selon nos traditions familiales ou nos croyances personnelles. Pour nous, élèves ou enseignants, l'étude du fait religieux relève de la culture générale. On ne doit pas le confondre avec un catéchisme ou un témoignage. Il a la valeur, et les limites, d'une simple description compréhensive. Mais, entre catholiques, juifs, musulmans, orthodoxes, protestants, etc., mieux se comprendre, c'est aussi apprendre à se respecter. Car le fait religieux ne privilégie aucune religion particulière, considérée comme plus vraie ou plus recommandable que les autres. L'étude des faits religieux nous propose plutôt de nous ouvrir sur l'Asie lointaine, à travers Bouddha, sur l'Inde, à travers Vichnou et les yogis, sur l'Afrique, à travers le culte des ancêtres, sur l'Antiquité aussi, à travers Athéna et Jupiter. Les dieux et déesses de la mythologie gréco-latine nous accompagnent même tout au long de la semaine comme : Dimanche, dont l'étymologie est «jour du seigneur ». Mardi, jour de Mars, Mercredi, de Mercure, Vendredi, de Vénus, Jeudi, de Jupiter.31

31 RegisS DEBRAY, Guide républicain, Scérén-CNDP, Ministère de l'Éducation nationale, Delagrave, 2004.

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Jean Marc Voltaire

1.4.1 LES FAITS RELIGIEUX COMME OBJETS D'ENSEIGNEMENT

Enseigner en Haïti dans une démarche critique, laïque et non-confessionnelle, la notion complexe de « faits religieux » nécessite une réaction sereine et pertinente. Comment comprendre les religions de l'intérieur sans y adhérer, en conformité avec les attendus de la loi de 1905 qui précise que la République Française, mère du vocable, ne reconnaît aucun culte tout en faisant tout pour les connaître ?32 C'est là que mon travail prend tout son sens et intérêt. Il est clairement intéressant, voire important, d'enseigner aussi dans les écoles et les universités haïtiennes les faits religieux, vis-à-vis de la gravité des urgences précédemment signalées, en vue de comprendre comment prémunir de toute urgence les générations à venir contre les dangers qu'elles courent si ces urgences étaient ignorées ou méconnues.

Pour cela, pencher sur l'enseignement des faits religieux en Haïti est nécessaire, avec comme médiation institutionnelle, une formation scolaire, voire universitaire à la recherche et par la recherche dans le domaine de l'étude des faits religieux.

Il convient de rendre compte du débat décisif entre le sociologue Durkheim et le philosophe Jules Lachelier le 4 février 1913 lors d'une séance de la Société française de Philosophie, dont Alain fut le témoin et rend compte dans un chapitre de son livre Les idées et les âges, pour mieux comprendre les enjeux d'une telle définition, nous aidant à réagir à une certaine urgence de notre actualité, comme la controverse et le témoignage d'Alain qui s'avèrent déterminants pour avancer dans l'essai de définition :

- Pour Lachelier, philosophe spiritualiste, lecteur de Kant : la religion est un « effort individuel ou solitaire pour s'affranchir et se déprendre de tout ce qui n'est pas elle, et de tout ce qui, en elle, n'est pas sa liberté même », « L'âme religieuse se cherche et se trouve hors du groupe social, loin de lui et souvent contre lui. »

- Le sociologue Durkheim répond en définissant la religion : comme fait social et moral qui intègre à une vie supra-individuelle. l'âme religieuse « peut être sous la

32 Voir la contribution de Claude Langlois dans : Dominique Borne et Jean-Paul Willaime (dir.), Enseigner les faits religieux, quels enjeux ?, Paris, Armand Colin, coll. « Débats d'école », 2007, 224 p.

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Le théâtre : une voie pour l'enseignement des faits religieux en Haïti

dépendance du groupe, sans le savoir. » Or, cette âme ne se connaît pas elle-même : « Seule la science des religions, grâce aux procédés d'analyse et de comparaison dont elle dispose, a qualité pour expliquer progressivement les faits religieux. » 33

- Ainsi, par rapport aux approches de Durkheim et de Lachelier, Régis Debray affirme, en reprenant Marcel Mauss, que le fait religieux est un « fait social total », et du point de vue sociologique, enseignable puisqu'il est « observable », même « s'il n'est pas une chose. » Et il ne peut être l'objet d'une discipline spécifique mais il est transversal à toutes les disciplines regroupées dans les humanités.

- Depuis ce Rapport de 200234, on sait que Régis Debray prit ses distances à l'égard de l'expression « fait religieux », lui préférant en 2005 le terme « communion »35 qui permettait d'en finir avec le terme « religion ». Et ses hésitations sont révélatrices d'une série d'oublis sémantiques et de décisions institutionnelles précipitées, déjà à l'oeuvre dans la lettre de mission du ministre français en 2001. Cette lettre de mission présente comme allant de soi que :

1- le fait religieux existe ;

2- le fait religieux est enseignable.

Par rapport à la triple difficulté d'ordre : sémantique, éthique et didactique, Alain prévient ainsi :

o d'une dérive sociologisante, qui consisterait à voir les faits religieux comme une simplification morale du seul fait social : Lachelier est ici oublié.

o d'une dérive mystique et individualiste, qui consisterait à voir dans l'institution la dégradation des convictions religieuses intimes : Durkheim est ici oublié.

Il renvoie dos-à-dos ces deux approches et dégage par ce fait un lieu intellectuel spécifique et original où il est possible d'étudier, voire d'enseigner, les faits religieux de l'intérieur mais sans prosélytisme confessionnel. Quand il est respecté

33 Jules Lachelier, La Nature, l'esprit, Dieu : textes choisis, Paris, PUF, 1955, p. 149-154.

34 Régis Debray dans Études, septembre 2002, p. 169s.

35 Régis Debray, Les communions humaines : pour en finir avec « la religion », Paris, Fayard, coll. « Les dieux dans la cite », 2005, 216 p.

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Jean Marc Voltaire

et étudié sans adhésion, le religieux devient un récit mythologique à portée éthique.

Si l'on intègre les faits religieux au sein d'une culture humaniste d'ensemble qui n'est ni sociologique ni prosélyte mais qui en même temps a du sens, les faits religieux peuvent devenir un objet propre d'étude et donc d'enseignement tout en étant un objet scientifique complexe à préciser.36

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon