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La juridiction présidentielle en droit ohada : essai de synthèse.

( Télécharger le fichier original )
par Emery TCHOUSSI BAH
Centre Africain pour le Droit et le Développement (CADEV) - PROGRAMME POST-UNIVERSITAIRE DE FORMATION ET DE PERFECTIONNEMENT EN DROIT DES AFFAIRES « CAN DO TRAINING »  2011
  

Disponible en mode multipage

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Agrément N°0040/MINEFOP/SG/DFOP/SDGSF/SACD

PROGRAMME POST-UNIVERSITAIRE DE FORMATION
ET DE PERFECTIONNEMENT EN DROIT DES AFFAIRES

« Can Do Training »

***

Année 2011

LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN DROIT OHADA :

ESSAI DE SYNTHESE

Par :

TCHOUSSI BAH Emery

Master en Contentieux et Arbitrage des Affaires

(UCAC)

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE 5

Chapitre 1- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE GRACIEUSE 12

I- JURIDICTION PRESIDENTIELLE ET SECURISATION DU PATRIMOINE 13

A- Le contrôle du RCCM et l'administration des sûretés 13

B- Mesures conservatoires et procédures simplifiées de recouvrement 15

II- JURIDICTION PRESIDENTIELLE, JUGE D'APPUI AUX SOCIETES COMMERCIALES ET

COOPERATIVES 16

A- Autorisations et prorogations de délais 17

B- Désignation de mandataires 18

C- Désignation de commissaires 19

III- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE PROCEDURES COLLECTIVES

D'APUREMENT DU PASSIF 19

A- Le règlement préventif 19

B- Le redressement judiciaire et la liquidation des biens 21

CONCLUSION DU CHAPITRE 24

Chapitre 2 - LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE CONTENTIEUSE 26

I- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE LITIGES ENTRE COMMERCANTS 27

A- Les litiges liés au crédit 27

B- Litiges liés aux opérations commerciales 29

II- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE LITIGES ENTRE ASSOCIES 32

A- Litiges liés à la gouvernance des sociétés 32

B- Litiges liés au fonctionnement des sociétés 33

III- JURIDICTION PRESIDENTIELLE, JUGE DE L'EXECUTION 35

A- Les saisies mobilières 34

B- La saisie immobilière 37

CONCLUSION DU CHAPITRE 39

CONCLUSION GENERALE 39

BIBLIOGRAPHIE 41

DEDICACE

A mes parents, TCHOUSSI André et TCHOUSSI Florence.

REMERCIEMENTS

Mes remerciements s'adressent :

- à DIEU, mon guide, dont les grâces m'inondent tous les jours ;

- à mes parents qui supportent le poids de mes études et de mon éducation avec une fierté et un bonheur grandissants au fil du temps ;

- Au Docteur Sadjo OUSMANOU dont l'encadrement, m'a permis de progresser dans ma quête de savoir et de savoir-faire.

- à Me Virgile NJIKE NGASSAM, pour m'avoir accueilli et encadré dans son cabinet au sein duquel j'ai pu effecteur un stage d'apprentissage, mais aussi pour ses judicieux conseils et recommandations, et la documentation à laquelle il m'a permis d'accéder dans le cadre de mes recherches.

- à Me Laurence MOUAFO DJEUTCHOU pour ses relectures, conseils et sa sollicitude tout au long de mes travaux.

Que tous trouvent ici l'expression de ma profonde gratitude.

LISTE DES ABREVIATIONS

A.U. : Acte Uniforme

AUA : Acte Uniforme relatif au droit de l'arbitrage

AUDCG : Acte Uniforme relatif au droit commercial général

AUDSC : Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du

groupement d'intérêt économique

AUS : Acte Uniforme portant organisation des sûretés

AUVE : Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de

recouvrement et des voies d'exécution

AUPCAP : Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives

d'apurement du passif

CCJA: Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA

Ed.: Edition

OHADA: Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

P.: Page

RCCM : Registre du Commerce et du Crédit Mobilier

TPI: Tribunal de Première Instance

TGI : Tribunal de Grande Instance

INTRODUCTION GENERALE

L'harmonisation du droit des affaires en Afrique (dans la zone franc notamment) a connu une grande évolution avec l'avènement de l'OHADA1 il y a une vingtaine d'années (plus précisément, le 17 octobre 1993, date de l'adoption du Traité de Port Louis2, texte fondateur de l'OHADA). Bien plus qu'une harmonisation, cette « unification progressive et générale des législations »3 du droit économique sous la houlette de l'OHADA, a déjà conquis bien des domaines de l'activité économique, tant sur le plan du droit substantiel que sur celui des procédures. Aujourd'hui, le corpus juridique de l'OHADA est composé d'un Traité (Traité de Port Louis) de cinq Règlements, et de neuf Actes Uniformes.

Le droit uniforme OHADA, bien que s'inspirant des droits nationaux des Etats parties, a, somme toute, redéfini le système juridique au sein de ces Etats, et redistribué les rôles dans l'appareil judiciaire. Aussi, si certains maillons de la chaine judiciaire (Notaires, Huissiers) ont vu leur rôle accroître, d'autres, les juges notamment, ont dû se réinventer pour s'adapter à la nouvelle donne qu'apporte l'OHADA. Car la fonction de jugement a mué avec l'avènement du droit OHADA, oscillant entre soumission à la volonté des parties et impératif de service public - de la justice. De même la juridiction présidentielle dans ce nouvel ordre juridique révèle de nombreuses subtilités, et ses contours actuels méritent désormais de faire l'objet d'une attention particulière, d'un examen en profondeur.

La présente étude se veut un travail synthétique (comme son titre l'indique) et descriptif, combinant, tout en les expliquant, l'ensemble des dispositions relatives à la juridiction présidentielle en droit OHADA.

1/ DEFINITION DES CONCEPTS

De prime abord, l'expression « juridiction présidentielle » renvoie au Président de la juridiction considérée. Cette expression procède de l'association de deux notions essentielles : « juridiction » et « Président ». Celles-ci peuvent recouvrir plusieurs acceptions selon le contexte dans lequel elles sont placées. Elles sont aussi souvent confondues avec d'autres notions voisines. C'est pourquoi il est

1 Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.

2 Révisé à Québec le 17/10/2008.

3 J. ISSA-SAYEGH, J. LOHOUES-OBLE, OHADA. Harmonisation du droit des affaires, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 93.

indispensable de préciser le sens qui sera donné à ces concepts et à l'expression « juridiction présidentielle » dans le cadre de cette étude.

Ainsi, d'après le Larousse 2008, le Président est la personne qui dirige les délibérations d'une assemblée. Dans le domaine judiciaire, Le - Premier - Président est le magistrat placé à la tête de la Cour Suprême, d'une Cour d'Appel, d'un Tribunal de Grande Instance, ou d'un Tribunal de Première instance. Mais, le Président de la juridiction est différent du juge qui préside une formation de jugement, seul ou en collégialité, puisque ce dernier ne le fait que « ponctuellement » à l'occasion d'un procès dont il a la charge, d'un litige qu'il doit trancher.

Le mot juridiction4, quant à lui, est un synonyme un peu vieilli d'autorité, de souveraineté5 (on dit par exemple qu'une entreprise relève de la juridiction fiscale de tel ou tel Etat pour justifier que cet Etat a le pouvoir de l'imposer). En matière judiciaire, « Juridiction » est le terme utilisé pour, sans avoir égard à la place qu'il occupe dans l'organisation judiciaire, désigner une cour ou un tribunal pris en tant que service public de l'Etat ayant pour fonction de juger les différends qui lui sont déférés. La juridiction d'une cour ou d'un tribunal renvoie aussi à son ressort, c'est-à-dire l'étendue de sa compétence géographique et les matières dont elle peut connaître. On classe généralement les juridictions d'après leur nature en juridiction de droit commun et en juridiction d'exception, et toute juridiction est située par le degré qu'elle occupe dans la hiérarchie judiciaire.

Au total, dans la présente étude, nous entendrons par « juridiction présidentielle » les attributions qui relèvent de la compétence exclusive du Président de la juridiction, ou du « magistrat délégué » par lui. S'agissant du degré de la juridiction étudiée (instance, appel, cassation), la logique veut que les - Présidents des - juridictions statuant en premier ressort (Tribunal de Grande Instance et Tribunal de Première instance) fassent l'objet de l'essentiel de nos développements, car c'est à eux que sont soumises, en premier ressort, les demandes des justiciables. Bien évidement, nous n'éludons pas les domaines qui relèvent - du Président - de la Cour d'Appel ou des Cours de cassation nationales et communautaire (CCJA). Ainsi, la juridiction présidentielle, désignera, le cas échéant :

4 Voir sur l'ensemble de la question : R. GUILLIEN, J. VINCENT (sous la direction de), Lexique de termes juridiques, 13e éd., Paris, Dalloz, 2001, pp. 327-328.

5 Dans un sens large, proche de celui du mot anglais similaire, jurisdiction.

le Président du tribunal de Première instance, le Président du Tribunal de Grande Instance, le Président de la Cour d'Appel, le Président de la Cour Suprême, ou le Président de la CCJA.

2/ DELIMITATION DU SUJET

L'étude de la juridiction présidentielle en droit OHADA peut couvrir plusieurs champs. Ainsi, avant de rentrer dans le fond de l'étude, il est important d'en préciser le domaine de la présente étude. Il faut donc circonscrire l'étude c'est-à-dire faire une délimitation tant territoriale que matérielle et temporelle. D'entrée de jeu, nous précisons, si besoin s'en faut, que seules les juridictions de l'ordre judiciaire sont concernées, et que conséquemment les juridictions administratives, des comptes et les juridictions militaires sont exclues de notre champ matériel. De même, bien que le droit OHADA, droit des affaires et des activités économique, fasse partie de la grande famille du droit civil, nous nous limiterons à l'étude de l'activité de la juridiction présidentielle lorsqu'elle doit connaître de demandes liées à l'application du corpus juridique de l'OHADA, à l'exclusion des affaires, civiles ou commerciales, qui n'ont pas été régies par le législateur communautaire.

Sur le plan matériel, nos travaux se focalisent sur l'activité juridictionnelle du Président de la juridiction. En effet, le Président d'une juridiction, magistrat du siège, est d'abord un juge. En tant que tel, il a pour mission principale de dire le droit. Pour se faire il pose des actes dits « juridictionnels ». Ces actes juridictionnels s'opposent aux actes judiciaires non juridictionnels6, qui sont, pour l'essentiel, des mesures d'administration judiciaire : attribution des affaires à tel ou tel juge, déploiement des greffiers, fixation des dates d'audience... Cette activité ne revêt pas un intérêt significatif dans le cadre de cette recherche, aussi avons-nous choisi de l'exclure de notre champ d'étude. Ainsi, il s'agira, tout au long de cette étude, tel que nous l'avons annoncé plus haut, d'examiner l'activité du Président de la juridiction en matière juridictionnelle.

Par ailleurs, l'étude étant orientée sur le Droit OHADA, nous avons estimé qu'elle serait plus abordable si elle contenait des illustrations basées sur le système

6 La définition de l'acte juridictionnel et la délimitation du champ qu'il recouvre font l'objet de beaucoup de débats en doctrine. Nous n'avons pas voulu nous étendre sur cette question car elle requiert une étude particulière et des développements conséquents, qui ne sont pas l'objet de la présente étude qui se doit d'être concise. Sur l'ensemble de la question voir J. VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure civile, 26e éd., Paris, Dalloz, pp. 191-240.

judiciaire d'un Etat-partie. Aussi, avons-nous choisi d'appuyer les références et illustrations de la présente étude sur le système judiciaire camerounais. Quelques références au droit comparé (Droit français) nous permettrons aussi de mieux étayer nos propos.

La délimitation temporelle que nous ferons s'appuie, évidemment sur l'apparition du droit OHADA. Toutefois, considérant que nos illustrations s'appuieront essentiellement sur le système judiciaire camerounais, et sachant que ce dernier a connu une récente réforme, notamment, par l'adoption d'une série de lois le 29 décembre 2006 et la promulgation, le 19 avril 2007, de la - très controversée - loi sur le juge du contentieux de l'exécution, notre recherche se limitera à l'étude de la juridiction présidentielle en droit OHADA depuis le 19 avril 2007.

3/ INTERET DE L'ETUDE

L'intérêt de l'étude de la juridiction présidentielle en droit OHADA se situe sur les plans scientifique et économique.

Dans le domaine scientifique, la présente étude pourrait apporter une clarification théorique voire pratique à un des problèmes les plus récurrents du droit judiciaire privé : celui de la compétence du Président de la juridiction. En effet, « le Président de la juridiction compétente », « la juridiction compétente statuant à bref délai », sont des expressions abondamment utilisées par le législateur OHADA. Mais ni les législateurs nationaux ni la doctrine encore moins les praticiens du droit ne parviennent à s'accorder sur l'identité du juge auquel renvoient les dispositions. Aussi, pensons-nous que nos travaux auront une contribution significative dans la résolution de cet imbroglio.

Sur le plan économique cette recherche et ses conclusions auront pour intérêt de permettre aux investisseurs de connaître et comprendre la place et le rôle des Présidents des Cours et Tribunaux dans le processus d'harmonisation du droit des affaires et la sécurisation juridique des activités économiques en Afrique.

Mais, pour que soient produits ces effets, il faut que soit dégagée la problématique qui sous-tend la présente étude.

4/ PROBLEMATIQUE

Une brève étude du droit positif, voire une observation superficielle de la pratique judiciaire par un profane, laissent entrevoir que le Président d'une juridiction est la pièce maîtresse de celle-ci. De par sa position il semble jouir de bien de prérogatives, et concentrer certains pouvoirs. Mais lorsqu'on va plus en profondeur dans l'étude du droit positif, on perçoit le souci qu'eut le législateur OHADA (et national) d'encadrer ces pouvoirs en donnant une certaine orientation aux attributions de la juridiction présidentielle.

Evidemment, la présente étude implique l'examen croisé du droit substantiel, et du droit judiciaire, du droit uniforme et du droit national, de sorte que deux questions essentielles s'imposent à nous, deux questions dont la tentative de réponse constituera nos prochains développements. Ainsi, nous devons déterminer l'étendue du pouvoir des Juridictions Présidentielles en matière d'interprétation et d'application du Droit Uniforme OHADA. Et, parce que « la procédure assure l'action », il nous revient de dire comment sont exercées ces attributions.

Il s'agit donc dans la présente étude de se demander comment et jusqu'où s'exerce la compétence de la juridiction présidentielle en droit OHADA.

5/ HYPOTHESE

La juridiction présidentielle statue par ordonnance, et elle est, à la fois, juge de l'apparence et juge du fond. En effet, l'exercice de ses compétences par la juridiction présidentielle peut tendre, soit à lever les obstacles fondés sur la résistance par une partie aux prétentions de l'autre, soit à lever l'obstacle que la loi met à la régularisation d'une situation, en exerçant un contrôle de légalité et d'opportunité. Ainsi, l'acte juridictionnel posé par le Président d'une juridiction peut être aussi bien contentieux que gracieux.

Aussi, les expressions « juridiction compétente statuant à bref délai », « juridiction compétente statuant en urgence » et « juridiction compétente statuant sur requête », utilisées abondamment par le législateur OHADA, qui s'apparentent tant à une juridiction gracieuse qu'à un juge du fond, désignent en fait le Président de la juridiction compétente (ou le magistrat délégué par lui).

6/ CADRE METHODOLOGIQUE

La recherche en droit exige une certaine rigueur méthodologique. Cette rigueur s'exprime dans le choix du modèle d'analyse. Dans le cadre de la présente étude, il conviendra d'employer les méthodes juridique et fonctionnelle.

La méthode juridique, selon Charles EINSENMANN7, a deux composantes : la dogmatique et la caustique. La dogmatique consiste à analyser les textes et les conditions de leur édiction ; il s'agit de l'étude du droit écrit, de la norme juridique au sens strict, et plus spécifiquement du droit positif tel qu'il ressort des textes en vigueur. Elle permettra de s'appesantir sur le sens des lois, les conditions d'exercice du droit à la justice, ou encore sur le cadre et la compétence des juges fixés par le législateur. En d'autres termes, il faudra faire ressortir les cohérences et les incohérences des textes législatifs. La caustique permettra d'apprécier la démarche du juge lorsqu'il est confronté à une situation où il doit donner une solution prévue par la norme juridique. En effet, la norme juridique nécessite une confrontation aux réalités sociales, car la fonction essentielle du droit est de régenter l'ordre social. Cette logique rejoint celle de la méthode fonctionnelle. L'analyse fonctionnelle (ou fonctionnalisme) est une méthode développée par MALINOWSKI8 pour qui tous les éléments sociaux et culturels remplissent une fonction. Cette méthode consiste en la recherche (dans une conception holistique de la société) de la fonction que remplit chaque élément. Suivant cette méthode, pour comprendre le sens d'une loi ou d'une jurisprudence, il faut rechercher sa fonction dans la société. Il ne s'agira donc pas de se limiter à faire l'exégèse des textes, mais d'analyser et d'interpréter les textes afin de dégager la finalité de telle ou telle autre disposition, de rechercher le but poursuivi par le législateur lorsqu'il pose une condition ou en exclut d'autres.

7/ ARTICULATION DU PLAN

Suivant l'hypothèse émise tantôt, nous examinerons l'activité de la juridiction présidentielle en matière gracieuse (Chapitre 1), et en matière contentieuse (Chapitre 2).

7 Ch. EINSENMANN, Cours de Droit administratif, cité par C. NACH MBACK, Démocratisation et décentralisation, « genèse et dynamiques comparées des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne », Paris, Karthala-PDM, 2003, p.45.

8 B. MALINOWSKI, J. G. FRAZER, M. PANOFF, Les Argonautes du Pacifique occidental, Gallimard, 1989, 606 pp.

Chapitre 1- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE GRACIEUSE

La nature juridictionnelle des décisions gracieuses fait l'objet d'une certaine casuistique9. En effet, tandis que certains auteurs voudraient opposer à l'acte juridictionnel la juridiction gracieuse, d'autres tendent à considérer les actes gracieux comme une véritable juridiction d'une nature spéciale. Pour trancher le problème, le Doyen CORNU propose une définition duale et étendue de la matière gracieuse ; il distingue ainsi : d'une part, les matières qui « relèvent de la juridiction gracieuse » (en ce qu'elles soumettent au contrôle d'un juge un acte de volonté privée, matière de sa juridiction), et d'autre part celles qui « sont instruites et/ou jugées comme en matière gracieuse » (car elle sont rattachées à la procédure gracieuse sans pour autant réunir toutes les composantes de la matière gracieuse)10. Cette définition peut être complétée par celle donnée par l'article 25 du - nouveau - Code de Procédure Civile français dit que « le juge statue en matière gracieuse lorsqu'en l'absence de litige il est saisi d'une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l'affaire ou de la qualité du requérant, qu'elle soit soumise à son contrôle ».

En matière gracieuse, la juridiction présidentielle est saisie par voie de requête. D'ailleurs, la procédure sur requête relève de la compétence exclusive de la juridiction présidentielle. Aussi, lorsque la « juridiction compétente» est saisie par requête, c'est au Président de ladite juridiction qu'est adressée cette requête.

Cette requête peut solliciter du Président de la juridiction compétente qu'il rende une ordonnance tendant à garantir le patrimoine du demandeur (A). Le Président de la juridiction compétente peut aussi être saisi, par voie gracieuse, par les organes dirigeants d'une société, en sa qualité de juge d'appui (B). Enfin, le législateur OHADA soumet à la procédure gracieuse devant la juridiction présidentielle certaines demandes relatives aux procédures collectives d'apurement du passif (C).

En dehors de ces cas, la juridiction présidentielle intervient, de façon exceptionnelle en matière d'arbitrage. En effet, l'article 5-a de l'Acte Uniforme sur l'arbitrage dispose qu' « en cas d'arbitrage par trois arbitres, chaque partie nomme un

9 Sur l'ensemble de la question voir J. VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure civile, 26e éd., Paris, Dalloz, pp. 205-210.

10 Pour les professeurs J. VINCENT, S. GUINCHARD la confusion et la difficulté dans la détermination du caractère juridictionnel des décisions gracieuses proviennent en grande partie « du fait que des considérations de pure théorie juridique (...) ont été occultées par des considérations d'ordre pratique »; ainsi, poursuivent-ils, « il était commode de confier aux tribunaux créés par l'Etat pour juger, des tâches, des fonctions non juridictionnelles - à l'origine - mais pour lesquelles le besoin de l'intervention d'une autorité publique était nécessaire ». J. VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure civile, op. cit., p 192.

arbitre et les deux arbitres ainsi nommés choisissent le troisième arbitre ; si une partie ne nomme pas un arbitre dans un délai de trente jours à compter de la réception d'une demande à cette fin émanant de l'autre partie, ou si les deux arbitres ne s'accordent pas sur le choix du troisième arbitre dans un délai de trente jours à compter de leur désignation, la nomination est effectuée, sur la demande d'une partie, par le juge compétent dans l'Etat-partie » ; on devine aisément que ce « juge » sera saisi par requête, ce qui renvoie à dire que cette compétence ressort des attributions de la juridiction présidentielle opérant par voie gracieuse.

I- JURIDICTION PRESIDENTIELLE ET SECURISATION DU PATRIMOINE

A la lecture des Actes Uniformes OHADA portant sur le Droit Commercial Général, sur le Droit des Sûretés (voire, le projet d'Acte Uniforme sur le droit des contrats), on se rend rapidement à l'évidence : le législateur OHADA est soucieux, au premier ordre, de la sécurité - juridique - des affaires et des investissements. Mais il est aussi conscient qu'aucune disposition légale ne peut déjouer la malice de l'être humain, ni anticiper parfaitement les aléas du monde des affaires. C'est pourquoi, il s'est évertué à prescrire des procédures simplifiées de recouvrement. Aussi le législateur OHADA a-t-il confié la mise en oeuvre aux instances judiciaires.

Le pouvoir judiciaire occupe donc une place importante dans la protection de l'investissement. Ceci se traduit par l'activité de la juridiction présidentielle qui est chargée du contrôle du RCCM et de l'administration des sûretés (A), mais aussi de la mise en oeuvre des mesures conservatoires et des procédures simplifiées de recouvrement (B).

A- Le contrôle du RCCM et l'administration des sûretés

L'article 36 de l'AUDCG dispose que « le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier est tenu par le greffe de la juridiction compétente ». Ratione materiae, la juridiction compétente est la juridiction statuant en matière commerciale ou, en d'autres termes, faisant fonction de tribunal de commerce dans chaque Etat11 (le Tribunal de Première Instance au Cameroun). S'agissant de la compétence ratione

11 Cette interprétation est confirmée par l'article 258 de l'AUDSC qui dispose « la publicité par dépôt d'actes ou de pièces est effectuée au greffe du tribunal chargé des affaires commerciales du lieu du siège social ».

loci, la règle est que pour l'immatriculation et l'inscription des faits et mentions obligatoires, c'est la juridiction du lieu de l'exploitation du commerce (personnes physiques) ou du lieu du siège social (sociétés commerciales et autres personnes morales) qui est compétente12.

L'expression juridiction compétente désigne en réalité le président ou le juge délégué. C'est ce qui ressort de l'article 36 précité qui prévoit que le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier est tenu par le greffe de la juridiction compétente « sous la surveillance du Président de ladite juridiction ou du juge délégué par lui à cet effet (...) »13. A ce titre, le Président de la juridiction compétente, saisi par requête du greffe, autorise ce dernier à procéder à la radiation d'une inscription au RCCM dans les cas prévus par la loi14. A ce niveau on peut faire un parallèle avec l'Acte Uniforme sur le droit des sociétés coopératives qui, créant un Registre des Sociétés Coopératives, dispose à son article 84 que « à défaut de demande de radiation dans le délai prescrit, l'autorité administrative chargée de la tenue du Registre des Sociétés Coopératives compétente procède à la radiation sur décision de la juridiction compétente saisie à sa requête ou à celle de tout intéressé ».

En dehors du fonctionnement du RCCM, la juridiction présidentielle est aussi compétente dans des cas liés au contrôle des sûretés. Ainsi, lorsqu'un bien objet d'un gage avec dépossession menace de périr, le créancier gagiste (ou le tiers convenu) peut faire vendre, sous sa responsabilité, le bien gagé sur autorisation notifiée au constituant de la juridiction compétente saisie sur simple requête15. De même, il est prévu que, toute demande tendant à la résolution amiable, judiciaire ou de plein droit de la vente du fonds de commerce doit faire l'objet d'une prénotation au RCCM à l'initiative du vendeur ; et que cette prénotation est autorisée par la juridiction compétente du lieu où la vente a été inscrite, par décision sur requête (à charge de lui en référer)16.

12 A. PEDRO SANTOS, J. YADO TOE, OHADA. Droit commercial général, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 120

13 Option confirmée par l'article 66 du même Acte uniforme qui dispose que « le greffier ou le responsable de l'organe compétent dans l'Etat Partie en charge du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier s'assure, sous sa responsabilité, que la demande et la déclaration sont complètes et vérifie la conformité de leurs énonciations aux pièces justificatives produites comme prévu aux articles 50 et 58 ci-dessus. (...) S'il constate des inexactitudes ou s'il rencontre des difficultés dans l'accomplissement de sa mission, il peut convoquer le demandeur ou le déclarant pour recueillir toutes explications et pièces complémentaires.

14 Article 55 AUDCG.

15 Article 111 AUS.

16 Article 168 AUS.

B- Mesures conservatoires et procédures simplifiées de recouvrement

Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement, peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente (du domicile ou du lieu où demeure le débiteur), l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable17. Tel est le principe posé à l'article 54 de l'AUVE. Cet article réaffirme l'option du législateur OHADA qui, soucieux de l'amélioration de l'environnement des affaires, fait de la juridiction présidentielle le garant de la célérité des procédures et de la sécurisation du patrimoine des investisseurs. A titre de mesure conservatoire, l'AUVE prévoit aussi que « toute personne apparemment fondée à requérir la délivrance ou la restitution d'un bien meuble corporel peut, en attendant sa remise, le rendre indisponible au moyen d'une saisie-revendication » ; pour ce faire, la requête est formée auprès de la juridiction du domicile ou du lieu où demeure la personne tenue de délivrer ou de restituer le bien18.

Dans la même optique, le législateur a confié à la juridiction présidentielle, du moins, dans leur phase gracieuse, les procédures simplifiées de recouvrement que sont l'injonction de payer et l'injonction de restituer. En effet, le recouvrement d'une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d'injonction de payer. La demande est formée par requête auprès de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure effectivement le débiteur (ou l'un d'entre eux en cas de pluralité de débiteurs)19. Si, au vu des documents produits, la demande lui paraît fondée en tout ou partie, le président de la juridiction compétente rend une décision portant injonction de payer pour la somme qu'il fixe20. De même, celui qui se prétend créancier d'une obligation de délivrance ou de restitution d'un bien meuble corporel déterminé, peut demander au président de la juridiction compétente d'ordonner cette délivrance ou restitution21. La demande de délivrance ou

17 L'article 62 du même acte précise que « la juridiction compétente peut, à tout moment, sur la demande du débiteur, donner mainlevée de la mesure conservatoire si le saisissant ne rapporte pas la preuve que les conditions prescrites sont réunies ». Il s'agira alors d'une procédure contradictoire, au fond, initiée par une assignation en mainlevée devant le Tribunal. D'après Me TEPPI, c'est le juge de l'exécution, c'est-à-dire, le président de la juridiction statuant en matière de contentieux de l'exécution (qui rendra uune ordonnance contentieuse).

18 Article 227 AUVE.

19 Article 3 AUVE.

20 Article 5 AUVE.

21 Article 19 AUVE.

de restitution est formée par requête déposée ou adressée au greffe de la juridiction compétente22. Si la demande paraît fondée, le président de la juridiction compétente rend une décision au pied de la requête portant injonction de délivrer ou de restituer le bien litigieux23. En cas de rejet, la décision est insusceptible de recours pour le créancier, sauf à celui-ci à procéder selon les voies de droit commun.

Dans les deux cas, l'ordonnance rendue est susceptible d'opposition dans un délai de quinze jours (elle est insusceptible d'appel) ; l'opposition, formée par acte extrajudiciaire, est portée devant la juridiction compétente dont le président a rendu la décision d'injonction de payer24. La juridiction saisie sur opposition procède à une tentative de conciliation ; si celle-ci aboutit, le président dresse un procès verbal de conciliation signé par les parties, dont une expédition est revêtue de la formule exécutoire25 (dans le cas contraire, elle donne lieu à une instance au fond). En l'absence d'opposition dans le délai prescrit, le requérant peut demander au Président de la juridiction compétente l'apposition de la formule exécutoire sur la décision26, dont l'effet principal est de permettre la mise en oeuvre de mesures d'exécution forcée.

II- JURIDICTION PRESIDENTIELLE, JUGE D'APPUI AUX SOCIETES

COMMERCIALES ET COOPERATIVES

Si l'activité commerciale peut être diverse et variée, elle est bien souvent organisée autour des sociétés commerciales ou des sociétés coopératives. Comme toutes les activités économiques la création, la vie et la mort d'une société ont besoin d'un certain encadrement juridique qui apporte des garanties de sécurité et de célérité. Et, on l'a vu plus haut, le législateur OHADA a institué la juridiction présidentielle comme garante de ces principes (de sécurité et de célérité) ; dans le cadre du droit des sociétés27 il n'y déroge point.

Les fonctions « d'appui » de la juridiction présidentielle sont celles par lesquelles elle se substitue aux parties afin d'effectuer un acte, soit parce que les parties n'ont

22 Article 20 AUVE.

23 Article 23 AUVE.

24 Article 9 AUVE.

25 Article 12 AUVE.

26 Articles 16 et 27 AUVE.

27 A noter que, la plupart des dispositions évoquées dans cette section, en ce qui concerne l'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales, ont été reprises dans l'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés coopératives ; aussi, nous ne nous attarderons pas sur ce dernier Acte uniforme, mais nous mentionnerons toutefois les références des dispositions qui s'y rapportent.

pas réussi à se mettre d'accord, soit parce qu'elles ont besoin du truchement de cette juridiction pour le faire.

L'activité qui illustre bien cette fonction est l'homologation des procès verbaux d'assemblées générales. En effet, l'homologation des actes sous seing privé est une procédure classique en droit civil, qui donne généralement lieu à un « jugement de donner acte » ; en droit OHADA, cette procédure concerne essentiellement les délibérations des assemblées de sociétés commerciales. Ainsi, l'Article 458 de l'AUDSC dispose que « les délibérations du conseil d'administration sont constatées par des procès-verbaux établis sur un registre spécial tenu au siège social, coté et paraphé par le juge28 de la juridiction compétente »29.

Cette fonction d'appui consiste essentiellement à accorder des autorisations et des prorogation de délais (A), désigner des mandataires (B) ou des commissaires (C)

A- Autorisations et prorogations de délais

La juridiction présidentielle est en effet compétente pour accorder, par voie gracieuse, des autorisations indispensables à l'accomplissement de certains actes touchant à la vie d'une société commerciale.

Ainsi, dans le cadre de la constitution d'une société, et dans l'hypothèse où la société ne serait pas immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier dans le délai de six mois à compter du premier dépôt des fonds en banque ou chez le notaire, les apporteurs peuvent demander au Président de la juridiction compétente, l'autorisation de retirer le montant de leurs apports30. De même, au cours d'une opération d'augmentation de capital, les souscripteurs peuvent solliciter, du Président de la juridiction compétente, l'autorisation de retirer le montant de leurs fonds, si l'augmentation de capital n'a pas été réalisée dans le délai de six mois à compter du

28 Comme on l'a vu ci-haut, page 12, il s'agira du président de la juridiction saisi sur requête.

29 Un autre cas, de même nature est prévu par l'AUDSC. Il concerne la mise en harmonie, avec cet acte uniforme, des statuts des sociétés constituées avant sont entrée en vigueur. Il s'agit de l'article 912 qui dispose que « si, pour une raison quelconque, l'assemblée des actionnaires ou des associés n'a pu statuer régulièrement, le projet de mise en harmonie des statuts sera soumis à l'homologation du président de la juridiction compétente statuant sur requête des représentants légaux de la société ». Cet article est aujourd'hui, en quelque sorte, caduque, étant donné que le délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de l'AUDSC, en 1998, imparti à ces sociétés pour procéder à cette harmonisation, est aujourd'hui largement dépassé. Idem pour l'article 214 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés coopératives.

30 Article 314 AUDSC. Idem pour l'article 393 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés coopératives.

premier dépôt des fonds provenant de la souscription31. Pareillement, le Président de la juridiction compétente, peut autoriser des personnes étrangères à une société commerciale à participer aux assemblées générales de celle-ci 32.

Le Président de la juridiction compétente peut aussi être saisi afin de proroger le délai d'acquisition par les associés des parts d'un associé d'une SARL (en cas de cession ou de rachat de ses parts)33 ; il peut en outre, être saisi sur requête, d'une demande tendant à la prorogation du délai de réunion de l'assemblée générale des associés d'une SARL après la clôture de l'exercice34.

B- Désignation de mandataires

Dans bien des cas, les associés d'une société (commerciale ou coopérative) peuvent, par requête, solliciter du président de la juridiction compétente qu'il désigne un mandataire chargé de les représenter ou de les substituer dans l'accomplissement de certaines tâches. Le législateur OHADA désigne tantôt le président de la juridiction compétente, tantôt celui de la juridiction compétente statuant à bref délai.

Dans le premier cas, la juridiction présidentielle est saisie pour la désignation d'un mandataire chargé : de représenter les copropriétaires d'une action ou d'une part sociale35 ; de convoquer l'assemblée générale ordinaire, à l'effet de procéder aux nominations ou de ratifier la nomination à un siège d'administrateur vacant36. Concernant le cas particulier des obligataires, la juridiction présidentielle est saisie pour la désignation d'un mandataire chargé : de représenter leur groupement37 ; de procéder à la déclaration au passif de la liquidation des biens ou du redressement judiciaire de la société du montant des sommes dues par la société aux obligataires du groupement38 ; ou encore de convoquer leur assemblée générale39.

Le second cas sera étudié dans le chapitre 2, puisqu'il s'agit d'une procédure contentieuse.

31 Article 362 AUDSC.

32 Article 537 AUDSC. Idem pour l'article 362 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés coopératives.

33 Article 319 AUDSC.

34 Article 348 AUDSC.

35 Article 127 AUDSC.

36 Article 429 AUDSC. Idem pour l'article 304 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés coopératives

37 Article 788 AUDSC.

38 Article 792 AUDSC.

39 Article 796 AUDSC.

C- Désignation de commissaires

Dans ce cadre, la juridiction présidentielle est sollicitée dès la constitution d'une société et jusqu'à sa transformation. En effet, s'agissant de la SARL, lorsque l'un des (futurs) associés fait un apport en nature, l'article 312 AUDSC dispose que « les statuts doivent nécessairement contenir l'évaluation de chaque apport en nature et des avantages particuliers stipulés. Cette évaluation est faite par un commissaire aux apports dès lors que la valeur de l'apport ou de l'avantage considéré, ou que la valeur de l'ensemble des apports ou avantages considérés, est supérieure à cinq millions (5.000.000) de francs CFA ». A défaut de désignation de ce commissaire à l'unanimité des associés, ce dernier est désigné par « le président de la juridiction compétente, à la demande des fondateurs de la société ou de l'un d'entre eux »40. En ce qui concerne la S.A., cette procédure est obligatoire quelque soit la valeur de l'apport en nature41.

S'agissant des opérations de fusion, l'article 672 AUDSC dispose que « un ou plusieurs commissaires à la fusion, désignés par le président de la juridiction compétente, établissent, sous leur responsabilité, un rapport écrit sur les modalités de la fusion ».

En outre, à l'instar de la désignation des commissaires, la juridiction présidentielle peut être saisie aux fins de désigner un expert chargé : de déterminer le prix de cession d'une action42 ; de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion43.

S'il n'était question que de ces fonctions d'appui, on pourrait croire que le fonctionnement d'une société est un cours d'eau tranquille. Seulement, la juridiction présidentielle est aussi appelée à intervenir lorsque des conflits surviennent dans la vie d'une société.

40 Il en est de même, en cas d'augmentation du capital d'une SARL réalisée partiellement ou totalement par des apports en nature (Article 363 AUDSC).

41 Article 400 AUDSC. La désignation d'un commissaire aux apports, par le président de la juridiction compétente, est aussi obligatoire, en cas d'augmentation du capital d'une S.A. réalisée partiellement ou totalement par des apports en nature (Article 619 AUDSC).

42 Article 770 AUDSC. L'article 771 prévoit aussi la prorogation, par président de la juridiction qui a désigné l'expert, du délai d'acquisition des actions.

43 Article 159 AUDSC. Idem pour l'article 120 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés coopératives.

III- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE PROCEDURES COLLECTIVES D'APUREMENT DU PASSIF

Une entreprise entretient des relations à la fois avec ses associés et avec des tiers, fournisseurs ou clients, débiteurs ou créanciers. La survenance de litiges est logiquement inévitable dans ce contexte. Aussi, eu égard à la célérité qui s'impose dans leur traitement, et à la nature - gracieuse - de certaines demandes, le législateur OHADA a attribué certains de ces recours à la compétence exclusive de la juridiction présidentielle. En tant que tel, la juridiction présidentielle a été désignée comme garante de la bonne conduite des procédures collectives d'apurement du passif.

Si dans cette section il sera question d'étudier l'activité de la juridiction présidentielle lorsqu'elle est amenée à protéger les cocontractants de la société, il faut relever que dans les cas qui vont être évoqués, lorsqu'elle est saisie, la juridiction présidentielle s'évertue d'avantage à trouver le juste équilibre entre les intérêts de la société et ceux de ces créanciers. Et ceci vaut autant pour le règlement préventif que pour le redressement et la liquidation judiciaires44.

A- Le règlement préventif

Afin d'initier une procédure de règlement préventif, le débiteur saisit la juridiction compétente par une requête exposant sa situation économique et financière, présentant les perspectives de redressement de l'entreprise et d'apurement du passif, et indiquant les créances pour lesquelles le débiteur demande la suspension des poursuites individuelles. Cette requête est adressée au Président de la juridiction compétente45 qui rend une décision de suspension des poursuites individuelles. La décision de suspension des poursuites individuelles n'est susceptible d'aucune voie de recours46.

Cette décision suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à ladite décision. Elle interdit également au débiteur, sous peine d'inopposabilité de droit : de payer, en tout ou en partie, les créances nées antérieurement à la décision

44 Ces procédures relèvent de relèvent de la « juridiction compétente en matière commerciale » (article 3). Il s'agira donc sous cette section, du président de la juridiction compétente en matière commerciale.

45 Article 5 AUPCAP

46 Article 22 AUPCAP. Les décisions de la juridiction statuant sur l'opposition ne sont susceptibles d'aucune voie de recours autre que le pourvoi en cassation.

de suspension des poursuites individuelles et visées par celle-ci ; de faire aucun acte de disposition étranger à l'exploitation normale de l'entreprise, ni consentir aucune sûreté ; de désintéresser les cautions qui ont acquitté des créances nées antérieurement à la décision de suspension des poursuites47. Sur décision motivée, le Président de la juridiction peut lever ces interdictions faites au débiteur ; pareille décision ne peut faire l'objet que d'une opposition devant la dite juridiction dans le délai de huit jours48.

La décision (de suspension des poursuites) du Président de la juridiction saisie désigne un expert pour lui faire rapport sur la situation économique et financière de l'entreprise49. Le Président de la juridiction saisie peut autoriser l'expert commis, qui doit déposer son rapport contenant le concordat préventif au greffe dans les deux mois de sa saisine, à proroger ce délai d'un mois50. Enfin, dans les huit jours du dépôt du rapport, le Président saisit la juridiction compétente et convoque le débiteur à comparaître devant cette juridiction pour y être entendu en audience non publique51.

Pour ce qui est des voies de recours, l'article 23 AUPCAP dispose que les décisions de la juridiction compétente relatives au règlement préventif sont exécutoires par provision et ne peuvent être attaquées que par la voie de l'appel qui doit être interjeté dans le délai de quinze jours à compter de leur prononcé.

En cas de cessation de paiement constatée par la juridiction saisie, la procédure de règlement préventif peut muer en redressement judiciaire ou en liquidation des biens.

B- Le redressement judiciaire et la liquidation des biens

Le débiteur qui est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, quelle que soit la nature de ses dettes, peut déposer au greffe de la juridiction compétente une déclaration de cessation des paiements aux fins d'obtenir l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des

47 Articles 9 et 11 AUPCAP

48 Article 24 AUPCAP.

49 Article 8 AUPCAP.

50 Article 13 AUPCAP.

51 Article 14 AUPCAP, qui ajoute que le Président de la juridiction compétente « doit, également convoquer à cette audience l'expert rapporteur ainsi que tout créancier qu'il juge utile d'entendre ».

biens52. Le Président de la juridiction compétente joue un rôle important tout au long de cette procédure de redressement judiciaire ou de liquidation.

1. L'ouverture de la procédure53

Avant la décision d'ouverture d'une procédure collective, le Président de la juridiction compétente peut désigner un juge du siège ou toute personne qu'il estime qualifiée, à charge de dresser et lui remettre un rapport dans un délai qu'il détermine, pour recueillir tous renseignements sur la situation et les agissements du débiteur et la proposition de concordat faite par lui54.

Si la juridiction compétente constate la cessation de paiements, elle doit prononcer le redressement judiciaire ou la liquidation des biens. La décision d'ouverture de la procédure collective nomme un Juge-commissaire parmi les juges de la juridiction - à l'exclusion de son Président sauf en cas de juge unique. Elle désigne le ou les syndics sans que le nombre de ceux-ci puisse excéder trois (le cas échéant, l'expert désigné pour le règlement préventif d'un débiteur ne peut être désigné comme syndic). S'agissant du Groupement d'Intérêt Economique, l'article 885 AUDSC dispose que « la liquidation s'opère conformément aux dispositions du contrat (...) à défaut, un liquidateur est nommé par l'assemblée générale des membres du groupement d'intérêt économique ou si l'assemblée n'a pu procéder à cette nomination, par décision du président de la juridiction compétente ».

2. La conduite de la procédure

Le Président de la juridiction compétente peut ordonner une enquête par le syndic qui sera chargé de lui rendre compte55. De même, en cas de disparition du débiteur ou de détournement de tout ou partie de son actif, le Président de la

52 Même en cas de liquidation amiable d'une société, il peut être ordonné par décision de la juridiction compétente statuant à bref délai que cette liquidation sera effectuée dans les mêmes conditions que la liquidation par voie de justice. Article 223 AUDSC

53 En dehors des cas évoqué sous cette section l'article 60 AUDSC prévoit un autre cas de dissolution d'une société. Il prévoit que, « dans le cas des sociétés dont la forme unipersonnelle n'est pas autorisée par le présent Acte uniforme, la détention par un seul associé de tous les titres sociaux n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société ». Le cas échéant, poursuit cet article, « tout intéressé peut demander au Président de la juridiction compétente cette dissolution, si la situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un an ».

54 Article 32 AUPCAP.

55 Article 138 AUPCAP.

juridiction saisie peut désigner, parmi les membres de cette juridiction, soit d'office, soit sur réquisition d'un ou plusieurs créanciers, un juge qui appose les scellés56.

En vue de l'établissement du concordat de redressement, le Président de la juridiction compétente, saisi par le Juge-commissaire, fait convoquer, par avis insérés dans les journaux et par lettres adressées individuellement par le greffier, les créanciers dont les créances ont été admises à titre chirographaire, définitivement ou par provision (dans un délai de trente jours à compter de l'insertion dans un journal d'annonces légales de l'avis de dépôt de l'état des créances par le greffier)57.

De même, l'autorisation de la juridiction compétente est nécessaire pour pouvoir procéder, en cours de procédure, à la cession de tout ou partie de l'actif de la société en liquidation à une personne ayant eu dans cette société la qualité d'associé en nom, de commandité, de gérant, de membre du conseil d'administration, d'administrateur général ou de commissaire aux comptes58.

3- Faillite personnelle et réhabilitation59

La mise en oeuvre d'une procédure collective d'apurement du passif peut conduire en la mise en faillite personnelle du débiteur ou de l'un de ses dirigeants s'il s'agit d'une personne morale. Lorsqu'il a connaissance des faits susceptibles de justifier la faillite personnelle, le syndic en informe immédiatement le représentant du Ministère Public et le Juge-commissaire à qui il fait rapport dans les trois jours ; lequel rapport est transmis au Président de la juridiction compétente. Dès qu'il est saisi du rapport du syndic ou du Juge-commissaire, le Président de la juridiction compétente fait aussitôt citer à comparaître à jour fixe, le débiteur ou les dirigeants de la personne morale pour être entendus par la juridiction compétente siégeant en audience non publique60.

Le mis en faillite peut bénéficier d'une réhabilitation si sa probité est reconnue. Toutefois, tout créancier non intégralement payé peut faire opposition à la réhabilitation par simple déclaration au greffe appuyée des pièces justificatives ; le créancier opposant peut également intervenir dans la procédure de réhabilitation par

56 Article 59 AUPCAP.

57 Article 122 AUPCAP.

58 Article 213 AUDSC.

59 A noter que, si le Président de la juridiction compétente intervient dans leur procédure, la mise en faillite personnelle et la réhabilitation sont prononcées par ladite juridiction statuant en matière commerciale.

60 Article 200 AUPCAP.

requête présentée au Président de la juridiction compétente et signifiée au débiteur61.

En ce qui concerne les voies de recours, l'article 216 AUPCAP dispose que les décisions relatives à la nomination ou au remplacement du Juge-commissaire, à la nomination ou à la révocation des syndics, à la nomination ou à la révocation des contrôleurs ne sont susceptibles ni d'opposition ni d'appel. Dans l'ensemble, les décisions rendues en matière de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, sont exécutoires par provision, nonobstant opposition ou appel, à l'exception de la décision homologuant le concordat, ainsi que des décisions prononçant la faillite personnelle62.

CONCLUSION DU CHAPITRE

On a pu constater, dans les développements qui précèdent, que dans biens des cas, les ordonnances sur requête rendues par le président de la juridiction

compétente peuvent s'apparenter à des actes non juridictionnels. Pour les
professeurs VINCENT et GUINCHARD63 la confusion et la difficulté dans la détermination du caractère juridictionnel des décisions gracieuses proviennent en grande partie « du fait que des considérations de pure théorie juridique (...) ont été occultées par des considérations d'ordre pratique » ; ainsi, disent-ils, il était commode de confier aux tribunaux créés par l'Etat pour juger, des tâches, des fonctions non juridictionnelles - à l'origine - mais pour lesquelles le besoin de l'intervention d'une autorité publique était nécessaire.

Toutefois, la doctrine considère que, dans l'ensemble, les ordonnances sur requête sont toujours des décisions gracieuses64. Elle est confortée dans cette position par l'article 493 du Code de procédure civile français qui dispose que « l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ».

Mais, il arrive qu'une procédure sur requête se situe à la croisée des chemins entre gracieux et contentieux. Car, même si la requête est introduite par une partie (le plus souvent le créancier) l'autre n'étant pas appelée, l'ordonnance qui en procède

61 Article 210 AUPCAP.

62 Article 217 AUPCAP. Les délais d'exercice des voies de recours et leur computation sont prévus par les articles 218 à 225 AUPCAP.

63 J. VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure civile, op. cit., p 192.

64 J. VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure civile, op. cit. p. 210.

peut donner lieu à une opposition de la partie « adverse » (il s'agit plus souvent d'un référé en rétractation d'ordonnance) et aboutir à une instance contradictoire, c'est-à-dire, à une instance contentieuse (c'est le cas des mesures conservatoires et des procédures simplifiées de recouvrement). Ainsi, l'acte juridictionnel posé par le Président d'une juridiction peut être aussi bien gracieux que contentieux.

Toutes choses qui confirment que la matière gracieuse n'est qu'une fraction du domaine de la compétence - exclusive - de la juridiction présidentielle en droit OHADA.

Chapitre 2 - LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE

CONTENTIEUSE

Le législateur OHADA attribue à la juridiction présidentielle, la compétence exclusive en matière gracieuse. Ce choix est certainement dicté par la célérité qui s'impose à certaines procédures. Mais en matière contentieuse, certaines procédures peuvent nécessiter un traitement rapide par la juridiction saisie. C'est pourquoi le législateur OHADA a réservé de nombreuses matières contentieuses à la connaissance du président de la juridiction compétente statuant à bref délai ou en urgence. Cette option du législateur nous amène à nous poser la question de savoir quelle casquette porte le président de la juridiction compétente lorsqu'il statue à bref délai ou en urgence ?

Considérant que la juridiction statuant en urgence est généralement le juge des référés65, il est loisible de penser que dans l'esprit du législateur OHADA, lorsque le président de la juridiction compétente statue à bref délai ou en urgence, il est saisi en qualité de juge des référés. En effet, dans certaines - rares - hypothèses66, le législateur OHADA consacre explicitement la compétence du juge des référés.

Cependant, on peut - être surpris de - remarquer que le législateur OHADA confie certaines matières qui semblent relever de la procédure gracieuse (dans la mesure où elles semblent ne pas nécessiter de contradiction) non pas à la juridiction présidentielle saisie sur requête, mais au président de la juridiction compétente statuant à bref délai (ou en urgence). On peut clairement conclure que dans certaines situations, législateur OHADA a voulu que toutes les parties concernées puissent être entendues avant que le président de la juridiction compétente ne rende son ordonnance.

Cette recherche du contradictoire amène à penser que, en droit OHADA, la juridiction présidentielle peut trancher au fond d'un litige. En effet, force est de constater que nombreux sont les cas dans lesquels la juridiction présidentielle est amenée à trancher sur une contestation sérieuse : c'est notamment le cas lorsque le président de la juridiction compétente, est saisi pour statuer sur les difficultés d'exécution. Dans ces cas, la compétence que le législateur attribue à la juridiction

65 Articles 182 et suivants du Code de Procédure Civile Camerounais. Voir aussi : J. VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure civile, op. cit., n° 236s, n°791s.

66 Articles 398, 617, 708 et 732 de l'AUSC.

présidentielle dépasse le cadre des ordonnances de référés, en ce que ces ordonnances ne doivent en principe faire aucun préjudice au fond.

Aussi, la nature de telles ordonnances contentieuses reste donc floue du fait de l'imprécision du législateur. Toutefois, elles peuvent être regroupées selon que le président de la juridiction compétente est saisi pour connaitre de litiges entre commerçants (I), entre associés (II), ou des difficultés d'exécution (III).

I- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE LITIGES ENTRE

COMMERCANTS

Les litiges entre commerçants naissent parfois de l'effectuation de certaines opérations commerciales (II) qui mettent souvent en jeu le crédit mobilier (II).

A- Les litiges liés au crédit

Dans le chapitre précédent, on a vu que le contrôle du RCCM est dévolu à la juridiction présidentielle. Ce contrôle ne se fait pas seulement par voie gracieuse, mais donne aussi lieu à des procédures contentieuses67. Ainsi, lorsque le greffier en charge du RCCM refuse de recevoir la déclaration ou de faire droit à la demande d'un assujetti, le recours contre cette décision est fait devant la juridiction compétente statuant à bref délai68. De même, faute par un assujetti à une formalité prescrite à l'Acte uniforme (AUDCG) de demander celle-ci dans le délai prescrit, la juridiction compétente statuant à bref délai, soit d'office, soit à la requête du greffe en charge du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ou de tout autre requérant, peut rendre une décision enjoignant à l'intéressé de faire procéder à la formalité en cause69.

L'autorité de la juridiction présidentielle sur le fonctionnement du RCCM s'apprécie particulièrement lorsqu'il s'agit du contrôle du crédit mobilier. En effet, l'article 35 AUDCG dispose que le RCCM a pour objet : « (...) de recevoir toutes les demandes d'inscription des sûretés prévues par l'Acte uniforme portant organisation des sûretés et par toute autre disposition légale (...) de recevoir toutes les demandes

67 Dans le cadre de ces attributions, le Président de la juridiction compétente rend des décisions qui revêtent la forme d'ordonnance susceptible d'appel. A. PEDRO SANTOS, J. YADO TOE, OHADA. Droit commercial général, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 121

68 Article 66 AUDCG. Le même article précise que la décision rendue par cette juridiction est susceptible de recours, dans un délai de quinze (15) jours à compter de la date de son prononcé, devant la juridiction de recours compétente statuant de la même manière.

69 Article 68 AUDCG.

d'inscription modificative ou de renouvellement d'inscription des sûretés prévues par l'Acte uniforme portant organisation des sûretés et par toute autre disposition légale (...) ». De fait, le Président de la juridiction compétente est souvent sollicité lorsqu'il s'agit de connaître des demandes liées à l'inscription de sûretés au RCCM. L'inscription des sûretés mobilières est faite, par le greffier de la juridiction chargée de la tenue du RCCM, à la requête du créancier. Cette inscription ou ce refus d'inscription - par ledit greffier - peut, dans un délai de huit jours à compter de sa notification, faire l'objet d'un recours du débiteur ou du constituant selon le cas, devant la juridiction compétente statuant à bref délai70. A l'inverse, La personne (physique ou morale) contre laquelle a été prise une ou plusieurs inscriptions de sûretés peut, à tout moment, saisir la juridiction compétente d'une demande visant à obtenir la mainlevée, la modification ou le cantonnement de l'inscription71 ; celle-ci peut, en tout état de cause et avant même d'avoir statué au fond, donner mainlevée totale ou partielle de l'inscription si le requérant justifie de motifs sérieux et légitimes. L'AUDCG prévoit aussi que chaque Etat partie peut désigner un RCCM unique pour accomplir les formalités relatives aux sûretés (et aux contrats de crédit-bail) ; le cas échéant, chaque RCCM dispose d'un délai d'un an pour transférer au RCCM désigné l'ensemble des dossiers relatifs aux sûretés (et aux contrats de crédit-bail) inscrits dans ses registres ; à défaut de transfert du dossier concerné par le RCCM dans les délais prévus ci-dessus, le créancier peut saisir la juridiction compétente statuant à bref délai, à l'effet d'en obtenir le transfert par le greffier72.

L'inscription des sûretés au RCCM n'est pas le seul domaine dans lequel la juridiction présidentielle est saisie par voie contentieuse en matière de sûretés. Ainsi, l'agent de sûretés, innovation apportée par la révision de l'Acte Uniforme portant organisation des sûretés, ressort essentiellement de la juridiction présidentielle. En effet, l'article 10 AUS dispose que « les créanciers de l'obligation garantie peuvent (...) demander à la juridiction compétente, statuant à bref délai, la nomination d'un agent des sûretés provisoire ou solliciter le remplacement de l'agent des sûretés ».

70 Article 54 AUS.

71 Article 61 AUS.

72 Article 72 AUDCG. Cet article poursuit en disant que « Le créancier d'une sûreté, l'agent des sûretés ou le crédit-bailleur, à défaut de transcription dans le registre chronologique des dépôts et dans le répertoire alphabétique des données figurant dans le dossier transmis par le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, dans un délai de 48 heures à compter de la réception dudit dossier, peut saisir la juridiction compétente ou l'autorité compétente dans l'Etat Partie statuant à bref délai à l'effet d'en obtenir la transcription par le greffier ou le responsable de l'organe compétent dans l'Etat Partie ».

73 Article 70 AUS.

74 Article 218 AUS.

De même, dans le cadre du droit de rétention, le créancier (tenu de l'obligation de conserver le bien retenu en bon état) peut solliciter de la juridiction compétente statuant à bref délai, l'autorisation de faire procéder à la vente du bien retenu si l'état ou la nature périssable de ce dernier le justifie ou si les frais occasionnés par sa garde sont hors de proportion avec sa valeur73. En outre, la juridiction compétente qui a autorisé une hypothèque peut, statuant à bref délai, ordonner la mainlevée ou réduction de cette hypothèque (contre consignation, entre les mains d'un séquestre, des sommes en principal, intérêts et frais, avec affectation spéciale à la créance)74.

Ces sûretés sont généralement prises dans le cadre d'opérations commerciales.

B- Litiges liés aux opérations commerciales

Ces opérations commerciales sont : le bail professionnel, la vente commerciale et la vente du fonds de commerce.

1- Litiges liés au bail professionnel

Dans un bail professionnel, les relations entre le bailleur et le preneur sont très souvent conflictuelles, chacun essayant de tirer la couverture de son coté. C'est notamment le cas, lorsque, l'immeuble étant endommagé, il faille procéder à des réparations : l'AUDCG répartit assez clairement la part de chacun dans ces circonstances (grosse réparations pour le bailleur, dégâts locatifs pour le preneur), mais, bien des fois, l'intervention d'un arbitre est nécessaire. L'article 132 attribue à la juridiction présidentielle, la compétence dans ces litiges ; il prévoit que (sauf convention contraire des parties) les contestations découlant de l'application des dispositions sur le bail professionnel sont portées à la requête de la partie la plus diligente - sauf dispositions contraires - devant la juridiction compétente, statuant à bref délai, dans le ressort de laquelle sont situés les locaux donnés à bail.

Ainsi, l'article 106 de l'AUDCG dispose que « si les réparations urgentes sont de telle nature qu'elles rendent impossible la jouissance du bail, le preneur peut en demander la suspension pendant la durée des travaux à la juridiction compétente statuant à bref délai ». Il est complété par l'article 107 du même Acte uniforme d'après lequel, lorsque le bailleur refuse d'assumer les grosses réparations qui lui

incombent, le preneur peut se faire autoriser par la juridiction compétente, statuant à bref délai, à les exécuter conformément aux règles de l'art, pour le compte du bailleur ; et, dans ce cas, la juridiction compétente, statuant à bref délai, fixe le montant de ces réparations et les modalités de leur remboursement.

La même juridiction intervient dans d'autres cas :

- en cas de renouvellement d'un contrat de bail professionnel, et, à défaut d'accord écrit entre les parties sur le nouveau montant du loyer, la juridiction compétente, statuant à bref délai, est saisie par la partie la plus diligente75 ;

- en cas de cession du bail, et lorsque cette cession s'impose au bailleur, celui-ci dispose d'un délai d'un mois à compter de cette signification ou notification pour s'opposer, le cas échéant, à celle-ci et saisir la juridiction compétente statuant à bref délai, en justifiant des motifs sérieux et légitimes de s'opposer à cette cession76 ;

- en cas de sous location totale ou partielle, lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix du bail principal, le bailleur a la faculté d'exiger une augmentation correspondante du prix du bail principal, augmentation qui à défaut d'accord entre les parties est fixée par la juridiction compétente, statuant à bref délai (en tenant compte des éléments visés à l'article 117 AUDCG)77 ;

- en cas de pluralité de demandes des ayants-droit souhaitant poursuivre le bail d'une personne physique, le bailleur peut saisir la juridiction compétente, statuant à bref délai, afin de voir désigner le successeur dans le bail78.

Enfin, le contrat de bail pouvant prévoir une clause résolutoire de plein droit, en cas d'inexécution d'une clause ou d'une condition du bail et après une mise en demeure, la juridiction compétente statuant à bref délai constate la résiliation du bail et prononce, le cas échéant, l'expulsion du preneur et de tout occupant de son chef79.

2- Les litiges liés à la vente commerciale et du fonds de commerce

La vente commerciale fait l'objet de certaines des innovations majeures de l'AUDCG révisé. Deux dispositions font désormais intervenir la juridiction présidentielle en matière de vente commerciale. Dans son registre habituel elle tranche les difficultés d'exécution de ce contrat qui ne nécessitent pas de longs

75 Article 117 AUDCG.

76 Article 120 AUDCG.

77 Article 122 AUDCG.

78 Article 111 AUDCG.

79 Article 132 AUDCG.

procès. Ainsi, l'article 282 de l'AUDCG prévoit que, si le vendeur ne paraît pas en mesure d'exécuter dans les délais convenus l'intégralité de son obligation de livraison des marchandises - en raison d'une insuffisance de ses capacités de fabrication ou d'une inadaptation de ses moyens de production - l'acheteur peut obtenir de la juridiction compétente, statuant à bref délai, l'autorisation de différer l'exécution de son obligation de payer ; cette autorisation peut être assortie de l'obligation de consigner tout ou partie du prix. A l'inverse si l'acheteur ne paraît pas en mesure de payer l'intégralité du prix - en raison de son insolvabilité ou de la cessation de ses paiements ou encore de ses retards dans les échéances convenues - le vendeur peut obtenir de la juridiction compétente, statuant à bref délai, l'autorisation de différer l'exécution de ses obligations de livraison (à l'instar de la précédente disposition, le législateur prévoit que cette autorisation peut être assortie de l'obligation de consigner les marchandises à ses frais avancés)80.

S'agissant des litiges liés à la vente du fonds de commerce, l'Acte Uniforme prévoit que, dans un délai de trente jours à compter de la publication de la vente du fonds, les créanciers du vendeur peuvent faire opposition à la vente (laquelle opposition doit être notifiée au séquestre, à l'acquéreur, et au greffe chargé de la tenue du RCCM). Le cas échéant, le vendeur peut également obtenir du créancier opposant la mainlevée amiable de l'opposition. A défaut, le vendeur peut obtenir de la juridiction compétente statuant à bref délai la mainlevée de l'opposition et le versement des fonds entre ses mains ; il doit pour cela fournir, en contrepartie, un cautionnement, ou une garantie équivalente au montant de la créance objet de l'opposition81. La juridiction compétente statuant à bref délai peut aussi, à la requête de tout intéressé, constater la nullité d'une telle opposition (lorsque, dans le mois de sa notification, elle n'est pas levée amiablement ou ne donne pas lieu à saisine du juge) et en ordonner sa mainlevée (sans préjudice de l'action en dommages-intérêts pour opposition abusive)82.

Les relations entre commerçants peuvent aussi s'établir dans le cadre de sociétés. Mais, même sous cette forme, les activités économiques donnent lieu à des litiges, lesquels surviennent le plus souvent entre associés.

80 Article 285 AUDCG

81 Article 161 AUDCG.

82 Article 162 AUDCG

II- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE LITIGES ENTRE

ASSOCIES

Le législateur OHADA a institué la juridiction présidentielle comme garante de l'égalité entre associés. Pour ce faire, le président de la juridiction compétente connait de la plupart des litiges liés à la gouvernance de la société (I), mais aussi à son fonctionnement courant (II).

A noter que, l'article 260 de l'AUDSC prévoit que dans tous les cas où l'AUDSC dispose qu'il est statué par voie d'ordonnance du président de la juridiction compétente statuant à bref délai, une copie de ladite ordonnance est déposée au greffe en annexe au dossier de la société, ainsi qu'au registre du commerce et du crédit mobilier.

A- Litiges liés à la gouvernance des sociétés

Conscient de ce que les organes de gestion des sociétés, souvent en position de force, peuvent imposer des décisions partiales ou illégitimes à des associés minoritaires, le législateur OHADA a prévu, en plus des moyens internes de contrôle, que les associés, les dirigeants, et même les créanciers puissent saisir les instances judiciaires afin d'exercer leurs droits.

Ainsi, pour protéger le droit à l'information des actionnaires (dans la S.A.), l'article 528 de l'AUS prévoit que si la société refuse de communiquer tout ou partie des documents visés par la loi, il est statué sur ce refus, à la demande de l'actionnaire, par le président de la juridiction compétente statuant à bref délai ; dans ce cas, celui-ci peut ordonner à la société, sous astreinte, de communiquer les documents à l'actionnaire dans les conditions fixées par l'AUDSC (notamment les articles 525 et 526). Cette disposition est reprise à l'article 353 de l'Acte uniforme sur le droit des sociétés coopératives83.

Par ailleurs, lorsque l'assemblée générale d'une SARL décide une réduction de capital, les créanciers peuvent former opposition à la réduction du capital. Le président de la juridiction rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des

83 Cet article dispose que « si la société coopérative refuse de communiquer tout ou partie des documents visés aux articles 351 et 352 ci-dessus, il est statué sur ce refus, à la demande de l'associé, par le président de la juridiction compétente statuant à bref délai. Le président de la juridiction compétente peut ordonner à la société coopérative avec conseil d'administration, sous astreinte, de communiquer les documents à l'associé coopérateur dans les conditions fixées aux articles 351 et 352 du présent Acte uniforme ».

créances, soit la constitution de garanties si la société en offre et si elles sont jugées suffisantes84. Dans le cas de la S.A. l'opposition est formée par acte extrajudiciaire et portée devant la juridiction compétente statuant à bref délai85. De même, dans le cadre d'une opération de fusion entre sociétés, les créanciers non obligataires des sociétés participant à cette opération peuvent former opposition à celle-ci devant la juridiction compétente ; le président de la juridiction compétente rejette l'opposition ou ordonne, soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société en offre et si elles sont jugées suffisantes86. Dans le même registre, le groupement des obligataires peut faire opposition à la fusion ou à la scission auprès du président de la juridiction compétente (lorsque la société décide de passer outre le refus d'approbation par l'assemblée générale des obligataires) ; celui-ci rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des obligations, soit la constitution de garanties si la société absorbante ou la société qui se scinde en offre et qu'elles sont jugées suffisantes87.

De plus, s'agissant des sociétés coopératives, l'Acte uniforme, dans son article 62 dispose qu'aucune augmentation des engagements des coopérateurs envers la société coopérative ne peut être décidée sans leur consentement, sauf décision contraire spécialement motivée de la « juridiction compétente saisie à cet effet et statuant à bref délai ».

B- Litiges liés au fonctionnement des sociétés

Pour assurer le bon fonctionnement et la pérennité d'une société, et en cas de désaccord entre ses associés, la juridiction présidentielle - statuant à bref délai - sera saisie pour la désignation d'un mandataire chargé : de procéder à la régularisation des formalités de publicité88 ; de convoquer l'assemblée des actionnaires89 ; de provoquer la consultation à l'effet de décider si la société doit être

84 Article 370 AUDSC.

85 Article 635 AUDSC.

86 Article 679 AUDSC.

87 Article 810 AUDSC.

88 Article 250 et 259 AUDSC.

89 Article 516 AUDSC ; l'article 420 AUDSC poursuit en disant que « lorsque l'assemblée est convoquée par un mandataire de justice, l'ordre du jour est fixé par le président de la juridiction compétente qui l'a désigné ». Idem pour l'article 232 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés coopératives ; l'article 346 du même Acte uniforme précise que « lorsque l'assemblée est convoquée par un mandataire de justice, l'ordre du jour est fixé par le président de la juridiction compétente qui l'a désigné »

prorogée90 ; de procéder à la convocation des associés en fin de liquidation pour statuer sur les comptes définitifs et le quitus de la gestion du liquidateur91, voire pour décider de la continuation de l'exploitation sociale92. Dans de rares hypothèses, la juridiction présidentielle sera saisie en référé aux fins de désigner un mandataire. Ces hypothèses sont prévues à l'article 398 AUDSC qui dispose que « tout souscripteur, six mois après le versement des fonds, peut demander en référé au président de la juridiction compétente, la nomination d'un administrateur chargé de retirer les fonds pour les restituer aux souscripteurs (...) si, à cette date, la société n'est pas immatriculée » et à l'article 617 du même acte qui accorde la même faculté aux souscripteurs en cas d'augmentation du capital. Par ailleurs, l'AUDSC prévoit que la rémunération des représentants du groupement est fixée par l'assemblée générale (ou par le contrat d'émission) ; à défaut de fixation de cette rémunération ou si son montant est contesté, elle est fixée par le président de la juridiction compétente93.

S'agissant du contrôle des sociétés anonymes, le législateur OHADA prévoit que « si l'assemblée omet d'élire un commissaire aux comptes titulaire ou suppléant tout actionnaire peut demander en référé au président de la juridiction compétente, la désignation d'un commissaire aux comptes - titulaire ou suppléant (...) »94 ; la demande de récusation ou de révocation du commissaire aux comptes est portée devant le président de la juridiction compétente statuant à bref délai95. De même, le Président de la juridiction compétente statuant à bref délai, peut accorder au commissaire aux comptes - d'une S.A. - l'autorisation de se faire communiquer des pièces, contrats et documents quelconques détenus par des tiers96.

En cas d'émission d'action par appel public à l'épargne, l'article 837 AUDSC prévoit que c'est le président de la juridiction compétente statuant à bref délai qui sera saisi pour désigner un expert chargé de déterminer le prix d'émission de l'action. La même juridiction (le président de la juridiction statuant à bref délai) est saisie pour désigner un expert chargé : de déterminer la valeur des droits sociaux d'un coopérateur, en cas de cession ou de remboursement de ces droits97 ; de déterminer

90 Article 36 AUDSC. Idem pour l'article 29 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés coopératives.

91 Article 217 AUDSC.

92 Article 236 AUDSC.

93 Article 794 AUDSC

94 Article 708 AUDSC.

95 Article 732 AUDSC.

96 Article 720 AUDSC.

97 Article 50 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés coopératives.

la valeur des droits sociaux d'un associé (en cas de cession ou de rachat de ses parts)98, ou d'un gérant associé (en cas révocation/démission, pour le remboursement de ses parts)99

Dans ce même registre, le président de la juridiction compétente, statuant à bref délai, peut se voir saisi pour ordonner la prorogation de certains délais prescrits par les Actes Uniformes. Ces cas sont prévus par les articles 146 (prorogation du délai de la mise en paiement des dividendes), et 271 (prorogation du délai suspensif des poursuites - en paiement des dettes sociales - des créanciers de la société contre un associé d'une société en nom collectif) de l'AUDSC.

Les litiges entre associés mettent parfois en jeu des sommes d'argent, génèrent des créances (et des dettes) dont le recouvrement peut nécessiter la mise en oeuvre de mesures d'exécution.

III- JURIDICTION PRESIDENTIELLE, JUGE DE L'EXECUTION

Traditionnellement100, le juge des référés était compétent pour statuer sur « les difficultés relatives à l'exécution d'un titre exécutoire ou d'un jugement », mais l'AUVE, dans son article 49, confie désormais au « président de la juridiction statuant en urgence », ès qualité de juge de l'exécution, « toute demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire ». A son habitude, le législateur communautaire a renvoyé les législateurs nationaux à désigner la « juridiction » en question101. Et, pour donner plus d'importance aux ordonnances rendues par ce juge de l'exécution, le législateur précise que « le délai d'appel comme l'exercice de cette voie de recours n'ont pas un caractère suspensif, sauf décision contraire spécialement motivée du président de la juridiction compétente ».

C'est donc devant le « président de la juridiction statuant en urgence », ès qualité de juge de l'exécution, que sont portées les demandes relatives aux mesures d'exécution forcées que sont les saisies mobilières (A) et la saisie immobilière (B).

98 Article 59 et 319 AUDSC.

99 Article 280 AUDSC.

100 Art 182 du CPCC

101 Au Cameroun, par exemple, le juge de l'exécution a fait l'objet des lois n° 2006/15 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire (articles 15-2 et 18-2-a) et n°2007/001 du 19 avril 2007 (instituant le juge du contentieux de l'exécution). Aux termes de l'article 3 de cette dernière loi, « le juge de l'exécution des décisions judiciaires nationales est le président de la juridiction dont émane la décision contestée, statuant en matière d'urgence ou le magistrat qu'il délègue acte effet ».

Dans tous les cas, aucune mesure d'exécution ne peut être effectuée un dimanche ou un jour férié si ce n'est en cas de nécessité et en vertu d'une autorisation spéciale du président de la juridiction dans le ressort de laquelle se poursuit l'exécution102.

A- Les saisies mobilières (ajouter le juge du contentieux de l'exécution pour les contestations)

L'AUVE organise plusieurs types de saisies mobilières. Ces différentes saisies renferment des similitudes dans leur procédure. Ainsi, la juridiction compétente peut ordonner sur requête, en cas de contestation de la saisie, et pour préserver les biens qui en sont l'objet, la désignation d'un séquestre : à qui seront remis un ou plusieurs objets lors d'une saisie-vente103 ; à qui le tiers saisi versera les sommes saisies au cours d'une saisie attribution104, à qui sera remis le bien objet d'une saisie-revendication105 ; entre les mains de qui seront consignées les sommes retenues (le législateur précise qu'il s'agira du greffier) dans le cadre d'une saisie et cession des rémunérations106.

C'est d'ailleurs dans cette dernière forme de saisie mobilière - saisie et cession des rémunérations - que la juridiction présidentielle est le plus sollicitée (certainement en raison du caractère alimentaire des sommes saisies). D'emblée, l'article 174 AUVE dit que « la saisie des sommes dues à titre de rémunération, quel qu'en soit le montant, à toutes les personnes salariées ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs, ne peut être pratiquée qu'après une tentative de conciliation devant la juridiction compétente du domicile du débiteur ». La demande tendant à la conciliation préalable est formée par requête adressée à la juridiction compétente par le créancier107. A l'issue de la comparution des parties, le président de la juridiction compétente en dresse procès-verbal : en cas de conciliation, il mentionne au procès-verbal les conditions de

102 Article 46 AUVE.

103 Article 103 AUVE.

104 Article 166 AUVE.

105 Article 233 AUVE qui dit, in extenso « à tout moment, le président de la juridiction compétente peut autoriser sur requête, les parties entendues ou dûment appelées, la remise du bien à un séquestre qu'il désigne ».

106 Article 211 AUVE qui dispose que « s'il existe de fortes présomptions que la cession a été faite en fraude de ses droits, tout saisissant, exerçant l'action en annulation, peut obtenir de la juridiction statuant en matière d'urgence la consignation des retenues entre les mains du greffier jusqu'à la décision définitive sur le fond ».

107 Article 179 AUVE.

l'arrangement qui met fin à la procédure ; à défaut de conciliation, il est procédé à la saisie après que le président a vérifié le montant de la créance en principal, intérêts et frais et, s'il y a lieu, tranché les contestations soulevées par le débiteur108. Une fois la saisie mise en oeuvre, et, en cas de pluralité de saisies, les créanciers viennent en concours (sous réserve des causes légitimes de préférence) ; les greffiers opèrent les retraits pour les besoins des répartitions en justifiant de l'autorisation du président de la juridiction compétente109. De même, le président de la juridiction compétente procède à la répartition des sommes encaissées chaque trimestre dans la première semaine des mois de février, mai, août et novembre ; il dresse un procès-verbal indiquant le montant des frais à prélever, le montant des créances privilégiées, s'il en existe, et le montant des sommes attribuées aux autres créanciers110. Enfin, la mainlevée de la saisie résulte, soit d'un accord du ou des créanciers, soit de la constatation, par le président de la juridiction compétente, de l'extinction de la dette111.

La saisi-vente a aussi ses spécificités. L'article 143 AUVE dispose que les contestations relatives à la saisissabilité des biens compris dans la saisie sont portées devant la juridiction compétente agissant comme en matière de difficultés d'exécution. A l'inverse, En cas de désaccord entre le créancier et le débiteur sur le lieu où doit s'effectuer la vente, l'article 120 AUVE prévoit que « la juridiction compétente pour statuer en matière d'urgence tranche ce différend dans les cinq jours de sa saisine par la partie la plus diligente ».

Lorsque ces saisies mobilières ne sont pas suffisantes pour apurer le passif d'un débiteur, ses créances peuvent faire recours à la saisie immobilière pour laquelle la juridiction présidentielle pourra aussi intervenir.

B- La saisie immobilière

Le législateur OHADA a réglementé la saisie immobilière de sorte que la réalisation d'un immeuble en vue du paiement d'une dette ne puisse se faire qu'en dernier ressort et après une procédure qui préserve au mieux les droits du débiteur. Cette procédure concerne au premier chef l'immatriculation de l'immeuble. En effet,

108 Article 182 AUVE.

109 Article 197 AUVE.

110 Article 198 AUVE.

111 Article 201 AUVE.

Si les immeubles devant faire l'objet de la poursuite ne sont pas immatriculés et si la législation nationale prévoit une telle immatriculation, le créancier est tenu de requérir l'immatriculation à la conservation foncière. Pour ce faire, le créancier doit y avoir été autorisé par décision du président de la juridiction compétente de la situation des biens, rendue sur requête et non susceptible de recours112.

En ce qui concerne les opérations de saisie, l'AUVE dispose que, à peine de nullité, toute poursuite en vente forcée d'immeubles doit être précédée d'un commandement aux fins de saisie lequel commandement doit être signifié au débiteur (et, le cas échéant, au tiers détenteur de l'immeuble) avec sommation de payer l'intégralité de la dette en principal et intérêts (soit de délaisser l'immeuble hypothéqué, soit enfin de subir la procédure d'expropriation). En cas de paiement dans le délai, l'inscription du commandement est radiée par le conservateur ou l'autorité administrative sur mainlevée donnée par le créancier poursuivant ; à défaut, le débiteur (ou tout intéressé) peut provoquer la radiation en justifiant du paiement. A cet effet, il saisit la juridiction compétente statuant en matière d'urgence113.

Au cours de la procédure, les cas d'intervention de la juridiction présidentielle se font nombreux. C'est ainsi que le président de la juridiction compétente du lieu de situation de l'immeuble peut être saisi :

- en cas de difficultés tenant au sort réservé les fruits naturels ou industriels, les loyers et fermages recueillis postérieurement au dépôt du commandement ou le prix

qui en provient ; le cas échéant, il statue par une décision non susceptible d'appel114 ; - lorsque le montant de la mise à prix est contesté : le contestataire peut

demander au président de la juridiction compétente la désignation d'un expert à ses frais avancés115. De même, s'il n'est pas porté d'enchère, la mise à prix peut être diminuée par décision du président de la juridiction compétente116.

- en cas de folle enchère, lorsque le titre d'adjudication n'a pas été délivré, et que l'adjudicataire s'oppose à la délivrance par le greffier du certificat attestant que ce dernier n'a pas justifié de l'exécution des clauses et conditions du cahier des

112 Article 253 AUVE.

113 Article 261 AUVE.

114 Article 263 AUVE.

115 Article 272 AUVE.

116 Article 322 AUVE.

charges ; dans ce cas, il sera statué, à la requête de la partie la plus diligente, par le président de la juridiction compétente et sans recours117.

Enfin, lorsque l'immeuble saisi à été vendu, et que, dans le délai d'un mois qui suit le versement du prix de la vente par l'adjudicataire, les créanciers n'ont pu parvenir à un accord unanime, le plus diligent d'entre eux saisit le président de la juridiction du lieu de la vente ou le magistrat délégué par lui afin de l'entendre statuer sur la répartition du prix118.

En outre, suivant la nature et la valeur des biens saisis, le président de la juridiction compétente peut, par décision non susceptible de recours, rendue sur requête, restreindre ou accroître la publicité légale de la procédure de saisie119.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Les ordonnances contentieuses de la juridiction compétente, en droit OHADA, interviennent dans la plupart des domaines de l'activité économique. Il s'agit en général de trancher les litiges nés de l'exécution de contrats d'affaire, qu'il s'agisse de bail professionnel, de contrat de société, ou de sûretés.

En réservant de telles matières à la connaissance de la juridiction présidentielle, le législateur a assurément élargi son champ de compétence. Ce qui, sans aucun doute bénéficie aux investisseurs qui profitent de la célérité inhérente au traitement des affaires contentieuses par la juridiction présidentielle.

Et, comme le relèvent les Pr GUINCHARD et VINCENT, sur le plan procédural, l'intérêt de poser que, dans certains cas, la juridiction présidentielle ait une compétence exclusive c'est que les autres juridictions sont, dans ces domaines, radicalement incompétentes (le plus souvent, la faculté de signer un compromis d'arbitrage sera exclue)120, toutes choses qui renforcent le pouvoir et la place prépondérante du président de la juridiction compétente, en tant que juridiction présidentielle, au sein de l'armature judiciaire du système juridique bâti par l'OHADA.

117 Article 316 AUVE.

118 Article 326 AUVE.

119 Article 279 AUVE.

120 J. VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure civile, op. cit., p. 253

CONCLUSION GENERALE

Dans notre propos introductif, nous avons défini la juridiction présidentielle comme l'ensemble des « attributions qui relèvent de la compétence exclusive du Président de la juridiction, ou du magistrat délégué par lui » avant de nous demander « comment et jusqu'où s'exerce la compétence de la juridiction présidentielle en droit OHADA ». Ce à quoi nous avons répondu dans les développements qui précèdent en identifiant, pour chacun des cas répertoriés : le mode de saisine et les modalités d'intervention du Président de la juridiction.

Seulement, au terme de cette réflexion, quelques interrogations subsistent. Car, on l'a vu, le législateur OHADA utilise abondamment les expressions juridiction compétente « statuant en urgence » et « statuant à bref délai » sans avoir au préalable précisé si le président de la juridiction compétente est saisi par requête ou par assignation. Pour certains, ces expressions désignent le juge du fond, ne statuant ni sur requête ni en référé, mais, de façon dérogatoire, en urgence. A l'inverse, comme il a été relevé plus haut, ces expressions peuvent renvoyer au juge des requêtes voire au juge des référés.

Au final, la distinction entre les cas d'intervention par ordonnance sur requête et par ordonnance de référés, la séparation entre le gracieux et le contentieux, ainsi que la dissociation entre la juridiction du fond et la juridiction présidentielle ne sont pas très claires dans la lettre du législateur OHADA. Peut-être est-ce parce que, dans son esprit, il a voulu confier cette démarcation aux législateurs nationaux, seuls maîtres de l'organisation judicaire interne...

BIBLIOGRAPHIE

I- Lexiques

- CORNU (G), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2007, 986 p.

- GUILLIEN (R) et VINCENT (J), (sous la direction de), Lexique des termes juridiques, 13e éd., Paris, Dalloz, 2001, 769 p.

II- Ouvrages

- ANOUKAHA (F), CISSE (A), DIOUF (N), NGUEBOU-TOUKAM (J), POUGOUE (P-G), SAMB (M), OHADA. Droit des sociétés commerciales et du G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, 589 p.

- ASSI-ESSO (A-M), DIOUF (N), OHADA. Recouvrement des créances, Bruxelles, Bruylant, 2002, 254 p.

- ISSA-SAYEGH (J), LOHOUES-OBLE (J), OHADA. Harmonisation du droit des affaires, Bruxelles, Bruylant, 2002, 245 p.

- MEYER (P), OHADA. Droit de l'arbitrage, Bruxelles, Bruylant, 2002, 284 p.

- PEDRO SANTOS (A), YADO TOE (J), OHADA. Droit commercial général, Bruxelles, Bruylant, 2002, 478 p.

- SAWADOGO (F.M), OHADA. Droit des entreprises en difficultés, Bruxelles, BRUYLANT, 2002, 444 p.

III- Textes

A- Textes internationaux

- Acte Uniforme OHADA du 17 avril 1997 relatif au droit commercial général

- Acte uniforme OHADA du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique

- Acte Uniforme OHADA du 17 avril 1997 portant organisation des sûretés

- Acte uniforme OHADA du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif.

- Acte Uniforme OHADA du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution - Acte Uniforme OHADA du 11 mars 1999 relatif au droit de l'arbitrage

B- Textes nationaux

- Code de procédure civile et commerciale du Cameroun

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE 2

DEDICACE 3

REMERCIEMENTS 4

LISTE DES ABREVIATIONS 5

INTRODUCTION GENRALE 6

Chapitre 1- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE GRACIEUSE 12

I- JURIDICTION PRESIDENTIELLE ET SECURISATION DU PATRIMOINE 13

A- Le contrôle du RCCM et l'administration des sûretés 13

B- Mesures conservatoires et procédures simplifiées de recouvrement 15

II- JURIDICTION PRESIDENTIELLE, JUGE D'APPUI AUX SOCIETES COMMERCIALES

ET COOPERATIVES 16

A- Autorisations et prorogations de délais 17

B- Désignation de mandataires 18

C- Désignation de commissaires 19

III- JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE PROCEDURES COLLECTIVES

D'APUREMENT DU PASSIF 20

A- Le règlement préventif 20

B- Le redressement judiciaire et la liquidation des biens 21

CONCLUSION DU CHAPITRE 24

Chapitre 2 - LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE CONTENTIEUSE 26

I- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE LITIGES ENTRE

COMMERCANTS 27

A- Les litiges liés au crédit 27

B- Litiges liés aux opérations commerciales 29

II- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE LITIGES ENTRE ASSOCIES 32

A- Litiges liés à la gouvernance des sociétés 32

B- Litiges liés au fonctionnement des sociétés 33

III- JURIDICTION PRESIDENTIELLE, JUGE DE L'EXECUTION 35

A- Les saisies mobilières 34

B- La saisie immobilière 37

CONCLUSION DU CHAPITRE 39

CONCLUSION GENERALE 40

BIBLIOGRAPHIE 41

TABLE DES MATIERES 42






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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille