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Sculpture et vidéo, modes de fabrication et présentation : le processus d'une coalescence des formes.

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par Kevin Fouasson
Université Rennes 2 - Master 2 Arts Plastiques 2012
  

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Annexes.

Le travail du son.

L'ambiance sonore de l'installation-projection a été réalisée par Jean-Baptiste Lévêque. Après une licence en arts plastiques, puis un master management de la culture, il se consacre actuellement au développement de son label musical, Zugzwang Productions, qui vise à valoriser les musiques extrêmes et alternatives. Parallèlement à cela, il compose et réalise sa propre musique sous le nom de Zalhietzil. Sa pratique se caractérise par une recherche expérimentale et performative de la musique, donnant naissance à des sonorités très travaillées, il nous donne ainsi à entendre une ambiance de lenteur lourde produite par des superpositions de motifs sonores.

Soucieux de pouvoir rendre compte de sa démarche musicale et du travail effectué dans le cadre de la bande son de l'installation-projection au sein de ce mémoire, je lui ai donc demandé d'écrire un texte qui résumerait ce travail, et qui mettrait en lumière ses impressions personnelles.

A propos de la bande sonore. Par Jean-Baptiste Lévêque

La bande-son utilisée dans cette vidéo, un morceau appelé Juvenile est tirée de mon premier album, Sainte Rita, sorti sous le nom d'artiste de Zalhietzli. Hormis la durée, les deux versions diffèrent seulement de par l'ajout d'une couche de son supplémentaire pour la version vidéo (audible entre 3:25 et 4:20), synchronisée avec le mouvement de l'image.

Le rendu monolithique et entrelacés des couches sonores a été créé à la fois par l'utilisation de pédales d'effets de guitare (type Distortion, Delay etc) mises en boucle, mais aussi par la découpe et le remontage des sessions d'enregistrements. La pièce, qui fait 6mn15 sur sa version album, a été créé à partir d'une improvisation d'environ 24mn. L'improvisation a ensuite découpé en quatre parties d'environ 6mn superposées au mixage pour être lues en même temps.

Ainsi, l'enregistrement produit ne rend plus compte d'une performance qui serait rattaché à un temps réel de création et d'exécution, mais crée une nouvelle temporalité. La simultanéité de moments originellement successifs induit une perte de repère pour l'auditeur, renforcée par la nature « abstraite » des sons et l'absence de structure musicale classique. Pourtant, l'imagination s'occupe de remplir les vides. La superposition crée l'espace dans l'esprit de l'auditeur. Les différentes couches évoluent chacune à leur rythme, s'obstruant et se révélant tour à tour, devenant strates, plans et arrières plans.

Au-delà de l'évocation d'un espace, la superposition des couches de sons rend compte d'un état entre immobilité et mouvement. Le morceau, dans sa version album, n'a ni réel début ni fin. Sa longueur a été décidée arbitrairement selon la place restante sur le support phonographique. Dans sa version

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vidéo, il a été conçu pour être lu en boucle. En accord avec la vidéo, le son ondule, se déplace et se transforme, plus ou moins imperceptiblement. Il semble s'étirer et se contracter à l'infini, sans que l'on puisse distinguer un début, un milieu ou une fin. Le mouvement est perpétuel, mais stérile.

La différence principale entre les deux versions de Juvenile réside dans le rajout d'une couche de son supplémentaire pour la version vidéo. Il s'agit de multiples enregistrements d'une boîte à musique re-mixés et superposés. Ces sons sont volontairement plus aigus et cristallins, pour contraster avec le mur de son monolithique de la version de base. Mais là encore, cet entrelacs sonore, composé par empilement, étirement et inversement d'un enregistrement, n'a aucune progression ou structure. Il apparaît et disparaît sans troubler le reste de la pièce. Il est comme une mise en abîme de la plus grande pièce dans laquelle il est inscrit, opposée dans sa texture et ses sonorités, mais identique dans son déroulement.

Ces deux mouvements immobiles, qui s'imbriquent comme des poupées gigognes, rendent les notions de temps et d'espace incertains, fluctuants et surtout, relatifs à la perception de chacun.

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Entretien avec Ben Patterson.

A l'occasion de la réédition de « Methods and processes » [1962], aux éditions Incertain Sens, le Cabinet du Livre d'Artiste de l'Université Rennes 2 a organisée, de novembre à décembre 2011, une exposition dédiée à l'artiste Ben Patterson. Et c'est au premier soir de l'exposition que l'artiste a réalisé une série de performances au sein même de l'université. C'est à cette occasion que j'ai eu l'opportunité de le rencontrer et de discuter de son travail avec lui. J'ai donc retranscrit ici - avec l'accord de Ben Patterson - l'échange que nous avons eu à travers quelques mails dans lesquels il a accepté de répondre à mes questions.

Les performances réalisées ce soir là, furent «Selection from Methods & Processes», «370 Flies», «Pond», «A Fluxus Elegy», et enfin «Tristan & Isolde». C'est cette dernière performance, inspirée de l'opéra de Wagner et à la dimension fortement théâtrale qui m'a le plus intéressée dans le sens de ma recherche liée au mémoire.

Kévin Fouasson : Quelle place accordez vous au texte dans vos performances?

Ben Patterson : «la place accordée au texte dans mes oeuvres ?» Je n'ai jamais fait d'analyse de mes oeuvres pour déterminer cela. Mais, je ne dirais pas plus de 20 %. J'ai choisi à dessein des travaux basés sur des textes pour la performance à Rennes, en raison de la situation avec «le Cabinet ...». (Et merci pour être un interprète excellent!) Je pense qu'une plus grande proportion (peut-être bien 40 %) de mes performances ont une base de musique importante, comme «Tristan et Iseult», que vous avez vu à Rennes.

KF : Vos oeuvres n'ont elles pas plus une dimension poétique que narrative?

BP : A bien des égards, « Tristan et Isolde » est une bonne illustration pour mes réponses à vos autres questions. Je pense qu'il est possible de décrire mon « Tristan et Isolde » comme une réduction poétique de l'opéra de Wagner et de la légende sur lequel il repose. Donc, oui, ici la poésie est plus importante que la narration.

KF : Qu'espérez vous du spectateur? Doit-il trouver un sens précis dans vos performances?

BP : Non, je n'attends pas que les spectateurs trouvent un « sens défini » à ma performance. Je m'at-tends à ce que chaque spectateur trouve ou fabrique un « sens » qui lui est propre à partir de ma performance. D'une certaine façon, les différentes manières qu'ont chaque personne de manger la crème fouettée, illustres les sens qu'ils mettent dans cette performance.

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KF : Peut-on dire de vos performances qu'elles sont théâtrales? Et pourquoi?

BP : « Théâtrale » est un bien grand mot, avec beaucoup de significations possibles. Si vous me demandez si je pense que mes performances sont quelque chose de plus qu'une « exposition scientifique et objective de faits »... alors ma réponse est oui. Pour moi, la performance est la « vente » d'une idée ou d'un concept, ce qui est bien plus que la simple « présentation » d'une idée ou d'un concept. De ce point de vu, oui, beaucoup de mes oeuvres sont théâtrales. (En fait, « Tristan et Isolde » fait souvent partie d'une trilogie d'opéras que j'ai également « poétiquement réduits », « Carmen » et « Madame Butterfly » sont les deux autres dans cette trilogie.)

KF : Que pensez vous de la notion d'art total?

BP : Ce que je pense de « l'art total » ? Mon travail avec les opéras suggère que je suis un « fan » de « l'art total ». (Vous le savez, Richard Wagner est souvent associé au terme « Gesamt Kunstwerk ») Et on peut faire valoir que l'idée d' « intermédia » ou d' « intramédia » était l'une des principales contributions de Fluxus, et que les « happenings » ont donné naissance à l'idée du « performance art ».

Ben Patterson lors de sa performance Tristand & Isold. Décembre 2011, Universitée Rennes 2.

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La piste de la « vague figure ».

Isabelle Thomas-Fogiel développe, dans Figure et défiguration : la problématique du sublime, la notion de « vague figure ». Et avant de définir ce qu'est une « vague figure », elle établie que « la figure renvoie nécessairement à l'idée de contours, de délinéation, de limites. C'est le contour modelé qui donne naissance aux figures, c'est la découpe des traits qui permet leur identification. Il y a nécessairement une ligne de circonscription qui cerne la figure et en indique les frontières. La figure renvoie à la notion de fini, puisque ce qui la signale, c'est le fait de savoir où elle commence et où elle se termine. La figure est donc, électivement, ce qui est enserré dans un réseau de limites; plus encore, la figure procède de la limite, elle ne peut exister sans la limite, elle se définit par la limite.1 »

La « vague figure » elle, se situerait entre la figure donc, et la « contre figure », qui relève de « la suppression de toute limite, l'abolition de tout contour, l'abrogation de toute forme2 », telle que l'avait théorisé Antonin Artaud3.

Or, dans le cas de la « vague figure », il subsiste bien quelque chose à regarder, et cela même si les contours de ce « quelque chose » se trouvent altérés et flous.

« Entre la figure et la « contre figure », la vague figure occupe une place intermédiaire. Ni limitation de l'illimité, puisque le terme « vague » renvoie à l'indéfini, à l'incertain, à l'indéterminé, la vague figure n'est pas pour autant destruction ou abolition de toute limite comme la contre figure. La vague figure est moins destruction que défiguration de la figure. En ce sens la vague figure travaillerait à étendre la limite initiale, à la reculer, à la repousser jusqu'à la rendre à peine discernable. Dès lors, si la figure est limitation de l'illimité, la vague figure peut apparaître comme illimitation du limité. Là où la figure délimite, la vague figure illimiterait la limite, la rendrait évanescente.4»

Et ce flottement, cette indétermination entre abolition et apparition de la figure, Isabelle Thomas-Fogiel considère qu'il serait « l'indice du passage d'une esthétique de la figuration à une esthétique du sublime5 ». C'est-à-dire d'une esthétique de la frontière, de la limite, de l'incarné, vers une esthétique de l'au-delà, du libéré, du sacré dans ce qu'il a de plus grandiose.

1 Isabelle Thomas Fogiel, «Figure et défiguration : la problématique du sublime», Vagues figures ou les

promesses du flou, 7ème colloque du Cicada, 5, 6, 7 décembre 1996, actes de colloque, Pau, Edition Publications de l'université de Pau, 1999, p.31.

2 Ibid, p.32.

3 « Je veux dire qu'ignorant aussi bien le dessin que la nature je m'étais résolu à sortir des formes, des

lignes, des traits, des ombres, des couleurs, des aspects... {je voulais créer} comme au dessus du papier une espèce de contre-figure qui serait protestation perpétuelle contre l'objet créé » Artaud, lettre de février 1947, cité par Alain Bonfand.

Ibid.

4 Ibid, p.33.

5 Ibid, p.37.

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Toute la question du sublime repose sur cette ambivalence, entre le sensible lié à la forme et le spirituel et l'intellect, lié à l'au-delà des formes. Le sublime donc, s'il nous conduit à une jouissance spirituelle bien plus haute que la simple jouissance esthétique, nous impose une certaine frustration des sens. Et Kant de résumer, « est sublime ce qui plaît immédiatement par la résistance qu'il oppose à l'intérêt des sens6. »

Pour Schiller, dans son ouvrage Du Sublime, un objet sublime est celui face auquel nous éprouvons « le sentiment pénible de nos limites », mais devant lequel « nous ne cherchons pourtant point à fuir; tout au contraire, nous sommes attirés à lui par une force irrésistible7. »

Mais Schiller avance l'idée qu'un autre sentiment, plus puissant que cette simple contradiction entre attirance de l'esprit et gène des sens, accompagne celui du sublime. Ainsi, « le sentiment du sublime est un sentiment mixte. C'est à la fois un état pénible, qui, dans son paroxysme, se manifeste par une sorte de frisson ; et un état joyeux, qui peut aller jusqu'au ravissement8 {...}. »

Il s'agit bien de comprendre qu'à travers le développement d'Isabelle Thomas-Fogiel, le passage de la « vague figure » au sublime nous invite à effectuer une sorte de traversée du sensible, dans le sens où il nous faut voir au-delà de la matière.

On retrouve dès lors une vieille idée platonicienne selon laquelle l'art - la forme, la matière - est source de méfiance, car celui-ci peut tout aussi bien nous ouvrir à la beauté véritable, comme nous enfermer dans la caverne du sensible9.

La thèse d'Isabelle Thomas-Fogiel m'a donc intéressée dans le sens où elle tentait de mettre en avant l'ambivalence des sentiments éprouvés face à ce qu'elle nome les « vagues figures ». Néanmoins, son raisonnement m'a semblé se diriger trop rapidement vers le sublime, et donc s'extirper bien vite des problèmes formels posés par ces figures en perdition. Elle pose donc un rapport vertical entre ces « vagues figures » et ce qu'elles sont sensées entrainer chez le spectateur. L'approche d'Isabelle Thomas-Fogiel, bien qu'intéressante d'un point de vue strictement philosophie, me semble donc trop empressée à traverser la matière et le sensible pour se diriger vers les hautes sphères. Cela m'a tout l'air d'une fuite, d'un rejet du sensible.

Ainsi, du point de vue du plasticien, les effets formels, mais aussi les causes de cette « illimitation du limité » ne sont pas assez éclaircis. Isabelle Thomas-Fogiel se contente dans son texte de faire le constat de ces formes particulières qu'elle qualifie de « vagues figures ». Et surtout, ces formes vagues me semblaient désespérément figées dans leur incertitude, entre affirmation et destruction, contrairement à la notion d'informe, qui elle, pose clairement l'idée de formes en déformation perpétuelle. Et l'effet de

6 Emmanuel Kant, «I. Analytique du sublime, 29», Critique de la faculté de juger, édition publiée sous la

direction de Ferdinand Alquié, Paris, Gallimard, 2011, p.211.

7 Friedrich Von Schiller, Du Sublime, Fragment sur le Sublime, op. cit., p.18.

8 Ibid, p.17.

9 Platon, dans le dialogue de Phèdre, parle de l'art comme d'un pharmakon (remède et poison à la fois).

L'art apparaît dès lors comme une activité risquée pour accéder à la vérité, il préfère donc une activité moins risquée : la philosophie.

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l'informe n'est pas celui d'une fuite du sensible, mais plutôt celui d'un apprentissage du sensible et de ces subtilités. Il y a quelque chose de plus horizontal, de plus viscéral, dans cette relation à l'informe, quelque chose qui nous maintient dans un registre très proche de la matière. Et même lorsque l'on glisse du coté du tabou, cette croyance, cette manifestation de l'esprit est toujours strictement liée aux objets contemplés, on renoue avec l'animisme. Or l'animisme est une conception du monde très matérielle en ce qu'elle insuffle des pensées aux choses, sans jamais chercher à dépasser ces choses, l'animisme est donc une pensée qui s'incarne dans la matière.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand