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Sculpture et vidéo, modes de fabrication et présentation : le processus d'une coalescence des formes.

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par Kevin Fouasson
Université Rennes 2 - Master 2 Arts Plastiques 2012
  

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Espace contaminant.

Dès lors, il convient de remarquer ce que j'appellerai le pouvoir contaminant agissant entre les sculptures et la vidéo au sein du dispositif.

Le terme contamination provient du latin contaminatio, qui signifie « contact impur » ou « maladie », ce qui lui confère un aspect pour le moins péjoratif, puisque que l'on emploie ordinairement le mot contamination pour définir la transmission d'un virus, mais aussi pour qualifier la propagation d'agents radioactifs dans un milieu. Malgré tout, l'idée d'une transmission par contact reste présente, puisqu'il s'agit de favoriser le transport d'un germe infectieux d'un organisme à un autre.

Mais si l'on se reporte au verbe « contaminer », et à son origine latine contaminare, qui trouve le sens

18 Christian Biet, Christophe Triau, Qu'est ce que le théâtre ?, Paris, Gallimard, 2006, p.329.

19 Ibid, p. 338.

20 Pascale Weber, Le corps à l'épreuve de l'installation-projection, Paris, L'Harmattan, 2003, p.95.

21 Ibid.

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de « mélanger » au XIIIème siècle22, on rejoint le sens employé en linguistique, de la contamination qui est le « phénomène par lequel la graphie, le sens ou la construction d'un mot change par analogie avec un autre mot23».

Il y a donc un double sens contenu dans le concept de la contamination, d'une part l'idée d'un transfert entre deux éléments, et d'autre part, celle d'un mélange, d'une confusion, résultant de ce passage entre les éléments contaminés.

Dans notre cas, les éléments qui se contaminent entre eux, sont les sculptures et la vidéo, et les agents favorisant cette contamination sont la lumière et le son employés au sein du dispositif de présentation.

En effet, par la mise en scène du son et de la lumière, il y a une sorte de contamination opérant au sein du dispositif de présentation; les sculptures et la vidéo baignent dans une même atmosphère, ce qui nous permet de les appréhender comme un ensemble, comme un tout où chaque élément entre en relation avec les autres. Comme dans un milieu radioactif, où tout objet qui y pénètre est immédiatement contaminé par cet environnement, et se retrouve porteur d'une charge radioactive, les objets enveloppés par la lumière et le son du dispositif sont intégrés par celui-ci, et « l'espace de projection présente l'objet non plus comme une entité finie et indépendante mais comme relation possible à d'autres objets, reliés par la matière lumineuse24» et sonore.

Mais la contamination ne s'effectue pas seulement du milieu - du dispositif de présentation - vers les objets qui y résident, elle opère également entre ces objets eux-mêmes. On observe que l'image vidéo traverse l'écran central pour se retrouver projetée sur le mur et les trois sculptures qui y sont accolées. Il y a donc une prise de contact entre la vidéo et ces sculptures qui perdent leur simple statut d'objets inertes, et qui deviennent support d'une image en mouvement. Cette superposition entre la matière lumineuse fluctuante de l'image vidéo et celle solide et figée de la sculpture, impose que nous les regardions toutes deux d'une manière nouvelle. Il y a confrontation entre ces deux médiums qui entrent pourtant en interrelation.

Plus encore que la confrontation de leurs différences (rigidité et fluctuation), c'est par leurs aspects communs qu'ils se rapprochent et entrent en résonnance. Ils relèvent tout d'abord d'un même mode de fabrication, celui de la forme comme palimpseste. Puis, il y a des similitudes visuelles entre ces objets : dissonances et instabilités des formes, personnages asexués et difficilement identifiables, verticalité des figures, rapports frontaux avec les spectateurs, extrême lenteur de la vidéo et fixité des sculptures.

Ainsi les analogies formelles et structurelles présentes entre les sculptures et la vidéo permettent au spectateur de les faire dialoguer entre elles. L'aspect des sculptures, et le ressenti qu'on en a, détermine notre façon d'appréhender la vidéo, et vice versa.

22 Picoche Jacqueline, Dictionnaire étymologique du français, Paris, Editions Le Robert, collection Les

Usuels, 2009, p.28.

23 Emile Littré, Le nouveau Petit Littré, op. cit., p.415.

24 Pascale Weber, Le corps à l'épreuve de l'installation-projection, op. cit., p.22.

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Mais ce ne sont pas uniquement le son et la lumière, ou ce phénomène de contamination des objets entre eux, qui permettent d'établir un lien fort, une unité et une cohérence entre les sculptures et la vidéo. Ce qui achève d'instaurer cette cohérence au sein du dispositif de présentation c'est la tension qui existe entre les éléments. Cette tension se traduit par les distances et les positions qu'ont les différents objets les uns par rapport aux autres. Dans notre cas, on remarque une recherche de symétrie dans l'agencement des sculptures et de l'écran vidéo. Les trois sculptures alignées le long du mur sont tournées en direction de l'écran, elles sont droites et figées dans une posture totémique, telles des vigies gardiennes; elles font face à la figure de la vidéo et marquent une certaine frontalité. L'autre groupe de sculptures est disposé en triangle au centre du dispositif, une sculpture prenant la tête en direction de l'écran et de l'image vidéo. Là encore, la disposition des sculptures montre une recherche de frontalité, mais ici, les sculptures penchées, nous évoquent un élan en direction de l'image vidéo. Enfin, l'image vidéo flottant sur l'écran translucide suspendu, fait écho à celle visible sur le mur. Ces deux images délimitent l'espace des sculptures, mais surtout, elles supposent une direction opposée à celle des sculptures, puisque le faisceau lumineux va du vidéoprojecteur vers le mur, alors que les sculptures regardent - et semble vouloir se diriger - dans le sens inverse.

Le dispositif de présentation est donc ponctué par les sculptures et la projection vidéo, et c'est cette ponctuation - ainsi que la tension entre ces points - qui détermine un espace identifiable propre à ce dispositif. Ainsi, ce mode de présentation des sculptures et de la vidéo, tient moins d'une préoccupation relative au lieu d'exposition, que d'une volonté de création d'un espace de rencontre entre les deux médiums.

Nous pouvons ainsi appliquer à notre raisonnement la pensée de Michel de Certeau dans son livre L'invention du quotidien, où dans le Chapitre IX, intitulé «Récits d'espace», il mène une réflexion sur le traitement de l'espace au sein du récit. Il démontre comment l'espace du récit se trouve cartographié et balisé par le narrateur qui y trace un véritable parcours pour son lecteur. Il cherche ainsi à établir une sorte de « typologie » du récit « en terme d'identifications de lieux et d'effectuations d'espaces25

A travers cette réflexion, Michel de Certeau effectue une distinction précise entre la notion de lieu, et celle d'espace. Selon lui, un lieu résulte d'« une configuration instantanée de positions », ce qui « implique une indication de stabilité. » A contrario, un espace est la résultante de « l'effet produit par les opérations qui l'orientent, le circonstancient, le temporalisent et l'amènent à fonctionner en unité polyvalente de programmes conflictuels ou de proximités contractuelles. L'espace serait au lieu ce que devient le mot quand il est parlé, c'est-à-dire quand il est saisi dans l'ambigüité d'une affectation, mué en un terme relevant de multiples conventions, posé comme l'acte d'un présent (ou d'un temps), et modifié par les transformations dues à des voisinages successifs. A la différence du lieu, il n'a donc ni l'univocité ni la stabilité d'un « propre ». En somme, l'espace est un lieu pratiqué26

Ainsi, dans le registre du récit comme dans celui de l'installation projection, narrateur et artiste s'ap-pliquent à penser le parcours du destinataire de l'oeuvre ; et comme il y a écriture d'un espace narratif, il y a dans l'installation, une construction d'un espace à parcourir. Ce qui forge l'espace du dispositif présentant les sculptures et la vidéo, n'est pas le lieu où elles se retrouvent exposées, mais bien « l'en-

25 Michel de Certeau, L'invention du quotidien 1. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990, p.175.

26 Ibid, p.173.

semble des mouvements qui se déploient27 » au sein du dispositif en question.

La configuration du lieu d'exposition n'a donc qu'une importance secondaire puisque ce qui créé une cohérence c'est la mise en place d'un espace identifiable, au sein duquel le spectateur peut pénétrer et considérer les objets présents. Et cet espace particulier, établi selon une ponctuation et des tensions internes grâce un agencement précis des éléments entre eux, n'est pas figé, et peut s'adapter en fonction des lieux d'exposition qui l'imposent28.

A propos de cette diversité des possibilités de projection de l'image vidéo, ainsi que du caractère variable et adaptable du dispositif de l'installation projection, Françoise Parfait parle d'«une certaine manière de faire exister l'oeuvre relevant davantage du nomadisme que de la stabilité 29.» Ainsi, « quand on parle maintenant de projection, on ne pense pas au cinéma et à la vidéo, mais on pense à toutes sortes de supports, de dispositifs, de possibilités d'apparition de l'images [...]. Ceci est bien la conséquence d'un déplacement et de la migration des images, depuis leurs supports d'origine vers de multiples autres surfaces, espaces, corps et matériaux d'accueil. Les modes d'apparition semblent inépuisables30

L'espace dans lequel sculptures et vidéo fonctionnent en résonnance est donc un espace malléable - tant qu'il conserve les tensions internes que nous évoquions plus haut - qui peut être transféré en divers endroits, et s'adapter au lieu d'exposition. C'est la mise en place de cet espace, relevant d'un dispositif nomade, matérialisé par une ambiance sonore et lumineuse qui permet donc de faire cohabiter et dialoguer les deux médiums. Ainsi, l'instauration d'un tel espace répond à une logique d'installation, et de mise en résonnance des éléments entre eux au sein d'un ensemble, plutôt que d'une volonté de monstration de chaque objet isolé des autres.

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27 Ibid.

28 Voir page 14 et 15, exposition Spectres à l'Espace M de l'Université Rennes 2.

29 Françoise Parfait, Vidéo : un art contemporain, op. cit., p.137.

30 Ibid, p.88.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway