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Prise de décision intuitive dans un environnement virtuel.

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par Mickael ESKINAZI
Université Catholique de Paris - Psychologie 2016
  

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1.2 L'intuition dans l'invention scientifique

L'ouvrage La valeur de la science du mathématicien Poincaré(1905) débute sur un chapitre consacréà l'intuition. Il y oppose deux types de personnalitéchez les mathématiciens : l'intuitif et le logicien. Il est

impossible d'étudier les oeuvres des plus grands mathématiciens, et même celles des petits, sans remarquer et sans distinguer deux tendances opposées, ou plutôt deux sortes d'esprits entièrement différents. Les uns sont avant tout préoccupés de la logique; à lire leurs ouvrages, on est tentéde croire qu'ils n'ont avancéque pas à pas, avec la méthode d'un Vauban qui pousse ses travaux d'approche contre une place forte, sans rien abandonner au hasard. Les autres se laissent guider par l'intuition et font du premier coup des conquêtes rapides, mais quelquefois précaires,

ainsi que de hardis cavaliers d'avant-garde. (Poincaré, 1905, p.11)

Poincaré(1905), tout comme Bergson (1907), discrimine l'intuition de la raison, non pas en faisant une hiérarchie aristotélicienne entre ces deux modes de raisonnement, et donc en plaçant la raison au dessus de l'intuition, mais au contraire, il les différencie simplement comme deux appréhensions distinctes de la réalité, deux structures d'esprit:» Les deux sortes d'esprits sont également nécessaires aux progrès de la science; les logiciens, comme les intuitifs, ont fait de grandes choses que les autres n'auraient pas pu faire» (Ibid, p.16 ). L'intuition mathématique est vue comme un processus d'accès à la connaissance différent de celui de la logique. En effet cette sorte d'intuition procèderait par bond immédiat (Einstein, 1952) alors que la logique tente d'inférer depuis l'expérience. Einstein (1952) dans sa lettre à son ami Solovine qui lui demande comment il pense en science, lui répond par un diagramme (Figure 1.1) qui articule intuition et logique dans le processus de création :

22 1 L'intuition

Figure 1.1. pris de Holton, 2004. Schéma d'Einstein pour expliquer l'intuition à son ami Solovine.

Sur ce diagramme, le E représente l'ensemble des expériences vécues, c'est la totalitédes faits empiriques. Toutefois cet ensemble d'expériences doit avoir une structure pour édifier un ordre et sortir du chaos des impressions pures. L'arc de flèche serait un bond de l'imaginaire, un bond platonicien'. Pour expliquer cet arc de flèche, Einstein écrit : A sont les axiomes d'oùnous tirons des conséquences. Psychologiquement, les A reposent sur les E. Il n'y a cependant pas de voie logique des E jusqu'aux A, mais seulement une connexion intuitive (psychologique), toujours sujette à révocation . A partir de l'inspiration présente en A s'en suit des déductions (S, S', S') établies grâce à la pensée logique apprise à l'école . Puis à partir de ces déductions, une corrélation peut être faite avec ce qui est observéet vécu en E (expériences). La logique permet de vérifier une intuition, et de la rendre accessible à tous ceux possédant le langage adéquat pour la comprendre.

Dans le chapitre 3 de Science et méthode, Poincarétente de comprendre l'invention mathématique. Il décrit une expérience intuitive qui surgit alors qu'il essayait depuis quinze jours de démontrer qu'il ne pouvait exister de fonctions fuchsiennes : Un soir, je pris du cafénoir contrairement à mon habitude; je ne pus m'endormir; les idées surgissaient en foule; je les sentais comme se heurter, jusqu'àce que deux d'entre elles s'accrochassent pour ainsi dire pour former une combinaison stable. Le matin, j'avais établi l'existence d'une classe de fonctions fuchsiennes, [...] je n'eus plus qu'àrédiger les résultats, ce qui ne me prit que quelques heures. Puis il décrit plus loin ce qu'il nomme illumination : [...]au moment oùje mettais le pied sur le marche-pied, l'idée me vint, sans que rien de mes pensées antérieures parut m'y avoir préparé, que les transformations dont j'avais fait usage pour définir les fonctions fuchsiennes sont identiques à celles de la Géométrie non-euclidienne.' Ce témoignage est riche pour celui qui souhaite comprendre le fonctionnement de l'intuition, il nous informe de son caractère immédiat, globale, et en rupture avec la chaîne associative des pensées. À travers ses observations, Poincaréidentifie un travail non-conscient

1.2 L'intuition dans l'invention scientifique 23

qui se situerait entre le commencement d'une recherche et cet »illumination subite» : Souvent, quand on travaille une question difficile, on ne fait rien de bon la première fois qu'on se met à la besogne; ensuite, on prend un repos plus ou moins long, et on s'assoit de nouveau devant sa table. Pendant la première demi-heure, on continue à ne rien trouver; puis, tout à coup, l'idée décisive se présente à l'esprit. (Poincaré, 1908, Livre 1) Poincaré(1908) définit l'intuition comme ce qui nous fait deviner des harmonies et des relations cachées ou encore comme ce qui entre en relation avec l'âme des choses plutôt qu'avec les faits bruts. Cette définition rejoint celle de la bisociation proposée par Koestler (1960) comme la mise en rapport de deux plans de r'eférence ou matrices de raisonnement

sans liaisons antérieures, dont l'union résoudra le problème jusque làinsoluble (Petitmangin,2002, p.66). Par
conséquent, l'intuition dans l'invention comprend l'ensemble du processus non-conscient décrit par Poincaréet Koestler comme la capacitéde rendre cohérent des éléments à priori distincts grâce à une loi objectivable. Wallas (1926) reprend Poincaré(1905) et caractérise l'invention en 4 phases : la préparation, l'incubation, l'illumination et la vérification. Alors que la préparation et la vérification sont des processus conscients, l'incubation et l'illumination

se passent de l'effort conscient et se rapportent en ce sens au processus même de l'intuition. Toutefois une continuitéexiste entre ces quatre phases, elles sont les étapes d'un même effort.

1.2.1 La préparation

Tout d'abord le phénomène d'intuition ne peut prendre place qu'après une période de préparation, ex nihilo nihil fit ( Holton, 2004; Poincaré, 1905). Cette période est un travail conscient qui consiste à assimiler un certain nombre de règles et à stocker en mémoire une certaine somme d'objets en rapport avec notre intérêt (mots pour l'écrivain, théorèmes et démonstrations pour le mathématicien, concepts pour le philosophe). Puis, vient l'instant oùla personne munis de tous ces outils se pose face à un problème et tente de le résoudre. Il est courant que cette première tentative de résolution se solde par un échec car l'attention aurait tendance à se fixer sur une perception biaisée du problème et de sa résolution (Moss, 2002; Sio et Ormerod, 2009). Une période entraînant un détournement de l'attention consciente sur le problème pourrait alors faciliter l'arrivée d'une nouvelle vision du problème (Smith et Blankenship, 1991). C'est d'ailleurs ce que décrit Poincarédans ses observations, le chercheur a besoin d'une rupture dans son travail pour que la solution émerge.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon