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Le microcrédit au Maroc. Tensions entre performance commerciale et finalité sociale.

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par Brahim NAHI
Université Mohamed 5 _Faculté de droit Agdal Rabat  - Master spécialisé en Management de développement social  2012
  

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INTRODUCTION GENERALE :

Aujourd'hui, le microcrédit connaît un véritable succès tant par son «implication réelle et son efficacité pour la lutte contre la pauvreté''1, que par sa vision développementaliste. Il est ajusté pour s'inscrire dans le registre de participation au décollage2 économique des pays émergents.

En exigeant des garanties pour pouvoir accorder des crédits, les banques excluent bon nombre de personnes jugées ne disposant pas de fonds nécessaires au remboursement d'un prêt puisque « tout le monde ne peut pas obtenir un crédit bancaire3».

Or, le microcrédit est avant tout un crédit comme les autres car il incarne et « conserve toutes les caractéristiques du crédit tel qu'il se développe dans les organisations (...) bancaires4». Relevant d'un contrat entre prêteur et emprunteur visant à garantir son remboursement, le microcrédit est prescrit comme un petit prêt remboursable à court terme servant au financement d'une activité économique durable et rémunératrice. Comme il est destiné à accompagner le démarrage des projets et activités génératrices des revenus (AGR) des individus n'ayant pas accès aux services bancaires classiques.

Son objectif consiste en la promotion du développement social, c'est ainsi qu'il participe à la lutte pour l'éradication de la pauvreté grâce à sa forme innovatrice d'aide qui ne s'identifie plus à de l'assistanat pur et simple.

Le concept a vu le jour au Bangladesh au début des années 70, grâce au Dr. Mohamed YUNUS5, qui l'a «relancé'' à travers son organisation « La GRAMEEN BANK » laquelle reste la première et fameuse institution du microcrédit au monde.

1 BANGOURA, Lansana. (2010). Contrat de crédit, risque moral, sélection adverse et incitation à l'effort pour le remboursement en Microfinance. Université de Franche Comté, CRESE, Besançon.

2 Idem

3 KADIRI, Ghalia & BOUCHAIB, Sarah. (2010). Tout savoir du microcrédit. Magazine Stop Arnaques, Septembre 2010. (Enquête sur le microcrédit en France).

4 GLEMAIN, Pascal et MOULEVRIER Pascale. (2011). Le «microcrédit'' : un crédit comme les autres ? La Revue des Sciences de Gestion, 2011/3 - n°249-250 pages 123 à 131_Url : http://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2011-3-page-123.html

5 Professeur d'Economie à l'Université de Chittagong au Bangladesh, qui fût le premier en 1975 à initier et lancer le projet des microcrédits.

Etudiant Chercheur : Brahim NAIII PFE _Master Spécialisé Management du Développement Social 2

Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance)

Par la suite, l'expérience s'est rapidement généralisée à travers le monde au nord comme au sud. Un sommet International lui a été consacré en 1997 aux USA, et le phénomène a pris une telle ampleur que les Nations Unies ont décidé de déclarer 2005 année du microcrédit. Ce faisant, les NU ont consacré le MC comme l'un des principaux outils devant permettre d'atteindre les Objectifs de Développement du Millénaire (OMD).

Le secteur du MC au Maroc est relativement jeune et dynamique, la première expérience a débuté en 1993 dans la région de Khénifra avec l'AMSED s'appuyant sur l'association locale Oued Srou (AOS). Le secteur bénéficie d'un contexte institutionnel favorable, il est régi par la loi 18-97 votée en 1999. Actuellement, il existe plus de 12 associations d'ampleur nationale coordonnant leurs efforts depuis 2001 dans le cadre d'une structure fédératrice appelée Fédération Nationale des Associations de Microcrédit (FNAM).

Jusqu'en 2007, le microcrédit au Maroc a été souvent cité comme exemple typique d'un « succes story » suite au succès réalisé et à la croissance fulgurante qu'a connu le secteur pendant les dix années «glorieuses» (1997-2007). Une telle réussite a été rendue possible grâce à la détermination des associations de microcrédit (AMC), l'appui de l'Etat, le soutien financier du Fonds Hassan II pour le développement, le soutien financier de la Fondation Mohammed V à travers l'INDH, l'engagement des banques commerciales locales et l'assistance de la communauté internationale des bailleurs de fonds.

En décembre 2007, quelques signes de la crise commençaient à apparaître (crise des impayés, augmentation des portefeuilles à risque, abandons de créances, ...). Certains annoncent qu'une telle crise est due essentiellement à une croissance dite «non maîtrisée» du secteur. En effet, des actions à caractère correctif ont été initiées au sein du secteur par le lancement d'opérations de réorganisation des associations actives avec une certaine réadaptation de l'offre du MC d'autant plus que le gouvernement et les instances de supervision ont rapidement réagi pour rétablir la confiance.

La présente étude tente de questionner les orientations attribuées actuellement au microcrédit, celles d'une approche commerciale basée sur les règles et pratiques du marché qui risque d'oublier pourquoi le MC a été «inventé», développé et existe encore.

Etudiant Chercheur : Brahim NAIII PFE _Master Spécialisé Management du Développement Social 3

Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance)

De plus, la recherche essaye d'enrichir le débat et l'analyse sur le dilemme de compatibilité entre la course à la commercialisation du microcrédit et son objectif de départ qui n'est autre que l'inclusion sociale des (plus) pauvres.

Par la même occasion, sont abordés au cours de ce mémoire le rôle du microcrédit, ses objectifs, son impact sur la qualité de vie et le devenir de ses destinataires (état d'esprit, qualité de vie, pouvoir d'achat, revenus, santé, formation, habitat... etc.).

1. PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE

Le recours au crédit est une pratique très ancienne et enracinée dans l'histoire de l'humanité, le fait de recourir à cette recette est classiquement dicté par une situation du besoin de financement d'une action, activité ou investissement à réaliser.

A l'origine, le microcrédit a été conçu en tant que mécanisme de financement de proximité et ce pour inclure socialement les plus pauvres qui sont exclus par nature du système bancaire. Bien qu'il soit communément admis que ce dispositif présente un levier de développement social dans la mesure où il participe « activement » au processus de lutte contre la pauvreté, à travers la mise en oeuvre d'une offre financière décentralisée et « adaptée » au profit des démunis. Quoique l'évolution rapide du secteur, sa refonte et l'émergence de l'adoption des pratiques commerciales par les AMC ont permis la fleuraison d'un nouveau «business dans les pauvres» appelé «business social» recherchant pérennité, rentabilité et viabilité financières. Ce business découvre dans les pauvres un marché important à investir et, dont la base est l'existence d'une réelle demande de financement avec des besoins croissants.

Dans les pays en développement, le microcrédit se présente comme un moyen de lutte contre la pauvreté6. Il exige la présence de deux dimensions fondamentales et transversales7 : la rentabilité de l'institution et le principe de solidarité qu'elle véhicule. Cependant, un problème, caractérisé par le schisme8 du MC, est souvent confronté par les institutions de microcrédit : Y-a- t-il une conciliation à faire entre ciblage des pauvres (performance

6 BERGUIGA, Imène. « Performance sociale versus performance financière des institutions de microfinance » Doctorante. Université Paris XII, Val de Marne, Créteil France. 1_E.R.U.D.I.T.E

7 Idem.

8 BERGUIGA, Imène. Op. Cit.

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Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance)

sociale) et l'atteinte de la viabilité financière qui exige la réalisation de la plus value (performance financière)? Peut-on combiner ces deux buts ?

Néanmoins, dans quelle mesure le fait de prêter de «petites» sommes d'argent à des personnes pauvres, considérées comme «non solvables», selon les règles du marché, permet-il leur inclusion sociale ? Qu'en est-il de la réduction de la pauvreté ? du développement de nouvelles activités, de la création de nouveaux emplois, voire la génération de revenus supplémentaires ?

Du point de vue du marché financier de proximité, les clients du microcrédit sont des « pauvres » chassés du système de financement classique. Sa raison d'être est la rentabilité financière à travers la mise en oeuvre de produits adaptés à la demande existante. Dans un cas pareil, la quête de performance commerciale et celle de viabilité financière ne repoussent-t-elles pas les AMC à s'écarter de leur mission sociale ? Or, la contrainte de la croissance des AMC accentue l'endettement des populations pouvant être excessif, sans oublier les conséquences amplificatrices d'une concurrence acharnée entre AMC au niveau de l'endettement croisé. N'y a-t-il pas donc un risque éminent de perte de la vision sociale du microcrédit au profit de considérations de visibilité financière. Est-il indispensable à la croissance ou correspond-t-il à une bulle spéculative9 dangereuse pour l'économie lorsque les promesses de revenus futurs sont surestimées ?

En effet, il me semble nécessaire de définir deux hypothèses d'étude dont il serait utile de vérifier la véracité tout au long de la présente recherche :

1ère Hypothèse :

Le microcrédit est un levier de développement, dans ce cas comment impacte-t-il positivement la situation socioéconomique de ses destinataires (niveau de vie, revenu, formation, assistance et accompagnement, développement du secteur formel, suivi des projets des bénéficiaires, promotion des bonnes pratiques de gestion, ... etc.)? Permet-il de créer de nouveaux emplois, de nouvelles activités et de générer des revenus

9 DOLIGEZ, François. (2002). Microfinance et dynamiques économiques : quels effets après dix ans d'innovations financières ? In: Tiers-Monde. Tome 43 (n°172). Microfinance : petites sommes, grands effets ? pp. 783-808. Url http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers

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complémentaires ? Ses effets se traduisent-ils par des améliorations au niveau de l'économie locale et des conditions de vie des « clients » ? Son action peut elle être qualifiée de suffisante et efficace face à la pauvreté et à l'exclusion sociale?

Toutefois, le microcrédit peut-t-il avoir un effet de réduction de la vulnérabilité10 ? Et ainsi prémunir ses bénéficiaires contre les risques des aléas de la vie en leur permettant, notamment dans le cas des plus « pauvres », de développer une activité génératrice de revenus, de se constituer un capital, tout en leur évitant d'avoir recours à des emprunts à fort taux d'intérêt ?

2ème Hypothèse :

Il est évident que la réalité est aussi complexe pour noter que les pauvres n'ont pas attendu le microcrédit pour faire des emprunts et les utiliser dans le but de satisfaire leurs besoins de consommation ou encore de développer une activité. Le microcrédit arrive, bel bien, dans un « marché financier déjà très actif11», et auprès d'une population qui sait ce que sont les dettes.

Donc, le microcrédit conçu comme un système financier de proximité est construit autour d'un marché dont les clients sont généralement pauvres et exclus. Sa raison d'être est la rentabilité de ses opérations à travers la mise en oeuvre d'une offre de produits adaptés à la demande existante. Quelles sont donc les caractéristiques dudit marché ? Comment fonctionne-t-il ? Dans ce cas, l'objectif de performance commerciale (croissance, profitabilité, viabilité, part de marché, ...) ne pousse-t-il pas les acteurs à se dériver de leur mission sociale ? D'autant plus que le souci de la croissance par l'atteinte de nouveaux clients peut probablement être à l'origine de situations excessives de surendettement et de détournement des prêts de leur objectif développementaliste.

La question de ciblage des clients est une autre piste à creuser afin d'examiner les clients privilégiés des acteurs de MC ; ces derniers ciblent-t-ils les pauvres, les plus pauvres ou simplement les solvables financièrement parmi eux ? Ces crédits sont-ils destinés à la

10 ROESCH, Marc & HELIES, Ophélie. (2007). La microfinance, outil de gestion du risque ou de mise en danger par surendettement ? Le cas de l'Inde du Sud. Presses de Sciences Po, Autrepart 2007/4 (n° 44) pp.119-140. Url http://www.cairn.info/revue-autrepart-2007-4-page-119.html.

11 Idem.

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production, à la distribution ou à la consommation ? Changent-ils réellement quelque chose à la situation des destinataires ? Améliorent-ils leurs conditions de vie ? S'agit-il du microcrédit ou du microendettement destiné aux particuliers pauvres ?

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