WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les stratégies politico-économiques du football professionnel dépassent-elles celles des terrains ?

( Télécharger le fichier original )
par Victor PORCHER
Université Pantheon Assas Paris II - Master 2 Commerce et Management International 2016
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre III : Coups francs et coups bas : les controverses du football moderne

Partie I - L'esclavage moderne dans le football

1.1 Les dérives du football à travers le trafic des joueurs africains

« Le foot est un jeu avant un produit, un spectacle avant un business et un sport avant un marché » tel sont les propos lancé par Michel Platini, ex-président de la plus haute instance du football européen, l'UEFA, et soupçonné depuis peu de corruption. Cette vision idyllique du football reflète-t-elle vraiment la réalité ? Tout laisse à penser que non. En effet, un nouveau fléau bouleverse au plus haut point le football mondial. Pratique répandue en Amérique du Sud et en Afrique, le trafic de jeunes joueurs de football ne surprend plus personne. Elle est même devenue monnaie courante à tel point que bon nombre de joueurs professionnels, évoluant dans les clubs les plus prestigieux d'Europe, sont issus de ce phénomène. A qui profite le crime ? Comment s'organise ce trafic ? Quelles sont les solutions pour éradiquer cette tendance qui gangrène de ce sport ?

L'objet de cette partie est d'apporter une réflexion analytique afin de comprendre comment le football business peut pousser aux vices allant jusqu'au trafic d'humains.

Dans un premier temps, il est important de comprendre pourquoi les jeunes footballeurs africains cherchent à rejoindre l'Europe.

Les raisons de la migration internationale des footballeurs africains sont économiques mais aussi culturelles (nous l'avons développé précédemment). Comme le souligne les travaux réalisés par l'organisation « We are football », le lien entre réussite scolaire et insertion professionnelle n'est pas évident en Afrique. Par conséquent, voir des joueurs africains, ayant grandi en Afrique et évoluant aujourd'hui dans les plus grands clubs européens, pousse la société locale à considérer le football comme un métier à part entière. Nombreuses sont les familles qui poussent leurs enfants à devenir footballeur, au détriment des études. Dans ces pays, le football est considéré comme étant un moyen de départ pour l'Europe avec l'espoir d'un avenir meilleur. D'après Raffaele Poli, géographe spécialisé dans les mouvements migratoires africains, ce facteur expliquerait le nombre rocambolesque de centres de

92

formation en Afrique, afin de faire partir ses jeunes prodiges. A cela s'ajoute, bien évidemment, les medias africains, qui ne relatent que les succès des joueurs ayant réussi en Europe, laissant de côté tous ceux qui ont échoué et donnant l'impression que le rêve d'atteindre le « saint graal » européen est bel et bien possible.

Le football n'est donc pas interprété de la même manière dans les différentes sociétés du monde. Simple divertissement pour certaines personnes, échappatoire pour d'autres, le football peut être assimilé à un moyen d'ascension sociale, une perspective d'amélioration du niveau de vie. Ces raisons poussent bien évidemment certaines personnes malhonnêtes au vice, utilisant le football comme un business lucratif aux dépens des jeunes. Le trafic de mineurs footballeurs peut être assimilé à une forme d'esclavage tant le traitement infligé à ces enfants est déplorable.

Pour comprendre les enjeux de ce nouveau phénomène, il est primordial de pouvoir le caractériser à l'aide d'une définition rigoureuse afin d'éviter toute mauvaise interprétation.

D'après le site internet Humanium90, « Le trafic ou la traite des enfants se caractérise par le recrutement, le transport, le transfert et l'hébergement de toute personne par différents procédés. Il peut notamment s'agir de recourir à la force ou à toutes autres formes de contrainte, par l'enlèvement, la tromperie, la fraude, ainsi que l'abus d'autorité».

Les enfants sont détenus par des organisations criminelles, qui agissent dans la plupart du temps, via un réseau international. Ces groupes profitent souvent des instabilités économiques et politiques du pays caractérisés par la pauvreté, les crises humanitaires, le manque d'éducation, les défauts d'enregistrement à la naissance ou encore les législations inadaptées pour agir en toute impunité.

Bien qu'aujourd'hui le phénomène soit universel, le constat est édifiant : les pays du sud sont plus durement touchés par cette tendance que les pays du nord. Nul doute que le rapprochement entre les pays du nord riches et les pays du sud plus pauvres, peut expliquer en partie les droits bafoués des enfants.

90 http://www.humanium.org/fr/focus/exploitation/trafic-enfants/

93

La cartographie, ci-dessous, reflète largement ce constat.

L'Afrique bat donc un triste record. Le continent concentre à lui seul les plus graves situations de trafic d'enfants. Le trafic de jeunes joueurs africains est un problème récurrent. D'après les statistiques réalisées par l'association de lutte pour la protection des jeunes joueurs de football « foot solidaire »91, on estime que 15 000 mineurs africains quittent chaque année le continent pour tenter de rejoindre l'Europe. Près de 1,5 millions d'entre eux, s'entrainent dans des académies sans moyens, dans l'unique but de se préparer pour immigrer. Le rêve tourne d'autant plus très souvent à la désillusion puisque environ 70% d'entre eux échouent en Europe.

Il existe trois facteurs pouvant expliquer pourquoi les jeunes talents sont contraints à immigrer vers Europe et donc à être influencés par les réseaux criminels qui tentent de les faire passer. Nous pouvons constater qu'il y a un facteur économique, culturel, moral et médiatique.

- Le premier facteur expliquant le trafic des joueurs africains vers l'Europe et qui fut l'objet d'une étude antérieure (cf. chapitre II partie III) est sans doute le manque de

91 ALBERS MARIE LOUISE, « Fighting for the lost football kids », play the game, 2014

94

moyen en infrastructure et équipement. Ce facteur déterminant pousse les jeunes à vouloir partir pour des pays mieux équipés. Or la majorité de ces jeunes n'ont aucune ressource pour atteindre leur rêve. Ils se retournent donc auprès d'un réseau de passeur, qui prétend garantir l'Eldorado.

- Les disparités de richesse entre les pays du nord et les pays du sud avec d'un côté l'Europe industrialisée et moderne qui offre un enseignement de qualité et de l'autre côté l'Afrique et l'Amérique du sud, à l'origine des flux migratoires vers les pays plus riches. Mais ces mouvements, dont l'aspect économique ne fait aucun doute, s'expliquent aussi pour des raisons culturelles. En effet la migration des footballeurs est corrélée à l'histoire coloniale. C'est donc la raison pour laquelle les footballeurs africains sont présents dans la plupart des championnats Européen en fonction de la culture. Le tableau « surreprésentation par rapport à l'indépendance » issu de l'article We are football 92 publié par Raffaele Poli, reflète bien nos propos : il y a plus de joueurs d'Afrique francophone en France et en Belgique et plus de joueurs d'Afrique occidentale ( qui parlent donc anglais) dans les championnats anglais et écossais.

Nous pouvons donc penser que les réseaux prennent en compte ce passé historique entre les pays colonisés et les pays colonisateurs pour influencer ces jeunes à passer les frontières pour atteindre l'Europe.

- Hormis l'importance du trafic de jeunes enfants en Afrique, la pratique est de plus en plus répandue en raison de l'accueil « chaleureux » des clubs Européens envers ces prodiges. Le marché des joueurs est assimilable au marché classique. La quantité offerte (joueurs) n'est que la résultante de la quantité demandée (clubs). Si le

92 POLI. R, « Migration et commerce de footballeurs africains : aspects historique, géographiques et culturels », We are football, p. 9

95

phénomène s'est intensifié, c'est en raison de certains clubs peu regardants sur la provenance du joueur. Il est important de distinguer les différentes pratiques : celle d'un mineur, arrivant légalement dans le centre de formation d'un club professionnel et ceux qui sont en marge de la société, manipulés par des agents aux compétences douteuses, qui n'hésitent pas à faire de nombreuses promesses sportives. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle de nombreux scandales ont éclaté dans divers clubs et même au sein de très grandes institutions du football européen à l'image du FC Barcelone, empêchée durant deux années consécutives d'acheter des joueurs sur le mercato hivernal et estival pour cause d'affaires de transferts d'enfants mineurs.

- Le football est lui-même victime de son succès. La mondialisation, la sur médiatisation, la dérégulation aggrave le trafic d'enfant footballeur.

- La propagation de cette « gangrène » qui compromet significativement la beauté du football, s'explique bien évidemment par la non prise de conscience d'un tel phénomène. Alors que les plus hautes instances cherchent des solutions adéquates, le trafic de mineurs africains est encore mal connu du grand public.

- Enfin, un facteur indirect mais aux conséquences certaines : La faible représentation des délégations africaines au sein de la FIFA se traduit par un déséquilibre entre la position hégémonique de l'Europe, d'une part et l'impuissance de l'Afrique, d'autre part. Comme le prouve le rapport établi par l'agence Foot solidaire « L'UEFA1 avec 53 fédérations disposait de 8 membres au comité exécutif de la FIFA2 sur 24 lorsque la CAF3 avec 54 fédérations n'en avait que 4, une situation anormale. »93

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"