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Les stratégies politico-économiques du football professionnel dépassent-elles celles des terrains ?

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par Victor PORCHER
Université Pantheon Assas Paris II - Master 2 Commerce et Management International 2016
  

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1.3 La face cachée de la Coupe du Monde 2022 au Qatar.

Depuis la création de la Coupe du Monde, le football fait l'objet de nouveaux débats médiatiques. Premièrement, de nombreuses enquêtes soupçonnent que l'organisation de cette compétition internationale soit au coeur de plusieurs scandales comme par exemple la corruption, les pots-de-vin et des abus de pouvoir. Le nouveau terme de FIFAGATE ne surprend plus personne. Récemment, le Qatar a été choisi pour organiser la prochaine édition en 2022. Bien évidemment, tout laisse à penser que le procédé d'attribution des voix ne s'est pas fait dans les règles de l'art. L'étrange issue de ce vote a provoqué de nombreuses réactions de contestations et d'indignations de la part des plus grands experts du football. Ceci étant, nous exclurons de notre analyse le problème des conditions d'attribution de la Coupe du Monde et des suspicions de corruption en tout genre, tant les informations disponibles sont maigres en raison des enquêtes encore en cours. En revanche, nous analyserons les dessous de l'organisation de la compétition. Comment le Qatar va-t-il relever le défi ? Quels sont les moyens mis en oeuvre ? Le tournoi cacherait-il une réalité que l'on connaît peu ?

Après avoir pointé du doigt l'émergence des trafics d'enfants africains comme nouveau fléau du football moderne, cette seconde sous-partie vise à analyser des nouvelles dérives encore peu connues mais, ô combien déplorables : il s'agit de la traite des travailleurs immigrés au Qatar.

Depuis l'annonce de la nomination du Qatar pour organiser cette prestigieuse compétition, réunissant la planète entière, le Qatar s'est fixé un nouveau un défi gargantuesque : rassembler toutes les conditions nécessaires pour accueillir la compétition.

Nouveaux stades, plus grands et conformes aux règles de sécurité, nouveaux camps d'entrainements pour accueillir les différentes équipes de la compétition, nouveaux hôtels pour réceptionner les supporters étrangers, sont donc les nouveaux objectifs que doivent atteindre le pays en seulement six ans. Ce pari fou, ne fait cependant pas peur au royaume où,

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comme nous l'indiquions précédemment, tous les rêves les plus inimaginables sont possibles. Mais à quel prix ?

Un rapport d'enquête mené par l'organisme militant des droits de l'homme, Amnesty International, nous laisse dubitatifs quant à la bonne préparation de la Coupe du Monde.

En effet, l'étude réalisée rapporte les conditions dans lesquelles les travailleurs immigrés sont confrontés au quotidien. Lors de cette investigation, près d'une centaine de personnes ont été (et sont encore) victimes de violation des droits de l'homme de la part des entreprises qui les emploient, notamment sur les chantiers de rénovation de stades comme celui du stade Khalifa par exemple.

Le rapport révèle que la plupart des travailleurs viennent d'Asie du Sud et vivent illégalement sur le territoire qatari.

Beaucoup d'entre eux ont décidé de quitter leur pays, dans l'espoir d'un avenir meilleur au Qatar. Mais en réalité, la plupart d'entre eux déchantent en découvrant la réalité qui les attend. Et pour preuve, les conditions de détentions sont déplorable, tant le traitement se révèle inhumain.

En premier lieu, il est nécessaire d'évoquer un phénomène que l'on croyait disparu depuis des années : le système de Kafala94, plus connu sous le nom de « parrainage ».

Lorsqu'un immigré arrive au Qatar pour trouver du travail, ce dernier est soumis à un système de surveillance. Cela signifie que l'employé migrant non qualifié dépendra de son employeur. En d'autres termes, le travailleur se retrouve sous la tutelle de son employeur. Pour que le travailleur immigré puisse changer d'emploi, il doit en faire demande auprès de son « parrain », qui bien évidemment refuse la plupart du temps. Un employé qui n'est plus parrainé par son employeur, risque d'être expulsé du territoire.

Le travailleur immigré se retrouve ainsi dans une situation de « non-choix ».

Dans ce contexte, employer le mot « d'esclavage » pour qualifier de tels agissements semble être adéquat étant donné la situation.

94 BARBANCEY PIERRE, « Kafala, ou comment les salariés deviennent esclaves de leur compagnie », l'Humanité, 14 octobre 2013

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D'après l'enquête menée sur place, plusieurs problèmes sont à énumérer. Tout d'abord, lors du recrutement des immigrés dans leurs pays d'origine, beaucoup sont victimes de tromperies quant au travail que l'on leurs proposent. L'escroquerie étant minutieusement élaborée, les immigrés acceptent de partir travailler au Qatar. Sur place, bon nombre d'entre eux gagnent des salaires dérisoires ou ne sont finalement pas payés. Certains d'entre eux ont accumulé des retards de paiement sur six mois. A cela s'ajoute la confiscation systématique des passeports à l'arrivée des nouveaux employés afin d'être certains que ces derniers ne tentent pas de quitter le pays précipitamment.

Les recherches se sont surtout concentrées sur le chantier de rénovation du stade Khalifa et de l'espace urbain autour du stade, appelé l'Aspire Zone.

Sur 234 personnes interviewées, 228 ont été informées à l'arrivée au Qatar que le salaire qui leur était promis n'est en réalité pas celui qu'elles espéraient. N'ayant plus la possibilité de faire marche arrière, les travailleurs ont été contraints d'accepter un salaire revu à la baisse. Lors de la première rencontre entre les militants d'Amnesty International et des ouvriers du chantier du stade Khalifa et des espace verts de l'Aspire Zone, tous vivaient dans des camps insalubres sans installations sanitaires. A cela, s'ajoute des problèmes d'évacuations des eaux usées, dégageant une forte odeur d'égout, le tout exposé sous des chaleurs maximales. Il est clair que le comité suprême, nommé par le gouvernement qatari et en charge du bon déroulement de l'organisation de la coupe du monde, ferme les yeux sur les conditions de vie de ces clandestins.

Les entreprises responsables du mauvais traitement des employés sont pour la plupart qataries : Il s'agit de la société Eversendai et Nakheel landscapes.

Les deux sociétés sont largement pointées du doigt pour avoir manifestement introduit au sein des sites de la Coupe du Monde des entreprises sous-traitantes qui ne respectaient les normes imposées par le comité suprême, notamment concernant les conditions de travail des employés ainsi que de leurs logements.

Pour preuve, une statistique publiée par la Confédération Syndicale Internationale confirme nos propos. D'après l'agence, 1 200 ouvriers ont perdu la vie lors de leur activité sur les

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chantiers des stades. Ce chiffre dépasse largement la moyenne, comme le révèle le graphique ci-dessous.

D'après les chiffres du gouvernement népalais, 191 travailleurs népalais seraient décédés durant l'exercice de leurs fonctions au Qatar en 2013 et 169 en 2012. Depuis que le Qatar ait été élu pour organiser la compétition c'est près de 400 décès népalais.

On dénombre aussi 218 décès indiens en 2013 au Qatar. Ils étaient 237 en 2012 et 239 en 2011. Selon les statistiques, la moyenne des décès indiens par mois était de 20 travailleurs, pouvant atteindre un pic de 27 décès par mois.

Il est important de mentionner que la plupart des décès sont des migrants népalais et indiens ce qui constituent 50% de la force de travail au Qatar.

La traite d'humain est un cataclysme au Qatar, renforcé par les enjeux qu'implique l'organisation de la coupe du monde. Les supporters, qui se réuniront lors de la compétition n'auront sûrement pas conscience des conditions et des mauvais traitements de ceux qui ont oeuvré pour que le tournoi puisse avoir lieu dans les meilleures conditions.

A l'heure actuelle, le branle-bas de combat d'Amnesty International est de mettre chaque acteur face à ses responsabilités. Le premier responsable est bien entendu le gouvernement du Qatar, largement responsable du non-respect des droits de l'homme sur son territoire. Comme évoqué précédemment, le système de parrainage (Kafala) établi au Qatar est un abus, ô combien déplorable, qui n'est autre que l'esclavage des temps modernes. En Octobre 2015, l'Emir du Qatar a approuvé la loi n°21 permettant de remplacer en partie la loi de 2009 sur le système de parrainage, permettant à un travailleur de faire appel de la décision du « parrain » lui refusant de sortir du territoire.

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Cette loi devrait être mise en place d'ici fin 2016.

Néanmoins, il est parfaitement légitime de douter de l'efficacité de cette nouvelle loi tant les moyens de contrôle sont opaques.

Le second responsable et non des moindres, est la Fédération Internationale Football Association (la FIFA) pour son manque d'implication à ce sujet. Premièrement, en acceptant que le Qatar soit le pays organisateur de la Coupe du Monde 2022 et sachant les nombreux travaux que nécessite un tel événement, la FIFA devait se douter que le Qatar utiliserait de la main d'oeuvre bon marché et immigrée et qui plus est, que la main d'oeuvre fasse l'objet de surexploitation grave et endémique. Ceci étant, la FIFA n'a pas certainement pris de mesures efficaces visant à protéger les travailleurs.

Amnesty International a tenté à plusieurs reprises de faire part de ce problème aux dirigeants de la haute instance mais en vain. Seule nouveauté de 2015 : la FIFA promet d'entreprendre une procédure de diligence requise en matière des droits humains au Qatar. Sachant que l'attribution au Qatar de l'organisation de la Coupe du Monde s'est faite en 2010, il a donc fallu attendre cinq ans pour que la FIFA amorce enfin une procédure juridique.

Quelles sont les autres solutions que nous pouvons envisager ?

Comment nous venons de le voir, le gouvernement du Qatar est largement responsable des agissements des sociétés qui emploient ces immigrés. S'attaquer aux entreprises ne dissuadera sûrement pas ces dernières d'agir comme elles le font. En revanche, s'attaquer à l'échelle nationale aurait des répercussions bien meilleures. Les nombreux contrats commerciaux sont engagés entre le Qatar et l'Europe. Menacer le pays par le moyen d'un embargo commercial serait judicieux et efficace pour que le Qatar puisse régler ces problèmes.

Deuxièmement, il semble nécessaire que le Qatar adopte des lois en adéquation avec les intérêts des immigrés. Tout d'abord, le gouvernement doit entreprendre des démarches pour supprimer le système Kafala, donnant donc le droit aux immigrés de circuler librement. D'après le quotidien la Tribune95, le ministre du travail qatari, Abdallah Saleh Moubarak al-

95 JANOVIC PIERRE, « Le Qatar veut conserver la Kafala pour les travailleurs immigrés », La Tribune, 2015

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Khlifi, proposait une solution en ce sens mais le 23 juin dernier, le président du principal conseil consultatif de l'émirat avait indiqué que les démarches n'étaient pas d'actualité. C'est donc la raison pour laquelle la FIFA doit imposer sa force de persuasion, quitte à renoncer finalement à l'attribution de la compétition au Qatar.

Il est primordial que les travailleurs immigrés soient rémunérés à la hauteur de leurs efforts. Pour ce faire, le Qatar doit mettre en place un système de paiement des salaires efficace, pour éviter tout retard de paiement voire de non-paiement.

Enfin, il est aussi primordial de mettre en place un système de traçabilité des migrants. Comme le soutient le journal Libération96, le pays est composé de 1,5 millions d'immigrés pour une population totale de 1,9 millions d'habitants. Pour ce faire, il serait judicieux de mettre en place directement sur le territoire qatari, un organisme dédié aux immigrés via une collaboration entre la FIFA et le gouvernement,.

Cette institut permettra d'aider et de rapporter directement à la FIFA toutes les entreprises qui agiraient à l'encontre des principes des droits de l'homme.

Nous venons donc de voir en quoi ce sport est sujet à de nombreuses dérives en dehors des terrains de football. La traite d'être humain est une réalité dont le football a bien du mal à se défaire. Pour autant, les solutions que nous venons de proposer permettraient sans doute de réduire ces pratiques qui sont le cancer du football mondial.

Néanmoins, une seconde pratique peut faire l'objet d'une analyse plus approfondie. Il s'agit des trucages des matchs de football. Véritable fléaux du football moderne, les trucages des matchs développe une réelle économie souterraine et un enjeu qu'il faut à tout prix stopper.

96 MOUILLARD SYLVAIN, « Au Qatar, ces travailleurs étrangers sous le joug des patrons », Liberation, aout 2013

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon