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Les stratégies politico-économiques du football professionnel dépassent-elles celles des terrains ?

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par Victor PORCHER
Université Pantheon Assas Paris II - Master 2 Commerce et Management International 2016
  

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Partie II - Joueurs et clubs : le rapport employeur-employé proche du schéma d'entreprise.

2.1 Les rémunérations salariales.

Dans notre précédente analyse, nous avons émis l'hypothèse que l'expansion du football moderne et des droits de retransmission TV, poussent ce sport à évoluer et à adopter de nouvelles stratégies efficaces pour élever ses ressources financières et pérenniser, dans une certaine mesure, l'entreprise.

Le football amateur semble bel et bien révolu. De même, il s'est incontestablement développé dans une optique de business où seul le gain financier est gage de durabilité.

Le passage du football amateur au football professionnel amène de nouveaux enjeux. Les clubs sont aujourd'hui confrontés aux dépenses liées au marché des joueurs. Comme pour une entreprise classique, les clubs font face au même dilemme : « Combien cela me coûte et combien cela me rapporte ? ». Les stratégies managériales des clubs sont plus ou moins similaires : l'enjeu premier est d'attirer les plus grands talents, de les faire grandir et de les

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conserver le plus longtemps possible. Depuis l'abaissement des frontières, les clubs ont la possibilité d'attirer des joueurs du monde entier. Comme dans un schéma classique d'offre et de demande, il existe sur le marché du football beaucoup de joueurs mais peu de grands talents. Attirer ses potentiels demande des ressources financières considérables.

Comme le souligne les travaux empiriques de la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG), l'essentiel des charges des clubs de Ligue 1 sont les rémunérations du personnel (47%), les frais généraux (19%), les charges sociales (15%). Il est alors facile de constater que les salaires des employés (joueurs) est le poste de dépense le plus important pour un club de football.

Certains salaires exorbitants, à l'image de celui du grandiose Lionel Messi, du sulfureux Cristiano Ronaldo ou de la nouvelle pépite brésilienne Neymar, font souvent l'objet de débats voire d'une incompréhension globale de la part de l'opinion public.

Quelles sont les raisons qui expliqueraient des salaires aussi élevés ?

Deux études menées succinctement par les économistes Bourg et Gouget en 2001 puis par Poli en 2006 permettent de répondre à cette question.

Dans la première étude, J-F Bourg et J-J Gouget39 mettent en lumière deux catégories distinctes de joueurs :

- Les joueurs d'excellent niveau : très rare, capable de faire gagner des titres aux clubs.

- Les joueurs de niveau moyen : très abondant, dont le niveau est irrégulier avec une efficacité moindre.

Contrairement aux joueurs de niveaux plus faibles, les joueurs les plus talentueux ne souffrent pas de chômage puisqu'ils sont constamment convoités par les plus grands clubs.

La concurrence étant de plus en plus rude, seuls les clubs les plus fortunés peuvent se permettre d'acheter les meilleurs joueurs avec des salaires très élevés. Cette situation fait figure de quasi-monopole pour ces clubs.

39 BOURG J-F et GOUGET J-J (2007), Economie politique du sport professionnel : l'éthique à l'épreuve du marché, Vuibert, Paris.

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La seconde analyse de Poli40 réalisé en 2010, met en avant le constat suivant : 85 des 100 plus grosses déclarations de revenus en Italie pour l'année 2000 provenaient de joueurs de football professionnel.

Une autre raison permettant de comprendre pourquoi les salaires peuvent grimper très rapidement provient des recherches de S. Rosen en 1981. Selon lui, les différences de salaires entre les plus faibles et les plus élevés s'expliquent par la « non-substituabilité des joueurs de grands talents »41. Cette théorie sera par la suite validée par Lucifora et Simmons42 en 2003, qui ajoutent l'idée que le développement des moyens de communication a engendré une explosion des salaires, notamment par des jeux de spéculation. Les salaires de certaines « légende du football professionnel » sont même encore plus élevés grâce aux contrats publicitaires et autres activités extra-sportives.

D'ailleurs, les statistiques réalisées par l'institut National de la Statistique et des Etudes Economique (INSEE) en 2010 vont en ce sens. L'organisme a démontré que les sportifs de haut niveau disposaient des salaires bruts supérieurs en moyenne à ceux des grands dirigeants d'entreprises ou des cadres de la finance. Depuis peu, les salaires moyens versés par les grands clubs ont même devancés ceux versés par les franchises nord-américaines de la NBA (National Basketball Association) et de la MLB (Major League Baseball).

Alors que les salaires sont très élevés dans le football professionnel, conclure uniquement que les salaires des footballeurs seraient homogènes est une fausse idée. Au contraire, c'est dans ce secteur que l'on observe le plus d'inégalités.

Chaque année, l'Union Nationale des Footballeurs Professionnels (UNFP) publie à la fin de la saison les joueurs libres, pouvant signer dans un autre club. En retenant les 40 clubs que composent la Ligue 1 et la Ligue 2, prenant en compte environ 25 joueurs professionnels sous contrat, le taux de chômage s'élève aux environs de 20% ce qui est excessivement élevé et bien supérieur à la moyenne nationale française. Les masses salariales sont donc réparties de manières très inégalitaires et se concentrent seulement sur quelques joueurs très bien payés.

40 POLI R. (2010), Marché de footballeurs, réseaux et circuits dans l'économie globale, Peter Lang, Berne.

41 ROSEN S. (1981) The economics of superstars, American Economic Review, vol. 71, n°5, p. 845-858.

42 LUCIFORA C. ET SIMMONS R. (2003) Superstar effects in sport: evidence from Italian soccer, Journal of Sports Economics, vol 4, n°1, p. 35-55.

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D'après l'article paru dans le « Nouvel observateur »43 en 2013, un joueur de Ligue 1 gagnait en moyenne 47 000 euros bruts par mois sans compter les primes additionnelles. Pour La Ligue 2, la moyenne était estimée à 10 500 euros. L'écart entre les deux championnats est important ce qui nous conforte dans l'idée que seuls les meilleurs championnats sont ceux qui reversent les salaires les plus importants.

La revue met également en avant un second facteur déterminant : la carrière d'un joueur est relativement courte. D'après les études de John Goddard et John Wilson44, « environ 20% des joueurs présents une année donnée dans un des 92 clubs professionnels n'y jouent plus l'année suivante et environ 20% d'entre eux n'y jouaient pas l'année précédente ».

En tenant compte de ses résultats, on constate par exemple qu'un joueur sur cinq est remplacé dans le championnat anglais d'une saison à l'autre.

Enfin, il est important de retenir que les salaires des joueurs ne sont pas si élevés que ce que l'on pourrait croire. En effet, le marché des « stars » ne concerne finalement que très peu de joueurs (entre 5 et 10%) avec des salaires faramineux et une stabilité de l'emploi.

A contrario, le marché secondaire, comprenant les joueurs dont les qualités sportives sont moindres, concentre en réalité la majorité des footballeurs. Ces derniers ont des revenus beaucoup plus faibles. Leurs mobilités sont dites « subies » c'est à dire que le joueur signe dans un club qui l'accepte. Il n'y a donc pas réellement le choix du coeur de la part du joueur. Bien entendu, ceci est synonyme de fragilité de l'emploi.

En tout état de cause, seul les salaires des plus grands talents ont décollé ces dernières décennies, donnant l'impression d'une augmentation salariale globale de tous les sportifs de ce secteur. Or, nous venons de démontrer le contraire.

Il semble pertinent de s'attarder sur le tableau de la page suivante, représentant les parts des revenus en fonction des différents championnats européens.

43 «Messi, Ronaldo, Ibra...le salaire des stars du football augmente? Les inégalités aussi» le Nouvel Observateur, 13/04/2016

44 Goddard J. et Wilson J. (2004), Free agency and employment transitions in professional football, mimeo, in Frick B., Pietzner G. et Prinz J. (2007)

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Une fois n'est pas coutume, la Premier League anglaise est le championnat où les salaires sont les plus élevés. En moyenne 2,850 millions d'euros. Ce montant est plus élevé de 56% du salaire moyen en Bundesliga (championnat allemand), situé 2e du classement avec 1,822 millions d'euros. Bien entendu, ce résultat - aussi élevé soit-il - s'explique en majeure partie par les recettes générées par ces deux championnats, essentiellement dues aux droits de retransmission (cf. Chapitre I partie III).

En revanche, le classement du championnat espagnol est une surprise. Le salaire moyen étant de 1,5 millions d'euros.

Ceci peut trouver son explication par le fait que la Liga espagnole concentre beaucoup de disparités financières. Malgré les deux grosses écuries (FC Barcelone et Real de Madrid), le reste du championnat est en dessous des autres compétitions telles que notre championnat national, la Ligue 1. De plus, nous avons vu précédemment que les droits de retransmission TV espagnols étaient vendus individuellement par les clubs. De ce fait, le Real de Madrid et le FC Barcelone concentrent 50% des recettes TV, laissant le reste aux dix-huit autres clubs de la Liga BBVA.

En tout état de cause, les clubs les plus riches n'hésitent pas à aligner les zéros sur les chèques pour attirer les plus grandes stars. Mais qu'en est-il du retour sur investissement ? Les clubs qui achètent les joueurs les plus chers sont-ils assurés de meilleures performances sportives ?

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Il est évident que pour gagner des titres, chaque club doit miser sur des talents qui feront la différence et qui seront un réel atout pour l'équipe. Dans l'hypothèse que chaque club possède chacun des joueurs de talents similaires, alors nous serions dans une situation d'équilibre compétitif maximal, ce qui signifierait que chacune des équipes auraient sensiblement les mêmes chances de gagner le championnat.

Or, nous nous trouvons plutôt dans une situation de « jeu sur le marché du talent »45 c'est à dire que chaque équipe doit prendre en considération une contrainte budgétaire tout en cherchant à acquérir la perle rare pour constituer un groupe homogène supérieur aux autres équipes.

Cependant, Kuypers et Szymanski démontrent en 1999 qu'il existe une corrélation étroite entre la masse salariale des clubs anglais et leurs positions en championnat. En effet, plus les salaires sont élevés, plus la probabilité d'un meilleur classement pour l'équipe en question est forte. Cela valide donc la théorie « d'efficience des salaires » qui implique que la productivité collective des joueurs va de surcroît avec les salaires qui leurs sont versés.

Méthodologie Kuypers et Szymanski (1999) : corrélation masse salariale et résultat sportif.

Le graphique ci-joint est tiré de la Ligue de Football Professionnelle (LFP). Dans un premier temps, l'intérêt de cette étude est d'analyser l'étroitesse de la corrélation entre salaire et résultat sportif, puis dans un second temps comprendre si cela justifie tous ces investissements colossaux.

Graphique corrélation entre masse salariale et résultat sportif.

45 CAVAGNAC M. ET GOUGUET J-J (2008) Droits de retransmission, équilibre compétitif et profits des clubs, revue d'économie politique, n°118, p. 229-253.

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- L'axe des ordonnées représente le classement en fin de saison de chaque club.

- L'axe des abscisses représente le rapport logarithmique entre la moyenne des salaires du club sur les moyennes des salaires de tous les clubs du championnat.

D'après le graphique, la relation (salaires - résultats sportifs) est clairement identifiable. Les clubs qui dépensent le plus en salaire sont souvent ceux en tête du championnat. Deux hypothèses peuvent être retenues :

1. Le club détient des ressources financières considérables : le budget permet au club d'investir dans de nouveaux joueurs talentueux, ce qui lui donne de la crédibilité supplémentaire pour gagner des titres européens. L'exemple du rachat du Paris-Saint-Germain par le Qatar est le symbole de la nouvelle offensive stratégique du pays (cf. chapitre II partie I).

2. Le club n'est pas forcément le plus riche mais réalise des bons résultats sportifs ce qui lui permet d'améliorer ses recettes annuelles. Ainsi, il sera possible pour le club d'acheter des joueurs de qualité afin d'aspirer encore à de meilleures résultats la saison suivante.

En définitive, être un club riche est un avantage pour gagner des titres. Le football moderne se développe sous une forte concurrence où les meilleurs joueurs rejoignent les clubs qui peuvent assumer des salaires aussi élevés. Néanmoins, il serait imprudent de conclure que seules les grandes écuries peuvent gagner. L'exemple du Leicester City Football Club est sans conteste le contre-exemple parfait, prouvant que l'argent ne fait pas tout. Il y a près de 7 ans, le club jouait en troisième division anglaise, la League One. Avec des résultats impressionnants, le club remonte en 2014 en premier League (1ère division anglaise) et évite de peu cette même année la relégation en division inférieure. La plupart de l'effectif étant inconnu du monde du ballon rond, le club créé la surprise lors de la saison 2015/2016 en terminant premier du classement, devant les plus grandes équipes anglaises, possédant des joueurs de renommée internationale.

Comment peut-on expliquer ce fait exceptionnel ? Premièrement, par la détermination. L'argent permet d'acheter les meilleurs joueurs au monde mais n'achète pas la motivation de ces derniers. Deuxièmement, l'esprit d'équipe et la cohésion d'un groupe, sont les maitres

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mots qui dictent ce sport. Enfin, le succès de ce club comprenant une population totale de 330 000 habitants, trouve sa source dans sa capacité à trouver des talents avant même qu'ils ne soient révélés au grand public. Le club à misé sur des joueurs comme le franco-algérien Riyad Mahrez, l'anglais Jamie Vardy (évoluant en 8ème division il y a 7 ans..) ou encore le français N'golo Kante, tous inconnus de la planète football et aujourd'hui convoités par les plus grands clubs internationaux. La revente de ces joueurs sera une plus-value certaine pour le club.

Ceci nous amène à la conclusion suivante : l'efficience salariale n'est pas parfaite. En observant le graphique précédent, certains points s'écartent de la relation linéaire entre le classement dans le championnat et les salaires des joueurs.

Cela correspond aux cas suivant : les résultats au football sont parfois imprévus par rapport aux moyens financiers. Certains font mieux (cas du Leicester City Club Football : 1er du classement de Premier League - saison 2015/2016), d'autres font moins bien que ce qui était prévu. Les raisons pouvant expliquer ces écarts sont souvent liés à des erreurs de recrutements, de politiques salariales inadaptées, de mauvaises ententes entre les joueurs, ou simplement un problème de gouvernance du club...

Le critère financier n'est pas donc la seule stratégie permettant aux clubs de football de réussir. Certains jouent même la carte purement sportive, laissant de côté l'argent. Quelle est donc la meilleure stratégie pour un club ? Surpayer un joueur ? Parier sur le prochain talent d'un joueur ? Spéculer sur la valeur de ces derniers ? Autant de question qui suggère une étude plus approfondie. C'est donc l'objet de notre seconde sous-partie qui vise à analyser les différentes stratégies opérées par les clubs sur le marché des transferts.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand