WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Singularité des NTIC en Afrique noire : une illustration à  travers le téléphone portable dans la ville de Lomé (Togo).

( Télécharger le fichier original )
par Napo Mouncaïla GNANE
Université de Lomé - DEA 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1.7.1.4-Le modèle de l'acceptation technologique

Ce modèle s'inscrit en faux contre la tendance à considérer l'individu comme un acteur passif sous l'emprise d'un déterminisme technologique comme le soutient le diffusionnisme ou sous l'emprise des déterminants psychosociaux. Pour eux, l'individu opère des choix et adopte des comportements sur la base d'un calcul rationnel en termes d'investissement et de gain.

Pour les tenants de ce modèle d'analyse, l'adoption d'une technologie ne passe pas par sa mise à disposition, il faut en réalité que les destinataires soient rassurés que cette technologie répondra à leurs besoins et qu'ils aient les moyens de l'adopter.

Appliquant le modèle de l'acceptation technologique (TAM) à l'adoption et à l'usage des TIC, Davis (Davis et al, 1989) se base sur deux croyances ; l'utilité perçue et la facilité d'utilisation perçue. Ces deux croyances expliquent les comportements d'adoption des TIC par les individus. L'adoption d'une technologie par un individu ou un groupe social est donc favorisée par l'aspect utilitaire de la technologie perçue. Si l'utilisation de cette technologie répond à leurs besoins, ils sont disposés à l'adopter.

En nous replaçant dans le contexte de l'Afrique, nous pouvons constater que l'expérience africaine de la téléphonie mobile montre que plusieurs facteurs ont concouru et concourent toujours largement à son développement. Il s'agit du caractère utilitariste du téléphone mobile, du caractère hyper relationnel du tissu social africain et de la stratégie des opérateurs économiques.

Dans un premier temps, cette innovation dans les usages est l'expression d'un rapport foncièrement utilitariste que les populations africaines entretiennent à l'égard du téléphone portable et des NTIC en général. Ce rapport utilitariste découle des caractéristiques même de leur environnement politique et économique (Do-Nascimento, op.cit). En effet, il apparaît qu'en Afrique les desseins d'appropriation des NTIC répondent à des desseins caractéristiques de sociétés marquées par la pénurie. Ces desseins sont : d'une part, la recherche de palliatifs aux carences de l'environnement politique et économique ; d'autre part, la quête permanente d'opportunités au sein d'un espace social de développement inégal. Dans un tel contexte socio-économique, l'adoption des NTIC répond à un besoin spécifique. Celui d'accéder à des ressources qui amplifient la marge de manoeuvre des acteurs sociaux à l'endroit d'un environnement politique et économique caractérisé par la pénurie. Pénurie des infrastructures, des prestations d'intérêt général, des libertés publiques, des emplois, des soins et des aliments etc.

Les usages du téléphone portable en Afrique confirment cette analyse de Do-Nascimento (idem). Ainsi, le téléphone portable en Afrique, comme tous les NTIC en général, apporte une réponse moderne, c'est-à-dire efficiente, à une problématique d'origine et d'expression locale. En l'espèce, la recherche de moyens qui affranchissent des pesanteurs d'un contexte politique et économique caractérisé par la pénurie. Par cette fonction, le téléphone portable comme vecteur de la communication, présente en Afrique une utilité sociale qui lui affecte une valeur d'usage sans commune mesure. Cette valeur d'usage l'élève à la qualité d'un bien d'intérêt public ; en ce sens que sa diffusion permet à une majorité de citoyens en Afrique non seulement de jouir enfin de leur droit citoyen à la communication, mais aussi de s'affranchir de certaines pesanteurs d'un contexte politique et économique caractérisé par la pénurie.

En deuxième lieu, l'adaptation des opérateurs économiques au profil du consommateur africain a largement contribué à la diffusion du téléphone portable en Afrique. La majorité des consommateurs africains appartient au secteur informel. Or, au sein de ce secteur, le consommateur ne réunit pas les instruments de paiement habituels dans les transactions du secteur formel : chéquiers, comptes bancaires, prélèvement automatique etc. Pour ne pas s'aliéner cette fraction majoritaire des consommateurs potentiels, les opérateurs de la téléphonie mobile en Afrique ont adopté et généralisé le système de paiement par la carte prépayée. Selon Blanchard (2004) l'utilisation des cartes prépayées par opposition aux formules avec abonnement mensuel, représentant jusqu'à 90 % des abonnés dans certains pays, permet une meilleure maîtrise des dépenses par l'usager et simplifie grandement pour l'opérateur la gestion de sa base de clients.

Le système des cartes à prépaiement est intéressant dans des pays où les revenus sont faibles et où l'on préfère généralement tout régler d'avance. Pour les opérateurs, les services à prépaiement réduisent le risque du crédit, et pour les consommateurs qui parfois ne réunissent pas les conditions requises pour disposer d'un service d'abonnement, le service mobile devient accessible. En effet, un nombre croissant de réseaux mobiles africains sont uniquement à prépaiement, tandis qu'à l'échelle du continent, quatre abonnés sur cinq utilisent des services à prépaiement, soit près du double de la moyenne mondiale (UIT, 2001).

Notons en dernière position que le ressort interne du développement de la téléphonie mobile en Afrique réside dans le caractère hyper relationnel des sociétés africaines. Celles-ci présentent en effet une disposition contingente à un usage intensif du téléphone en raison d'un tissu social hyper relationnel. L'individu en Afrique (il faut le noter) est inséré dans un tissu relationnel extrêmement dense. Ce tissu est constitué par deux réseaux : un réseau familial et un réseau amical. A l'intérieur de ces deux réseaux la communication interindividuelle est particulièrement dense. L'individu en Afrique n'hésite pas à parcourir des kilomètres à pied ou en voiture dans la journée pour prendre des nouvelles ou donner des nouvelles à la parenté et aux amis. Dans un tel contexte, l'arrivée du téléphone portable ne pouvait que constituer une véritable opportunité. Il affranchit de la contrainte kilométrique tout en maintenant l'intensité du lien social, l'intensité du réseau communicationnel. Dans un tel contexte hyper relationnel du tissu social, le téléphone en soi ne pouvait qu'être porteur d'une valeur d'usage sans commune mesure.

Mais en raison des carences du service public des télécommunications en Afrique, jusqu'aux années 1980, la majeure partie des populations africaines s'est retrouvée en marge de cet outil moderne de communication. L'arrivée du téléphone portable ne pouvait donc que bouleverser le tissu communicationnel en Afrique. Elle a permis de satisfaire la demande sociale d'accès au téléphone en palliant les carences des prestations du service public des télécommunications (Do-Nascimento, op.cit).

De ces facteurs vient le succès inattendu du marché du téléphone portable en Afrique. La rapidité de mise en service de cet outil qui répond aux multiples besoins pour l'usager l'a fait immédiatement apparaître aux populations africaines comme un outil dont l'adoption vaut le sacrifice.

Ces exemples tirés du cas spécifique de l'Afrique confirment alors l'importance de tenir compte de la rationalité et du caractère calculateur de l'individu dans l'explication de ses stratégies d'adoption d'une technologie.

Les modèles d'analyses qui s'inscrivent dans cette logique peuvent être classés dans une perspective théorique plus large, qui est, l'individualisme méthodologique et de l'analyse stratégique qui reconnaissent ce caractère calculateur et rationnel de l'homme.

Le modèle de l'acceptation technologique, même s'il prend en compte les aspirations et motivations des individus dans leurs stratégies d'adoption des NTIC, ne peut à elle seule servir de modèle d'explication privilégié de l'adoption des innovations.

Les NTIC, au regard de leur fulgurante vulgarisation à travers tout le continent africain, suscite une importante interrogation, celle de savoir si elles constituent une aubaine pour le développement de ce continent ?

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry