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Hamlet et Freud, de la psychanalyse appliquée à  sa critique philosophique.

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par Layla Dargaud
Paris Ouest Nanterre La Défense - Master 2 Philosophie  2015
  

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c) Théorie sexuelle, désir et refoulement

Ainsi que l'a bien montré Assoun 268, Freud est attentif à suivre la logique du désir dans le concret de sa rigueur . La théorie du refoulement était déjà centrale dans l'épistémologie freudienne des débuts, mais c'est avec la métapsychologie qu'elle devient pierre d'angle sur quoi repose tout l'édifice de la psychanalyse et même la pièce la plus essentielle de celui-ci. 269.

Notons qu'il n'y a pas de pansexualisme chez Freud. Il n'y a pas une sexualité infantile (pré-génitale) qui viendrait se surajouter à et précéder la sexualité adulte car l'enfant devient le père de l'homme . Ce qui justifie l'usage de l'expression sexualité infantile qui a suscitée nombre de résistances, c'est la présence dès l'origine d'une énergie singulière et archaïque, d'un facteur sexué, la Libido.

Entre 1910 et 1917, Hamlet permet à Freud d'illustrer ses hypothèses sur la sexualité infantile et la régression au stade pré-génital. Rappelons que le stade génital est associé à la capacité de contrôle du désir propre à la sexualité adulte dite normale , à un dépassement du complexe d'×dipe. Hamlet est typique de cette fixation de l'analysant 270 à un stade pré-oedipien et de ce sentiment tacite chez l'analyste d'une impossibilité de dissolution de l'×dipe.

Dans les névroses où la fixation est partielle, les instincts ont été refoulés et opèrent par le biais de l'inconscient. Se développe à partir de ce point de fixation une défaillance dans la structure de la fonction sexuelle . Dans ×dipe roi, la barrière de l'inceste est franchie explicitement. De même Hamlet a son origine dans ce complexe d'inceste mais cela est implicite, déguisé. La libido d'Hamlet reste fixée sur les premiers objets d'amour que sont les parents.

267. Thomas Stearns Eliot, Hamlet and his problems (1919).

268. Paul-Laurent Assoun, Les fondements philosophiques de la psychanalyse, Histoire de la psychanalyse, op. cit.

269. Sigmund Freud, Pour une histoire du mouvement psychanalytique (1914).

270. Nous préférons le terme analysant , introduit par Lacan, à ceux de patient ou d' analysé car nous considérons la possibilité pour la personne engagée dans une analyse de devenir progressivement agent de son propre désir à mesure que la cure progresse. Il ne s'agit pas pour l'analyste de dire la vérité de son patient . Au contraire, l'analyste doit demeurer dans une attitude d'écoute passive et bienveillante. Il n'impose rien à l'analysant. Il ne cherche en aucun cas à poser un diagnostic médical sur lui et à le guérir ouvertement de ses symptômes. C'est l'analysant qui trouve lui-même le cheminement vers sa propre guérison et non l'analyste qui lui indique un méthode prête-à-l'emploi et une grille d'usage et de compréhension de ses propres symptômes.

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Dans sa quatrième leçon de psychanalyse (1909-1910) 271, Freud traite en particulier du rôle de la sexualité dans le développement du psychisme de l'enfant et de l'importance du complexe d'×dipe. La démarche psychanalytique de l'étiologie des névroses permet de remonter au facteur sexuel comme une des causes principales de celles-ci. Pourtant, cette cause n'est pas évidente et requiert un travail analytique subtil car le comportement des malades est loin de faciliter les choses. Au lieu de nous fournir volontiers les informations sur leur vie sexuelle, ils cherchent à dissimuler celle-ci par tous les moyens 272. Il est nécessaire de remonter aux premières expériences de l'enfance et de rendre conscients les souvenirs qui lui sont apparentés pour comprendre la maladie actuelle et pouvoir espérer en guérir les symptômes. Ce sont les fantasmes et désirs associés à ces souvenirs infantiles que Freud qualifie pour la plupart de sexuels . On peut ainsi comprendre la névrose d'Hamlet comme résultant d'un trouble du passage de la sexualité infantile à la sexualité dite normale de l'adulte. La question du choix de l'objet tient ici une importance d'envergure. La psychanalyse freudienne a mis en lumière la fixation d'Hamlet au stade préoedipien , pré-génital et ses tendances à la féminité, voire à l'homosexualité. La sexualité infantile se caractérise par une certaine indifférenciation entre les deux sexes. Le choix d'un objet qui soit une personne extra-familiale est censé permettre le passage au stade génital, au terme duquel toute la vie sexuelle se met au service de la reproduction . Le dégoût d'Hamlet pour la fonction reproductrice et sa misogynie apparaissent sous un jour nouveau dès lors que le comportement du héros peut être expliqué comme résultant d'un certain infantilisme général de la vie sexuelle . Freud précise que ce trouble de la fonction sexuelle est loin d'être rare et va de pair avec une certaine disposition aux névroses présente chez nombre de personnes. Dans le cas des névroses, les composantes pulsionnelles, porteuses et formatrices de symptômes (que l'on retrouve également dans les perversions) agissent depuis l'inconscient; elles ont donc subi un refoulement mais ont pu, en dépit de celui-ci, s'affirmer dans l'inconscient. La psychanalyse nous fait discerner qu'une manifestation excessivement forte de ces pulsions au tout début de la vie conduit à une sorte de fixation partielle qui constitue dès lors un point faible dans les structures de la fonction sexuelle. . Freud rappelle que le terme sexualité ne doit pas être employé dans le sens restreint de reproduction sexuée . Il poursuit sa leçon en comparant les manifestations psychiques aux manifestations somatiques de la vie sexuelle dans le cadre d'un développement sur le complexe d'×dipe :

Le choix d'objet primitif de l'enfant, qui dérive de son besoin d'être secouru, sollicite à présent notre intérêt. Ce choix se porte d'abord sur toutes les personnes qui s'occupent de l'enfant, mais qui ne tardent pas à s'effacer derrière les parents. La relation des enfants à leurs parents, comme le montrent de façon concordante l'observation directe de l'enfant et plus tard l'étude analytique de l'adulte, n'est nullement dépourvue d'éléments d'excitation sexuelle annexe. L'enfant prend ses deux parents et l'un d'eux en particulier

271. Sigmund Freud, Cinq conférences sur la psychanalyse (1909-1910, appelé aussi Leçons de psychanalyse), 4ème conférence ( Sur les complexes pathogènes et les désirs refoulés des névrosés ), Écrits philosophiques et littéraires, Opus seuil, p. 866-873.

272. Sigmund Freud, op. cit., p. 867.

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pour objet de ses désirs érotiques. Ce faisant, il suit habituellement lui-même une incitation des parents, dont la tendresse a les caractères les plus nets d'une activité sexuelle, même si celle-ci est bloquée quant à ses buts. Le père préfère en règle général la fille, et la mère le fils; l'enfant réagit à cela en désirant en tant que fils être à la place du père, et en tant que fille à la place de la mère. Les sentiments suscités dans ces relations entre parents et enfants et dans les relations entre frères et soeurs, qui s'appuient sur celles-ci, ne sont pas seulement du genre positif et tendre, mais aussi du genre négatif et hostile. Le complexe ainsi formé est destiné à être bientôt refoulé, mais il exerce encore depuis l'inconscient une action de grande ampleur et durable. Il nous est permis de supposer qu'avec ses ramifications il constitue le complexe nucléaire de toute névrose, et nous ne serons pas surpris de le rencontrer dans d'autres domaines de la vie psychique, où il ne sera pas moins agissant. Le mythe d'×dipe roi tuant son père et prenant sa mère pour femme est une révélation encore peu modifiée du désir infantile contre lequel se dresse plus tard la barrière interdisant l'inceste. Le Hamlet de Shakespeare repose sur la même base du complexe de l'inceste, mieux voilé dans ce cas. [...] Il est inévitable et tout à fait normal que l'enfant fasse de ses parents les objets de son premier choix amoureux. Mais il ne faut pas que sa libido reste fixée sur ces premiers objets, il faut qu'elle les prenne par la suite seulement comme modèle et qu'à l'époque du choix d'objet définitif elle glisse d'eux à des personnes extérieures.» 273.

C'est justement ce que ne parvient pas à faire Hamlet, comme l'illustrent les scènes où il tente en vain d'interagir avec Ophélie (la relation à l'objet semble inévitablement manquée dans ce cas) qui lui est pourtant dévouée.

Freud revient sur l'étiologie psycho-sexuelle de la névrose hamlétienne dans les Leçons d'introduction à la psychanalyse (1916-17) 274 où il montrera que le névrosé reste prisonnier du complexe d'×dipe et ne parvient pas à détacher ses désirs libidinaux de sa mère pour les transférer sur un objet sexuel extérieur et se réconcilier avec son père. Hamlet représente le type même du névrosé. Hamlet est un thème exemplaire du mythe oedipien.

Freud rappelle que ses découvertes sur la sexualité infantile ou pré-génitale (pré-oedipienne) conservent le statut d'hypothèses et n'ont aucune prétention à l'universalité. Plutôt que d'attaquer les prétendus pansexualisme et dogmatisme freudiens, il convient de reconsidérer l'usage que nous faisons du terme sexualité » afin d'en élargir les acceptions, au-delà de la réduction du sexuel à la fonction de reproduction, au génital.

La plupart des événements et tendances psychiques, anté-

rieurs à la période de latence, sont alors frappés d'amnésie infantile, tombent dans cet oubli dont nous avons déjà parlé et qui nous cache

273. ibid.

274. Sigmund Freud, Leçons d'introduction à la psychanalyse (1916), O.C.F. XIV (19151917), PUF, Paris, 2000, Doctrine générale des névroses», Leçon XXI- Développement de la libido et organisations sexuelles », p. 347-350. Voir aussi : autre trad. utilisée de S. Jankélévitch, Introduction à la psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, 1979, p. 300 - 318.

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et nous rend étrangère notre première jeunesse. La tâche de toute psychanalyse consiste à faire revivre le souvenir de cette période oubliée de la vie, et on ne peut s'empêcher de soupçonner que la raison de cet oubli réside dans les débuts de la vie sexuelle qui coïncident avec cette période, que l'oubli est, par conséquent, l'effet du refoulement. 275

Notons au passage que sur l'importance des constructions dans l'analyse, Freud dit dans cet essai la chose suivante :

«C'est seulement grâce à l'étude psychanalytique des névroses qu'on se trouva à même de découvrir des phases encore plus reculées du développement de la libido. Sans doute, ce ne sont là que des constructions, mais l'exercice pratique de la psychanalyse vous montrera que ces constructions sont nécessaires et utiles. 276.

Freud explique le dépassement de l'organisation pré-génitale de la « première période , celle de la prime enfance, et évoque ainsi la nécessité du renoncement aux désirs oedipiens inconscients :

« Le développement ultérieur poursuit [. . .] deux buts : 1? re-noncer à l'auto-érotisme, remplacer l'objet faisant partie du corps même de l'individu par un autre qui lui soit étranger et extérieur; 2? unifier les différents objets des diverses tendances et les remplacer par un seul et unique objet. [. . .] Il ne peut [. . .] être obtenu qu'à la condition qu'un certain nombre de tendances soient éliminées comme inutilisables. 277.

C'est précisément ce processus constitutif du passage à une sexualité dite normale qui n'aboutit pas pour Hamlet. La mère est « le premier objet d'amour de l'enfant, avant le choix d'un objet extérieur. L'amour est défini ici par Freud comme la primauté des « tendances psychiques de l'instinct sexuel sur les « exigences corporelles ou « sensuelles qui passent dès lors au plan inconscient et subissent un refoulement nécessaire. Le complexe d'×dipe apparaît à nouveau comme concept explicatif des névroses et objet des plus grandes résistances à la psychanalyse. C'est alors que Freud évoque la pièce de Sophocle et notamment le passage fameux du rêve de Jocaste :

« Il arrive au cours du dialogue que Jocaste, la mère-épouse aveuglée par l'amour, s'oppose à la poursuite de l'enquête. Elle invoque, pour justifier son opposition, le fait que beaucoup d'hommes ont rêvé qu'ils vivaient avec leur mère, mais que les rêves ne méritent aucune considération. Nous ne méprisons pas les rêves, surtout les rêves typiques, ceux qui arrivent à beaucoup d'hommes, et nous sommes persuadés que le rêve mentionné par Jocaste se rattache intimement au contenu étrange et effrayant de la légende. 278.

Freud reproche à Sophocle de se tirer de l'embarras que susciterait une pièce aussi immorale qu'×dipe roi du point de vue de la responsabilité humaine face aux penchants criminels « en proclamant que la suprême moralité exige l'obéissance à la volonté des dieux, alors même qu'ils ordonnent le crime :

275. Sigmund Freud, op. cit., trad. Samuel Jankélévitch, p. 306.

276. ibid., p. 307.

277. ibid.

278. ibid.

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279. ibid.

Je ne trouve pas que cette morale constitue une des forces de la tragédie, mais elle n'influe en rien sur l'effet de celle-ci. Ce n'est pas à cette morale que l'auditeur réagit, mais au sens et au contenu mystérieux de la légende. Il réagit comme s'il retrouvait en lui-même, par l'auto-analyse, le complexe d'×dipe; comme s'il apercevait, dans la volonté des dieux et dans l'oracle, des travestissements idéalisés de son propre inconscient. [.. .1 Il est tout à fait certain qu'on doit voir dans le complexe d'×dipe une des principales sources de ce sentiment de remords qui tourmente si souvent les névrosés. 279.

Le complexe d'×dipe est de nature spontanée chez l'enfant.

L'inceste avec la mère est l'un des crimes d'×dipe, l'autre est le meurtre du père. Soit dit en passant, ce sont aussi les deux grands crimes que prohibe la première institution socioreligieuse des hommes, le totémisme. De l'observation directe de l'enfant, tournons-nous à présent vers l'investigation analytique de l'adulte devenu névrosé. Qu'apporte l'analyse pour une connaissance plus poussée du complexe d'×dipe? Eh bien, cela peut se dire brièvement. L'analyse le fait voir tel que la légende le raconte; elle montre que chacun de ces névrosés a lui-même été un ×dipe, ou, ce qui revient au même, qu'il est devenu, en réaction au complexe, un Hamlet. Naturellement, la présentation analytique du complexe d'×dipe est un agrandissement et une schématisation de l'esquisse infantile. La haine contre le père, les souhaits de mort à son encontre, ne sont plus indiqués de manière timide, la tendresse pour la mère avoue son but : la posséder en tant que femme. Sommes-nous vraiment en droit de prêter à ces tendres années d'enfance ces motions de sentiment crues et extrêmes, ou bien l'analyse nous trompe-t-elle en y mêlant un nouveau facteur? [.. .1 ce serait un vain effort de vouloir expliquer l'ensemble du complexe d'×dipe par le rétrofantasier et de vouloir le rapporter à des époques ultérieures. Le noyau infantile subsiste [. . .1 Le fait clinique qui se présente à nous derrière la forme, analytiquement établie, du complexe d'×-dipe est donc de la plus haute significativité pratique. [...1 l'individu humain doit se consacrer à la grande tâche de se détacher des parents, et ce n'est qu'après s'en être acquitté qu'il peut cesser d'être un enfant pour devenir un membre de la communauté sociale. La tâche consiste pour le fils à détacher de la mère ses souhaits libidinaux pour les employer au choix d'un objet d'amour réel étranger et à se réconcilier avec le père s'il est resté en rivalité avec lui, ou à se libérer de sa pression si, en réaction à la révolte infantile, il est entré dans un état de soumission à son égard. [. . .1 Les névrosés, eux, ne réussissent absolument pas à s'en acquitter. Le fils reste sa vie durant courbé sous l'autorité du père et il n'est pas en mesure de transférer sa libido sur un objet sexuel étranger. [...1 le complexe d'×dipe passe à juste titre pour être le noyau des névroses. [...1 Otto Rank a montré, dans un livre plein de mérite, que les auteurs

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dramatiques de tous les temps ont emprunté leurs sujets principalement au complexe d'×dipe et d'inceste, à ses variations et formes camouflées. Il ne faut pas non plus oublier de mentionner que les deux souhaits criminels du complexe d'×dipe ont été reconnu bien avant l'époque de la psychanalyse 280 comme les véritables représentants de la vie pulsionnelle non inhibée. [. . .] des placements de la libido et des investissements d'objet infantiles-précoces, abandonnés depuis longtemps pour ce qui est de la vie consciente, qui se révèlent encore présents nuitamment et, en un certain sens, capables d'agir. [.. .] Les névrosés nous montrent seulement, sous une forme agrandie et schématisée, ce que l'analyse du rêve nous révèle aussi chez le bien portant. Et c'est là l'un des motifs pour lesquels nous avons fait précéder l'étude des symptômes névrotiques de celle des rêves.» 281.

On comprend ainsi l'impossibilité pour Hamlet de devenir un adulte membre de la communauté sociale : comportement puéril et indigne d'un prince; expatriation, désintérêt pour le trône dans son sens politique, ce qui compte étant pour Hamlet la place du roi (que ce soit Hamlet père ou Claudius) dans le coeur de la mère; refus d'assumer son statut de prince du Danemark.

Contrairement aux apparences, l'Hamlet de Freud n'est pas qu'une variation ou une variante à partir du complexe d'×dipe. C'est au contraire Freud qui fait des variations et des variantes à partir d'Hamlet, comme Jacques Lacan et Hen-

riette Michaud l'ont suggéré.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle