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Hamlet et Freud, de la psychanalyse appliquée à  sa critique philosophique.

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par Layla Dargaud
Paris Ouest Nanterre La Défense - Master 2 Philosophie  2015
  

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2) Quelle plus-value de sens la psychanalyse apporte-t-elle par rapport à ce qui est déjà contenu dans les intuitions fulgurantes du poète?

Si l'écrivain connaît (intuitivement) par avance ce que la psychanalyse peine à découvrir, qu'est-ce que le psychanalyste pourrait dire de plus sur Hamlet que ce que l'auteur nous en dévoile?

On a pu suspecter la psychanalyse appliquée à la littérature de rapprocher à tel point psychanalyse et littérature que leurs objets respectifs venaient à être confondus. Or, Freud refuse catégoriquement une telle confusion entre psycha-

nalyse et littérature ???.

Hamlet, sphinge de la littérature, sphinge de la psychanalyse. Hamlet est celui qui pose une énigme à ×dipe, celui qui vient interroger le fondement même de toute la psychanalyse et par qui l'analyste, confronté à luH, se mue en analysant-analysé.

Freud essaie-t-il de réparer les dégâts causés par la blessure narcissique que la psychanalyse a infligé au moi, en flattant son lecteur,

en en faisant un noble prince?

L'hypothèse analogique ou métaphorique : Ne serait-ce pas comme... Pour Freud, l'énigme, le sphinx, c'est l'hystérie, c'est la névrose. Hamlet, qui dès le début de la pièce parle en énigmes (énigmes intentionnelles, doubles et triples sens, d'abord déchiffrables, puis indéchiffrables par leur accumulation même), s'offre, comme en première ligne, à toutes les tentatives d'interprétation qui visent à travers lui la névrose dont il est l'emblème. Il est, après Freud lui-même, le second sujet d'expérimentation. Expérimentation qui, au lieu de s'effectuer in anima vili, s'applique in anima

358. Paul-Laurent Assoun, Littérature et psychanalyse, op. cit.

359. Ceci est rappelé par Jean-Bertrand Pontalis et Edmundo Gomez Mango, op. cit.

360. Jean Starbinski, op. cit., p. XXXIII- XXXIV.

361. Sigmund Freud, Psychologie collective et analyse du moi, Payt, Paris, 1962, chap. 12.

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nbili. Il en restera quelque chose dans la psychanalyse, chaque névrosé devenant un prince de Danemark, ce qui est parfois trop d'honneur. 360.

Hamlet apparaît en effet, nous y reviendrons, comme un sujet d'expérimentation sur un pied d'égalité avec Freud lui-même, bien plus, nous l'avons vu, que

comme un objet d'interprétation.

La concentration sur le mythe créé autour du héros Hamlet est une manière de se délester d'une culpabilité universelle. Hamlet, portant tout le poids de la culpabilité des hommes face au désir du parricide et de l'inceste, permet par là même aux hommes de continuer à vivre dans le mensonge originaire. D'autre part, l'histoire d'Hamlet étant héroïsée, il est loisible pour le lecteur-spectateur de faire comme s'il ne se doutait de rien, et peut-être est-ce réellement le cas, du moins consciemment.

La création d'Hamlet est la façon qu'a trouvé Shakespeare d' infléchir la réalité dans le sens de son désir 361 . Le poète agit par le vecteur que représentent les mots de l'oeuvre. Pour lui dire, c'est faire , pourrait-on parodier. C'est en ce sens que la fiction permet paradoxalement un retour dans la réalité. Le passage du mythe littéraire au dogme scientifique peut s'expliquer de la sorte. Ce qui est caché dans l'oeuvre ( son mystère, son secret) est énoncé sans détour par la psychanalyse. Ainsi la psychanalyse construit un mythe scientifique . L'oeuvre littéraire offre une méthode au sens étymologique de voix et de cheminement, un préliminaire, un prolégomène, une propédeutique à la psychanalyse. La littérature a déjà pré-écrit le discours psychanalytique. Ceci n'est pas contradictoire avec l'idée que Freud procède avec Hamlet comme s'il faisait une réécriture d'un thème déjà écrit. Hamlet peut être conçu comme un échantillon de pré-écriture psychanalytique de même que la lecture psychanalytique que fait Freud d'Hamlet peut être conçue comme une réécriture psychanalytique du texte shakespearien (lui-même étant une réécriture de la légende nordique, pris dans un processus de mise en abyme vertigineux).

Penser en psychanalyste c'est se ressouvenir de ce qui était déjà inconsciemment présent dans le discours des poètes. La différence entre la psychanalyse et la littérature réside dans la méthode employée pour traiter un même objet depuis les mêmes sources. C'est tout le problème que pose d'emblée Freud lorsqu'il aborde pour la première fois le lien entre Hamlet et ×dipe. La psychanalyse cherche des lois qui régissent l'activité inconsciente et le traitement susceptible de réprimer le symptôme pathologique lié au refoulement. L'écrivain met en acte, c'est-à-dire en mots, cet inconscient, il l'exprime, à son insu peut-être, dans ses oeuvre et ne tâche ni d'étouffer les désirs insus qui sourdent de l'écriture même, ni de résoudre les conflits inconscients qui sous-tendent cette même oeuvre (car ces paramètres sont justement ce qui rend possible l'oeuvre en tant

que telle).

Même si l'analyse, faite par les écrivains dans leurs oeuvres, puise dans les mêmes matériaux inconscients bruts, le psychanalyste a tout à gagner à repartir à nouveau du remodelage opéré par l'écrivain à partir de ce matériau brut comme s'il s'agissait d'un nouveau matériau ayant subi un travail d'élaboration

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secondaire, comme dans le rêve, et devenu par là même d'autant plus enrichissant pour le psychanalyste. L'apport de l'écrivain est si hautement estimable pour Freud qu'il ne semble pouvoir s'en passer et qu'il n'hésite pas à recourir à des citations de ces auteurs de prédilection, comme si ces derniers lui avaient mis à disposition leurs fulgurances afin de lui épargner des tâtonnements supplémentaires sur le chemin de la découverte des processus à l'oeuvre dans la psyché humaine. Il est évident que Freud se sent membre d'une communauté des esprits similaire à celle que dépeignait Sénèque. La psychanalyse trouverait une source fiable dans la parole des poètes qui, s'ils font une oeuvre fictive, inventée et donc mensongère par définition, ne le font pas moins de manière bien plus vraie que n'importe quel élément accessible à l'expérience clinique.

La clinique de la littérature la clinique d'Hamlet semble bien plus intéresser Freud qui se plaignait volontiers de son expérience de ce qu'il considérait comme un fardeau inévitable, à savoir la clinique thérapeutique des patients réel. La clinique littéraire est d'ailleurs davantage estimée pour ses résultats que la clinique thérapeutique, du moins celle exercée en institution, Freud considérant que son travail en cabinet était bien plus enrichissant, même si les apports critiques semblent parfois moins fulgurants et plus laborieux que ceux acquis par le biais de la clinique littéraire. Les lois de l'inconscient traverse l'oeuvre littéraire comme elles régissent le psychisme humain. L'analyse de l'oeuvre littéraire permet un gain certain par rapport à l'observation scientifique aux yeux de Freud. Les figures, les caractères et les motifs présents dans l'oeuvre fonctionnent de fait comme des vignettes cliniques [. . .] justement parce que le symptôme inconscient contient une tragédie de caractère en puissance! 362.

Hamlet, la psychanalyse et l'anamnèse. Nous pouvons mettre en parallèle trois formes de discours dans Hamlet, qui ont sûrement beaucoup inspirés Freud dans sa propre conception des mécanismes du ressouvenir des éléments du passé, durant la cure analytique.

En premier lieu, nous avons le discours d'Hamlet à Ophélie, qui est une injonction à se souvenir de tous ses péchés, comme nous l'avons vu :

Nymph, in thy orisons,

Be all my sins rememb'red. 363

Ensuite, nous avons le discours du Spectre, ce même discours qui pèse sur le personnage d'Hamlet durant toute la durée de l'action :

Remember me 364.

Enfin, nous avons le discours d'Ophélie qui propose des fleurs incitant à se souvenir :

362. Paul-Laurent Assun, Littérature et psychanalyse, op. cit., p.210.

363.

William Shakespeare, Hamlet, III, 1, 88-89.

364.

William Shakespeare, Hamlet, I, 5, 91.

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There's rosemary, that's for remembrance 365.

Toutes ces formes du discours shakespeariens sont une exhortation à l'effort de remémoration, de ressouvenir, des incitations à l'anamnèse. De même, le psychanalyse permet au patient de se remémorer ce qui était enfoui.

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